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LE BLÉ

 

Le blé a d'abord été récolté à l'état sauvage puis cultivé depuis le néolithique dans le « croissant fertile » (actuels Liban, Syrie, Sud de la Turquie) où subsistent à ce jour des blés sauvages.


Le blé civilisateur : où ? quand ? comment ?

C'est donc par le blé qu'a commencé la "culture", le mot étant pris dans toutes ses acceptations : agricole et sociale. C'est par cette céréale que l'homme qui avait été nomade, cueilleur et chasseur pendant des centaines de millénaires, s'est fixé et a créé un mode de vie complètement nouveau. Tournant décisif de la civilisation, pour la première fois, l'espèce humaine a agit sur la nature et l'environnement de façon à améliorer sa subsistance et en régulariser la production à son profit.
Evènement considérable dont nous sommes toujours tributaires. A ce moment nous sommes passés du paléolithique (paléo = ancien) à une ère nouvelle : le néolithique (néo = nouveau). Cette transition a demandé des innovations à la fois de techniques, de modes de pensée et de concepts sociaux. Des symboles différents de ceux utilisés jusque là sont apparus. L'ensemble de ces transformations pratiques et mentales ont été telles qu'on qualifie ce passage de "révolution néolithique".


Le blé sauvage et la saga du "croissant fertile
Cette étape majeure est connue par plusieurs faisceaux de données et de documents. L'archéologie, en premier lieu, par le décapage et l'analyse fine des restes fossiles des premiers villages a permis de connaître les phases de transformation des sociétés agraires et de dater les étapes avec précision, en particulier grâce aux méthodes utilisant le carbone 14. La botanique et la génétique permettent, d'autre part, l'examen des nombreux changements qui mènent du blé sauvage au froment produisant la farine panifiable actuelle. Enfin, des cultures expérimentales de blé sauvage ont indiqué comment, à quelle vitesse et avec quel rendement ont pu se faire les récoltes préhistoriques avec les moyens de défrichement et les outils existant alors. L'ensemble des données disponibles indique que ce moment essentiel est intervenu au Moyen-Orient. La zone nucléaire constitue ce qu'on appelle le "Noyau Levantin" : les principales découvertes décisives ont été faites dans la région qui va de la vallée du Jourdain à l'Euphrate et qui forme un large arc de cercle ou "Croissant Fertile". On y trouve des steppes herbacées où poussent encore des blés sauvages ainsi que les traces des transformations de la plante et des premières sociétés préagraires puis agraires. A partir de cette zone initiale, les innovations de nos lointains ancêtres ont diffusé vers l'Occident.


Les espèces archaïques de blé qu'on trouve encore dans ces régions, dispersées parmi d'autres plantes herbacées, sont bien différentes du froment cultivé actuellement. La première différence porte sur le mode de dispersion des graines. Les blés sauvages se reproduisent spontanément alors que le blé domestique ne peut le faire sans l'aide de l'homme. La raison se situe au niveau du rachis (ou axe) de l'épi. Initialement, dans des formes spontanées, il était fragile et se fragmentait en dispersant les semences. Les longues barbes qui les entouraient se déformaient en fonction de l'humidité du sol et finissaient par enterrer spontanément les grains, qui ensuite pouvaient germer dans le sol. Si l'avantage de cette fragmentation du rachis est évidente pour l'ensemencement naturel, cela constitue un gros inconvénient en pratique agricole : les épis mûrs se dispersent et sont impossibles à moissonner. Les grains furent donc vraisemblablement cueillis grain par grain ; les épis les plus solides ont du être favorisés par ce mode de récolte et peu à peu naturellement sélectionnés. On obtint progressivement des variétés à "rachis solide" résistant mieux au moissonnage.


Autre difficulté pour la collecte des espèces primitives : elles avaient des grains "vêtus" c'est-à-dire avec des enveloppes membraneuses qui ne peuvent être détachées par vannage et battage, de plus ces grains étaient petits, pauvres en réserves et surtout dépourvus de gluten : la farine n'était donc pas panifiable.
Il faudra donc une longue sélection du patrimoine génétique pour obtenir des blés moissonables, d'une part, et producteurs d'une farine capable de donner du pain grâce, d'autre part, à l'évolution remarquable du blé depuis les plantes sauvages. Elle demande un minimum d'explication scientifique car elle sous-tend son importance pratique et symbolique. La plupart des êtres vivants ont une reproduction croisée. Pour les animaux, elle est obligatoire puisque les sexes sont séparés et qu'elle implique la rencontre d'individus mâles et femelles. Elle a pour conséquence un brassage génétique, chaque individu recevant un équipement héréditaire maternel et un équipement paternel. Pour les végétaux, les deux sexes sont en général réunis dans la même fleur : le système est hermaphrodite. Il peut y avoir autofécondation mais le plus souvent un certain nombre de filtrages évite la fécondation d'un individu par son propre pollen. Celui-ci est transporté - par le vent, les insectes, les oiseaux - sur la fleur d'un autre individu. Il y a donc également comme chez les animaux fécondation croisée et brassage génétique, c'est-à-dire renouvellement à chaque génération avec apport maternel et paternel. Le blé est différent et assez exceptionnel dans le monde végétal : la fécondation a lieu dans la fleur avant même qu'elle ne s'ouvre et ne s'épanouisse de sorte qu'il y a effectivement une autofécondation à l'intérieur même du bouton floral.


Les éventuels changements génétiques qui se produisent spontanément (mutations) au lieu de survenir de façon aléatoire, sont maintenus dans le patrimoine des descendants. Les potentialités de sélection par l'homme ont été facilitées par ce mode de transmission stable de génération en génération.
Ajoutons une remarque sur les propriétés génétiques du blé car elles sont une des raisons de l'étonnante progression de ses performances agroalimentaires jusqu'à nos jours. Le stock des entités qui portent le patrimoine héréditaire, les chromosomes, s'est multiplié chez les blés cultivés et s'est hybridé avec celui d'autres graminées. Les blés sauvages sont diploïdes et ont, comme la plupart des espèces, un stock chromosomique double (ici 2 fois 7 chromosomes), la moitié d'origine paternelle, l'autre moitié d'origine maternelle. Au cours de l'évolution ce stock chromosomique s'est multiplié par deux produisant des blés tétraploïdes comme l'amidonier ou le blé dur et même par trois (blés hexaploïdes à 42 chromosomes) dans le cas du froment ou blé tendre. En même temps une partie du patrimoine d'au moins deux autres espèces de graminées sauvages encore mal identifiées s'est métissée de façon fortuite avec celle des blés. Il a été maintenu grâce à l'autofécondation et cette addition a donné des aptitudes nouvelles. C'est ainsi qu'a été acquise par le froment la capacité de synthèse des éléments du gluten qui rend la farine panifiable.


Au total, on constate ici une étonnante association des potentialités d'une plante et des gestes de l'homme. Retenons surtout que, dès le départ, doué de propriétés culturales et nutritives remarquables, le genre blé s'est constamment diversifié et amélioré. Ainsi, il est, en particulier, devenu moissonnable et panifiable, ce qu'il n'était pas au départ. Ses rendements ont constamment augmenté ; le nombre des variétés cultivées ou cultivables n'a cessé de s'accroître (plusieurs milliers) permettant une adaptation à des situations de milieu très diverses et une résistance aux parasites. C'est une plante domestique véritablement unique.


Cueillete et préculture
Au plan historique, il y eut ainsi une "période de préculture" où les blés sauvages étaient utilisés et involontairement sélectionnés avant que l'idée de les mettre en culture fut imaginée. Des aléas de la présence spontanée, nos lointains ancêtres passèrent à une maîtrise inédite de la production avec la période culture proprement dite. Une réserve de produit renouvelable pouvait désormais être constituée sur initiative humaine.
Il a fallu bien des innovations techniques et des transformations mentales pour mettre en culture le blé et le domestiquer. Il a été nécessaire de dégager et préparer une surface de sol, penser à enfouir, recouvrir et protéger les grains et les germinations contre les éléments, la concurrence des autres espèces envahissantes qu'on appelle "mauvaises herbes" ou plantes "messicoles" (c'est-à-dire qui aiment les moissons), récolter les grains nouveaux, inventer des silos pour les conserver, prévoir un calendrier de succession de travaux ("Les Travaux et les Jours ..." Hésiode). Autant de gestes qui paraissent naturels et quasi spontanés mais qui ont du être peu à peu mis au point et planifiés. Il a fallu prévoir aussi de nouveaux défrichements et comprendre que le sol s'épuise, penser aussi à garder des semences pour les prochaines plantations. Les essais expérimentaux indiquent que, au début, près de la moitié ou du tiers des récoltes devait être mis de côté pour les futures semailles. Tout un savoir a dû se constituer, socialement transmissible, pour réaliser une stratégie de subsistance.

Il y a eu ainsi une période où l'homme préhistorique fut simplement "cueilleur de céréales" avant d'être un vrai cultivateur. En adoptant ces plantes comme ressource alimentaire principale, il a commencé par préparer leur mise en culture. Toutes les données indiquent que cette étape préagricole s'est produite dans le Croissant Fertile il y a 12000 ans. Puis s'est développée la phase agraire. Passant de la vie itinérante, nomade, à une vie fixée stable, l'homme a créé un mode communautaire permettant d'articuler la coexistence des groupes et des individus travaillant dans les villages. Il s'agit bien d'une "révolution" dans les techniques, les rythmes quotidiens et saisonniers, les modes de pensée, les motivations, d'une façon générale dans les structures mentales.
Cela fut donc conçu d'abord pour le blé - engrain, amidonnier - et aussi pour l'orge puis d'autres espèces furent maîtrisées : des légumineuses comme le pois ou les fèves, également le lin pour l'huile de ses graines et les fibres textiles de ses tiges dont on trouve des traces dans les restes fossiles des anciens villages agraires.
Cette période décisive a été étudiée en détail par les archéologues, particulièrement dans la région de Jéricho, proche du Jourdain et dans des villages du Moyen Euphrate. Des mortiers et des pilons ont été mis à jour indiquant que, déjà, on broyait les grains pour en extraire une mouture farineuse. Mais, fait notable, on ne trouve pas encore de poterie, période dite "précéramique". En l'absence de récipients aptes à l'hydratation et à la cuisson, les grains étaient consommés crus ou grillés. A l'état natif les grains et les molécules d'amidon sont très compacts et peu accessibles et attaquables par nos enzymes digestives. Leur valeur nutritive est faible. On trouve pourtant de nombreuses traces d'abrasion sur les dents de ces hommes préhistoriques : ce sont les stries d'usure qu'ont laissé les microconcrétions de silice des enveloppes de ces grains, telles les signatures de consommation de céréales crues. Il est fait mention, dans le Nouveau Testament, de cette pratique longtemps maintenue, ainsi "Jésus vint à passer à travers un champ de blé. Ses disciples eurent faim et se mirent à arracher les épis et à les manger" (Evangile selon Saint Matthieu).


Du cru au cuit
La pratique du grillage ou de la torréfaction semble avoir été largement pratiquée et ce très tôt. Elle est réalisable sur des pierres chaudes et présente de nombreux avantages. Elle améliore la conservation des grains en augmentant la déshydratation et elle favorise le décorticage des ces espèces "vêtues", c'est-à-dire gardant après récolte leurs enveloppes membraneuses. Elle permet de sauver les grains gâtés ou moisis car cueillis avant maturation complète et encore humides. Enfin, elle donne une saveur plus agréable aux grains car elle produit, par caramélisation, un goût sucré plus doux.
L'innovation importante qui suivit fut la cuisson proprement dite. Elle fut rendue possible avec l'invention de la poterie qui se situe vers 8000 à 7000 ans av. J.C . Elle améliora l'alimentation des communautés. Les grains pouvaient être mis à tremper avant d'être cuisinés. Le passage du "cru" au "cuit" (C. Lévy Strauss) est un moment essentiel, culturel et nutritif. Les céréales ainsi traitées sont plus faciles à digérer car, gélifié par la température et moins dense, l'amidon des grains devient facilement attaquable par les enzymes salivaires (amylases) et intestinales ; ceci libère des sucres qui sont absorbables par le tube digestif. On constate que le ramollissement des grains a considérablement réduit l'usure des dents (en revanche, avec le développement de sucres favorisant les bactéries buccales, on voit apparaître et se multiplier les caries dentaires ...).
Il n'est pas encore question de pain, mais de bouillies et de galettes non levées. L'amélioration de la nutrition eut un résultat net sur l'accroissement des populations, source de besoins alimentaires accrus et de la nécessité de perfectionner les rendements agricoles.


Diffusion vers l'occident : la première "conquête de l'Ouest"
La céréaliculture se consolide dans le "Noyau Levantin". La poterie culinaire se généralise vers 7000 ans av. J.C. A partir de cette zone nucléaire va rayonner la civilisation sédentaire. Vers l'Est et la Mésopotamie, il est possible qu'une adaptation préagricole se soit produite sur place car des graminées sauvages indigènes existent dans les steppes semi-arides. Mais à l'ouest, vers l'Europe, il n'y a pas d'espèces de blé ou d'orge spontanées. Ces céréales ont nécessairement été importées toutes domestiquées. Elles ont été apportées par l'homme en même temps que les techniques agricoles, la céramique culinaire et tout un cortège idéologique.
Cette première "conquête de l'Ouest" de la civilisation, cette "migration de sédentaires", s'est faite progressivement, sans doute de proche en proche. Elle a été lente et on estime qu'elle a demandé environ trois mille ans pour atteindre l'Atlantique. Elle a emprunté deux trajets principaux : l'un côtier, la voie méditerranéenne, l'autre continental, dit voie danubienne. La France est le lieu de rencontre de ces deux circuits, le premier arrivant par le sud, le second par le nord. Des variations culturelles se sont différenciées et l'homme a réussi à obtenir des variétés plus rentables à grains plus nombreux et plus gros, aux épis mécaniquement résistants. Des espèces de blés nus apparaissent dans les paléosemences. Ils sont plus faciles à décortiquer de leurs enveloppes.
Des outils agricoles élaborés se retrouvent de plus en plus nombreux, comme des couteaux à moissonner faits d'un silex taillé en lame, assemblé dans une poignée de bois dur et collé par des résines d'arbres. Les silex ont le poli caractéristique dit "lustrage spéculaire" produit par les parties dures des chaumes. Des bâtons à fouir ont également été utilisés pour préparer le sol.
Les premières araires, ancêtres des charrues, permettent de fendre la terre pour les semailles mais non de la retourner car elles n'ont pas de soc verseur comme les vraies charrues (qui n'apparaîtront qu'au Moyen-Age). Les sillons étaient peu profonds, multiples et croisés, et non parallèles comme ils furent ultérieurement. Des meules utilisées pour moudre le grain ont également été retrouvées, une était fixe et l'autre maniée à la main. Des déformations caractéristiques sont repérables sur les squelettes au niveau des genoux et des épaules indiquant que ce travail de mouture devait être une longue et harassante occupation journalière des ces pionniers.

 

Michèle Mosiniak, Roger Prat et Jean-Claude Roland


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L'AFRIQUE - ART ET CULTURE -

 

DOCUMENT      larousse.fr     LIEN

Afrique : art et culture


Un grand mouvement de revendication et de revalorisation culturelle a précédé, puis accompagné, les luttes politiques pour l'indépendance dans les années 1950 et 1960. Les expressions de « cultures nègres », de « civilisations noires et africaines » ont symbolisé ce retour sur soi, cette volonté d'affirmer une autonomie historique et une maturité politique. Le mépris, le racisme, le paternalisme de l'époque coloniale avaient en effet occulté l'ancienneté et nié la richesse culturelle, il est vrai très mal connues, de tout un continent.
Il semble aujourd'hui arbitraire et réducteur de s'efforcer de classer les populations – au moins un millier – et les États – plus d'une cinquantaine – selon quelques aires culturelles. Définies par des traditions visibles, ces dernières connaissent des transformations considérables. Les adoptions mimétiques ou syncrétiques, les métissages euro-africains, ou tout simplement interafricains, ont permis l'apparition de formes culturelles, d'usages populaires ou élitistes, originales et inédites. Les traditions se bousculent, dépérissent d'une part, innovent de l'autre.
C'est pourquoi toute approche des phénomènes culturels ne peut être que sélective : elle évoque les dynamiques modernes et leurs assises anciennes sans se perdre dans un passé dont la connaissance est parfois problématique. Elle insiste, ici, sur trois dimensions de la culture : les instruments et les formes d'expression linguistique et artistique, les moyens de transmission des patrimoines et des informations (écoles, médias), et les formes idéologiques et culturelles les plus populaires, à savoir les religions.
Les langues

La question des langues est l'une des réalités culturelles qui reste encore aujourd'hui l'objet d'innombrables préjugés et incohérences. Mais ces dernières sont de nos jours le fait de gouvernements africains sans politique linguistique, et non de métropoles coloniales imbues de leur supériorité. Les langues officielles du continent restent, cependant, dans leur quasi-totalité, des langues occidentales écrites. Dans de très rares cas, une langue africaine se voit reconnaître aussi ce privilège, comme en Tanzanie avec le swahili, langue d'origine arabo-bantoue.
Seule une approche sociolinguistique peut permettre de classer en première approximation les divers statuts linguistiques. Il faut d'abord établir une distinction entre langue officielle (celle de l'enregistrement des lois et des actes de l'État) et langue nationale qui peut, comme le yoruba, l'igbo et le haoussa au Nigeria, le ouolof au Sénégal, le kirundi au Burundi, ne dominer « officiellement » que dans certains secteurs de la vie sociale et culturelle : l'école, l'administration territoriale, l'armée, les médias audiovisuels. Cette langue « nationale » est souvent une langue véhiculaire qui est parlée bien au-delà de sa région d'origine. L'hétérogénéité linguistique est donc la règle, et le plurilinguisme un état de fait. Cette situation recouvre le plus souvent une diglossie, soit une situation de bilinguisme dans laquelle une langue a une valeur sociopolitique supérieure à l'autre.
Les classifications

Les spécialistes discutent du nombre exact de langues africaines, et leurs estimations varient entre 750 et 1 200. La transcription écrite de certaines d'entre elles, relativement récente, a été d'abord le fait de missionnaires traduisant la Bible, puis d'administrateurs coloniaux, et enfin de linguistes. Toutes sont loin d'être transcrites, et bien moins nombreuses sont celles dont on connaît la phonétique et la syntaxe. Elles sont l'objet de plusieurs classifications, dont les plus connues sont celles de Maurice Delafosse, Dietrich Westermann, Joseph Greenberg et Malcolm Guthrie : des aires linguistiques ont été définies, mais on débat encore pour savoir si l'on a affaire à des langues, des dialectes, ou des parlers.
Les linguistes dénoncent trois préjugés tenaces : les langues africaines seraient pauvres, ne se prêteraient pas à l'expression de notions abstraites et n'auraient pas de grammaire. C'est probablement la situation internationale du continent qui explique tant le maintien des « dominations » linguistiques étrangères que la solution de facilité qui a consisté à ne pas aider les langues « nationales » à se constituer un patrimoine institutionnel et matériel moderne (transcription, enseignements, publications). Ce sont en fin de compte des raisons sociales, économiques et politiques qui expliquent les privilèges de certaines langues : ils correspondent au rôle dominant de certaines régions, de certaines populations ou de certains dirigeants politiques. Ainsi, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), la langue officielle, écrite, de prestige, est toujours le français. Puis viennent quatre langues nationales dont la fonction véhiculaire est dominante ; ces langues servent d'instrument d'unification régionale et jouent un rôle décisif dans les communications entre communautés urbaines d'origines diverses ; c'est par leur pratique que se manifeste le bilinguisme quasi naturel de la majorité de la population. Enfin, il faut prendre en compte les très nombreuses (parfois plusieurs centaines) langues dites ethniques, « maternelles » ou vernaculaires.
Il existe d'autres langues en Afrique noire qui proviennent des conditions particulières du contact avec les Européens ; ce sont les pidgins et les créoles, présents surtout dans les pays anglophones ou lusophones (le krio en Sierra Leone, le kriyol au Cap-Vert, le coast-english au Cameroun).
Aires et familles linguistiques

Les études comparées des langues africaines et leur classification ne peuvent être menées qu'avec précaution, dans la mesure où nous ne disposons pas, contrairement aux langues indo-européennes, de témoignages écrits anciens. La recherche d'une langue ancêtre commun est d'autant plus compliquée que l'histoire même du peuplement et des migrations à travers le continent tout entier est approximative et conjecturale, en tout cas pour les périodes remontant à plus de six ou huit siècles. Maurice Delafosse a proposé une ascendance commune aux langues bantoues (Centre, Est et Sud) et soudanaises (Ouest). Sa classification a été remaniée en 1940 par Dietrich Westermann qui, sur la base de nombreux arguments morphologiques et structuraux, a établi trois familles : chamito-sémitique, khoisan et nègre (bantou, soudanais, nilotique).
C'est l'Américain Joseph Greenberg qui pose (en 1955 et 1963) les bases de la classification admise aujourd'hui par la majorité des linguistes. Elle comporte quatre familles : l'ensemble nigéro-kordofanien, qui recouvre la majorité des langues bantoues et occidentales ; la famille afro-asiatique (Afrique du Nord, haoussa, corne de l'Afrique) ; la famille nilo-saharienne ; la famille khoisan. Une zone de fragmentation (suivant l'axe Dakar-Djibouti) marquerait, selon le linguiste britannique David Dalby, la région d'origine de diffusion et de différenciation de ces familles.
Les formes culturelles

La réputation internationale des cultures et arts africains est relativement récente. L'« invention » de l'art nègre entre les années 1905 et 1910, l'intense commercialisation des objets d'art, les succès indirects (jazz et blues des Noirs américains) et directs de la musique (Fela Anikulopo Kuti, Mory Kante, Johnny Clegg), les prix accordés à des films africains au festival de Cannes confirment la reconnaissance des divers genres de la création artistique et esthétique du continent.
Mais cette valorisation extérieure n'est ni de pure curiosité ni sans conséquences : en effet, elle modifie singulièrement le regard que les sociétés africaines peuvent porter sur leurs propres formes culturelles. Ainsi les arts plastiques traditionnels ne sont-ils pas devenus des « arts de musée » (comme en Inde, par exemple), parce qu'il y a peu de musées d'art dans les pays africains eux-mêmes, et surtout les belles pièces sont depuis longtemps la propriété de collections publiques et privées de l'Occident. Même le cinéma reste largement un produit d'exportation – à l'exception peut-être du Nigeria ou du Burkina –, et non de consommation intérieure. En outre, usages et publics, dynamiques de création et de diffusion varient d'une population à l'autre, d'un État à l'autre : ainsi, la culture fait l'objet d'une reconnaissance officielle au Sénégal et en Tanzanie, mais non au Kenya.
La création artistique

Les savoirs et les savoir-faire (et leur transmission d'une génération à l'autre) dépendent du degré de spécialisation des artisans qui peuvent appartenir à une caste comme en Afrique de l'Ouest. Ils dépendent aussi du contexte rituel, plus ou moins protégé et secret, dans lequel ces objets sont utilisés, au contraire des commandes d'une clientèle villageoise ordinaire. Les arts de cour ont été très nombreux, et ils semblent avoir été les pourvoyeurs d'une bonne partie des objets recueillis et collectionnés à ce jour. La particularité des critères idéologiques, politiques et esthétiques auxquels ils répondent devrait être appréciée avec précision. Michel Leiris et Jacqueline Delange ont fait une distinction entre, d'une part, les arts de l'atour et de l'entour de la vie sociale (le corps, les espaces), et, d'autre part, ceux de la représentation, où la symbolique finit par prendre le dessus sur la fonctionnalité ou la forme de l'objet.

Le corps humain est le premier objet d'art : scarifications, tatouages, peintures corporelles introduisent à l'art du masque (à la fois instrument de déguisement du corps et cérémonie dansée), en rapport avec une initiation, par exemple. Art de l'éphémère que nous connaissons grâce à une relative abondance de documents (masques, statuettes), la coiffure est l'un des plus grands arts populaires de l'Afrique contemporaine. Colliers, peignes, bijoux sont mieux connus que les vêtements ou les tissus (encore que certains soient vieux de plusieurs siècles). Enfin, il ne faut pas oublier les arts liés au pouvoir (cannes, tabourets, bâtons de commandement) et à la guerre (armes, casques, boucliers). Quant aux maisons, aux palais, aux lieux de culte, portes, linteaux, peintures murales confirment, au-delà des arts architecturaux, la volonté de charger de sens les espaces publics. Enfin, mobiliers, ustensiles domestiques (calebasses, vanneries, cuillères, poteries, appuis-tête) permettent de lire une esthétique du quotidien et de la symbolique domestique (hommes, femmes ; aînés, cadets ; agriculteurs, éleveurs, etc.).

Congo, statuette magiqueCongo, statuette magique
Avec la statuaire, les arts graphiques et picturaux, nous entrons dans les relations avec la nature et la surnature, dans le panthéon des dieux et des pouvoirs. L'existence de plusieurs grands styles à travers le continent renvoie à une histoire culturelle, à une anthropologie sociale, à une écologie (liens avec la nature), qui sont fondatrices de sociétés et de traditions, aujourd'hui considérablement modifiées.
Malgré les oublis, les changements, les vols et les destructions (des centaines de milliers d'objets ont été détruits sciemment par les missionnaires des diverses Églises chrétiennes sous prétexte de lutte contre l'idolâtrie et le paganisme), l'occidentalisation des cultures africaines a engendré des dynamiques positives, suscitant des initiatives artistiques inédites ou des réinterprétations d'un passé souvent imaginaire. De nombreux liens unissent ces passés et ce présent, comme dans la transmission de certains savoir-faire ; c'est le cas des griots musiciens. Plusieurs processus se superposent : le jeu des demandes populaires, des goûts des élites, le poids du tourisme international, la nature de la reconnaissance et du statut de l'artiste individuel, enfin les moyens techniques de la reproduction des œuvres. L'adoption et l'incorporation de techniques et de traditions artistiques occidentales (peinture sur toile, statuaire) sont un fait.
La musique

Yodler des Pygmées du ZaïreYodler des Pygmées du Zaïre
Dans le cas de la musique, le recours à une instrumentation et à une orchestration modernes (guitare électrique, batterie, cuivres, xylophone, synthétiseur) a permis de redonner une nouvelle vie et un nouveau public à des mélodies et à des thèmes traditionnels (comme les poèmes mandingues du Mali) ou, au contraire, de résister et de réagir de façon innovatrice à l'invasion de la musique « pop ». Ces créations musicales participent alors de mouvements visant le changement social – et même politique comme pour Fela au Nigeria –, comme celui qui se traduit par l'apparition d'une véritable culture de la jeunesse urbaine.
Le cinéma

Si l'on met à part la déjà longue tradition de production égyptienne (Muhammad Bayyumi tourna en 1920 al-Bash Katib avec l'acteur Amin Atallah) qui réalise, au début des années 1990, plus de 150 films par an, le cinéma du Maghreb et de l'Afrique noire est né pour l'essentiel avec les indépendances, dans les années 1960-1970, et avec des réalisateurs formés en France, en Belgique ou au Royaume-Uni, du Sénégalais Ousmane Sembène au Malien Souleymane Cissé en passant par le Nigérian Oumarou Ganda ou l'Algérien Mohamed Lakdar-Hamina.
Le cinéma africain hésite toujours entre un comique d'inspiration populaire et une description ethnologique des problèmes sociaux ou culturels contemporains, qui débouche souvent sur une acerbe critique politique et sociale.
Les arts

Les formes de productions culturelles les plus anciennes, parce que les mieux préservées de la destruction jusqu'à nos jours, sont les très nombreuses représentations peintes ou gravées sous des abris ou sur des surfaces rocheuses : elles vont du Maroc central au Nil, passant par les grands massifs centraux sahariens et, vers le sud, jusqu'en Guinée et en Tanzanie. On en trouve aussi bon nombre dans le Drakensberg sud-africain, en Namibie et en Angola. L'inventaire de ces vestiges d'une grande valeur esthétique, souvent difficiles à dater, est loin d'être achevé.
L'argile


Elle est, avec certaines pierres tendres, le matériau le plus anciennement façonné. Les représentations en terre cuite, souvent rudimentaires, figurent des humains dans la moyenne vallée du Nil dès le Ve millénaire, mais surtout des animaux, en particulier des bovidés, en de nombreux points du continent. Les statuettes, les têtes en terre cuite ont fait hier la gloire de la culture de Nok puis de celle d'Ife ; elles font aujourd'hui celle de cultures plus récentes des bassins du Niger et du Limpopo. Durant quatre, voire cinq millénaires, à des degrés divers, avec des chances très variables de préservation jusqu'à nos jours, le monde africain noir a produit des chefs-d'œuvre en argile.
Les textiles

Ils constituent une troisième grande série de productions. La laine est tissée et teinte dès le viiie s. après J.-C., le coton depuis le ixe s., en Afrique occidentale ; la splendeur des pagnes ashantis, baoulés, ivoiriens, togolais montre la continuité précieuse de cette production artistique jusqu'à nos jours. Dans les mêmes conditions de continuité, et au moins depuis le xive s., l'Afrique équatoriale bat les écorces de ficus jusqu'à les avoir assez assouplies pour tailler des vêtements dans ce « tissu » ; elle tisse et teint de superbes pagnes en raphia.
Les métaux cuivreux

Apparus au IIe millénaire avant J.-C., les métaux cuivreux aussi ont permis le développement d'une belle production, toujours vivante aujourd'hui ; le fer a été moins souvent et bien plus récemment utilisé pour créer des objets auxquels nous accordons une valeur esthétique.
Le bois


Au moins depuis le viiie s., le bois a fourni le support de la production la plus célèbre, la plus recherchée par les collectionneurs et les marchands : celle des masques et des statues ; dans ce domaine les faux pullulent, et l'imitation abâtardie est devenue la règle.
La vannerie, les perles et les coquillages

Statue royale de Reine porte-coupe, Afrique, CamerounStatue royale de Reine porte-coupe, Afrique, Cameroun
Dans l'est du continent, au Rwanda et au Burundi, la vannerie est productrice de très beaux objets, de somptueuses cloisons de demeures, par exemple en Tanzanie.
Perles, importées ou de fabrication locale, et coquillages (notamment les cauris, coquillages du groupe des porcelaines qui ont longtemps servi de monnaie en Afrique noire) sont aussi d'importants moyens d'orner des statues ou de parer les corps. Les peintures corporelles et les scarifications, enfin, sont, comme les précédentes, des formes d'art aux profondes significations sociales et culturelles.
Les styles

On a pu dégager des styles auxquels on a donné le nom des peuples qui les ont produits. Parmi les ethnies ayant une production artistique originale, il convient de citer particulièrement les Achantis, les Bambaras, les Bamilékés, les Bamoums, les Bochimans, les Baoulés, les Dans, les Dogons, les Fangs, les Kongos, les Lubas, les Noks, les Saos, les Sénoufos et les Yoroubas. L'ancien royaume du Bénin a connu une remarquable production de bronze.
Les médias

Comme la quasi-totalité des régions du tiers-monde, l'Afrique noire est soumise aux effets de la dépendance technologique en matière de communication (radios, télévisions, satellites, programmes, formations). Il n'existe aucune grande structure de communication panafricaine, publique ou privée, tant au niveau des agences de presse que des chaînes de radio ou de télévision. Certes, rien ne s'opposerait à des regroupements régionaux ou par affinités linguistiques, mais c'est souvent une influence occidentale qui l'emporte, notamment en raison de la francophonie ou du poids des investissements privés dans la presse des pays anglophones.
La radio

Le faible coût des appareils à transistor explique la prédominance de la radio (en moyenne, un récepteur pour quinze personnes), mais la couverture hertzienne du continent est loin d'être totale. Cependant, les radios les plus écoutées en matière d'information politique, nationale et internationale, ne sont pas les radios africaines, mais des radios occidentales ou asiatiques ; leurs émissions en anglais, en français et, bien sûr, en langues africaines (haoussa, swahili), lorsque de tels programmes existent, offrent des informations plus nombreuses et qui, en tout cas, échappent à la censure. Les informations locales ainsi que les émissions à portée pédagogique et éducative restent l'apanage des chaînes nationales, qui ont des politiques variables en matière d'utilisation des langues « nationales », mais seules les langues les plus répandues ont le droit à l'antenne.
La télévision

La télévision reste d'un usage plus limité que celui de la radio. Son introduction date, au mieux, du début de l'indépendance, et certains pays, comme la Tanzanie, n'ont pas encore de chaîne nationale. Une partie non négligeable des programmes est fournie directement par les différents bailleurs de fonds, qui interviennent également dans la formation des cadres techniques : ainsi l'Institut national de l'audiovisuel français (I.N.A.) joue ce rôle pour les télévisions francophones et lusophones. En règle générale, faute de moyens, la qualité technique reste très pauvre.
Radios et télévisions sont donc les voix de l'État ; ce n'est d'ailleurs pas par hasard si les bâtiments de la radiodiffusion sont les premiers occupés lors d'une tentative de coup d'État. Pourtant, il existe des programmes où s'engage un dialogue avec les masses paysannes et la radio reflète plus la culture urbaine, populaire et petite-bourgeoise que la culture de l'élite et des coopérants internationaux. Mais ces voix de l'État prennent la forme d'une propagande déguisée dans la mesure où il n'existe aucune concurrence, et encore moins de liberté véritable en matière d'expression et d'opinion à ce niveau.
La presse écrite

La presse écrite, qui reflétait une situation identique à celle des autres médias, est en train de changer. Les différences sont considérables d'un État à l'autre : entre le tirage « confidentiel » de l'Essor (3 500 exemplaires), l'ancien journal financé par le gouvernement malien, et la multiplicité des quotidiens et périodiques nigérians (plus d'une vingtaine de titres pour chaque type de publication et des tirages qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires), entre la liberté de la presse déjà ancienne au Sénégal (presse de parti, presse d'opinion) et les rares quotidiens ou périodiques très surveillés et (auto)censurés du Kenya, il existe toute une gamme de titres intermédiaires. La presse en langue nationale est plus ou moins répandue : citons le Nigeria avec des journaux en haoussa, le Kenya et la Tanzanie avec des quotidiens et des hebdomadaires en swahili, le Mali avec des mensuels en bambara, en soninké ou encore en peul.
La reproduction des discours officiels, les reportages sur les tournées des personnalités politiques et religieuses, et sur les projets de développement, la reprise des dépêches des grandes agences de presse internationales rendent la plupart de ces quotidiens peu attractifs. C'est surtout dans des périodiques comme Weekly Review au Kenya ou Sud-Hebdo au Sénégal que l'on peut trouver des analyses de fond ou des réflexions politiques argumentées. La floraison de la presse démocratique pourrait éventuellement changer cette image restrictive et officielle. Mais, dans ce domaine, l'Afrique francophone ne fait peut-être que s'aligner sur certains pays anglophones qui ont réussi à maintenir une presse privée, plus ou moins indépendante politiquement.
L'éducation et la recherche

C'est par l'accès à une école de type occidental, introduite par les puissances coloniales, que s'est opérée, sur près d'un siècle, l'apparition d'une élite sociale et politique. À la suite des indépendances, le diplôme et le fonctionnariat ont paru proposer l'image par excellence de l'emploi stable, urbain, bien rémunéré, conférant prestige et avantages nombreux. La bureaucratie des États a ainsi accordé beaucoup d'attention à la scolarisation, surtout primaire, pour répondre à une très forte demande sociale. Le coût croissant d'un tel système, sa désagrégation progressive devant la pression démographique, la préférence accordée en pratique par les élites elles-mêmes à l'enseignement privé et aux universités occidentales, la nécessité de limiter, voire de réduire le nombre des fonctionnaires, expliquent l'accumulation des facteurs de crise.
Ces systèmes ont commencé par copier les modèles occidentaux déjà plus ou moins implantés dans les faits. Ils s'en sont vite rendus indépendants par l'africanisation des programmes et par le renouvellement des structures et des moyens pédagogiques. Mais de nombreuses expériences ont été des échecs ; par exemple, en Côte-d'Ivoire, la télévision scolaire, qui a fonctionné pendant vingt ans, a été remise en cause à la suite de son manque de souplesse et de la démotivation du corps enseignant. Au Kenya, une vaste réforme de tout le cursus scolaire se met en place, avec le système du 8-4-4 (huit ans de primaire, quatre ans de secondaire et quatre ans de supérieur) ; mais l'un des appareils éducatifs les plus performants d'Afrique est en train d'éclater sous le poids de la demande (le nombre d'étudiants a pratiquement décuplé sans augmentation des moyens correspondants).
L'alphabétisation

Certains pays ont lancé de grandes campagnes d'alphabétisation, notamment ceux qui se réclamaient à une époque ou à une autre d'une certaine forme de socialisme (Guinée, Mozambique, Éthiopie, Burkina). Mais, comme dans beaucoup d'autres États du tiers-monde, le résultat final s'est avéré très décevant. Le problème fondamental reste celui des formations professionnelles et techniques, de l'ouvrier qualifié à l'ingénieur. Le paradigme bureaucratique a prévalu pendant de nombreuses années, aussi a-t-il fallu du temps avant d'accorder une certaine priorité à ce secteur. Le prestige du droit et de la médecine primait sur leur utilité sociale. Le nombre des gestionnaires de l'économie publique et des entreprises privées a augmenté, leur qualité s'est très nettement améliorée, mais les dysfonctionnements de ces secteurs ont des causes plus politiques et sociales.
Certes, d'impressionnantes cohortes d'ingénieurs et de cadres supérieurs ont été formées à l'étranger (grâce à de nombreuses bourses, mais aussi sur les fonds propres des familles privilégiées). Malheureusement, un certain nombre d'entre eux sont restés dans les pays d'accueil (la Banque mondiale évoque le chiffre de 100 000 en Europe et aux États-Unis) ou ont été intégrés dans les organisations panafricaines et internationales. Cette « fuite des cerveaux » coûte très cher aux États africains.
La recherche universitaire et appliquée

La recherche universitaire et appliquée est de plus en plus entre les mains des organismes internationaux ou des chercheurs occidentaux, malgré le nombre très important de chercheurs africains. Cette situation peut sembler normale dans les très coûteuses sciences exactes et biologiques, mais il n'en est pas de même dans des domaines tels que l'agronomie, la médecine ou la technologie, dont l'utilité est immédiate.
Cette dégradation des conditions d'apprentissage, de transmission et de production des savoirs fondamentaux et appliqués risque de remettre en cause, à terme, le principe même de l'autonomie intellectuelle et culturelle du continent. Pourtant, c'est à la suite d'une prise de conscience de l'extrême gravité d'une situation de ce genre que les mouvements anti-apartheid noirs ont mis fin à leurs boycotts scolaires répétés au cours des années 1980 : la non-scolarisation ou la déscolarisation de générations entières est apparue comme bien plus dangereuse qu'une mauvaise scolarisation, partielle et partiale.

 
 
 
 

L' ÉGYPTE - 2 -

 

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Égypte : histoire de l'Égypte après la conquête arabe
Saladin Ier
L'histoire de l'Égypte jusqu'à la conquête arabe est traitée sous l'intitulé Histoire de l'Égypte ancienne et préislamique.
1. L'Égypte musulmane jusqu'à la conquête ottomane (642-1517)

1.1. La conquête et l'occupation arabe

 La conquête
L'armée byzantine d'Égypte, forte de 30 000 hommes, était presque entièrement composée d'indigènes de médiocre valeur militaire. Le patriarche melkite Cyrus (630 ou 631-643 ou 644), chargé par Héraclius de la réconciliation des monophysites (→ monophysisme), s'était vu confier les pouvoirs du préfet augustal, mais sa dureté envers les hérétiques l'avait rendu impopulaire. L'Égypte n'a pas appelé les Arabes, mais elle les a laissés faire.
En 640, sous le califat d'Umar, le général arabe Amr ibn al-As envahit le pays ; en 642, Alexandrie capitule. Le vainqueur fonde la forteresse de Fustat (le Vieux-Caire). Il remet en état le canal du Nil à la mer Rouge, et l'annone est dirigée sur Médine.
 L'occupation
Les Arabes, peu nombreux, restent groupés en garnisons ; celles-ci sont entretenues par le produit des terres qui restent propriété d'État. L'appât de cette vie mercenaire, l'appel à la colonisation lancé par les gouverneurs (amil) grossissent le nombre des Arabes. Des capitulations ont laissé aux chrétiens leurs églises, leur organisation locale, mais ils doivent payer des impôts spéciaux : le kharadj, impôt foncier qui marque la propriété éminente des conquérants musulmans, et la djizya (capitation).
La série des patriarches melkites s'interrompt de 651 à 742 et leur confession reste très minoritaire. De leur côté, les Coptes monophysites voient également leur audience diminuer très rapidement : vers 750, ils ne représentent plus qu'un quart de la population.
Comment s'explique cette conversion rapide à l'islam ? L'épiscopat copte, reconstitué trop vite après les persécutions, est fort médiocre. Beaucoup de chrétiens se convertissent pour échapper aux impôts spéciaux. Comme les moines sont exempts de capitation, des foules se réfugient dans les monastères. Le gouverneur prend des mesures rigoureuses de contrôle, les faux moines apostasient.
Les Arabes ont la sagesse de conserver les institutions administratives des Byzantins avec des Coptes comme fonctionnaires subalternes. Il semble que la mainmise de l'État byzantin sur le commerce extérieur ait été levée. Le commerce vers l'Inde se ranime, mais le golfe Persique reste plus important que la mer Rouge.
L'Égypte suit le sort du monde arabe pendant deux siècles : omeyyade dès 661 (→ Omeyyades), elle n'est guère touchée par les hérésies de l'islam. La politique fiscale des Abbassides, qui exploitent la vallée du Nil pour le seul profit des capitales irakiennes, provoque des révoltes périodiques des Arabes et des Coptes.
1.2. Les Tulunides (868-905) et les Ikhchidides (935-969)

Un esclave turc, Ahmad, fils de Tulun, est chargé, en 868, du commandement des troupes : il organise un corps de mercenaires achetés sur les marchés d'esclaves, les mamelouks. Il se proclame maître de l'Égypte et conquiert la Syrie. Son fils se fait reconnaître par le calife gouverneur de l'Égypte et des pays voisins. En 905, une armée abbasside réoccupe le pays.
En 935, un Turc, Muhammad, qui a pris le surnom royal iranien d'Ikhchid, reçoit de Bagdad les pleins pouvoirs pour lutter contre la propagande des hérétiques chiites.
Ces deux dynasties, qui parviennent à obtenir une certaine autonomie, restent cependant fidèles à l’empire et ne cherchent pas à se rendre indépendantes à la différence de leurs successeurs.
Pour en savoir plus, voir l'article Tulunides.
1.3. Les Fatimides (969-1171) : une période de prospérité

Maîtres du Maghreb depuis 909, les Fatimides, chiites ismaéliens, visent depuis longtemps l'Égypte. Profitant de la mort du vizir Abu al-Misk Kafur, rempart de la dynastie ikhchidide (968), leur armée occupe l'Égypte et la Syrie (969) ; elle fonde à côté de Fustat la ville d'al-Qahira (la Victorieuse) [le Nouveau Caire]. En 973, le calife al-Muizz vient s'installer en Égypte. Lui succéderont douze califes parmi lesquels son petit-fils al-Hakim (996-1021), divinisé par certains de ses partisans (→ Druzes).
La souveraineté des Fatimides se restreint assez vite à l’Égypte : le Maghreb leur échappe à partir de 1045 ; les Turcs seldjoukides les attaquent et les supplantent en Syrie (1078) et les croisés leur enlèvent Jérusalem (1099). Mais même en Égypte, leur assise sociale est faible dans un pays acquis au sunnisme et où les révoltes populaires s’ajoutent aux troubles militaires dus aux rivalités entre divers contingents (Mamelouks, Berbères, Turcs…).
Leur pouvoir est préservé par l'énergie des vizirs, qui finissent par choisir eux-mêmes leur calife. L'Égypte connaît alors une grande prospérité. Le pays n'est plus exploité au profit de capitales lointaines ; la mer Rouge et Alexandrie retrouvent un rôle de premier rang dans les relations entre la Méditerranée et l'Extrême-Orient. Les marchands de Venise et d'Amalfi, qui assurent les relations maritimes avec le Maghreb, affluent à Alexandrie ; des caravanes relient également l'Égypte à l'Afrique du Nord, au Soudan, à l'Éthiopie. L'artisanat, aux mains des Coptes, continue à fabriquer des objets de valeur : ivoires, cuivres et bronzes, verrerie, carreaux de faïence émaillée. Le Caire s'orne de monuments remarquables : le palais du calife (Qasr al-Kabir, aujourd'hui disparu), la mosquée al-Azhar.
En 1164, devançant les troupes du royaume de Jérusalem, les lieutenants de l'atabek turc de Mossoul, Chirkuh, et son neveu Saladin (Salah al-Din) occupent l'Égypte. Saladin devient vizir en 1169 et, à la mort du Fatimide al-Adid (1160-1171), fait prononcer la prière au nom du calife de Bagdad.
1.4. Les Ayyubides (1171-1250)

Saladin IerSaladin Ier
Saladin, fils de l'émir kurde Ayyub, fonde une dynastie royale ; il annexe la Syrie et le Yémen, et se fait reconnaître par Bagdad. En 1187, il porte un coup décisif au royaume latin de Jérusalem qui est réduit à une frange côtière s'étirant de Tyr à Jaffa après la paix de 1191. Son État se morcelle après sa mort en 1193.
La prise de Damiette, en 1249, par saint Louis (septième croisade)La prise de Damiette, en 1249, par saint Louis (septième croisade)
Les croisés ne cessent de tenter des débarquements dans le Delta. En juin 1249, Saint Louis débarque à Damiette ; battu et pris à Mansourah (février 1250), il évacue l'Égypte. Le dernier Ayyubide est tué en mai 1250, et le pouvoir passe aux chefs des Mamelouks.
Pour en savoir plus, voir l'article les croisades.
1.5. La remarquable administration des Mamelouks (1250-1517)

L'Égypte, XIIe-XVIe siècleL'Égypte, XIIe-XVIe siècle
Cette oligarchie militaire d'origine servile, au service des derniers sultans ayyubides, s'impose à la tête du pouvoir, contrôlant une administration modèle et assurant la prospérité dans le seul pays du monde arabe qui échappe aux ravages des Mongols (destruction du califat abbasside de Bagdad en 1258).
Alexandrie détient maintenant le monopole du transport des épices vers l'Europe chrétienne ; les Vénitiens et les Génois, qui se disputent ce marché, n'hésitent pas, malgré les défenses de l'Église, à livrer aux Égyptiens du bois, du fer, des armes, des esclaves. Les taxes prélevées à la sortie d'Alexandrie expliquent le luxe de la cour du Caire, les magnifiques monuments de la capitale : mosquée funéraire de Qalaun (xiiie siècle), mosquée-madrasa du sultan Hasan (xive siècle), mosquée de Qaitbay (xve siècle).
Les Mamelouks bahrites
De 1250 à 1382, le pouvoir est aux mains des Mamelouks bahrites (de bahr, d'après leur caserne sur le Nil, sur l'île de Rawda), des Turcs. Le sultan Qutuz (1259-1260) sauve l'Égypte en battant les Mongols à Aïn Djalout, en Syrie (1260) mais est assassiné sur les ordres de son lieutenant Baybars (1260-1277), qui lui succède, reconnaissant comme calife, mais sans pouvoir, un survivant des Abbassides. Véritable fondateur de l'empire mamelouk, Baybars conquiert notamment la majeure partie des villes du royaume latin de Jérusalem, dont le commerce concurrençait celui d'Alexandrie ; Qalaun (1279-1290) achève la destruction de l'État des croisés par la prise d'Acre (1291). Le royaume d'Arménie-Cilicie (ou Petite Arménie) tombera à son tour en 1375.
Les Mamelouks burdjites
En 1382, le pouvoir passe aux Mamelouks burdjites (de burj, tour fortifiée, d'après leur résidence dans les tours de la Citadelle du Caire), des Tcherkesses ou Circassiens. La nouvelle dynastie est victime de coups d'État multipliés. La situation économique est moins bonne : la monnaie d'or fuit vers l'Occident, et l'Égypte n'a plus qu'une monnaie de billon.
En 1400, les Mamelouks repoussent la tentative d’invasion de Timur Lang (Tamerlan), mais la campagne a entraîné de très lourdes dépenses, contribuant à la crise économique coïncidant avec le sultanat de Barsbay (1422-1438) qui tente sans grand succès d’imposer un monopole d’État sur le commerce extérieur (sucre, poivre, cuivre).
Dès 1503, les Portugais s'installent en maîtres en Inde et coupent les convois d'épices à destination de l'Égypte ; en 1509, Francisco de Almeida détruit la flotte des Mamelouks.
Depuis longtemps, l'Égypte est convoitée par les Ottomans. En 1516, le sultan Selim attaque les Mamelouks ; seul à posséder une artillerie, il les écrase à Alep (1516), au Caire (1517). Selim, qui a racheté les droits du dernier calife, se proclame commandeur des croyants.
Pour en savoir plus, voir l'article Mamelouks.
2. L'Égypte, province ottomane de 1517 à 1805

2.1. Le déclin de l'économie

La province est confiée à un pacha nommé pour un an. Il lève les impôts, envoie 600 000 piastres par an et des contingents militaires à Constantinople. Il est assisté par 24 préfets, les beys ; ceux-ci achètent des esclaves (des mamelouks) pour se faire une garde personnelle ; lorsqu'une charge de bey est vacante, le bey le plus puissant propose un de ses mamelouks. Pour garder les frontières et refouler lesBédouins, le pacha dispose de sept régiments commandés par des aghas. Les aghas sont élus pour un an par les soldats ; à leur sortie de charge, ils entrent dans un conseil des anciens aghas, qui administre l'armée.
Beys et aghas reçoivent (en concession révocable) des terres en usufruit, devenant à la fois des seigneurs terriens (absentéistes le plus souvent) et des fermiers généraux (multazims). Dans le cadre de ce système foncier et fiscal appelé iltizam, ils font cultiver leur domaine personnel (non imposable) par corvées, et lèvent l'impôt sur les autres terres villageoises dont ils remettent une partie au pacha mais en conservent la plus grande part.
Le pouvoir des pachas ne cesse de décliner devant ces milices insubordonnées. Ali Bey (1757-1773) se rend indépendant du Sultan, qui a beaucoup de mal ensuite à rétablir son autorité nominale. L'incurie turque amène le déclin de l'économie.
2.2. L'enjeu des convoitises européennes

Au xviiie siècle, le pays est convoité par la France et la Russie, surveillé par les Anglais. Les Français (des Marseillais), bénéficiant des capitulations, sont pratiquement les seuls à commercer à Alexandrie. Les Anglais, qui ont obtenu en 1775 l'ouverture de la mer Rouge, empruntent le territoire égyptien pour se rendre aux Indes.

La bataille des Pyramides, 21 juillet 1798La bataille des Pyramides, 21 juillet 1798
Les exactions subies par des commerçants français provoquent un conflit entre les beys mamelouks et la France. C'est alors que Bonaparte fait décréter par le Directoire l'expédition d'Égypte (→ campagne d'Égypte). Il prend Alexandrie le 2 juillet 1798, bat les Mamelouks aux Pyramides (21 juillet). Son équipe de savants commence l'inventaire des richesses du pays et inaugure le renouveau des méthodes d'exploitation de l'Égypte. Bonaparte rentre en France en août 1799 ; son armée, qu'il avait laissée à Kléber (assassiné le 14 juin 1800), capitule à la suite d'un débarquement de Turcs et d'Anglais (30 août 1801).
3. L'Égypte moderne (1805-1952)

3.1. De Méhémet-Ali au protectorat britannique (1805-1882)

Méhémet-Ali (1805-1848) : les fondements de l'Égypte moderne
Méhémet-AliMéhémet-Ali
Le Sultan ne réussit pas à rétablir sa domination, et, après le départ des Anglais (1803), le chef des troupes albanaises, Méhémet-Ali, oblige Constantinople à le reconnaître comme pacha (1805). Il en finit avec les Mamelouks en faisant massacrer 300 beys (1811). Il se débarrasse de ses Albanais turbulents en les envoyant conquérir le Soudan et les remplace par une armée de conscrits recrutée chez les fellahs (paysans).
Son objectif est surtout de favoriser un développement agricole et industriel de l’Égypte, dirigé par l’État, en démantelant le système fiscal de l’iltizam. Tandis que les biens de mainmorte (des fondations religieuses) sont saisis et le monopole d’État de la terre instauré après expropriation de l’ancienne classe dirigeante mamelouke, la perception directe de l’impôt agricole est rétablie. Si le pacha s’approprie un vaste domaine personnel, la plupart des terres villageoises sont attribuées à titre viager aux paysans. Chaque communauté villageoise est redevable de l’impôt et de la corvée (grands travaux d’irrigation). L’État décide des types de cultures (coton en particulier, lin, canne à sucre, destinées à l’exportation) et se charge de l’achat et de la revente de la production. Des monopoles industriels et commerciaux sont instaurés et l’industrie textile protégée de la concurrence.
Cette politique contribuera à l'hostilité de l’Angleterre, par ailleurs inquiète des relations étroites établies entre l’Égypte et la France d’où proviennent plusieurs conseillers du pacha, instructeurs militaires (Sèves) ou ingénieurs (Linant de Bellefonds).
En compensation de son appui apporté au gouvernement ottoman en 1820-1827 contre le mouvement d’indépendance en Grèce et pour couvrir ses frontières grâce à cet État-tampon, Méhémet-Ali réclame en vain au Sultan la Syrie, qu’il fait envahir en 1831-1832 avant de menacer Istanbul. Mais l'Angleterre s’oppose à ces ambitions et dresse contre lui une coalition européenne (Grande-Bretagne, Autriche, Russie et Prusse) : en 1841, Méhémet-Ali perd la Syrie et doit se contenter du pachalik héréditaire de l'Égypte outre le Soudan qu’il avait conquis en 1820-1821.
Said (1854-1863) : poursuite de la politique moderniste pro-occidentale
Son petit-fils, Abbas Hilmi (1848-1854), qui lui succède, renvoie les conseillers de son aïeul, suspend les grands travaux, se rapproche du Sultan par haine des consuls européens. Il est étranglé et remplacé par le dernier fils de Méhémet-Ali, Said (1854-1863). Ce dernier rétablit les relations privilégiées avec les Français. De nombreuses écoles sont ouvertes par les ordres religieux français ; les fouilles sont développées par Mariette. Le pacha réforme le régime foncier, accélérant l'instauration de la propriété privée de la terre et la constitution de grands domaines : la propriété éminente de l'État est supprimée ; la corvée est officiellement abolie ; le fellah peut vendre librement son lot et les produits de sa terre, mais l'État peut reprendre son lot si l'impôt n'est pas payé.
Les concessions accordées par la dynastie de Méhémet-Ali permettent la constitution de grands domaines, à côté des parcelles toujours plus exiguës des paysans ; le surpeuplement apparaît : la population, qui était tombée à 2 millions d'habitants en 1800, sera de 10 millions à la fin du siècle.

Ferdinand, vicomte de LessepsFerdinand, vicomte de Lesseps
L'Égypte reprend son rôle d'intermédiaire entre l'Europe et l'Extrême-Orient. La voie ferrée relie Alexandrie à Suez en 1859, mais, dès 1856, Said avait accordé à Ferdinand de Lesseps la concession du futur canal de Suez.
En 1863, Ismaïl succède à son oncle et reçoit le titre de khédive en 1867. Le 17 novembre 1869, le canal est solennellement inauguré.
Pour en savoir plus, voir l'article Empire ottoman.
3.2. La domination britannique (1882-1923)

Le réveil du nationalisme
La Grande-Bretagne pense dès lors à s'assurer le contrôle du canal ; en 1874, elle rachète les actions du khédive Ismaïl. En 1876, ce dernier suspend le paiement de la dette publique contractée auprès des Européens. La France et l'Angleterre prennent la direction de l'administration égyptienne, créent la Caisse de la dette publique qui finit par absorber l’essentiel des revenus de l’État, puis remplacent Ismaïl par son fils Tawfiq (1879-1892) plus docile, alors que la mainmise des étrangers provoque le mouvement nationaliste du colonel Urabi.
La mainmise de l'Angleterre
Un massacre de chrétiens à Alexandrie (juin 1882) permet une intervention européenne : la France se dérobant, l'Angleterre agit seule, et Urabi, qui attaque la zone du canal, est battu à Tell el-Kébir (13 septembre 1882). Malgré les réclamations françaises et les protestations de la Turquie, l'Angleterre installe sa domination sans titre sur l'Égypte : un haut-commissaire assiste le khédive, des Anglais surveillent l'administration et l'armée. Les finances sont assainies ; la construction des barrages d'Assouan et d'Assiout augmente de moitié la surface cultivée.
Sous Ismaïl, l'armée égyptienne avait achevé la conquête du Soudan oriental ; puis, cédant aux objurgations des puissances, le khédive interdit la traite dans ces territoires, qui en vivaient. Le Soudan s'insurge et tombe aux mains des derviches (mahdi Muhammad Ahmad et Abd Allah ibn Muhammad al-Taaichi) [1881-1885]. Kitchener, qui a réorganisé l'armée égyptienne, reconquiert le Soudan en 1898 et oblige les Français à renoncer à leurs prétentions sur cette province de l'Égypte (→ affaire de Fachoda).
Renaissance de l'opposition nationaliste
La présence des Anglais cristallise l'opposition nationaliste, née de la prédominance économique des étrangers (235 000, qui possèdent la moitié de la richesse du pays). Le nationalisme, au début du xxe siècle, se veut comme un retour aux sources de l'islam et se donne le panarabisme comme fin dernière.
En novembre 1914, le sultan de Turquie, qui a déclaré la guerre à l'Angleterre, proclame la guerre sainte. Le 17 décembre 1914, Londres dépose le khédive Abbas Hilmi (1892-1914), le remplace par son oncle Husayn Kamil (1914-1917), nommé sultan, et proclame en même temps son protectorat et la suppression de la suzeraineté ottomane.
3.3. La fin du protectorat et l'expérience parlementaire (1918-1952)

Naissance du parti Wafd
Dès 1918, l'Égypte réclame son indépendance. L'avocat Sad Zaghlul organise le parti Wafd (« délégation »). À la suite de l’arrestation et la déportation à Malte de ses dirigeants, un vaste mouvement de protestation (dans lequel les femmes tiennent un rôle de premier plan) éclate dans le pays en mars-avril 1919. Le désordre persistant amène Lloyd George à proclamer la fin du protectorat (février 1922).
Le sultan devient le roi Fuad Ier et promulgue une Constitution parlementaire (1923). Mais, jusqu'à la conclusion d'accords, la Grande-Bretagne se réserve les communications, la défense, la protection des intérêts étrangers et l'administration du Soudan. L'occupation militaire continue, ainsi que l'agitation.
Lutte de pouvoir entre le Wafd et la royauté
En 1924, alors que le Wafd vient de remporter largement les élections au Parlement, le gouverneur général du Soudan est assassiné ce qui entraîne de très fortes tensions entre les Britanniques et le gouvernement dirigé par Zaghlul qui finit par démissionner. En 1927, Zaghlul meurt et est remplacé à la tête du Wafd par Nahhas Pacha.
Dans les années 1930, contre le Wafd majoritaire, le roi et le haut-commissaire favorisent la formation de gouvernements autoritaires menés par les représentants des partis monarchistes Shaab (comme celui d’Ismail Sidqi à l’origine de la nouvelle Constitution de 1930, [1930-1933]) et Ittihad (1933-1936).
Le traité anglo-égyptien de 1936 et l'émergence des Frères musulmans
Le traité anglo-égyptien du 26 août 1936, signé par le Premier ministre Nahhas Pacha et le Haut commissaire britannique, n’accorde pas à l'Égypte l'indépendance pleine et entière : si le Haut commissaire est remplacé par un ambassadeur et si les capitulations sont abolies, l'Angleterre garde un droit de regard sur la politique étrangère de l'Égypte, continue à occuper la zone du canal et conserve le contrôle du Soudan théoriquement soumis à un condominium depuis 1899. Le traité est ainsi mal accueilli par certains nationalistes qui accusent le Wafd d’avoir trahi leur cause. Dès lors, le parti dont le bilan politique et social est également critiqué, commence à décliner au profit de nouvelles formations parmi lesquelles les Frères musulmans, créés en 1928 ou La Jeune Égypte et ses « Chemises vertes », une organisation nationaliste aux tendances fascisantes créée en 1933 par Ahmad Husayn.
Le roi Farouk (1937-1952), fils et successeur de Fuad, contribue également à la lutte contre le Wafd dont le chef est cependant nommé Premier ministre pour la quatrième fois en 1942-1944.
L'agitation nationaliste
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Égypte est une base essentielle pour l'armée britannique ; Farouk est plus que réticent devant l'aide qu'exige la Grande-Bretagne, et une partie de l'opinion se montre également germanophile. Dès 1945, l'Égypte réclame l'évacuation de la zone du canal et la restitution du Soudan. Devant les lenteurs britanniques, l'opinion s'enflamme ; la crise sociale, due à la surpopulation rurale et à la constitution d'un prolétariat urbain, aggrave la crise politique.
La guerre contre Israël (→  première guerre israélo-arabe,, mai 1948-février 1949) tourne à la confusion des pays arabes et de leur leader égyptien ; les vaincus se refusent à reconnaître le fait accompli et se contentent d'un simple armistice (Rhodes, 24 février 1949). La menace israélienne reste un des slogans de la politique égyptienne.
En 1950, le roi rappelle le chef du Wafd au pouvoir ; Nahhas, dont c'est le cinquième et dernier mandat, dénonce cette fois le traité de 1936 et fait proclamer Farouk « roi d'Égypte et du Soudan » (1951). L'agitation nationaliste croît, attisée par les Frères musulmans, qui groupent 500 000 membres, recrutés surtout dans les milieux ruraux ; le 26 janvier 1952, une violente émeute populaire éclate au Caire.
Pour en savoir plus, voir les articles Égypte, vie politique depuis 1952.

 
 
 
 

L'ÉGYPTE

 

PLAN
ÉGYPTE : HISTOIRE DE L'ÉGYPTE ANCIENNE ET PRÉISLAMIQUE
1. L'époque archaïque
1.1. La période prédynastique
1.2. L'avance prise par la Haute-Égypte
1.3. Le commerce
2. L'Égypte pharaonique
2.1. La période thinite (vers 3200-vers 2778 avant J.-C.)
2.2. L'Ancien Empire (2778-2420 avant J.-C., IIIe à VIe dynastie)
2.2.1. Les pyramides
2.2.2. L'organisation du pouvoir
2.2.3. Le rayonnement de l'Égypte
2.2.4. Le déclin à partir de la VIe dynastie
2.3. La première période intermédiaire (2420-2160 avant J.-C.)
2.4. Le Moyen Empire (vers 2160-vers 1785 avant J.-C., XIe à XIVe dynastie)
2.4.1. L'unité retrouvée
2.4.2. L'organisation de la société
2.4.3. La protection du royaume
2.5. La deuxième période intermédiaire (vers 1785-vers 1580 avant J.-C., XVe à XVIIe dynastie)
2.6. Le Nouvel Empire (1580-1085 avant J.-C., XVIIIe à XXe dynastie)
L'âge d'or de la monarchie pharaonique
La politique extérieure
Un pouvoir centralisé
Le Ka divin du pharaon
Le clergé
Le déclin
2.7. La Basse Époque (v. 1085-v. 333 avant J.-C. ; XXIe à XXXIe dynastie)
Influences et dominations
La civilisation saïte
La domination perse
3. La religion de l'Égypte pharaonique
3.1. Les principaux dieux
3.2. Les syncrétismes
3.3. Le clergé
3.4. Les rites funéraires
4. L'Égypte hellénistique (332-30 avant J.-C.)
4.1. D'Alexandre aux Lagides
4.2. La vie et la société à l'époque ptolémaïque
Une monarchie prestigieuse
Le protectorat romain
5. L'Égypte romaine (30 avant J.-C.-395 après J.-C.)
5.1. Vie et société sous domination romaine
5.2. L'Égypte chrétienne
6. L'Égypte byzantine (395-642)
6.1. La querelle du monophysisme
Voir plus
Égypte : histoire de l'Égypte ancienne et préislamique
L'Égypte ancienne
Cet article fait partie du dossier consacré à l'Égypte ancienne.
1. L'époque archaïque

On divise généralement l'histoire égyptienne en périodes correspondant aux 30 dynasties royales recensées par Manéthon, chroniqueur égyptien du iiie siècle avant J.-C. Si les recherches les plus récentes (juin 2010) en vue d’établir une chronologie absolue grâce à la datation par le carbone 14 d’échantillons de divers objets ou plantes attribués à une période ou à un règne, sont de manière générale en accord avec la plupart des travaux déjà menés, la chronologie de l’Égypte pharaonique diffère toutefois toujours selon les historiens et archéologues avec parfois des écarts sensibles, pouvant atteindre plus d’un siècle. La datation présentée ici est ainsi, parmi d’autres, approximative. La période antérieure à 3200 avant J.-C., pour laquelle on ne dispose d'aucun témoignage écrit, est dite prédynastique ; elle est maintenant beaucoup mieux connue grâce à l'archéologie.
1.1. La période prédynastique

À une époque nettement antérieure à 5000 avant J.-C., de nombreuses communautés de chasseurs-cueilleurs vivent sur les plateaux surplombant le Nil et dans les savanes qui s'étendent à l'est et à l'ouest. Quand la baisse des précipitations et celle, relative, des crues, en particulier après 4000, entraînent une désertification des terres occidentales, ces populations colonisent densément la vallée du Nil et ses abords immédiats. Néanmoins, la faune de ces plateaux, parmi laquelle des éléphants et des girafes, persiste jusqu'aux environs de 2300, avant de se replier définitivement vers le sud.
La vallée du Nil, qui présente des bassins d'irrigation naturels retenant les eaux de crue, est un emplacement idéal pour passer de l'économie mésolithique dotée d'un embryon d'agriculture à une économie fondée sur une agriculture sédentaire accompagnée d'élevage.
En Basse-Égypte, au sud du Delta, à Merimdeh et dans le Fayoum (5000-4000), les fouilles archéologiques montrent l'importance d'une société paysanne, dont les villages étaient construits en clayonnages de roseaux, et produisant une poterie monochrome parfois rehaussée de décors incisés ou appliqués.
1.2. L'avance prise par la Haute-Égypte

À la même période, en Haute-Égypte, le pouvoir paraît déjà beaucoup plus fort, centralisateur ; des phénomènes urbains apparaissent à Hiéraconpolis. Les trois époques successives de la culture de Nagada produisent une poterie très différente de celle du Nord – plus proche de celle de Khartoum, plus ancienne – et de superbes objets de pierre polie.
C'est à cette époque que des schémas historiques généraux se dessinent, avec l’émergence d'élites politiques asseyant leur pouvoir sur la prospérité de l'agriculture et sur le contrôle des matières précieuses, qui commencent à être exploitées par des techniques nouvelles.
Si les outils et les armes sont initialement en pierre ou en matériaux organiques, le cuivre et les métaux précieux acquièrent une importance croissante en Haute-Égypte et, plus tard, en Basse-Égypte. La culture de Nagada (milieu du IVe millénaire) voit la construction de bateaux de rivière plus grands et plus performants, et l'essor du commerce sur le Nil. Ces facteurs, parmi d'autres, favorisent l'apparition d'une élite dont les sépultures sont plus grandes et plus somptueuses que précédemment (on peut même reconnaître celles des chefs politiques provinciaux sur différents sites). Selon des traditions ultérieures, deux royaumes seraient apparus à la fin de l'époque prédynastique, la prééminence matérielle et politique de la Haute-Égypte étant plus nette.
1.3. Le commerce

Tout au long de cette période, de 5000 à 3100, les influences étrangères directes ou indirectes sont décisives, mais il est difficile de déterminer leur part respective. La culture des céréales et l'élevage de certains animaux, introduits de Syrie et de Palestine, est un signe de l'influence de ces régions. La Haute et la Basse-Égypte commercent avec la Syrie, la Palestine et l'Afrique du Nord.
On n'a, jusqu'aujourd'hui, retrouvé en Haute-Égypte que des sceaux cylindriques, des poteries et des motifs décoratifs de style mésopotamien, particulièrement remarquables, probablement apportés par des intermédiaires plutôt que par contact direct.
Les témoins les plus parlants de l'architecture prédynastique se trouvent dans les nécropoles ; les fosses funéraires sont tapissées de bois ou de briques et couvertes d'un toit de sparterie ou de pavés ; certaines tombes sont surmontées de petites structures solides en brique ou en remblai. Des campements ont fait l'objet de fouilles partielles, et l'on a découvert récemment à Hiéraconpolis un temple probablement prédynastique.
2. L'Égypte pharaonique

2.1. La période thinite (vers 3200-vers 2778 avant J.-C.)

L'Égypte ancienneL'Égypte ancienne
Vers 3200 avant J.-C., Narmer, originaire de Hiéraconpolis, unifie les deux royaumes existant alors : celui de Haute-Égypte (capitale Hiéraconpolis ; divinité tutélaire : la déesse-vautour Nekhbet ; insigne : la couronne blanche) et celui de Basse-Égypte (capitale Bouto ; divinité tutélaire : la déesse-serpent Ouadjet ; insigne : la couronne rouge). Ceignant les deux couronnes (nommées en égyptien « les deux puissantes », en transcription grecque : le pschent), il est le premier des rois qui, durant 30 dynasties (selon le schéma traditionnel de source égyptienne, transmis par Manéthon) au cours de trois millénaires, vont administrer l'Égypte jusqu'en 333 avant J.-C., date de l'arrivée d'Alexandre de Macédoine. Narmer établit sa capitale à This (près d'Abydos), où règnent les rois des deux premières dynasties ; celles-ci sont connues grâce aux découvertes faites dans les nécropoles d'Abydos, de Saqqarah et d'Hélouân (en Basse-Égypte). Il est possible que Narmer ait jeté les fondations de la ville nouvelle de Memphis, à la pointe du Delta du Nil.
L'œuvre de ces premiers souverains, qui maintiennent fermement l'unité du royaume, semble importante : création d'une économie nouvelle (mise en valeur des terres par l'organisation d'une politique nationale d'irrigation, développement de l'agriculture et de l'élevage) ; établissement des principes de la nouvelle monarchie, unificatrice et d'essence divine ; mise en place des éléments de gestion politique (les rouages de l'administration centrale et ceux de l'administration provinciale étant « dans la main du roi », monarque tout-puissant).
Les pharaons des Iere et IIe dynasties sont les successeurs de Narmer. D'après certains spécialistes, des rois de la Iere dynastie auraient été enterrés à Abydos, dans des fosses funéraires coiffées de structures analogues à des tumulus et assorties d'édifices cultuels ; cette architecture a sans doute annoncé les complexes pyramidaux postérieurs. Cette thèse confère au pharaon un statut à part dès l'origine. Or les sépultures royales de la Iere dynastie, dans les environs de Saqqarah, sont de taille et d'architecture analogues à celles des autres élites. Ainsi a été établie la certitude que le statut royal est seulement en germe. On dispose de bien moins d'éléments sur les sépultures royales de la IIe dynastie ; il y en a deux à Abydos, auxquelles sont adjoints des complexes cultuels ; les autres se trouvent à Saqqarah.
2.2. L'Ancien Empire (2778-2420 avant J.-C., IIIe à VIe dynastie)

DjoserDjoser
Il est convenu d’organiser la succession des pharaons en dynasties. L'Ancien Empire, qui couvre un peu plus d'un demi-millénaire, en compte quatre : de la IIIe dynastie, à partir de laquelle le pouvoir royal va fortement s'accroître, à la VIe dynastie, où il s'affaiblit.
2.2.1. Les pyramides
Sphinx et pyramide de KhephrenSphinx et pyramide de Khephren
Vers 2778 avant J.-C., la IIIe dynastie et son premier souverain Djoser établissent la capitale à Memphis. L'Ancien Empire est aussi l'âge des pyramides ; c'est l'architecte Imhotep, ministre de Djoser, qui donne à l'architecture de pierre un immense développement.
La Grande Pyramide, KheopsLa Grande Pyramide, Kheops
À Saqqarah, Gizeh, Meidoum, Abousir, les tombes royales dominent encore le désert de leurs hautes masses pointant vers le ciel, immortalisant notamment les noms de Kheops, Khephren, Mykerinus.
2.2.2. L'organisation du pouvoir
Sous les IVe et Ve dynasties, le pouvoir du pharaon s'affirme ; en raison de l'importance croissante prise par l'administration, le pharaon Snefrou crée la charge de vizir, homme de confiance du roi, qui gère en son nom justice, police, armée, notamment ; à la cour memphite, une classe de favoris, hauts fonctionnaires, se développe, recherchant les grâces royales, car le roi demeure l'instance suprême de tout élément directeur de l'Égypte ; il dispose aussi du pouvoir spirituel, donnant la faveur au dieu solaire Rê, dont il se dit « le fils », et qui devient alors un véritable dieu d'État.
2.2.3. Le rayonnement de l'Égypte
L'Égypte n'est pas un pays isolé : les rapports et les échanges commerciaux sont importants avec Byblos et la Phénicie, avec Chypre, la Crète et les îles de la Méditerranée, avec le Sinaï (dont les mines ont été exploitées et mises en valeur par les Égyptiens dès les débuts de l'Ancien Empire), avec la Mésopotamie ; l'Afrique, considérée comme le prolongement naturel de l'Égypte, est reconnue jusqu'aux abords de la troisième cataracte du Nil : les territoires nubiens sous hégémonie égyptienne contribuent par leurs apports (blé, bétail, ivoire, ébène, plumes d'autruche, peaux de léopard et de panthère) à la richesse du royaume ; de grandes expéditions maritimes organisées vers le pays de Pount (l'actuelle Somalie) donnent aux Égyptiens des produits précieux (surtout les arbres à encens).
2.2.4. Le déclin à partir de la VIe dynastie
Sous la VIe dynastie (→ Teti, Pepi Ier, Pepi II), la toute-puissance du pharaon est menacée par la montée d'une oligarchie (courtisans et favoris, hauts fonctionnaires de province) et peut-être par l'opposition de couches populaires. L'obscurité règne sur la période qui sépare la fin de la VIe dynastie de l'avènement de la XIe, dont les historiens font traditionnellement le point de départ du Moyen Empire ; le pouvoir n'est cependant pas demeuré vacant et les noms de certains pharaons nous sont connus. Le désordre social est certain pendant une période relativement longue, mais on en connaît mal les causes.
2.3. La première période intermédiaire (2420-2160 avant J.-C.)

Durant plus de deux siècles alors, on émet l’hypothèse d’une révolution sociale qui livre le pays à l'anarchie, à la récession économique, à la famine, aux infiltrations étrangères, sous les VIIe et VIIIe dynasties memphites, notamment. On pense qu’au cours de la première période intermédiaire, les pharaons de Memphis sont impuissants à empêcher les gouverneurs militaires locaux de livrer bataille pour le contrôle de territoires. Deux royaumes distincts finissent par se constituer, l'un sous la domination des IXe et Xe dynasties de Héracléopolis ; l'autre, quasi contemporaine, sous celle de la XIe dynastie de Thèbes. Ils se disputent l'hégémonie mais se heurtent à l'autonomie des gouverneurs de province.
2.4. Le Moyen Empire (vers 2160-vers 1785 avant J.-C., XIe à XIVe dynastie)

2.4.1. L'unité retrouvée
L'unité est reconstituée par les princes de Thèbes, les Antef, qui fondent la XIe dynastie et inaugurent le Moyen Empire (2160-vers 1785 avant J.-C.). Cette dynastie, qui a pour capitale Thèbes et pour souverains les Antef et les Montouhotep, donne, pour la première fois, la primauté religieuse au dieu thébain Amon. Avec la XIIe dynastie, celle des Amenemhat et des Sésostris – dont la capitale est sise, de nouveau, plus au nord, à Licht (près de Fayoum) –, la monarchie, centralisée, retrouve sa puissance, patronnée par le dieu d'État, Amon-Rê (dont la personnalité divine résulte d'un compromis entre le clergé de Thèbes et celui d'Héliopolis).
2.4.2. L'organisation de la société
Les bouleversements sociaux sont considérables. Autour du pharaon (ressenti désormais comme « le bon berger » du peuple, médiateur officiel entre les dieux et les hommes) se rassemble une société plus différenciée. Les sujets ont une conscience accrue de leurs droits individuels. La religion en est affectée : les croyances et les rites funéraires, jusqu'alors apanage des pharaons, se diffusent dans toutes les couches de la société. Sous la XIIe dynastie, la politique royale favorise même l'émergence d'une classe moyenne aisée (scribes, artisans, etc.) qui joue un rôle actif dans des centres cultuels tels que celui d'Abydos.
Dans le domaine idéologique, le Moyen Empire est marqué par une évolution fort importante : le développement du culte d'Osiris permet désormais à tout homme (et non au roi seul) l'accession à l'éternité, s'il reproduit les rites qui ont présidé à la passion et à la résurrection du dieu.
2.4.3. La protection du royaume
La région du Fayoum est systématiquement mise en valeur, cependant qu'est instaurée une politique de défense des frontières. Au nord-est, il faut avant tout, d'une part, mettre le Delta à l'abri des incursions des Asiatiques – qui, après la VIe dynastie, constituent un réel fléau – et, d'autre part, assurer la liberté du commerce pour les villes de Basse-Égypte. Pour assurer la protection de la voie de terre Amenemhat Ier fait construire sur la frontière orientale du Delta une série de forteresses, les « Murs du Prince », qui, pourvues de garnisons permanentes, protègent le royaume. Au sud, la pénétration en Afrique se développe et s'organise : une administration « coloniale » est créée, en même temps qu'est construite la ville de Bouhen (deuxième cataracte), qui devient le siège du vice-roi d'Égypte ; des forteresses égyptiennes jalonnent désormais le cours du Nil, en Nubie et au Soudan.
À partir de 1900 avant J.-C., des invasions progressives de peuples indo-européens, venus des régions de la mer Caspienne et de la mer Noire, vont « remodeler » la carte du Proche-Orient, entraînant la création de puissants États asiatiques : le Hatti (terre des Hittites, sur les plateaux d'Anatolie), le Mitanni (dans les hautes vallées du Tigre et de l'Euphrate), cependant qu'une dynastie nouvelle s'installe à Babylone.
2.5. La deuxième période intermédiaire (vers 1785-vers 1580 avant J.-C., XVe à XVIIe dynastie)

Les populations autochtones, chassées par ces invasions, fuient vers le sud, refluant jusqu'en Égypte, où, sous le nom de Hyksos, elles vont d'abord s'installer dans le nord-est du Delta, autour de la ville d'Avaris. Favorisés par la faiblesse des XIIIe et XIVe dynasties indigènes, les Hyksos, devenus puissants grâce à l'arrivée de nouveaux contingents d'Asiatiques refoulés, conquièrent peu à peu le royaume, sans toutefois étendre réellement leur pouvoir sur la Haute-Égypte ; ils règnent durant les XVe et XVIe dynasties. Les princes thébains mettent fin à cette seconde deuxième intermédiaire en entreprenant une guerre de libération. Les pharaons Kames, puis Ahmosis chassent les Hyksos, prennent Avaris, poursuivant l'ennemi jusqu'à Sharouhen.
2.6. Le Nouvel Empire (1580-1085 avant J.-C., XVIIIe à XXe dynastie)

 L'âge d'or de la monarchie pharaonique
Le Nouvel Empire qui commence alors, et dont la capitale est fixée à Thèbes (palais royal à Louqsor), est l'âge d'or de la monarchie pharaonique. Les Aménophis, les Thoutmosis, Seti, Mineptah, les Ramsès œuvrèrent pour la grandeur de leur terre.
C'est une période de luxe, caractérisée par une intense activité artistique : Karnak (sur la rive droite du Nil) devient une aire architecturale immense où se succèdent, jusqu'à l'époque romaine, les constructions grandioses entreprises pour la gloire du dieu Amon-Rê, notamment ; les hypogées royaux et privés sont creusés sur la rive gauche (Vallée des rois, Vallée des Reines).
La XVIIIe dynastie, celle des Thoutmosis et des Aménophis, connaît trois entorses à l'ordre des successions royales. La première est le règne d'une reine, Hatshepsout, qui exerce la régence pendant l'enfance de son neveu, le futur Thoutmosis III ; elle se proclame pharaon et gouverne une vingtaine d'années. Après sa mort, Thoutmosis s'acharne à effacer toutes les traces de son règne, faisant abattre des obélisques et défigurer ses monuments ; il va jusqu'à détruire l'un des plus beaux temples de toute l'histoire égyptienne, celui qu'Hatshepsout avait fait édifier à Deir el-Bahari.
La deuxième entorse est le bref règne du jeune Toutankhamon ; la troisième est, à la mort de ce dernier, l'usurpation du pouvoir pharaonique par Horemheb, un simple général. Son règne met un terme à la dynastie.
Les XIXe et XXe dynasties, celles des Seti et des Ramessides (Ramsès Ier à Ramsès XI), participent également à la gloire militaire et au rayonnement culturel de la monarchie pharaonique.
 La politique extérieure
Sous ces trois dynasties, qui gouvernent l'Égypte pendant près de cinq siècles, la politique extérieure est remarquable. La reconquête de la haute Nubie, celle de la Palestine, les interventions dans les affaires du Proche-Orient constituent une constante.
Le pharaon, dont le royaume est menacé maintenant par les États puissants qui viennent de se constituer au Proche-Orient, devient, pour la défense de son pays, un grand conquérant : créant et organisant un vaste empire, pratiquant aussi une véritable politique internationale menée par une diplomatie nouvelle, importante, avisée. Thoutmosis III, en 17 campagnes militaires (relatées par le texte des Annales sculptées dans le grand temple d'Amon-Rê à Karnak), dénoue la dangereuse coalition liée par le Mitanni, et Aménophis II s'allie finalement avec ce pays.

Ramsès II, Temple d'Abu-SimbelRamsès II, Temple d'Abu-Simbel
Ramsès II abat la puissance hittite (bataille de Qadesh) et les deux États concluent aussi une alliance (dont le texte a été retrouvé dans les archives égyptiennes et hittites). Mineptah et Ramsès III luttent contre les invasions des peuples du Nord et de la mer (vaste ligue, constituée par les populations côtières de l'Asie Mineure et par les Achéens, chassés de leurs terres, les uns par de nouvelles invasions indo-européennes venues du nord, les autres par l'arrivée des Doriens en Grèce, et tous en quête d'un nouvel habitat) : vainqueur sur terre et sur mer (bataille navale dans les bouches du Nil), Ramsès III maintient l'intégrité de son royaume. Les rois du Nouvel Empire doivent aussi lutter contre d'autres dangers venus de l'Assyrie et de la Libye. Au sud, leur pouvoir s'étend jusqu'au-delà de la quatrième cataracte du Nil. Les territoires africains conquis sont maintenus sous régime « colonial », administrés par des fonctionnaires égyptiens, cependant que les territoires asiatiques sous hégémonie (celle-ci s'étendant jusqu'à l'Euphrate, officiellement, mais pratiquement jusqu'à l'Oronte) connaissent une organisation qui respecte les pouvoirs locaux, établissant seulement un certain nombre de « devoirs », notamment le paiement de redevances.
 Un pouvoir centralisé
La transformation de l'ancien système de vassalité des Hyksos en une autocratie centralisée est d'une plus grande portée. Les grandes armées royales, qui avaient été levées en vue des guerres contre les pays étrangers, intimident les pouvoirs rivaux ; l'administration est rationalisée, et un Premier ministre nommé à la tête de chacune des parties de l'Empire. En l'absence de conseil et de parlement, toutes les nominations et les révocations émanent directement des pharaons, qui entreprennent souvent des voyages d'inspection.
 Le Ka divin du pharaon
Le pharaon est encore doté d'une double nature, humaine et divine, ce dernier aspect étant alors très valorisé. Le dogme impérial enseigne que chaque pharaon est possédé par le ka divin, qui désigne les énergies vitales dans leurs fonctions créatrice et conservatrice ; Horus est, selon la mythologie, le dernier dieu à avoir gouverné la terre dans la nuit des temps, et que l'on identifie à Amon-Rê. Ce dieu, qui figure l'alliance de la divinité thébaine avec le dieu solaire, est la divinité tutélaire de l'Empire.
 Le clergé
AkhenatonAkhenaton
Le clergé d'Amon, enrichi par les dons royaux (recevant notamment une part du butin recueilli lors des campagnes militaires), devient une puissance dangereuse ; à partir de la XIXe dynastie, il dispose de grands domaines, de milices privées, de tribunaux spéciaux. La réaction d'Aménophis IV contre l'ingérence amonienne dans les affaires de l'État (instauration du culte unique du disque solaire Aton, suppression des clergés, notamment) fut de courte durée ; pour diminuer l'importance prise par Thèbes, les Ramsès établissent une seconde capitale, dans le Delta, près de Tanis.
Le déclin
À la fin de la XXe dynastie, le développement de la corruption, le danger que représente le clergé d'Amon, les prétentions au pouvoir des chefs militaires étrangers (Libyens, notamment) finissent par affaiblir le pouvoir central : on pille les tombes royales, on complote contre le pharaon. Le Nouvel Empire se termine par une guerre civile sous Ramsès XI.
2.7. La Basse Époque (v. 1085-v. 333 avant J.-C. ; XXIe à XXXIe dynastie)

Influences et dominations
Vers 1085 avant J.-C., Smendès (originaire de Tanis) fonde la XXIe dynastie, qui gère le Delta, cependant qu'une souveraineté parallèle s'installe à Thèbes, avec Herihor, grand prêtre d'Amon et premier des rois-pontifes. La scission semble consommée. C'est le début de la Basse Époque, durant laquelle règnent plusieurs dynasties étrangères, dans le pays livré aux invasions. La XXIIe dynastie, d'origine libyenne (les Sheshonq, Osorkon, Takélot), règne, à Bubastis, en même temps que la XXIIIe dynastie installée à Tanis (Pedoubast) ; le Delta aussi est divisé.
Il est possible que, lors de l'avènement de Sheshonq Ier, une partie du clergé amonien ait alors fui à Thèbes et se soit réfugié au Soudan à Napata, où il aurait implanté le culte d'Amon et construit un temple grandiose pour ce dieu ; en tout cas, le roi de Napata, Piankhi (descendant de Herihor ?), vers 750 avant J.-C., remonte le fleuve jusqu'à Thèbes et étend son pouvoir sur la Haute-Égypte. Le Delta est alors administré par la XXIVe dynastie, indigène de Saïs (Tefnakht et Bocchoris).
Vers 715 avant J.-C., Shabaka établit le pouvoir soudanais en Égypte avec la XXVe dynastie, et les rois du Sud, pour renforcer leur mainmise, placent leurs parentes comme « divines adoratrices d'Amon » (épouses du dieu) à Thèbes ; mais les rois locaux de Basse-Égypte ne se soumettent pas.
La civilisation saïte
Vers 671 avant J.-C., Assarhaddon et les Assyriens font du Delta un protectorat de Ninive ; Assourbanipal descend le fleuve à deux reprises jusqu'à Thèbes. La seconde fois, il fait saccager la grande ville. Mais Psammétique Ier, roi de Saïs, chasse les Assyriens de Basse-Égypte et les Soudanais de Haute-Égypte, et instaure la XXVIe dynastie, égyptienne ; jusqu'en 525 avant J.-C., on assiste à un renouveau national.
 La domination perse
Vers 525 avant J.-C., le roi perse Cambyse s'empare de toute l'Égypte et, jusqu'à Darios II (vers 404 avant J.-C.), la XXVIIe dynastie sera formée par les souverains achéménides, le pays étant devenu une satrapie du vaste empire des Darios et des Xerxès. Appuyé par les Grecs, le roi de Saïs, Amyrtée, chasse les Perses et fonde la XXVIIIe dynastie (404-398 avant J.-C.) ; il mène de nouveau une politique nationale, comme ses successeurs les rois de la XXIXe dynastie (398-378 avant J.-C.) et de la XXXe (378-341 avant J.-C.), celle-ci étant la dernière des dynasties indigènes ; vers 341 avant J.-C., en effet, Nectanebo II ne peut résister à une nouvelle invasion et empêcher une seconde domination perse (341-333 avant J.-C.). La défaite de Darios III Codoman, à Issos puis à Gaugamèles (333 et 331), laisse le pouvoir à Alexandre de Macédoine, qui pénètre alors en Égypte.
3. La religion de l'Égypte pharaonique

Louqsor, peinture de la tombe de SenedjemLouqsor, peinture de la tombe de Senedjem
Dans l'Égypte primitive, la religion est essentiellement locale : chacun honore le dieu de sa bourgade, puis celui qui règne sur la métropole de sa province, ou nome. Les nomes possèdent des « enseignes », symboles de divinités représentant des animaux, des plantes ou des objets.
L'Égypte (comme tous les peuples de l'Antiquité) divinise les forces de la nature et les éléments (animés ou non) de l'univers créé, pour rendre hommage à leurs bienfaits ou se concilier leur éventuelle agressivité, établissant ainsi entre eux un courant d'« échanges », un lien, à vertu magique.
3.1. Les principaux dieux

HorusHorus
Sont ainsi adorés Khnoum (le bélier, l'animal reproducteur du troupeau, dieu créateur par excellence), Hathor (la vache, féconde et nourricière – assimilée au ciel, lien fécond de l'univers, parce que donneur de lumière et de chaleur –, déesse donc aussi de la joie et de la danse), Sebek (le crocodile, qui guette sa proie tapi dans l'eau du fleuve), Anubis (le chacal, qui deviendra le divin embaumeur, très tôt mis en rapport avec le monde des défunts car l'animal hante toujours les abords des nécropoles en quête de possibles nourritures), Horus (le faucon, assimilé souvent au ciel ou au soleil, car, ailes largement étendues, l'oiseau qui plane semble se confondre avec l'étendue céleste), Min (dieu humain de la fertilité), Ptah (dieu de Memphis, première capitale de l'Égypte), etc. Chacune de ces divinités est adorée principalement dans une ville (parfois plusieurs) et est ressentie comme netjer, « le dieu », pour ses fidèles. Deux grandes forces bénéfiques de la nature sont particulièrement révérées : le soleil, Rê, qui donne et entretient la vie de chaque jour, et Osiris, dieu du Nil et de la végétation toujours renaissante, le dieu qui, par sa passion et sa résurrection, donne aux hommes l'exemple et les « moyens » de la vie éternellement renouvelée.
3.2. Les syncrétismes

Les vicissitudes de la politique créent les premiers syncrétismes nationaux et déterminent l'existence de dieux d'État (sommets du panthéon, comme le roi est celui de la société) : Rê, sous l'Ancien Empire, acquiert, à partir de son centre culturel d'Héliopolis (près de Memphis), une valeur nationale ; le roi, dieu lui-même, est son fils. Au Moyen et au Nouvel Empire, Amon de Thèbes (nouvelle capitale) « coiffe » les autres divinités, qui sont officiellement ses hypostases, mais s'allie avec le puissant Héliopolitain : Amon-Rê qui est alors le maître divin de l'Égypte.

OsirisOsiris
Des syncrétismes religieux internationaux se développent aussi au Nouvel Empire, période des grandes conquêtes en Asie. La confusion des divinités justifie alors et légitime la conquête : Amon-Rê et Shamash (dieu solaire babylonien) sont assimilés, Osiris, Baal et Adonaï sont mêlés en une même foi dans la vitalité des forces végétantes, Ptah prend pour parèdre Ashtart (déesse mère de l'Asie antérieure) ; Sontekh (l'Asiatique) et Seth (l'Égyptien, dieu des forces néfastes et hostiles) confondent leur puissance guerrière.
3.3. Le clergé

Pour le service des dieux et des morts, des clergés, d'importance diverse, se constituent. Dans les temples divins, le roi – théoriquement, officiant unique – délègue son pouvoir à des prêtres. Un service quotidien est assuré : sortie, toilette et purification, nourriture de la statue divine, sous forme de riches offrandes alimentaires. Militants, les prêtres composent des systèmes théologiques où leur dieu est le créateur du monde : Ennéade héliopolitaine, Ogdoade hermopolitaine (menée par le dieu-ibis Thot), système « intellectuel » de Memphis, autour de Ptah. Gérants des biens du dieu, les prêtres possèdent souvent une grande richesse temporelle, notamment le clergé thébain d'Amon-Rê, enrichi par les dons royaux (butin rapporté des campagnes militaires, octroi de terres). Ainsi, ils peuvent parfois concurrencer, voire menacer la puissance politique du pharaon lui-même : des querelles d'influence naissent, des discussions sont apparentes, la « guerre » larvée entraîne peu à peu la réforme d'Aménophis IV à Amarna, mais vaut aussi aux rois-prêtres de la XXIe dynastie l'accès aux fonctions royales.
3.4. Les rites funéraires

Momie de Ramsès IIMomie de Ramsès II
Les prêtres funéraires s'activent à maintenir la vie du défunt dans les temples funéraires royaux et les tombes privées ; la survie du corps étant garantie par la momification, tout un appareil funéraire est encore indispensable. Les prêtres (qui remplissent, dans cet office, le rôle du fils aîné) apportent, chaque jour, les offrandes alimentaires nécessaires à l'entretien de la force vitale, ou ka (l’esprit), du mort. La vie étant ainsi maintenue sous les épaisses bandelettes qui enserrent le corps, il faut aussi recouvrer la liberté du mouvement et la possibilité de revivre le quotidien ; élément ailé de l'être, le ba (oiseau à tête humaine), s'échappant du corps étendu, s'en va chercher sur terre les souffles vivificateurs et, à tire-d'aile, revient ainsi revigorer le défunt.
→ momie.

Livre des mortsLivre des morts
Cette survie en deux temps est encore insuffisante : l'Égyptien fabrique alors des « corps de rechange » sculptés en ronde bosse ou en bas relief (à la ressemblance du personnage), et dans lesquels peut se glisser le ba (l’âme) qui les réanime, pour une reprise des habitudes du temps de vie (de là, la grande imagerie des tombes, qui reproduit les scènes de la vie quotidienne) ; l'art devient ainsi le médiateur de l'immortalité. Enfin, pour le voyage dans l'au-delà, la connaissance des formules est indispensable (notamment lors du jugement par-devant Osiris) ; c'est la fonction (au Nouvel Empire) des papyrus du « Livre des morts », destinés à guider efficacement le défunt dans l'autre monde.

Isis sous l'apparence d'HathorIsis sous l'apparence d'Hathor
Religion de la tolérance et de l'espérance, la religion égyptienne s'inscrit dans l'ensemble des grandes religions panthéistes de l'Antiquité, qu'elle a fortement influencées. À l'époque tardive, elle essaime dans le monde clanique ; le culte d'Isis (l'épouse d'Osiris, magicienne de la résurrection) fleurit en Grèce, à Rome et dans tout le monde méditerranéen. Cette religion est d'une haute valeur morale, où la soumission au dieu, le respect des principes de paix et de charité sont essentiels. La déesse Maât, déesse de la Vérité et de la Justice (seuls principes abstraits déifiés), est le garant de l'ordre de l'univers.
4. L'Égypte hellénistique (332-30 avant J.-C.)

4.1. D'Alexandre aux Lagides

L'Égypte est libérée de la domination perse par la conquête d'Alexandre. Soumise à l'autorité des souverains hellénistiques, ses successeurs, elle appartient désormais au monde grec.
Dans son court séjour (automne 332-printemps 331 avant J.-C.), Alexandre le Grand se pose en libérateur et, laissant aux indigènes leurs lois, il s'assure la bienveillance des prêtres en faisant reconnaître sa filiation divine au temple d'Amon, en l'oasis de Siouah. Il fonde Alexandrie, qui doit être le débouché maritime d'un pays jusque-là replié sur lui-même. Après sa mort (323 avant J.-C.), ses généraux attribuent la satrapie d'Égypte à un noble macédonien Ptolémée, fils de Lagos, qui se proclame roi en 305 avant J.-C., fondant la dynastie des Lagides (ou Ptolémées ; 305-30 avant J.-C.). Ces souverains, qui ajoutent au nom dynastique Ptolémée un surnom personnel, ont une histoire des plus agitées. À l'imitation des pharaons, ils épousent leur sœur et les intrigues familiales sont nombreuses à partir du règne de Ptolémée IV, affaiblissant la dynastie, que ne peuvent sauver quelques reines particulièrement énergiques (ainsi Cléopâtre VII). La dynastie possède également Cyrène, Chypre, un grand nombre d'îles grecques et de villes littorales d'Asie Mineure ou de l'Hellespont ; elle dispute aux Séleucides la Syrie, débouché des routes du commerce oriental vers la Méditerranée et région productrice de ce bois qui manque à l'Égypte pour ses constructions navales.
4.2. La vie et la société à l'époque ptolémaïque

La domination des Lagides sur l'Égypte est de type colonial : les indigènes sont écartés de toute charge importante ; l'administration ou plutôt l'exploitation du pays est le fait d'étrangers privilégiés qui appartiennent à la race des conquérants hellènes (Macédoniens ou Grecs) ou qui ont acquis par leurs vertus militaires droit à un statut spécial (Perses, Juifs). Cela est d'autant plus mal ressenti des Égyptiens que le recrutement des allogènes est insuffisant pour assurer la puissance des armées lagides : il a fallu en 217 avant J.-C. (malgré tous les avantages dont bénéficiaient les soldats royaux, en particulier la concession en quasi-propriété de terres) engager des troupes égyptiennes pour lutter contre les Séleucides et les vaincre (bataille de Raphia).
Cette date marque le début de nombreuses révoltes qui déchirent le royaume (la Haute-Égypte a maintenu son indépendance, sous l'autorité de dynastes locaux, durant de très longues années). La mégalopole d'Alexandrie est agitée par des querelles entre les groupes ethniques, Grecs, indigènes plus ou moins hellénisés ou Juifs, ceux-ci, nombreux, s'administrant eux-mêmes dans leur quartier réservé. Bien que constituant une caste privilégiée, les Grecs n'échappent pas au pouvoir absolu des rois. Conservant leurs coutumes, leur genre de vie (fréquentation du gymnase, éphébie) et l'usage de leur langue, jugés selon le droit grec, ils sont essentiellement regroupés dans trois cités (Alexandrie, Ptolémaïs et Naukratis) pourvues d'institutions grecques traditionnelles, mais qui ne leur donnent qu'une apparence de libertés. Fonctionnaires ou militaires, ils assurent l'encadrement de la population indigène, au sein d'une administration pléthorique, très minutieuse et tatillonne : les archives, écrites sur papyrus, montrent avec quel soin est traitée la moindre affaire ; grâce à elles, on peut connaître avec assez de précision l'organigramme du système étatique.
L'unique fonction de cette administration est de faire entrer dans les caisses royales la plus grande partie des produits de l'activité de tous les habitants du royaume entre dans les caisses royales ; les souverains veulent amasser le plus possible, ce qui implique la mise en œuvre de techniques diverses : les fonctionnaires sont rendus financièrement responsables des effets de leur administration, on multiplie les monopoles. Le mieux connu de ces derniers, celui de l'huile, implique une politique douanière dissuasive ; le monopole de la monnaie, qui est de règle dans les monarchies hellénistiques, s'accompagne de la mise en service d'un numéraire fiduciaire qui permet au roi de contrôler parfaitement la circulation du métal précieux. L'exploitation des monopoles est confiée à des fermiers.
Si les prêtres détenteurs de secrets prestigieux continuent d'assurer le culte royal et sont comblés par le nouveau pharaon de privilèges qui récompensent leur action pour lui assurer la fidélité des masses, les autochtones sont pressurés par le régime. Le plus souvent ce sont des paysans ; ils louent au roi (seul propriétaire de la totalité du sol égyptien) des tenures sur lesquelles ils sèment (le roi est seul habilité à prêter des semences, il se fait rembourser principal et intérêts) en fonction d'un plan de culture établi par l'État (parcelle par parcelle, l'administration fixant la nature des cultures à réaliser), avant de récolter (si le Nil atteint un niveau suffisant) et de vendre le produit. Au prix fixé par le roi, outre le loyer de la terre, l'intérêt de l'emprunt, il faut aussi ajouter les impôts. Quand la situation devient trop difficile pour les paysans, ils font grève en fuyant vers les confins désertiques (anachorète), et les champs royaux restent en friche. Privée des ressources procurées par tel ou tel terrain, l'administration doit en venir à des mesures de coercition plus efficaces ou accorder (ce qui affaiblit la monarchie) des privilèges nouveaux à qui voudra bien se charger de telle ou telle exploitation.
 Une monarchie prestigieuse
Grecs et indigènes vivent dans deux communautés complètement séparées (ou presque). À l'obstacle de la langue s'ajoute le fait que chacune a un régime juridique différent ; leur seul point commun est de vivre au service exclusif de la monarchie. De leurs immenses richesses les rois tirent un prestige qui leur permet de mener en Méditerranée une politique active (Ptolémée III ira jusqu'en Babylonie), d'attirer à Alexandrie, pour des fêtes célébrées à la gloire de la dynastie (les Ptolemaia, dont l'importance sera égale à celle des concours olympiques), des foules énormes de dépendants, d'apparaître un temps comme les maîtres du jeu dans le monde hellénistique. Ptolémée Ier aura le très grand mérite de vouloir aussi fonder sa gloire sur les services rendus au développement de la culture grecque : à Alexandrie (d'où les Égyptiens étaient exclus) il rassemble dans le Musée les savants les plus remarquables (Archimède, Ératosthène, Euclide, Héron), des hommes de lettres de qualité (Apollonios de Rhodes, Callimaque), des érudits au dévouement et à la science inlassables (Aristarque), et les dote d'une bibliothèque extraordinairement riche. C'est grâce à la dynastie que nous connaissons Homère, les tragédies d'Eschyle ou de Sophocle ; par elle sera transmise aux savants arabes la science d'Aristote, des mathématiciens et des médecins hellénistiques.
Le protectorat romain
En 168 avant J.-C., le roi séleucide Antiochos IV est sur le point de s'emparer d'Alexandrie et de détrôner les rois lagides quand Rome, pour maintenir l'équilibre du monde hellénistique, envoie Popilius Laenas remettre en selle Ptolémée VI. Le grand royaume devient alors une sorte de protectorat romain à la tête duquel se succèdent des fantoches (Ptolémée XII Aulète), tandis que les Romains annexent Cyrène (74 avant J.-C.) et Chypre (58 avant J.-C.). Par sa passion pour Cléopâtre VII, Antoine se met au service des intérêts de la dynastie, et rêve pour ses enfants (Cléopâtre Silène II et Ptolémée Philadelphe) d'un nouvel empire de l'Orient, mais, vainqueur (30 avant J.-C.), Octave annexe le pays du Nil.
5. L'Égypte romaine (30 avant J.-C.-395 après J.-C.)

Les hommes politiques romains ont depuis longtemps décelé les faiblesses internes de la monarchie lagide, qui se cachent derrière une façade brillante. C'est pourquoi Octave, en prononçant l'annexion, en 30 avant J.-C., ne fait que concrétiser leurs aspirations. Il prend des mesures originales : l'entrée de l'Égypte est interdite aux sénateurs, même s'ils y possèdent des domaines ; c'est la seule province importante où l'empereur est représenté par un personnage de rang équestre, le préfet d'Alexandrie et d'Égypte, qui a par ailleurs les pouvoirs d'un légat propréteur ; autre anomalie, les légions sont commandées par des préfets également de l'ordre équestre. On a émis l’hypothèse qu'Auguste ne tenait pas à ce que les sénateurs voient le princeps honoré comme un pharaon, dans ce pays dont le régime ne ressemble pas à celui du reste du monde romain.
5.1. Vie et société sous domination romaine

Gouvernement, administration, exploitation économique sont calqués sur les méthodes des Lagides. Auguste se contente de réprimer les abus apparus avec l'affaiblissement de la dynastie macédonienne : il aurait supprimé, ou peut-être réduit, la terre concédée aux temples, la participation de l'État aux frais du culte et les grands domaines usurpés sur la terre royale auraient été repris. Pour mieux régner, l'empereur divise : il maintient le système des castes ; les indigènes, considérés comme « déditices » (peuple soumis), ne peuvent accéder à la cité romaine. Il refuse à la province l'occasion de s'unir en célébrant le culte impérial, qui n'existe ici que sous la forme municipale. Il installe 3 légions et 12 corps auxiliaires (23 000 hommes au total) pour surveiller Alexandrie ou les campagnes turbulentes de la Thébaïde. Pour suivre la tradition locale, on recrute les soldats dans les ex-castris (hors du camp), ce qui ne se fait nulle part ailleurs. Il ne semble pas que les Romains, qui restaurent sans cesse le système d'irrigation, aient tiré de l'Égypte plus que les Lagides : l'annone nourrit assez régulièrement les Romains quatre mois par an avec le blé égyptien, mais, les mauvaises années, la disette se fait sentir sur les bords du Nil. Pour l'Égypte, le changement de domination n'a pas produit de grands effets : les dirigeants sont maintenant des Romains, mais le grec reste la langue officielle ; la monnaie de compte (différente de celle du reste de l'Empire) est toujours la drachme. Les papyrus grecs, démotiques, encore plus nombreux que sous les Lagides, les ostraca, les règlements (comme le « Gnomon de l'Idiologue », code fiscal de l’Égypte romaine) témoignent de cette continuité : recensements, contrôles, réclamations.
Quelques faits pourtant se détachent dans l'histoire de ces premiers siècles de notre ère. Le voyage en Inde devient plus facile lorsque le navigateur alexandrin Hippalos découvre la mousson : chaque année, cent vingt vaisseaux partent des ports de la mer Rouge pour aller chercher les soieries, les perles et les parfums de l'Inde, et l'importance commerciale d'Alexandrie, qui redistribue ces denrées précieuses est encore accrue.
La communauté juive d'Alexandrie est en fermentation depuis longtemps : ces Juifs, qui ne parlent plus que le grec, ont généralement gardé leurs traditions (par la Bible des Septante), et le cas du philosophe juif Philon, qui tente une interprétation platonicienne de la Bible, n'est pas courant. L'antisémitisme se développe : sous Claude, déjà, des heurts éclatent entre Grecs et Juifs d'Alexandrie. Le soulèvement général des Juifs en 66 aurait coûté la vie à 50 000 de ceux-ci à Alexandrie ; celui de 117 aurait fait 240 000 victimes. Les empereurs essaient d'augmenter le rendement de leurs propriétés ; ils confisquent les grands domaines, utilisent la concession emphytéotique, pour retenir les paysans. Ils semblent devenus plus généreux à l'égard du clergé, et les temples de Philæ, d'Esnèh sont terminés au iie s. Le Musée est toujours subventionné, et la science alexandrine jette un dernier éclat avec Ptolémée (sous Hadrien) et l’historien Appien (à l'époque d'Antonin).
Septime Sévère, pour assurer la rentrée des impôts, établit le régime des curies dans les villes, et Alexandrie reçoit une boulê (assemblée) ; Coeranus est le premier Égyptien à entrer au sénat (vers 210). Déjà le commerce avec l'Extrême-Orient décline : Rome a épuisé le stock métallique qui permettait ces échanges. Vers 250, les Blemmyes, des Éthiopiens, envahissent les districts frontières et coupent les routes du Nil à la mer Rouge, sans doute moins bien défendues : depuis le iie s., il n'y a plus qu'une légion en Égypte. La méfiance des empereurs amène des transformations administratives, et, au ive s., le pays fait partie du diocèse d'Orient et dépend du comte qui réside à Antioche, mais il garde un préfet qui surveille les gouverneurs des provinces.
5.2. L'Égypte chrétienne

Le Christ et saint MenasLe Christ et saint Menas
Le christianisme a dû pénétrer d'abord dans la communauté juive d'Alexandrie, et il est sans doute à l'origine des troubles qui s'y produisent sous Claude. Par la suite, sa diffusion semble avoir été facile chez un peuple aussi déshérité, et, dès le iiie s., il a conquis la majorité de la population. Les Égyptiens, que les Anciens voyaient comme les plus religieux des hommes, apportent un caractère original à la nouvelle religion avec l'érémitisme et le monachisme. Saint Antoine (250-356) est le premier anachorète chrétien ; installé dans le désert, il attire des disciples, qui vivent comme lui dans des cabanes isolées. Vers 320, saint Pacôme fonde un koinobion (centre de vie commune) à l'ouest de Thèbes, où il groupe 2 500 moines. Sa sœur Marie fonde le premier couvent de femmes. L'Égypte chrétienne, qui en adoptant l'écriture copte entend préserver sa culture nationale, n'a pas renié le centre intellectuel d'Alexandrie. Au iie s., Pantène, philosophe converti, oppose au Musée l'école des catéchètes. Saint Clément, son élève et son successeur (vers 190), présente le christianisme comme la forme supérieure de la gnose (gnosticisme). Il doit fuir la persécution (202) et l'évêque Démétrios le remplace par le jeune Origène, qui mêle hellénisme et culture biblique jusqu'au jour où il est déposé et forcé de s'éloigner (vers 230). La fin du iiie s. est marquée par des querelles sur la nature du Christ ; le prêtre Arius, d'Alexandrie, qui a nié la divinité du Christ, est excommunié par l'évêque Alexandre (323), puis par le concile de Nicée (325). Le successeur d'Alexandre [à Alexandrie], saint Athanase (328-373), passe sa vie à lutter contre l'arianisme et les empereurs, qui le chassent de son diocèse. Enfin Théodose se prononce contre la doctrine d'Arius (379) et l'Égypte s'apaise.
Les païens n'ont pas voulu s'avouer vaincus. À la fin du iie s., le philosophe Ammonios Sakkas, qui abandonne le christianisme, fonde à Alexandrie l'école néoplatonicienne, et a pour disciples Origène et Plotin. L'école maintient ses traditions intellectuelles jusqu'au jour où les violences de la foule chrétienne en imposent la fermeture (415). Le culte païen est interdit par Théodose en 392.
6. L'Égypte byzantine (395-642)

L'Égypte fait partie de l'empire d'Orient jusqu'à la conquête arabe. Depuis Théodose, le préfet d'Égypte, appelé préfet augustal, a les attributions d'un vicaire dans la vallée du Nil ; les provinces sont confiées à des ducs, dont la charge essentielle est de percevoir l'impôt et de veiller à l'annone ; l'Égypte, toujours exploitée par les étrangers, ravitaille maintenant Constantinople. Malgré les efforts des empereurs, la grande propriété se développe au profit de hauts fonctionnaires.
L'Égypte présente un intérêt nouveau pour la politique extérieure. Partis de son territoire, des missionnaires ont évangélisé le royaume éthiopien d'Aksoum et le pays des Himyarites (Yémen). Byzance compte sur ces deux peuples pour se débarrasser du contrôle des Sassanides sur la route de l'Inde, mais l'Égypte est trop excentrique, les menaces d'invasion sont trop nombreuses ailleurs pour que l'on songe longtemps à une expédition navale au-delà de la mer Rouge. Malgré son nom, Cosmas Indikopleustês (« le navigateur vers l'Inde »), auteur de la Topographie chrétienne de l'univers (vers 550), n'a pas dépassé les ports d'Arabie. Le rôle d'Alexandrie décline donc au profit des ports syriens, où aboutissent les caravanes venues d'Extrême-Orient.
Si l'empereur continue à exploiter le pays, il est loin d'y exercer une autorité sans partage. L'Égypte byzantine est avant tout une Égypte chrétienne. Le nouveau pharaon, comme disent ses adversaires, c'est l'évêque d'Alexandrie ; depuis le concile de Constantinople (381), il est reconnu comme patriarche, supérieur aux autres évêques d'Orient, désignant et installant à plusieurs reprises les évêques de la capitale ; il est le seul en Orient à avoir conservé le titre de pape. Il nomme les évêques d'Égypte (une centaine) et peut compter sur un clergé nombreux et docile ; il s'appuie sur les bandes fanatiques des moines du désert, alors commandés par Chénouté, abbé du Couvent Blanc. Fort riche, il distribue l'argent à bon escient, et les fonctionnaires impériaux sont à sa dévotion.
Mais, surtout, il ressuscite à son profit l'esprit national des Égyptiens, très montés contre le pouvoir des Grecs, qui continuent à les exploiter. Maître de l'Égypte, il espère supplanter son rival de Constantinople et il peut compter sur le pape, inquiet de la puissance de l'évêque de la nouvelle capitale de l'Empire.
6.1. La querelle du monophysisme

En 404, Le patriarche d'Alexandrie, Théophile (385-412), provoque la chute de saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople, tandis que son successeur, saint Cyrille (412-444), fait condamner en 431 Nestorius, patriarche de Constantinople, comme hérétique (nestorianisme) : on est alors en pleine querelle christologique sur la personne et les natures du Fils.
Le patriarche Dioscore (444-451) soutient les théories de l'archimandrite Eutychès (eutychianisme), qui sont à l'origine du monophysisme (affirmant l'union du divin et de l'humain dans le Christ en une seule nature, le premier ayant abosrbé le second), et au concile d'Éphèse (449) il fait déposer Flavien, patriarche de Constantinople, qui avait condamné Eutychès.
Mais les violences exercées par des moines égyptiens à l'encontre des év^ques (à l'occasion de de concile qualifié de « brigandage) d'Éphèse », attirent l'attention du pape Léon Ier, qui redoute les prétentions d'Alexandrie. Au concile de Chalcédoine (451), Dioscore est déposé. L'Égypte n'accepte pas cette décision et adhère alors avec ardeur au monophysisme, parce qu'il est condamné par Constantinople.
Pendant deux siècles environ, le monophysisme devient alors le symbole de la résistance nationale et religieuse de l'Égypte à l'autotité de Byzance. De nombreuses persécutions à l'encontre de l'Église égyptienne s'en suivent mais les Coptes continuent de nommer leurs propres patriarches et la rupture donne naissance à une Église nationale qui gardera des racines profondes.
Dès 457, Alexandrie se soulève et le patriarche chalcédonien est tué, l'usurpateur monophysite bénéficiant des luttes politiques qui se déroulent à Constantinople. À partir de 460, deux patriarches s'opposent : le patriarche melkite (royal, car le mot « impérial » est inconnu en Orient), toujours menacé par la colère populaire, et le patriarche monophysite, toujours appuyé par la majorité des indigènes. Au vie siècle, les monophysites se divisent en sectes ennemies, toutes d'accord cependant pour refuser toute compromission avec le pouvoir impérial. Cette période agitée est la grande époque de l'art et de la littérature coptes.
Au viie siècle, l'empereur Héraclius (610-641), qui a reconquis ses provinces orientales sur les Sassanides (les Perses ont occupé l'Égypte de 616 à 629), veut à tout prix rétablir l'unité de croyance. Ses édits, qui imposent aux juifs le baptême, aux sectes chrétiennes rivales la doctrine nouvelle du monothélisme, provoquent des réactions violentes, et la haine des Grecs et du pouvoir impérial est à son comble lorsque les Arabes envahissent l'Égypte.

 

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