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ESPAGNE - HISTOIRE

 

Espagne : histoire


Des Phéniciens aux Romains
Colonisée, principalement sur ses côtes, par les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, la péninsule voit se mêler à l'intérieur populations celtes et ibères. Passée sous la domination romaine après la fin de la deuxième guerre punique qui oppose Rome à Carthage entre 218 et 201 avant J.-C., l'Espagne connaît une prospérité durable et un niveau de culture élevé. Elle se christianise à partir du iie siècle.
L'Espagne wisigothique (ve-viiie siècle)
En 409, les Barbares pénètrent en Espagne, qui devient le champ de bataille des envahisseurs jusqu'à ce que les Wisigoths s’imposent, assurant une relative sécurité à la péninsule pendant près de deux siècles.
L'Espagne musulmane (viiie-xive siècle)
La monarchie wisigothique s'effondre d'un coup en 711, à l'arrivée des conquérants arabo-berbères. Au brillant règne du califat omeyyade de Cordoue succède au xie s., un morcellement entre puissants seigneurs autonomes (taifas) qui ne peuvent résister aux offensives des petits royaumes chrétiens du Nord de la péninsule (→ León, Castille, Navarre et Aragon). Les Almohades sont défaits entre 1212 (défaite de Las Navas de Tolosa) et 1248 (prise de Séville par les Castillans). Mais le royaume musulman de Grenade tient encore deux siècles, tandis que le pouvoir royal espagnol s'affermit peu à peu, malgré les divisions des royaumes chrétiens.
De la Reconquête chrétienne au Siècle d'or (xve-xviie siècle)
Achevée par Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon avec la prise de Grenade en 1492, la Reconquista (Reconquête) a préparé, sous la bannière du catholicisme, l’unification du royaume. Parallèlement, la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, au service d'Isabelle, ouvre à l'Espagne un empire colonial dont elle exploite les richesses pour asseoir sa puissance. Elle connaît ainsi son « Siècle d’or » au xvie siècle avec l’avènement des Habsbourg qui porte sur le trône d'Espagne l’empereur Charles Quint, puis son fils Philippe II.
Entre conservateurs et progressistes – instabilité (xviiie-xixe siècle)
En déclin au xviie siècle, le pays se redresse à la suite de la guerre de succession d’Espagne et à l’accession au trône des Bourbons en 1700.
À partir du xixe siècle, si la guerre d’indépendance contre l’occupation napoléonienne (1808-1814) fortifie le sentiment national, l’instabilité politique s’installe : affrontement entre libéraux et monarchistes, progressistes ou conservateurs, coups d'État à répétition (pronunciamentos). La Restauration met fin à la brève Ire République (1873-1875) et le parlementarisme de façade (1876) ne résiste pas au coup d’État de Primo de Rivera (1923).
De la dictature à la démocratie (xxe siècle)
La fragile IIe République (1931) débouche sur la guerre civile d’Espagne (1936-1939) remportée par le général Franco, dont le régime, entre autarcie et ouverture, parvient à durer trente-six ans.
À la mort de Franco (1975), l’héritier de la couronne, Juan Carlos Ier, préside, en étroite collaboration avec le chef du gouvernement Adolfo Suárez, à la « transition » démocratique du pays (1976-1982), tandis que resurgit la question des « nationalités » et des autonomies régionales (→ Catalogne, Pays basque).
1. Ibères, Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Celtes…

L'Espagne est peuplée dès le paléolithique inférieur, ainsi que l'attestent divers restes de culture troglodyte caractéristiques de l'époque du Neandertal. Le paléolithique supérieur est marqué par deux importantes cultures : celles d'Altamira et du Levant espagnol. Les auteurs de l'Antiquité attribuaient aux « Ibères » – dont l'origine rest discutée –, la civilisation néolithique de la Péninsule. Quoi qu'il en soit, du IIIe au Ier millénaire avant J.-C., les progrès techniques (sparterie, céramique, agriculture, cuivre, bronze et sans doute même fer) s'y succèdent.
Dès la fin du IIe millénaire avant J.-C., l'Andalousie entre dans le circuit commercial méditerranéen : Phéniciens, puis Grecs viennent y chercher l'argent, le plomb, le cuivre et surtout l'étain, rare en Orient et nécessaire à l'industrie du bronze.
Les uns et les autres implantent des comptoirs sur les côtes méditerranéennes et jusqu'à l'embouchure du Guadalquivir. Phéniciens et Carthaginois s'installent surtout au sud : Gadir (Cadix), Sexi (Almuñécar), Carteia (Algésiras), Malaca (Málaga), Abdèra (Adra). Mais ils remontent vers le nord, à Lucentum (Alicante), près du cap Artémision, et à Ebusus (Ibiza, aux Baléares, vers 652 avant J.-C.).
Les Grecs de Phocée et de Massalia (Marseille), en sens inverse, fondent leurs comptoirs au nord-est (Emporion, Rhodê), puis à l'est (Hemeroskopeion, Artémision) et poussent vers le sud ; ils parviennent même, exceptionnellement, à Tartessos. Mais Grecs et Carthaginois s'opposent en Méditerranée occidentale, et l'expansion phocéenne est brisée au large d'Alalia (aujourd'hui Aléria, en Corse) par une coalition de Carthaginois et d'Étrusques (535 avant J.-C.).

Des échanges entre colons et indigènes est née une civilisation complexe, mal connue, dont les témoins les plus remarquables sont les bustes de la Dame d'Elche et la Dame de Baza.
Parallèlement à la civilisation côtière, des mouvements de peuples se produisent à l'intérieur, sous la forme d'une lente infiltration celte à partir de la Gaule. De la fusion entre Celtes et Ibères est issu le fond commun « celtibère » de la population ibérique.
2. L'Espagne romaine (iiie s. avant J.-C.-ve s. après J.-C.)

2.1. Rome contre Carthage : la conquête

La deuxième guerre puniqueLa deuxième guerre punique
Carthage, pour compenser les pertes subies lors de la première guerre punique contre Rome (264-241 avant J.-C., entreprend la conquête de l'Espagne. Hamilcar Barca impose sa domination à l'est du pays jusqu'à Barcelone, qu'il fonde. Il meurt en assiégeant Elche (229 avant J.-C.), et les Romains arrêtent sur l'Èbre, en 227, son successeur Hasdrubal, qui construit alors la forteresse de Carthago nova (Carthagène).
Hannibal lui succède en 221 avant J.-C. et déclenche la deuxième guerre punique, dès 219, par la prise de Sagonte, alliée de Rome. Tandis qu'il combat en Italie, Rome conquiert l'Espagne : les frères Scipion sont vaincus en 211 avant J.-C., mais le fils de l'un d'eux, le futur « Africain », se rend totalement maître des possessions carthaginoises après sa victoire à Zama (202 avant J.-C.).
Rome met 64 ans à imposer sa domination aux indigènes ; les dernières luttes sont marquées par des résistances farouches : soulèvement de Viriathe (147-139) ; guerre de Numance et destruction de la ville par Scipion Émilien (133 avant J.-C.). La bordure nord de la Péninsule (Galice, Asturies, Cantabrie) ne sera définitivement pacifiée que sous Auguste, en 19 avant J.-C.
Pour en savoir plus, voir l'article guerres puniques.
2.2. L'organisation par Rome de la Péninsule

L'importance politique de l'Espagne dans le domaine romain apparaît dès le premier siècle de la conquête et se prolonge à travers l'empire : Sertorius se révolte contre Sulla et tient victorieusement tête à Pompée jusqu'à son assassinat (82-72 avant J.-C.), s'appuyant sur les dernières résistances indigènes. Les fils de Pompée y luttent contre César jusqu'à leur écrasement à Munda (44 avant J.-C.). Auguste en dirige lui-même l'occupation (26 avant J.-C.), ainsi que les opérations au nord de la Péninsule. C'est à Clunia, en Tarraconaise, dont il est gouverneur, que Galba se proclame, en 68 après J.-C., legatus senatus populique romani, en attendant d'être nommé empereur par le sénat. Trajan, puis Hadrien naissent à Itálica (près de l'actuelle Séville) ; la famille de Marc Aurèle a de fortes attaches en Espagne.
Jusqu'en 27 avant J.-C., la Péninsule forme deux provinces, l'Espagne Citérieure au nord-est, l'Espagne Ultérieure au sud et à l'ouest. Auguste divise alors cette dernière en deux nouvelles provinces, la Lusitanie et la Bétique. Après la conquête du Nord, la Galice est rattachée à la Lusitanie, les Asturies et la Cantabrie à l'Espagne Citérieure. En 2 avant J.-C., la Galice est également incorporée à cette dernière qui devient la Tarraconaise. Le statut de cette région est fréquemment modifié jusqu'à la fin du iiie siècle.
À ce moment, Dioclétien, dans le cadre de sa grande réorganisation administrative, crée le diocèse d'Espagne, composé de cinq provinces ibériques (Lusitanie, Bétique, Gallaeçia [Galice et Asturies], Tarraconaise et Carthaginoise [sud de l'ancienne Tarraconaise]) et de la Mauritanie Tingitane (Maroc actuel).
Pour en savoir plus, voir l'article Rome.
2.3. Une province prospère

La paix romaine règne quatre siècles dans la Péninsule, de la fin des guerres cantabriques d'Auguste à la conquête barbare, au début du ve s. après J.-C. La prospérité semble s'y maintenir plus longtemps et à un plus haut niveau que dans la plupart des autres provinces de l'Empire. Une soixantaine d'exploitations minières importantes sont en service (fer, plomb, cuivre, zinc, étain, mercure). Les seules excavations du río Tinto (cuivre) témoignent de l'extraction de quelque 20 millions de tonnes en 600 ans. Plusieurs villes dépassent 100 000 habitants (Emerita Augusta, Tarraco, Hispalis, Corduba, c'est-à-dire Mérida, Tarragone, Séville, Cordoue). Nombre d'autres approchent ce chiffre.
Le niveau culturel du pays est à la hauteur de son niveau économique : Sénèque, Martial, Quintilien sont des Espagnols. Le christianisme fait son apparition dans la Péninsule dès le iie siècle. Les premiers conciles nationaux se tiennent à Iliberis (306), à Saragosse (380), à Tolède (400). Le pape Damase, les poètes religieux Juvencus et Prudence, tous trois espagnols, témoignent de la profonde implantation du christianisme dans le pays au ive s.
Pour en savoir plus, voir l'article christianisme.
3. L'Espagne wisigothique (ve-viiie s. après J.-C.)

En 409, les Barbares pénètrent en Espagne : le flux et le reflux des envahisseurs vont la ravager jusqu'à la fin du ve s.
3.1. Le champ de bataillle des envahisseurs

L'Espagne wisigothiqueL'Espagne wisigothique
En 412, les Wisigoths, menés par Athaulf, qui épousera Galla Placidia, sœur d'Honorius, entrent dans la Péninsule sous prétexte d'y rétablir l'autorité impériale. Les Vandales Silings sont refoulés en Bétique (qui devient l'Andalousie) ; les Alains sont rejetés en Lusitanie, puis plus au nord, où ils fusionnent avec les Vandales ; les Suèves sont cantonnés en Galice ; mais Honorius installe les Wisigoths en Aquitaine, tandis que les Vandales réoccupent la Bétique et les Baléares, puis, derrière Geiséric, s'emparent de l'Afrique (428-435), et que les Suèves se répandent dans le reste du pays. Après le bref passage de l'empereur Majorien, qui, en 460, tente en vain de détruire la flotte vandale, la Péninsule devient un champ clos entre Suèves et Wisigoths. Euric (466-484) occupe tout le pays, à l'exception de l'extrême Nord-Ouest, où sont refoulés les Suèves (ceux-ci ne seront annexés qu'en 585), et s'en fait reconnaître la possession par l'empereur Zénon (477).
Expulsés par les Francs de la Gaule du Sud (victoire de Clovis à Vouillé, 507), les Wisigoths réduisent leur domination à l'Espagne, sur laquelle ils règnent pendant deux siècles. Le Sud en est même cédé à l'empereur byzantin Justinien en 554 et redevient, pour une cinquantaine d'années, une province romaine.
Pour en savoir plus, voir l'article Wisigoths.
3.2. Le royaume de Tolède (554-711)

La monarchie wisigothique, qui a établi sa sa capitale à Tolède, assure une relative sécurité à la Péninsule, où, comme ailleurs en Occident, les activités économiques se sont repliées sur la terre. Léovigild (573-586), monarque absolu, réforme l'administration, réorganise la cour et unifie le pays. L'opposition religieuse qui existe entre les Wisigoths, ariens (→ arianisme) depuis le ive siècle, et les Hispano-Romains, catholiques, a interdit longtemps tout mélange des peuples et toute cohésion de l'État.
Cependant, à la suite de la conversion du roi Reccared (587), l'Église catholique acquiert une autorité d'autant plus grande sur la monarchie que l'aristocratie parvient à rendre celle-ci élective. De 633 (élection du roi Sisenand par le quatrième concile de Tolède) à 711 (conquête arabe), dix conciles de Tolède désignent les rois et les contrôlent, établissant une sorte de théocratie conciliaire. Le dynamisme de l'Église espagnole se traduit par une activité théologique et intellectuelle qui tranche avec le reste de l'Occident : en témoigne surtout l'œuvre encyclopédique de saint Isidore de Séville (vers 560-636).
4. L'Espagne musulmane et la Reconquête (viiie-xve siècle)

4.1. Une conquête musulmane éclair

L'Espagne wisigothique s'effondre d'un seul coup en 711 : quelques milliers d'arabo-berbères islamisés, conduits par Tariq ibn Ziyad, franchissent le détroit, qui prend alors le nom de Djabal Tariq – plus tard Gibraltar – et écrasent le roi Rodrigue près de Cadix à la bataille du río Guadalete (19-26 juillet 711). Deux ans plus tard, toute la Péninsule est soumise à Musa ibn Nusayr, gouverneur du Maghreb au nom du calife al-Walid Ier, et forme un émirat au sein du califat. L'expansion musulmane se prolonge au nord des Pyrénées, où elle ne rencontre pas le milieu favorable trouvé en Espagne. Le coup d'arrêt le plus célèbre est donné en 732 à Poitiers, par Charles Martel.
4.2. Al-Andalus : le rayonnement de Cordoue

En 756, le prince de la dynastie omeyyade de Damas, détrôné par les abbassides, Abd al-Rahman Ier, cherche asile en Espagne et fonde l'émirat indépendant de Cordoue. Abd al-Rahman III (912-961) prend en 929 le titre de calife. Le califat de Cordoue durera jusqu'à 1031. À cette date, le calife Hicham III est détrôné, et l'Espagne musulmane se fragmente en une vingtaine de royaumes indépendants, les royaumes de taifas (taifa, parti).
Si une forte proportion d'Espagnols embrassent la loi islamique (on les appellera les renégats), si d'autres émigrent vers le Nord, nombre d'entre eux conservent la foi chrétienne, leurs églises et leur clergé, sans être pour autant persécutés.

Cordoue, la Grande MosquéeCordoue, la Grande Mosquée
Les Omeyyades font régner une brillante civilisation sur leurs territoires, et principalement sur l'Andalousie : richesse agricole des plaines irriguées, prospérité urbaine fondée sur le tissage, la céramique, les cuirs de Cordoue, les armes de Tolède, et favorisée par les échanges méditerranéens entre pays islamiques. La grande mosquée de Cordoue, commencée dès 785, est non seulement un centre religieux mais aussi un grand foyer intellectuel et artistique.
La Reconquête, XIe siècleLa Reconquête, XIe siècle
Deux contrées espagnoles ont toutefois échappé aux « Maures » du fait de leur isolement et de leur situation périphérique : le Nord-Ouest (Asturies et León) et le Nord au pied des Pyrénées. C'est de ces refuges que part la Reconquista, la Reconquête.
Pour en savoir plus, voir les articles Abd al-Rahman III, Cordoue, mozarabe.
4.3. Le morcellement du reste de la Péninsule

L'expansion des États chrétiens du Nord commence, bien modestement, dès le début du viiie siècle : un royaume des Asturies (plus tard de León) apparaît (première victoire chrétienne [semi-légendaire] de Covadonga, 718), tandis que des îlots d'indépendance s'organisent au sud du León (future Castille) et dans les hautes vallées navarraises et aragonaises. Charlemagne et son fils Louis constituent non sans peine, de 785 à 811, la Marche d'Espagne entre Pyrénées et Èbre (la Catalogne demeurera des siècles sous la suzeraineté au moins nominale du roi de France).
La Navarre s'érige en royaume à partir de 852, et son roi, Sanche III Garcés El Mayor (1000-1035), regroupe tous les royaumes et comtés espagnols sous son autorité (exception faite du comté « franc » de Barcelone). À sa mort, ses États sont partagés entre ses fils.
L'Espagne chrétienne se répartit entre les royaumes de León (au sud duquel apparaît un comté de Portugal), de Castille (royaume en 1035), de Navarre, d'Aragon (royaume en 1035) et le comté de Barcelone, uni à l'Aragon par mariage à partir de 1137. Au hasard des politiques matrimoniales, il arrive que plusieurs de ces États s'unissent temporairement (tels León et Castille de 1037 à 1157).
Longtemps, ces États sont loin de faire figure de puissance. Il est possible que la Navarre et le León aient accepté « la tutelle cordouane aux ixe et xe siècles. Mais en détruisant Saint-Jacques-de-Compostelle (997), al-Mansur a lancé un défi à la chrétienté, et la Reconquête va devenir pour l'Occident chrétien un nouveau front guerrier contre les infidèles.
Cependant, l'Espagne a commencé à prendre forme : création, autour des rois, de conseils qui deviendront les Cortes ; apparition, dès le xe s., des premiers fueros en León et en Castille ; place importante tenue par l'Église et rôle capital des pèlerinages, dont les routes sont les principaux liens entre royaumes ibériques, d'une part, entre ceux-ci et l'Europe chrétienne, d'autre part (Saint-Jacques-de-Compostelle) ; essor de l'art roman, favorisé par ces pèlerinages.
4.4. La lente reconquête chrétienne

La faiblesse des royaumes de taifas dans la seconde moitié du xie siècle est mise en relief par les exploits du fameux Cid Campeador : le héros de la légende était en réalité une sorte de mercenaire opportuniste, qui se tailla un État au détriment de ces petits royaumes.
Exploitant cette faiblesse, Alphonse VI de Castille s'empare de Tolède en 1085 et en fait sa capitale ; il met le siège devant Saragosse et, pour souligner sa volonté de fondre en un seul peuple musulmans et chrétiens, se proclame emperador de las dos religiones (empereur des deux religions) et mène une politique audacieuse et libérale qui répond à celle que pratique, en Andalousie, l'émirat omeyyade de Cordoue. Le retentissement de la prise de Tolède est énorme dans le monde chrétien, qui reprend espoir. Mais l'arrivée des Almoravides en Espagne entraîne la défaite d'Alphonse VI à Sagrajas (Zalaca) [1086].
La Castille s'accroche à Tolède et à la ligne du Tage, tandis que les nouveaux maîtres du Sud imposent à l'Andalousie un retour à la stricte orthodoxie musulmane. Ils faiblissent à leur tour, et l'offensive castillane reprend au milieu du xiie s. avec Alphonse VII puis Alphonse VIII.
C'est alors qu'une nouvelle vague berbère arrive d'Afrique : les Almohades sont vainqueurs à Alarcos (1195). Alphonse VIII se tourne vers la chrétienté et fait prêcher la croisade en Occident : les divers souverains espagnols, coalisés et appuyés par les croisés, écrasent les Almohades à Las Navas de Tolosa (1212). L'islam est refoulé au-delà de la sierra Morena.

Quelque temps après, le Portugal (devenu royaume depuis 1143) s'étend jusqu'à l'embouchure du Guadiana (1232-1249), tandis que Ferdinand III le Saint, roi de Castille, conquiert le nord de l'Andalousie avec Cordoue (1236), Carthagène (1243) et Séville (1248), et que Jacques Ier le Conquérant, roi d'Aragon, s'empare des Baléares (1229-1235) et de Valence (1238).
Il ne reste aux musulmans que le petit royaume de Grenade, qui survit jusqu'en 1492.
L'expansion hors de la Péninsule
L'Aragon et son expansion en MéditerranéeL'Aragon et son expansion en Méditerranée
Jusqu'à cette date, qui achève la Reconquête, l'expansion espagnole est uniquement maritime. L'Aragon constitue, du xiiie au xve s., un empire méditerranéen (Baléares, Sardaigne, Sicile, Morée, duché d'Athènes et finalement Naples). Le Portugal, à partir de Lisbonne, et la Castille, depuis Séville et Cadix commencent à regarder vers l'Atlantique, au sud d'abord, plus tard à l'ouest.
Le bref rayonnement de Tolède au Moyen Âge
Les royaumes chrétiens connaissent aussi une activité culturelle importante, en particulier autour du foyer intellectuel de Tolède, où Alphonse X (1252-1284) encourage le développement de l'école de traducteurs qui permet l'arrivée en Europe des textes scientifiques grecs, juifs et arabes.
Un pouvoir royal qui peine à s'affirmer
Isabelle Ire la CatholiqueIsabelle Ire la Catholique
Ces mêmes siècles voient pourtant bien des difficultés intérieures s'élever dans les royaumes ibériques. En Castille se succèdent les crises dynastiques sous Alphonse X, puis entre Pierre Ier le Cruel et Henri de Trastamare (vainqueur, grâce à Du Guesclin, en 1369), enfin sous Henri IV (1454-1474), finalement déposé au profit d'Isabelle la Catholique (1474).
En Aragon, après la croisade d'Aragon menée sur l'initiative du pape Martin IV et de Charles d'Anjou, pour contrer les ambitions aragonaises en Italie (1285), ce sont les conflits entre la monarchie, d'une part, la noblesse et les municipes, d'autre part, à la fin du xiiie siècle et au milieu du xive siècle. Il y a aussi la lutte entre la couronne aragonaise et le « royaume de Majorque », jusqu'à la soumission de celui-ci (1349) ; la perte du duché d'Athènes (1387) ; l'affaire successorale de 1410, réglée non sans peine par le compromis de Caspe (1412), qui met sur le trône un infant de Castille, Ferdinand Ier le Juste. Encore celui-ci doit-il réprimer une révolte des Catalans, soutenant le comte d'Urgel (1413) ; la lutte, enfin, qui oppose à Jean II son fils Charles, prince de Viana, à partir de 1441, se transforme en révolte de la Catalogne (1462-1472).
Malgré ces déchirements, ou à travers eux, une civilisation originale se développe la civilisation espagnole médiévale, faite d'un heureux mariage des influences occidentales venues du Nord et des influences islamiques que le petit royaume de Grenade continue à diffuser (art mudéjar).
Pour en savoir plus, voir l'article art et architecture espagnols.
4.5. L'unité sous les Rois Catholiques (1474-1516)

L'affermissement de la monarchie espagnole
Ferdinand II le CatholiqueFerdinand II le Catholique
Le pouvoir royal s'impose en même temps que l'ordre se trouve rétabli par les Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand II d'Aragon.
La noblesse est soumise ; les ordres militaires sont pris en main. L'Inquisition est réorganisée pour lutter contre les hérétiques (1478) et ses premières victimes sont les Juifs, forcés de se convertir ou de s’exiler en 1492 tandis que le même choix est imposé aux Musulmans à partir de 1502. Les municipalités espagnoles sont contrôlées en Castille par des corregidores, en Aragon par des cancelleros désignés par les souverains. L'unité nationale est ainsi préparée.
Dès avant, l'action conjointe des deux royaumes permet l'achèvement de la Reconquête par la prise de Grenade (1492) ; quelques années plus tard, Ferdinand tient en échec en Italie la France de Charles VIII, puis de Louis XII.
La découverte d'un nouveau monde

Les caravelles castillanes s'efforcent de rivaliser sur les océans avec celles du Portugal, et se partagent, sous l'égide du pape, les terres à découvrir (traité de Tordesillas, 1494). Deux ans plus tôt, Christophe Colomb, au service d'Isabelle, a abordé dans l'île de Guanahaní (San Salvador), ouvrant l'ère coloniale. La reine organise le commerce avec les nouvelles possessions d'outre-Atlantique et crée à Séville, dès 1503, la Casa de contratación, organisme centralisateur des affaires coloniales.
Avec un efficace groupe de fonctionnaires issus des universités, les letrados (« lettrés »), l'Espagne est à l'aube du xvie siècle un pays uni qui dispose de l'organisation étatique la plus perfectionnée d'Europe.
5. L'Espagne des Habsbourg (1516-1700)

Après l'avènement de Charles Quint, l'Espagne se révèle la principale puissance européenne entrant dans son « Siècle d'or ». Seul État multinational de ce type dans la chrétienté latine, « l'Espagne » réunit plusieurs couronnes – celles de Castille, prééminente, et d'Aragon, celle du Portugal entre 1580 et 1640 – sous l'autorité d'un seul monarque qui incarne l'unité dynastique et est désigné, sous les Habsbourg, comme « Roi Catholique ».
Grâce aux richesses de l'empire colonial d'Amérique qui se constitue alors, Charles Quint tente, sans succès, de créer une monarchie universelle, avant que son fils Philippe n'impose son hégémonie à l'Europe en s'affirmant comme le grand défenseur du catholicisme.
Après la mort de Philippe II (1598), s'ouvre une période de turbulences durant laquelle l'Espagne, affaiblie économiquement et où règnent – sans gouverner – des monarques falots, s'épuise à tenter de préserver son statut de puissance prépondérante sur la scène européenne.
5.1. Charles Quint (1516-1556) : la puissance d'un empire


Lorsque meurt Ferdinand d'Aragon, en janvier 1516, son petit-fils Charles de Habsbourg, est proclamé roi de Castille et d'Aragon le 14 mars 1516 (sous le nom de Charles Ier), conjointement avec sa mère, Jeanne la Folle, qui portera le titre de reine de Castille, sans en exercer les prérogatives, jusqu'à son décès, en 1555.
Le maître d'une grande partie de l'Europe
Né à Gand en 1500, bourguignon par sa naissance et son éducation (son arrière-grand-père est Charles le Téméraire), s'exprimant en français, Charles s'y rend pour la première fois à l'automne 1517. Son élection, en juin 1519, à la tête du Saint Empire romain germanique, où il succède à son autre grand-père l'empereur Maximilien, ne facilite pas son adoption par les Castillans, qui craignent de le voir sacrifier leurs intérêts à ceux de l'Empire. Plusieurs séries de révoltes, entre 1520 et 1522 (→ révolte des comuneros en Castille, à Valence), traduisent ces réticences et menacent l'autorité encore fragile de Charles Quint. Celui-ci décide alors d'apprendre le castillan, de gouverner seul et sans contrôle (convocation très irrégulière des Cortes), mais aussi de s'entourer d'un groupe de conseillers où les Espagnols sont plus influents. Lorsqu'il doit se rendre sur ses terres germaniques, il confie la régence à sa femme, sa cousine Isabelle, sœur du roi de Portugal Jean III, avec laquelle il s'est marié en 1526, puis à son fils aîné Philippe.
En quête de l'or des Amériques

C'est durant le règne de Charles Quint que se constitue l'empire espagnol des « Indes », autrement dit un vaste domaine colonial en Amérique centrale et du Sud, qui permet de pallier l'épuisement des richesses provenant jusque-là des Antilles.
L'empire de Charles QuintL'empire de Charles Quint
La conquête de l'Empire aztèque par Hernán Cortés au Mexique (à partir de 1519), celle de l'Empire inca par Francisco Pizarro (1526-1541), ainsi que la recherche effrénée du royaume de l'homme d'or (El Dorado) procurent à Charles Quint d'immenses richesses en métaux précieux (un cinquième de celles-ci, le quinto, lui revient de droit), sans rien lui coûter, puisque cette conquête résulte pour l'essentiel d'initiatives privées.
Des controverses se développent alors autour des méthodes et du principe même de la colonisation, notamment entre Bartolomé de Las Casas, un dominicain qui la dénonce, et Juan Ginés de Sepúlveda, théologien qui réfute les théories humanistes de Las Casas (controverse de Valladolid, 1550).
Pour en savoir plus, voir les articles Aztèques, Empire colonial espagnol.
Le rêve déçu d'une monarchie universelle et catholique
Soliman le MagnifiqueSoliman le Magnifique
Ce qui constitue la principale ambition de la politique extérieure de Charles Quint est le maintien de l'unité de la chrétienté : lutte contre la progression des Turcs de Soliman le Magnifique et contre la Réforme initiée par Martin Luther. Bien que largement financé par la Castille, cet objectif est perçu par les Espagnols comme étranger à leurs intérêts. L'échec de Charles Quint sur ces deux fronts (l'avancée turque et la Réforme) condamne l'idée même de monarchie universelle et conduit l'empereur, découragé, à abdiquer.
Le 16 janvier 1556, Philippe II, déjà souverain des Pays-Bas et de Sicile, reçoit de son père les couronnes de Castille et d'Aragon, ainsi que celle des Indes, l'Empire germanique revenant au frère de Charles Quint, Ferdinand Ier de Habsbourg.
Pour en savoir plus, voir les articles Charles Quint, Habsbourg.
5.2. Philippe II (1556-1598) : un Siècle d'or contrasté

Né à Valladolid, élevé en Espagne, s'exprimant en castillan et en portugais, Philippe II a des racines ibériques plus solides que celles de son père, auquel il voue une profonde admiration. Aussi sédentaire que celui-ci était voyageur, très cultivé, peu porté sur les armes, homme de cabinet au point de laisser l'image d'un roi bureaucrate, Philippe II renforce la centralisation tout en conservant distincts les États de Castille et d'Aragon et en préservant la large autonomie dont jouissent les municipalités et les seigneurs, du moins tant que ceux-ci ne se mêlent pas de politique.
L'Escurial, Madrid

Au détriment de Valladolid et de Tolède, il installe sa cour et son gouvernement à Madrid (1561), petite ville promue alors capitale, au nord-ouest de laquelle il fait édifier le monumental palais de l'Escurial (1563-1584), l'un des symboles de son règne.
Un règne qui est celui de l'apogée politique de l'Espagne mais qui est marqué par des guerres incessantes. Philippe II tente d'imposer son hégémonie en Europe en faisant de l'Espagne le principal héraut du catholicisme, objectif auquel se mêlent néanmoins des motivations autres que religieuses.
La lutte contre l'islam et le danger turc
Contre les Turcs de Soliman, il mène une nouvelle croisade au nom de la chrétienté. La progression des Ottomans est enrayée par la victoire de Lépante (1571), remportée sur la flotte turque par l'escadre de la Sainte Ligue réunissant les forces navales espagnoles, vénitiennes et du Saint-Siège commandées par le demi-frère de Philippe II, don Juan d'Autriche (→ bataille de Lépante). Un accord est finalement conclu, en 1580, entre l'Espagne et l'Empire ottoman, mettant un terme à un conflit séculaire.
Le contrôle de l'Empire colonial portugais
L'union dynastique réalisée avec le Portugal, en 1580, n'échappe pas complètement à cette logique de croisade, puisqu'elle est rendue possible par la disparition, sans héritier, du roi portugais Sébastien, parti se battre contre les infidèles au Maroc (1578). Cette union permet à Philippe II non seulement de régner au Portugal sous le nom de Philippe Ier et d'étendre son pouvoir sur l'ensemble de la péninsule Ibérique, mais aussi de s'assurer le contrôle du vaste empire colonial portugais, pluricontinental (Brésil, Afrique et Asie).
Pour en savoir plus, voir l'article Empire colonial portugais.
La guerre et la perte des Pays-Bas
Quant à la lutte contre le protestantisme, elle s'inscrit d'abord dans le cadre de la guerre des Pays-Bas, déclenchée pendant l'été 1566, un conflit dont la composante religieuse est secondaire, au départ, mais qui ne tarde pas à se transformer en véritable guerre de Religion. Impuissant, malgré l'importance des moyens mis en œuvre, à écraser la révolte menée par Guillaume de Nassau, prince d'Orange, Philippe II est, à la fin de son règne, obligé de reconnaître de fait, mais pas encore de droit, l'indépendance de sept provinces du Nord (les Provinces-Unies) et le partage des Flandres en deux zones.
Pour en savoir plus, voir les articles histoire des Pays-Bas, Provinces-Unies.
La fin des ambitions françaises de Philippe
Traité du Cateau-CambrésisTraité du Cateau-Cambrésis
Vis-à-vis de la France, Philippe II, qui a épousé Élisabeth de Valois, fille d'Henri II, en vertu du traité de Cateau-Cambrésis, n'hésite pas, à la mort de sa femme (1568), à s'ingérer dans les affaires intérieures françaises : il apporte un soutien décisif à la Ligue pour éviter l'accession d'un protestant au trône de France. Après l'assassinat d'Henri III (1589), il pose même la candidature à la couronne de France de sa propre fille Isabelle-Claire-Eugénie, petite-fille d'Henri II par sa mère. Mais la réaffirmation de la loi salique – transmission du trône de France par les hommes seulement – et la conversion d'Henri IV au catholicisme mettent un terme aux ambitions espagnoles (1598).
La défaite de l'Invincible Armada face à l'Angleterre
Enfin, la rivalité avec l'Angleterre, si elle se teinte de considérations religieuses, a pour causes principales les visées britanniques sur le commerce des Indes ainsi que l'aide apportée par les Anglais aux rebelles flamands. Après avoir longtemps recherché l'alliance avec l'Angleterre, fidèle en cela aux instructions de son père, Philippe II se résout finalement à tenter de l'envahir, mais l'imposante flotte destinée à cette opération (l'Invincible Armada) essuie un humiliant échec et ne parvient à regagner les côtes espagnoles qu'après avoir fait le tour des îles Britanniques et subi de lourdes pertes (1588). Le prestige de l'Espagne s'en trouve amoindri d'autant. Quant à Philippe II, depuis ses déboires dans les Flandres, il apparaît de plus en plus vulnérable.
La fin de l'hégémonie espagnole
Cette ambitieuse politique extérieure se solde par des dépenses considérables que la couronne de Castille, malgré l'afflux des métaux précieux d'Amérique, ne parvient à couvrir qu'au prix d'un accroissement des impôts, de l'endettement et d'une crise financière qui tend à devenir structurelle dans les dernières années du règne (situation de banqueroute en 1596).
Enfin, cette politique est aussi source de mécontentement tant en Castille, où nombreux sont ceux qui souhaitent voir Philippe II délaisser sa politique de prépondérance en Europe et donner la priorité aux affaires espagnoles, qu'en Aragon (troubles de 1591). Malgré son aversion personnelle pour la guerre, Philippe II s'est engagé dans une politique hégémonique, source de trop nombreux conflits qui, tout en grevant lourdement les finances publiques de Castille, ont largement contribué à ternir son image et le bilan de son règne.
Pour en savoir plus, voir les articles Aragon, Castille, Philippe II.
5.3. Turbulences et déclin (xviie siècle)

Déjà amorcé à la fin du règne de Philippe II, le repli économique espagnol s'accompagne d'un déclin politique de la double monarchie (elle est triple jusqu'à la restauration de l'indépendance officielle du Portugal, en 1668), particulièrement prononcé à partir des années 1640 et qui se traduit par un recul de l'Espagne sur la scène européenne.
Les derniers feux du Siècle d'or


En revanche, dans le domaine artistique, le Siècle d'or se prolonge au moins jusqu'au milieu du xviie s., comme en témoignent notamment la littérature avec Cervantès, Lope de Vega, Calderón de la Barca ou Góngora et le rayonnement de la peinture espagnole de Diego de Silva Velázquez, qui peint les Ménines vers 1656, José de Ribera, de Francisco de Zurbarán et de Bartolomé Esteban Murillo.
Une monarchie affaiblie

Les trois monarques qui succèdent à Philippe II – son fils Philippe III (roi de 1598 à 1621), Philippe IV (1621-1665) et Charles II (1665-1700) – sont loin d'avoir les qualités de leurs glorieux ancêtres. Hormis Philippe IV, non dénué d'intelligence et de sens politique, ces derniers Habsbourg ne gouvernent guère, confiant ce soin à des favoris plus ou moins animés du sens de l'État.
Sous Philippe III, le duc de Lerma et Rodrigo Calderón laissent la corruption gangrener le régime jusqu'en 1618, tandis que, sous Philippe IV, le comte-duc d'Olivares se révèle un homme d'État avisé et autoritaire, sorte de cardinal de Richelieu espagnol, mais il échouera à faire de l'Espagne un pays moderne et unifié. Ses projets de réformes fiscales et administratives, destinés à mieux répartir les charges et à soulager financièrement une Castille exsangue, tournent court.
L'effacement de l'Espagne au plan international
Quant à la prééminence de l'Espagne sur la scène européenne, malgré les efforts d'Olivares et de son successeur, elle est de plus en plus contestée, notamment par la France, son principal adversaire depuis le début du xvie siècle.
Après quelques victoires espagnoles, la défaite de Rocroi (1643), le traité des Pyrénées (1659) – par lequel l'Espagne cède à la France l'Artois, le Roussillon et la Cerdagne –, puis la paix de Nimègue (1678), qui attribue à la France Cambrai, Valenciennes ainsi que, de façon définitive, la Franche-Comté, consacrent l'effacement de l'Espagne.
De leur côté, le Portugal (de fait en 1640, officiellement en 1668) et la Hollande (traité de Westphalie, 1648) s'émancipent de la tutelle espagnole.
Enfin, le règne de Charles II, le plus sombre à bien des égards, renforce le rôle des grands d'Espagne. Ses Premiers ministres tentent tardivement d'assainir le système financier (politique de déflation pour juguler un siècle d'inflation) et de réorienter la politique extérieure (alliance avec la Hollande).
Un monde de misère sous un vieil habit de gloire
Prospère durant la plus grande partie du xvie siècle, l'Espagne amorce son déclin économique dès les années 1580. Aggravée, voire engendrée, par les guerres incessantes que mène la monarchie espagnole, la régression, particulièrement sensible dans les trois secteurs-clés de l'activité économique – commerce extérieur, textile et agriculture –, s'accentue tout au long du xviie s. sous l'effet notamment de la contraction du commerce avec les Amériques, où la production des métaux précieux chute. La misère n'épargne ni les villes, ni les campagnes, les plus touchées étant celles de Castille. Le repli démographique, occasionné notamment par les guerres, l'émigration vers l'Amérique, les vagues d'épidémie de peste, l'expulsion, en 1609, des morisques (des musulmans convertis au catholicisme entre 1499 et 1526) responsable de quelque 300 000 départs, principalement dans la région de Valence, ne cesse que dans les dernières années du siècle.
Enfin, les déficits des finances publiques provoquent des tensions inflationnistes, des dévaluations et le recours accru à la mauvaise monnaie (le billon en cuivre), qui, conformément aux lois de l'économie, « chasse la bonne » (l'argent). Les mesures déflationnistes adoptées dans les années 1680 et le retrait du billon stoppent l'inflation, mais ce long xviie siècle a ruiné la Castille et ses habitants.
C'est donc à la couronne d'une double monarchie affaiblie que prétendent les candidats à la succession du roi Charles II, mort sans héritier le 1er novembre 1700. Au terme de longues tractations, c'est un Bourbon, Philippe V, petit-fils du roi de France Louis XIV, qui succède aux Habsbourg.
6. L'Espagne des Lumières

L'Espagne du xviiie siècle ne reste pas à l'écart des grandes transformations que connaît alors une partie du continent européen. Cette adaptation concerne l'ensemble de la société, tant sur le plan économique que dans la vie politique ou même dans le domaine artistique. Désigner ce siècle de redressement comme celui des « Lumières », c'est notamment souligner le rôle joué par le mouvement réformateur et par le despotisme éclairé qu'incarne le roi Charles III (1759-1788).
6.1. L'avènement des Bourbons et le redressement politique

Les trois souverains qui se succèdent sur le trône – Philippe V (de 1700 à 1746), Ferdinand VI (1746-1759) et Charles III (1759-1788) –, à défaut d'être de brillantes personnalités (les deux premiers surtout sont dépressifs et atteints de troubles psychiques), incarnent ce renouveau, notamment en se révélant capables de tirer profit des circonstances et d'appeler à leurs côtés des hommes dotés du sens de l'État.
Des progrès dans l'unification du pays
La guerre de la Succession d'Espagne (1701-1713) dresse contre les Bourbons une puissante coalition européenne qui ébranle la monarchie française et le pouvoir de Philippe V. Mais elle donne l'occasion à ce dernier de procéder à ce qu'aucun des Rois Catholiques n'était parvenu à réaliser en deux siècles : abolir le régime d'autonomie des pays de la couronne d'Aragon et les aligner sur le régime juridique de la Castille. À l'inverse de la Navarre et du Pays basque, provinces restées fidèles aux Bourbons durant la guerre de la Succession, tous les territoires ayant choisi le camp de la coalition se voient privés de leur statut d'autonomie.
À défaut d'être totale (la Navarre conserve ainsi ses Cortes et son vice-roi), l'unification progresse, au point que les Bourbons – tout en restant prudents vis-à-vis de certains particularismes régionaux – se font désigner dès lors comme « rois d'Espagne ». Ainsi se trouve consolidé un système de gouvernement et d'administration qui n'est pas sans rappeler le modèle centralisateur et absolutiste français. En s'imposant sur l'ensemble du territoire, la monnaie et la langue castillanes – celle-ci en tant que langue de l'élite intellectuelle – renforcent cette unification.
Les pertes de l'Espagne suite à la guerre de Succession
Les possessions espagnoles en Europe jusqu'en 1714Les possessions espagnoles en Europe jusqu'en 1714
À l'extérieur de la Péninsule, la guerre de la Succession d'Espagne se solde par la perte de Gibraltar et de l'île de Minorque au profit de l'Angleterre (traité d'Utrecht, avril 1713) et, un an plus tard, par la cession à l'empereur d'Autriche des Pays-Bas espagnols, de Naples, du Milanais et de la Sardaigne. Enfin, Philippe V doit renoncer définitivement à ses droits à la couronne de France, ce qui ne l'empêche pas, en 1724, d'abdiquer en faveur de son fils Louis Ier, dans l'espoir de régner en France, où le jeune Louis XV est souffrant. Le rétablissement de ce dernier et le décès prématuré de Louis Ier contraignent Philippe V à abandonner tout espoir de régner sur la France et à revenir sur le trône d'Espagne, cette fois définitivement.
Le recentrage de la politique étrangère
Contraint de « s'hispaniser », Philippe V oriente sa politique étrangère autour de trois objectifs : réviser le traité d'Utrecht en contraignant les Anglais à restituer Gibraltar ; défendre les intérêts espagnols dans la péninsule italienne en y créant des États satellites ; protéger et développer l'empire colonial.
Après avoir conclu la paix avec l'Autriche (1725) et fait jouer le « pacte de famille » avec la branche française des Bourbons, Philippe V reprend Naples et la Sicile (1734), où il place sur le trône l'un de ses fils (le futur Charles III), mais n'obtient pas satisfaction pour Gibraltar et pour le Milanais.
Son fils Ferdinand VI récupère Parme et la Toscane (1748) et s'emploie à consolider le système colonial. Son autre fils – et demi-frère du précédent –, Charles III, jusque-là roi des Deux-Siciles, trône qu'il ne peut cumuler avec celui d'Espagne, s'implique assez peu sur la scène étrangère ; il réactive néanmoins le pacte de famille avec la France, engagée contre les Anglais dans la guerre de Sept Ans et dans le cadre de la guerre de l'Indépendance aux États-Unis. À l'issue du premier conflit, au traité de Paris (1763), l'Espagne obtient la Louisiane mais perd la Floride. À la fin de la seconde, lors du traité de Versailles (1783), elle récupère la province américaine ainsi que Minorque.
Charles III, un despote éclairé

C'est surtout par son action en politique intérieure que Charles III a laissé une trace dans l'histoire. « Roi philosophe », entouré de ministres réformateurs, il incarne un modèle espagnol de despotisme éclairé. Il entreprend des réformes dans plusieurs domaines : secteur agricole, industrie et commerce, en matière sociale, sur le plan religieux en luttant contre la superstition, sans toutefois toujours les mener jusqu'à leur terme (ainsi, il expulse les Jésuites tout en maintenant l'Inquisition). Finalement, les institutions traditionnelles ne sont pas modifiées.
6.2. Un renouveau économique

Si le xviie siècle a bien été un siècle de déclin pour l'Espagne, le xviiie siècle est celui du redressement économique et démographique.
Le regain démographique
Sur le plan démographique, la population espagnole passe de 7 à 11 millions d'habitants en l'espace de moins d'un siècle (1700-1787). Le recul des grandes épidémies, la croissance économique, une activité guerrière moins intense qu'au cours des siècles précédents expliquent en partie ce renouveau démographique. Bien que général, celui-ci bénéficie plus nettement aux régions périphériques (Galice, Asturies, Pays basque, Catalogne, région de Valence et littoral andalou).
En un siècle, conséquence de l'essor de son trafic portuaire et du renouveau de sa fonction marchande, Barcelone a vu sa population tripler, et, avec ses 100 000 habitants, elle s'affirme comme la seconde ville du royaume, derrière la capitale Madrid (180 000 habitants), mais devant Séville, vivement concurrencée par Cadix qui concentre près des trois quarts des échanges transatlantiques.
La reprise de l'activité économique
Amorcée dès 1680, elle se prolonge tout au long du siècle. La stabilité monétaire recouvrée et l'inflation endiguée – en partie grâce aux mesures énergiques prises dès la fin du règne de Charles II – favorisent une période de croissance et de profits, la croissance étant alimentée notamment par le redémarrage, surtout au Mexique, de la production minière (celle de l'argent essentiellement) en Amérique et la découverte de nouveaux gisements, ainsi que par l'essor du commerce et de la production de produits tropicaux (sucre, cacao, tabac).
Si la production minière outre-mer se révèle encore au xviiie siècle la principale source de richesse pour l'Espagne, dans la péninsule même, l'économie se modernise également. Ainsi, l'agriculture voit ses productions augmenter et les cultures se diversifier, l'essor démographique suscitant une demande accrue de produits alimentaires et de terres à cultiver.
Dans le domaine de l'artisanat et de l'industrie, la croissance est inégale selon les secteurs et les régions, mais elle bénéficie du concours de l'État qui, s'inspirant du modèle colbertiste, se fait entrepreneur dans les manufactures de luxe (tapisserie, porcelaine) ou aide des secteurs en difficulté (draperie). Toutefois, il serait excessif de parler de révolution industrielle, même à l'état embryonnaire, tant l'économie espagnole accuse encore de nombreux handicaps : carences des moyens de transport, des voies de communication (malgré la politique de grands travaux menée sous Charles III) et insuffisance des capitaux.
7. Le règne de Charles IV et la guerre d'indépendance (1788-1814)

La vague de réformes achoppe sur la menace que constitue la Révolution française aux yeux du médiocre Charles IV et de son entourage (1788-1808). La défaite de la flotte franco-espagnole à Trafalgar (1805) puis l'invasion de l'Espagne par Napoléon et la guerre d'Indépendance (1808-1814) ruinent le pays et le coupent de ses colonies.
7.1. La réaction contre-révolutionnaire

Charles IV
La Révolution française marque un coup d'arrêt aux tentatives de réformes. Après avoir maintenu au pouvoir les conseillers réformateurs de son père le comte de Floridablanca, Charles IV se sépare d'eux en 1792, convaincu qu'il est de son devoir de sauver son cousin Louis XVI. Il fait alors appel à Manuel Godoy, favori de la reine et ancien de la Garde royale. C'est ce « ménage à trois » qui va, pour l'essentiel, présider aux destinées de l'Espagne jusqu'en 1808.
La déclaration de guerre à la France (mars 1793) s'accompagne d'une véritable croisade contre-révolutionnaire. Battu militairement à partir de 1794, Godoy signe la paix de Bâle (juillet 1795) avec le Directoire français, qui se montre généreux, souhaitant bâtir pour l'avenir une alliance avec l'Espagne contre l'Angleterre. Mais Godoy est de plus en plus impopulaire, tant auprès de la noblesse – qui le considère comme un parvenu – que du clergé – qui s'estime spolié par la vente d'une partie de ses biens pour renflouer les caisses de l'État. Écarté quelque temps du pouvoir, mais non de la cour, il revient sur le devant de la scène en 1800.
Devenue simple auxiliaire de la France dans la politique étrangère françaisei dirigée contre l'Angleterre et ses alliés, l'Espagne de Charles IV est entraînée dans la « guerre des Oranges » contre le Portugal (1801), à l'issue de laquelle elle s'approprie l'enclave d'Olivenza (encore en sa possession de nos jours). Enfin, cette alliance diplomatique conduit au désastre de Trafalgar (octobre 1805), non loin de Cadix, où la flotte franco-espagnole est mise en déroute par l'amiral anglais Nelson. Une grande partie de la flotte espagnole disparaît dans cette opération, sonnant le glas de l'Espagne en tant que puissance navale, la privant ainsi de son principal atout pour assurer et protéger ses échanges avec l'Amérique.
7.2. L'occupation française et la guerre d'indépendance (1807-1813)

Joseph BonaparteJoseph Bonaparte
Les atermoiements du ministre Godoy, la faiblesse du roi Charles IV, enfin l'abdication de ce dernier en faveur de son fils Ferdinand VII (mars 1808) incitent Napoléon à passer à l'offensive et à occuper l'ensemble de la péninsule Ibérique, les troupes du général Junot ayant déjà envahi le Portugal fin 1807. Refusant la nomination de Ferdinand, Napoléon s'empare de la couronne espagnole, qu'il confie à l'un de ses frères, Joseph Bonaparte, jusque-là roi de Naples.
Francisco de Goya y Lucientes, El dos de mayo de 1808Francisco de Goya y Lucientes, El dos de mayo de 1808
À Madrid, le 2 mai 1808, exaspéré par la présence française, le peuple se révolte contre les troupes du maréchal Murat, marquant le début du soulèvement populaire et de la guerre d'Indépendance (le Dos de mayo a depuis été immortalisé par le tableau de Goya). L'insurrection gagne une grande partie de l'Espagne. L'armée espagnole refuse d'obtempérer aux ordres du roi Joseph et, malgré sa dispersion et son inorganisation, met en échec plusieurs généraux de Napoléon. Elle reçoit l'aide d'un corps expéditionnaire britannique, commandé par le futur duc de Wellington, qui débarque à La Corogne (juillet 1808) et occupe rapidement le Portugal. L'implication personnelle de Napoléon, de la Grande Armée et de ses meilleurs généraux (Soult, Masséna) permet de rétablir Joseph sur son trône (décembre 1808). Mais, après le départ de l'Empereur, Joseph rencontre les plus grandes difficultés pour asseoir son autorité et s'assurer le contrôle de l'ensemble du territoire.
La guérilla, la détermination de l'armée rebelle espagnole, ainsi que l'aide britannique finissent par avoir raison de l'armée française. En janvier 1812, Wellington donne l'ordre de la contre-offensive. En mai 1813, les Français évacuent Madrid, et les troupes du maréchal Soult sont repoussées au nord des Pyrénées, où elles mènent des combats d'arrière-garde, avant de signer l'armistice, en avril 1814.
7.3. De lourdes conséquences

Au-delà des désastres de la guerre (immortalisés également par Goya), cette période marque une césure importante dans l'histoire de l'Espagne.
Rupture tout d'abord vis-à-vis de l'Empire colonial. Amputée de sa puissance navale, affaiblie par les troubles politiques et l'invasion française, l'Espagne se retrouve en position de faiblesse sur le continent américain. Plusieurs soulèvements indépendantistes ont alors lieu sur fond de guerres civiles. Si, en 1815, seule l'Argentine, en état de sécession, est perdue pour la couronne espagnole, les indépendantistes attendent leur heure, en Amérique centrale comme au Venezuela.
Rupture politique ensuite. La greffe française, tentée par le roi Joseph, n'a certes pas pris et a même provoqué une véritable insurrection nationale contre un monarque considéré comme un intrus, consacrant en quelque sorte le processus d'unification mené durant le siècle des Lumières. Mais ce rejet n'a fait qu'élargir le fossé entre les partisans d'un retour à l'Ancien Régime et ceux qui souhaitent profiter de ce conflit pour moderniser et libéraliser l'Espagne.
Répondant aux aspirations libérales d'une partie de la bourgeoisie, la Constitution promulguée en mars 1812 servira de référence aux libéraux espagnols durant les décennies qui suivront. Si, en mai 1814, Ferdinand VII remonte sur le trône et rétablit en apparence l'absolutisme de l'Ancien Régime, l'Espagne, pendant plus d'un siècle, ne va cesser d'osciller entre libéralisme et traditionalisme.
8. L'Espagne entre libéralisme et traditionalisme (1814-1923)

Pendant plus d'un siècle, l'histoire politique de l'Espagne est dominée par une succession de crises et de pronunciamientos, en somme, par une forte instabilité politique et institutionnelle qui traduit la partition politique du pays entre une Espagne nostalgique de l'Ancien Régime et une Espagne gagnée au libéralisme politique.
Sur le plan économique, à l'Espagne en voie d'industrialisation – celle des régions de la périphérie – s'oppose une Espagne rurale, archaïque, celle des grandes propriétés du Centre et du Sud. Sur le plan social, en l'absence de classes moyennes nombreuses capables de jouer un rôle d'équilibre, se font face l'

 
 
 
 

LA SONATE

 

sonate
(forme)
Arcangelo Corelli
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».


Ce principe structurel domina la musique occidentale en gros de 1750 à 1950, ou de la première école de Vienne (Haydn, Mozart, Beethoven) à la seconde (Schönberg, Berg, Webern). Théoriquement, il s'applique non à une œuvre entière, mais à un mouvement isolé, ce dernier pouvant évidemment faire partie d'une œuvre en plusieurs mouvements. En réalité, il est possible et fréquent, à partir de la maturité de Haydn et Mozart, de retrouver le principe de la forme sonate à l'échelle d'une œuvre en plusieurs mouvements. Dans une symphonie de Haydn par exemple, le finale joue souvent un rôle de résolution analogue à celui d'une réexposition dans une forme sonate. À noter enfin que la forme sonate vaut pour tous les genres instrumentaux pratiqués à partir de 1750 (pas seulement la sonate, mais aussi la symphonie, le concerto, le quatuor à cordes, etc.), et même, dans certains cas, pour les genres vocaux.
De la forme sonate, on ne trouve pas chez Haydn, Mozart et Beethoven, ses premiers grands représentants, deux exemples identiques. Elle n'eut rien de schématique, et ses « règles » furent bien moins nombreuses qu'on ne le croit. Le terme lui-même ne devait d'ailleurs voir le jour que bien après la mort des trois classiques viennois. Czerny prétendit avoir été le premier, vers 1840, à en donner une définition.
À partir de Czerny, la forme sonate fut le plus souvent définie comme une structure mélodique en trois parties : exposition, avec premier thème ou premier groupe de thèmes à la tonique, et second thème ou second groupe de thèmes à la dominante ; puis (après reprise de l'exposition) développement, avec fragmentation et combinaison des thèmes dans diverses tonalités ; enfin réexposition (éventuellement suivie d'une coda), avec les deux thèmes ou les deux groupes de thèmes à la tonique.
Ce schéma, confirmé par beaucoup de mouvements du xviiie siècle mais contredit par d'autres, a comme inconvénients principaux moins son anachronisme (c'est le xviiie siècle revu par le xixe) et son caractère approximatif que son caractère de recette (pour des plats au demeurant devenus impossibles à préparer) et sa tendance à faire passer les pages de Haydn, Mozart et Beethoven ne s'y conformant pas comme autant de violations (mises au compte de leur génie, bien sûr) de règles qui en réalité n'avaient jamais existé.
D'où peu à peu l'apparition d'une autre définition de la forme sonate, admettant quant à elle la priorité de la structure tonale sur la structure mélodique, et distinguant non plus trois parties mais essentiellement deux : début à la tonique et passage à la dominante, puis passage à d'autres tonalités et retour à la tonique. Son inconvénient, outre de faire comme si les thèmes n'avaient aucune importance, est d'être davantage une description qu'une définition, de s'appliquer à trop de musiques écrites entre 1700 et 1950, et de ne faire aucune distinction entre Haydn, Mozart et Beethoven d'une part, leurs contemporains de seconde zone d'autre part, bref de se borner à des points de grammaire sans rendre compte de l'esprit de la forme, de sa signification en tant que produit de la fin du xviiie siècle, ni au sein de chaque œuvre des rapports entre structure et matériau.
Les éléments constitutifs de la forme sonate apparurent parallèlement en une constante interaction dont peut aider à saisir le mécanisme une bonne compréhension de la portée exacte de la tonalité et de la modulation classiques. En musique tonale, et particulièrement depuis Haydn et Mozart, la tonalité principale d'un morceau ou d'une œuvre joue, par rapport aux autres tonalités dans lesquelles s'aventure ce morceau ou cette œuvre, le même rôle que, dans une tonalité donnée, l'accord parfait (consonant) par rapport aux autres accords, plus ou moins dissonants : un rôle de résolution de tension. Revenir à la tonique ou s'en rapprocher est en soi réducteur de tension : le retour de cette tonique à la fin d'une œuvre classique correspond à une exigence fondamentale de l'époque. Quitter la tonique (la tonalité principale) ou s'en éloigner est en soi générateur de tension : plus la modulation est articulée dramatiquement, plus la nouvelle tonalité est éloignée de la principale, et plus la tension créée sera forte. Corollaire : plus une tonalité est éloignée de la principale, plus il lui sera difficile d'établir un nouvel équilibre, de se fixer et de se transformer en tonique provisoire.
D'où, chez Haydn et Mozart, le rôle essentiel de la dominante, de toutes les tonalités génératrices de tension la plus aisée à établir, parce que la plus proche de la principale. D'où aussi, chez Beethoven et ses successeurs, créateurs de structures aptes à supporter en leurs points d'articulation de plus fortes tensions, la fréquente attribution à des tonalités plus éloignées du rôle précédemment dévolu à la dominante. La sonate Waldstein de Beethoven est en ut majeur : de son premier mouvement, la seconde partie de l'exposition ne se fixe pas à la dominante sol majeur, mais à la médiante mi majeur, utilisée comme substitut de dominante.
Le phénomène du passage à la dominante (ou au relatif majeur pour un morceau en mineur), en soi antérieur à l'époque de Haydn et Mozart, devint avec eux irrésistible. Cela dit, en tant que tels, les phénomènes du passage à la dominante et du retour à la tonique furent moins chez eux des éléments de forme que de simples points de grammaire, des conditions d'intelligibilité. Essentielle fut leur façon de mettre en œuvre des démarches qui, pour les auditeurs du temps, allaient de soi. Au début du xviiie siècle, on n'était pas censé les souligner ; eux les mirent en évidence. Au début du siècle, en particulier dans les danses, on trouvait fréquemment la progression schématique suivante : énoncé d'un matériau avec progression de la tonique à la dominante, puis énoncé du même matériau ou d'un matériau très semblable avec progression de la dominante à la tonique. D'où une double symétrie binaire, A-B/A-B au point de vue mélodique, et A-B/B-A au point de vue tonal, avec impression d'ensemble binaire et déroulement assez continu, la plus forte réaffirmation de la tonique n'intervenant pas lors de sa réapparition en cours de morceau, mais étant réservée pour la fin.
La révolution menée à terme par Haydn et Mozart, et qui donna naissance à la forme sonate, consista à articuler dramatiquement aussi bien le passage à la dominante que le retour de la tonique, en d'autres termes à transformer, nettement quoique provisoirement, la dominante en nouvelle tonique, et à réaffirmer avec force la tonique dès les deux tiers d'un morceau, parfois même dès sa moitié, au plus tard à ses trois quarts. Ces deux dramatisations, la seconde surtout, expliquent l'impression tripartite, et non plus bipartite, laissée par la plupart des morceaux de la fin du xviiie siècle, les trois parties se définissant non par leur longueur, pas forcément la même, mais par l'articulation, en définitive par leur fonction.
Ces dramatisations, auxquelles d'autres vinrent s'ajouter, furent le moteur principal de la forme sonate classique, fondée sur la relation dialectique tension-détente, avec entre autres caractères essentiels une stabilité des extrêmes, de la fin plus encore que du début, et une tension maximale vers le centre.
Les préclassiques, le jeune Haydn et le jeune Mozart s'en tinrent souvent, pour leurs premiers mouvements et surtout leurs derniers mouvements de symphonies, à la double symétrie binaire définie ci-dessus. Mais au fur et à mesure que se développa en musique instrumentale le sens du drame, une seconde partie purement symétrique devint de moins en moins acceptable, et on put observer en son début une tendance à l'accroissement de la tension harmonique et expressive par le biais notamment de modulations dans diverses tonalités. À une tension accrue vers le centre (développement) devait fatalement correspondre une résolution (réexposition) plus marquée : d'où la mise en valeur du retour de la tonique et d'une section conclusive la quittant très peu, avec comme résultat une structure tripartite obtenue en quelque sorte par fission du second volet de l'ancienne structure bipartite.
Tous les ouvrages de Haydn, Mozart et Beethoven sont dialectiquement écartelés entre le drame et la symétrie (terme non synonyme de répétition textuelle), mais cette contradiction sans cesse apparente, chacun de leurs chefs-d'œuvre la résolut à sa manière. Le nombre de « thèmes » d'un mouvement de « forme sonate » n'était par exemple en rien fixé. D'une exposition, on se bornait à exiger qu'elle posât un premier conflit en affirmant la tonique, puis la dominante (ou un substitut de dominante). Rien ne l'empêchait d'affirmer en passant d'autres tonalités à rôle structurel moins fondamental. Le côté dramatique de l'établissement de la dominante pouvait être renforcé par l'apparition simultanée d'un nouveau thème (démarche fréquente chez Mozart et la plupart de ses contemporains), mais aussi bien par la répétition à la dominante du thème initial (solution fréquente chez Haydn). Beethoven et Haydn (symphonies no 92, dite Oxford, ou 99) combinèrent volontiers les deux méthodes, en répétant d'abord le thème initial à la dominante, avec quelques changements, par exemple dans l'orchestration, pour bien montrer que sa fonction dans l'architecture globale n'était plus la même, et en n'introduisant qu'ensuite un nouveau thème, à fonction plutôt conclusive.
Présenter deux fois la même idée sous des angles différents est aussi dramatique, sinon plus, qu'en énoncer deux. Le critique du Mercure de France, après avoir entendu les symphonies parisiennes, fit remarquer d'un ton admiratif qu'alors que tant de compositeurs avaient besoin de plusieurs thèmes pour construire un mouvement, un seul suffisait à Haydn. Quand il y avait deux thèmes ou plus, ils n'étaient pas nécessairement contrastés. C'est souvent le cas chez Mozart et encore plus chez Beethoven, mais du premier mouvement de la symphonie militaire de Haydn, les deux thèmes ont le même caractère : les sections à la tonique et à la dominante sont articulées surtout par l'orchestration. De toute façon, c'est par la transformation des thèmes, obtenue parfois par le simple fait de les placer dans un contexte différent, et non par leurs contrastes, que Haydn, Mozart et Beethoven nous surprennent le plus.
On dit souvent d'une œuvre de la seconde moitié du xviiie siècle qu'elle est d'autant plus progressiste que sa section centrale (développement), située en principe entre les accords semi-conclusifs de dominante (fin de l'exposition) et le retour de la tonique et du thème du début (commencement de la réexposition), est plus nette et plus vaste. Il est vrai que chez Haydn, Mozart et Beethoven, cette section manque rarement, et qu'en particulier chez Beethoven, ses dimensions peuvent être considérables. Il est vrai également qu'en général la tension y culmine, rendant ainsi nécessaire et désirable la résolution amorcée par le retour de la tonique. Cela dit, ni la grande étendue ni même l'existence d'un « développement » ne sont indispensables à la forme sonate. Aussi bien dans l'ouverture des Noces de Figaro de Mozart que dans le premier mouvement de la symphonie Oxford de Haydn, le retour de la tonique (réexposition) intervient alors que le morceau n'en est pas encore à sa moitié. C'est dû chez Mozart à l'absence de développement (après l'exposition, quelques mesures de transition conduisent directement à la réexposition) ; chez Haydn, aux dimensions exceptionnelles de la réexposition, en outre suivie d'une coda. On ne saurait dire pour autant que le morceau de Mozart, qui voulut sans doute préfigurer la rapidité d'action de la pièce de Beaumarchais dont était tiré son livret, est moins « avancé » que celui de Haydn : les deux le sont autant.
Chez Haydn, Mozart et Beethoven, exposition, développement, réexposition et coda ne sont en rien des compartiments étanches. Les définir par leur position dans un mouvement est commode, mais ne correspond qu'à une partie de la réalité. Ce sont les fonctions d'exposition, de développement et de réexposition qui importent, et, chez les trois maîtres classiques, on les trouve en général réparties, inégalement il est vrai, sur tout un mouvement ou presque. Haydn et Beethoven en particulier commencent souvent à « développer » leurs thèmes ou motifs dès l'exposition. L'arrivée d'un nouveau thème dans le développement, comme souvent chez Mozart, comme chez Haydn dans la symphonie les Adieux ou chez Beethoven dans l'Héroïque, provoque certes un dépaysement : a-t-elle aussi une fonction d'exposition ?
Dans l'Héroïque de Beethoven, la coda faisant suite à la réexposition n'est pas un ajout gratuit. Le résidu de tension qu'elle sert à résoudre provient de la nature du développement proprement dit, si vaste et si dramatique qu'il écrase quelque peu la réexposition, plus courte et incapable de l'équilibrer à elle seule : une coda se révèle donc indispensable. De même, sans le tribut au langage de l'époque que sont les quelque cinquante mesures martelant l'accord parfait d'ut majeur à la fin de la 5e symphonie de Beethoven, l'énorme tension accumulée au cours de cette œuvre gigantesque n'aurait pu être résolue.
L'articulation et la périodicité à tous les niveaux entraînèrent dans les œuvres classiques une grande diversité rythmique et un besoin accru de symétrie, d'équilibre. De ce besoin, les réexpositions de forme sonate sont une manifestation à grande échelle, mais celles de Haydn en particulier rappellent que symétrie et répétition textuelle ne sont pas synonymes. Ces réexpositions sont écartelées entre leur fonction de résolution et la nécessité de maintenir la musique en mouvement jusqu'au bout. Elles prennent ainsi en compte la temporalité de l'art musical en général et le dynamisme de celui de la fin du xviiie siècle en particulier. D'où, en leur sein, de nouvelles surprises. Les retours d'événements déjà vécus y sont non de simples redites, mais des réinterprétations.
On dit d'une réexposition qu'elle est d'autant plus régulière qu'elle se modèle plus étroitement sur l'exposition. Les réexpositions de Haydn sont souvent très irrégulières, mais la raison principale n'en est pas un simple souci de variété. Chez Haydn, les expositions sont déjà tellement dramatiques, surtout quand y domine un seul court motif (symphonie no 88), qu'une réexposition textuelle à la tonique serait un pur non-sens, voire une stricte impossibilité. Tous les épisodes qui, dans les expositions ou les développements de Haydn, apparaissent dans une tonalité autre que la principale n'en ont pas moins leur contrepartie dans la réexposition : ils y sont en général récrits, réinterprétés, arrangés dans un autre ordre, mais toujours résolus. Mozart, avec ses expositions plus volontiers polythématiques et faites de longues mélodies, peut se permettre des réexpositions plus textuelles mais elles réinterprètent autant que celles de Haydn.
Dans la sonate pour piano en sol majeur K. 283 de Mozart, on trouve dans l'exposition (mesure 17) et la réexposition (mesure 84) une phrase identique, mais qui donne une impression de passage à la dominante dans un cas, d'affirmation de la tonique dans l'autre. Cette différence, moyen de clarification de la forme, est due à ce qui dans chaque cas précède la phrase en question.
On a là un exemple, inconcevable sous cet aspect aux époques précédentes, de la mise en relation des parties et du tout dans le style classique viennois. En même temps, l'exemple de la sonate de Mozart montre que dans ce style les parties sont préformées par le tout, parfois de manière indélébile. Ainsi que l'a noté Tovey, en tombant en cours de déroulement sur un mouvement inconnu de Haydn, Mozart et Beethoven, un auditeur peut se rendre compte si ce mouvement en est vers son début, son milieu ou sa fin, ce qui est beaucoup plus difficile avec Bach. Inversement, la forme concrète n'est pas imposée de l'extérieur, mais déterminée par le matériau, propulsée par lui de l'intérieur. Les idées initiales de Haydn et Beethoven, souvent concises et en soi chargées d'énergie, donnent alors immédiatement une impression de conflit dont le déroulement et la résolution ne seront autres que l'œuvre elle-même : ce fut leur plus grande contribution à l'histoire de la musique.
Le quatuor à cordes op. 50 no 1 de Haydn débute calmement sur un multiple énoncé, au violoncelle, de la note de tonique : le passage à la dominante se fait attendre, et les conflits les plus violents n'interviennent que dans le développement. Son quatuor op. 50 no 6 (la Grenouille) s'ouvre au contraire sur un mi isolé d'autant mieux mis en valeur que son registre est aigu, et dont le caractère dissonant (c'est la dominante de la dominante) apparaît au bout de trois mesures, quand on réalise enfin que la tonalité principale est ré majeur. Cet élément de conflit posé immédiatement, Haydn l'exploite à fond dès l'exposition, une de ses plus violentes.
La forme sonate du classicisme viennois fut une manière d'écrire, en définitive un mode de pensée défini par Charles Rosen comme « la résolution symétrique de forces opposées ». Il ajoute : « Si cette définition semble aussi large que la forme artistique elle-même, c'est que le style classique est devenu pour une bonne part le modèle d'après lequel nous jugeons toute autre musique ­ d'où son nom. Cela dit, si dans le baroque il y a aussi résolution, elle est rarement symétrique, et les forces opposées, qu'elles soient rythmiques, dynamiques ou tonales, y sont bien moins nettement définies. Dans la musique de la génération de 1830 (Schumann), la symétrie est moins marquée, et parfois même esquivée (sauf dans les genres/formes académiques comme la sonate romantique), et le refus d'une résolution complète fait souvent partie de l'effet poétique. »
Ce mode de pensée produisit une grande variété de « formes », il pénétra aussi bien le rondo que la forme lied, chez Mozart les grands finales d'opéra, et surtout chez Beethoven la fugue et la variation. Socialement, il avait, du moins en partie, trouvé son origine dans l'apparition d'un public plus nombreux et avide de divertissement. L'apparition de ce public avait été une des causes du caractère superficiel de bien des musiques immédiatement postérieures à Bach. « Les compositeurs durent se faire les agents du marché, dont les désirs pénétrèrent leurs œuvres jusqu'au plus profond d'elles-mêmes » (Adorno).
Mais, ajoute Adorno, « il n'est pas moins vrai qu'en vertu justement de cette interpénétration, le besoin de divertissement se transforma en besoin de variété au sein de l'objet composé, de la composition elle-même, ceci par opposition au déroulement unitaire et relativement continu du baroque. Or ce souci d'alternance au sein d'un même morceau devint le fondement de la relation dynamique entre unité et diversité qui n'est autre que la loi du classicisme viennois. Cette relation dynamique fut pour l'acte compositionnel un progrès immanent qui, après deux générations (avec la maturité de Haydn et Mozart), compensa les pertes qu'au début le changement de style (consécutif à la mort de Bach) avait entraînées ».
Ce mode de pensée eut comme contradiction interne celle existant entre un dynamisme global se projetant de l'avant et tendant vers le développement perpétuel, et le retour, à un moment donné, du début (réexposition), ou encore celle résultant de la présence d'une identité statique dans une forme en devenir. De cette contradiction, indispensable vers 1780-1815 à la vérité artistique, mais que le xixe siècle, en raison notamment de l'évolution de la tonalité, devait ressentir avec de plus en plus de gêne, et ce jusqu'aux liquidations schönbergiennes, on trouve un indice dans le soin que prit si souvent Joseph Haydn d'introduire, dans l'entourage immédiat de ses réexpositions, une modification aussi minime soit-elle par rapport au début, mettant ainsi une fois de plus identité et changement en relation dialectique.
Beethoven, en particulier dans ses symphonies, alla dans cette direction aussi loin qu'il était possible sans détruire le langage. Le premier mouvement de sa 9e symphonie s'ouvre pianissimo avec quelques instruments, sa réexposition est martelée fortissimo par tout l'orchestre. Identité et changement ne font plus qu'un, leur proclamation simultanée ayant été rendue possible par une démarche préalable aboutissant à faire de la réexposition un phénomène non seulement attendu, mais hautement désiré, et du retour du point de départ le résultat inéluctable d'un processus déclenché par ce point de départ lui-même. Le « faux départ » du cor, quatre mesures avant la réexposition du premier mouvement de l'Héroïque, n'est autre que la sédimentation dans l'œuvre elle-même du résultat de cette démarche et de son idéologie sous-jacente.
Adorno voit d'une part en Beethoven « le prototype musical de la bourgeoisie révolutionnaire (et) d'une musique ayant échappé à la servitude », et d'autre part « dans la gestique affirmative de la réexposition (de ses) plus grands mouvements symphoniques un répressif et autoritaire C'est ainsi ». Il met en outre en parallèle l'identité du statique et du dynamique que proclament ces réexpositions, et notamment leurs débuts, avec « la situation historique d'une classe (la bourgeoisie) en train de dissoudre l'ordre statique sans pour autant, de peur de se dissoudre elle-même, s'abandonner à sa dynamique propre ». Le parallèle est intéressant, et historiquement convaincant, surtout si l'on songe aux avatars de la forme sonate au xixe siècle. Elle avait été un organisme vivant, elle tendit à devenir un exercice d'école. Ou alors, ses contours s'estompèrent. Il y eut bien sûr des démarches héroïques, tendant comme celle de Bruckner à la mener plus avant, ou comme celle de Schubert à la repenser dans ses rapports avec le déroulement du temps, ou encore, comme celle de Liszt (sonate en si mineur), à lui tourner le dos, du moins en apparence. Il reste que dans les premières années du xxe siècle, les jeux étaient faits. Les grands inventeurs de formes participèrent dorénavant à la liquidation de la « sonate », même et surtout quand ils réussirent à en magnifier l'esprit. Significatif est le cas de l'extraordinaire 6e symphonie en la mineur de Mahler (1904), à la fois apothéose de la « forme sonate » dans tout ce qu'elle avait alors de normatif, et gigantesque mise au tombeau, par son message, de cette forme et de ce qui l'avait accompagnée.


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ÉGYPTE - GÉOGRAPHIE

 

Égypte : géographie physique

Situé à une latitude subtropicale, l'Égypte constitue l'extrémité orientale du Sahara, formée de bas plateaux à l'ouest du Nil, relevée à l'est, au-dessus du fossé de la mer Rouge. La chaleur est torride en été, s'accroissant vers le Sud, où disparaissent pratiquement les précipitations, déjà très faibles dans le delta, où elles avoisinent 50 mm par an. La vallée du Nil, d'une largeur utile de 3 à 15 km, représente moins de 5 % de la superficie du pays, dont le reste est formé de déserts parsemés d'oasis.
1. Un climat désertique

1.1. Des pluies rares

Mont SinaïMont Sinaï
L'Égypte est pratiquement tout entière dans la zone tropicale aride. L'ensemble du pays est soumis au climat désertique. L'air y est sec. Seule une étroite bande proche de la Méditerranée reçoit quelques précipitations (Alexandrie, 166 mm, surtout en hiver ; Port-Saïd, 173 mm). Les pluies se raréfient rapidement du nord au sud : Le Caire, 42 mm ; Beni-Souef, 6,4 mm ; Louqsor, 4 mm ; Assouan, 1 mm. Elles sont caractérisées par une grande variabilité interannuelle. Les printemps (jusqu'au mois de mai) sont doux, ensoleillés et sujets à de brusques variations de température.
1.2. Des températures estivales partout élevées

Les températures estivales sont partout élevées, avec un accroissement du nord au sud, ainsi qu'en témoignent les moyennes des maximums de juillet : 30,1 °C à Alexandrie, 35,8 °C au Caire, 36,9 °C à Beni-Souef, 39,4 °C à Louqsor, 41,5 °C à Assouan. Cependant, les moyennes des minimums de janvier sont en général de plus en plus accusées vers l'intérieur du pays : Alexandrie, 8,8 °C ; Le Caire, 9,4 °C ; Beni-Souef, 6,6 °C ; Louqsor, 6,3 °C. La température moyenne de juillet est de 28,6 °C au Caire, de 26,2 °C à Alexandrie ; celle de janvier, de 13,8 °C au Caire, de 13,6 °C à Alexandrie. Le caractère aride et continental du pays s'affirme avec la décroissance des taux d'humidité moyenne de l'année : Alexandrie, 68 % ; Le Caire, 50 % ; Beni-Souef, 51 % ; Louqsor, 34 % ; Assouan, 22 %.
Les vents soufflent normalement du secteur nord, mais ceux du sud et de l'est, dus au passage de dépressions, occasionnent un froid piquant en hiver et des nuages de sable au printemps (le khamsin).
La meilleure saison touristique est l'automne, et même la période de décembre à février en Haute-Égypte.
2. Le désert


La plus grande partie de l'Égypte est constituée de déserts, à l'intérieur du Sahara. L'ensemble fait partie du vieux socle cristallin africain, portant une couverture sédimentaire de grès nubiens (mésozoïque continental) surmontés de crétacé (surtout calcaire) et de nummulitique plus ou moins relevé et cassé. Le Sinaï est ainsi un horst, isolé entre les fossés tectoniques de Suez et de Aqaba, fortement relevé vers le sud (2 637 m) et plongeant au nord sous des plateaux sédimentaires modelés en gigantesques cuestas.
2.1. Le désert oriental (ou arabique)

Le désert oriental (ou arabique), à l'est du Nil, est un fragment de socle relevé (2 180 m ; on parle parfois de chaîne arabique) vers le bombement effondré de la mer Rouge. Il porte un réseau hydrographique régulièrement hiérarchisé, où des pluies (entre 10 et 20 mm par an) permettent un écoulement temporaire. Il a été dans l'Antiquité une grande région minière (or, porphyre).
2.2. Le désert occidental (ou libyque)

Le désert libyque, à l'ouest du Nil, couvre les deux tiers de l'Égypte. Il est formé d'un plateau très aride, souvent barré par des dunes. Un erg difficilement franchissable borde la frontière occidentale. Le désert occidental serait à peu près totalement vide d'hommes sans l'existence de quelques profondes dépressions, dont celles de Kharguèh, de Dakhla, de Farafra et de Bahriya, qui sont logées sur des accidents structuraux affectant la couverture. Les plus septentrionales sont au-dessous du niveau de la mer, au fond desquelles affleurent des lignes de sources (correspondant à une nappe souterraine, en partie fossile, descendant du Tibesti vers la Méditerranée). Ces dépressions nourrissent des oasis où des sédentaires cultivent dattiers, céréales et légumes. Le dépôt salin de la dépression de Kattara est situé à 133 m sous le niveau de la mer.
3. Le Nil

3.1. La vallée du Nil

Le NilLe Nil
Le Nil, fleuve long de 6 670 km, ne draine le territoire égyptien que sur un quart de son cours. Dans le Sud, le fleuve, navigable jusqu'à Assouan (première cataracte), a creusé une vallée recouverte d'un riche limon noir et bordée de falaises abruptes, atteignant parfois 400 m de hauteur, séparées de 2 à 15 km. Proche de la vallée et semblable à elle par bien des aspects, la dépression du Fayoum, à 90 km au sud du Caire, étend ses riches terres agricoles autour des eaux du Birket Karoun : c'est la Haute-Égypte. À quelques kilomètres au nord du Caire, le fleuve, libéré du carcan dans lequel l'enserraient les hautes terres, se ramifie en de nombreuses branches : c'est le « plat pays » du Delta, ou Basse-Égypte.
La vallée du Nil est étroitement comprise, de Ouadi-Halfa au Caire, entre les deux lignes des abrupts terminant les plateaux libyque et arabique. Cette partie de la vallée, appelée Haute-Égypte, ne correspond pas à un ruban ininterrompu et uniforme de cultures. Elle ne s'élargit que progressivement d'amont en aval et fort irrégulièrement. Entre Ouadi-Halfa et Assouan, elle était très encaissée dans les grès avant sa submersion par les eaux retenues par le haut barrage d'Assouan et formant le lac Nasser. Elle s'élargit à partir d'Assouan et autour de Kom-Ombo, se resserre à hauteur d'Esnèh pour s'élargir de nouveau autour de Louqsor-Thèbes. Après le coude de Kénèh, le couloir se normalise quelque peu, mais avec des variations de largeur encore sensibles. À partir d'Assiout, la corniche calcaire de la rive gauche diminue de netteté. Le fleuve lui-même se divise en deux bras. Le cours le plus occidental, ou Bahr Youssef, a été aménagé pour canaliser une fraction régulière du débit du fleuve (canal Ibrahimiyèh). Grâce à lui, les eaux du Nil atteignent la dépression du Fayoum, où les cuvettes salées du Birket Karoun et de l'oued Rayan leur servent de déversoir à 45 et 40 m au-dessous du niveau de la mer.
3.2. Le delta du Nil

Le delta commence à une vingtaine de kilomètres en aval du Caire par la division du fleuve en deux branches. La branche occidentale, dite de Rosette, prend la direction du nord-ouest, longe les derniers contreforts du plateau libyque et se jette dans la mer après son passage entre les lacs Edkou et Borollos. La branche orientale, dite de Damiette, garde l'orientation sud-nord sur 120 km avant d'obliquer vers le nord-est en direction du lac Menzalèh, où elle atteint à son tour la Méditerranée. Les nombreux canaux qui sillonnent le delta utilisent parfois d'anciens bras du fleuve. Les bourrelets de berge et les levées permettent un écoulement actuel au-dessus du niveau général des terres.
La construction du delta est due à l'alluvionnement quaternaire. Au pliocène, la mer s'avançait au sud du Caire jusqu'à la dépression du Fayoum, qui formait un golfe. Progressivement, le fleuve a comblé cette vaste échancrure, colmatant successivement les lacs emprisonnés derrière les cordons littoraux successifs. Un courant ouest-est déporte les alluvions en direction de Port-Saïd.
Cependant, le contrôle de plus en plus perfectionné des crues du Nil et les retenues réalisées par les grands barrages ont pour conséquence une diminution sensible des apports solides. L'alluvionnement aux bouches de Damiette et de Rosette est aujourd'hui en régression, cependant que les rives du delta subissent une érosion.
4. La flore et la faune

La faune et la flore de l'Égypte s'apparentent à celles des déserts et des oasis. L'arbre le plus répandu est le palmier-dattier. Des espèces comme le caroubier, le tamarin et le sycomore sont aussi bien représentées. Joncs et papyrus croissent près du Nil. Les animaux sauvages ont le plus souvent été chassés par les activités industrielles. On déplore ainsi la disparition des crocodiles et des hippopotames sur les rives du Nil. La hyène et le chacal dans le désert, le sanglier, l'ibis sacré, le faucon et le vautour sont toujours présents.

 

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RWANDA ou RUANDA

 



 

 

 

RWANDA
GÉOGRAPHIE
HISTOIRE
1. Le Rwanda pré-colonial
2. La colonisation et la création du mythe tutsi
2.1. Le Ruanda-Urundi sous mandat belge
2.2. Les Tutsis érigés en caste dominante par le colonisateur
3. L'indépendance et le début de quarante années d'affrontements
3.1. La « Toussaint rwandaise » (1er novembre 1959)
3.2. La république et l'indépendance
4. Grégoire Kayibanda et le pouvoir hutu (1962-1973)
5. Juvénal Habyarimana et la seconde République (1973-1994)
5.1. Une brève pacification
5.2. L'offensive du Front patriotique rwandais (FPR)
5.2. Les tentatives de démocratisation et les accords d'Arusha (1993)
5.3. Les cent jours d'un génocide planifié (6 avril-19 juillet 1994)
5.3.1. Des controverses toujours vives
6. Le Rwanda post-génocidaire
6.1. La difficile transition politique dans un pays meurtri (1994-2003)
6.2. Les interventions militaires du Rwanda au Zaïre puis en RDC
La traque des extrémistes hutus dans l'Est zaïrois (septembre 1996-mai 1997)
Les poussées expansionnistes du Rwanda en RDC (1998-2002)
La difficile paix (2002-2005)
6.3. La dérive autoritaire du régime
La suprématie du FPR
Le recours à une justice traditionnelle
Verrouillage électoral et violences politiques
6.4. Politique extérieure
Politique régionale
Les relations avec la France
Voir plus
Rwanda
parfois Ruanda
Nom officiel : République rwandaise
Carton de situation - RwandaDrapeau du Rwanda

État d'Afrique centrale situé dans la région des Grands Lacs, le Rwanda est limité au nord par l'Ouganda, à l'est par la Tanzanie, au sud par le Burundi et à l'ouest par la République démocratique du Congo et le lac Kivu.
Le Rwanda est membre du Commonwealth.
Superficie : 26 338 km2
Nombre d'habitants : 11 777 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Rwandais
Capitale : Kigali
Langues : anglais, français et rwanda
Monnaie : franc rwandais
Chef de l'État : Paul Kagame
Chef du gouvernement : Pierre Damien Habumuremyi
Nature de l'État : république à régime semi-présidentiel
Constitution :
Adoption : 26 mai 2003
Entrée en vigueur : 4 juin 2003
Pour en savoir plus : institutions du Rwanda
GÉOGRAPHIE

C'est un pays de hauts plateaux, proche de l'équateur, mais au climat tempéré par l'altitude. L'agriculture vivrière (patates douces, haricots) occupe la majorité des terres cultivables. Le café et le thé constituaient les ressources commerciales. Ravagé en 1994 par le conflit opposant Hutu (majoritaires) et Tutsi, le Rwanda connaît aujourd'hui un certain redressement économique mais reste l'un des pays les plus pauvres du monde (avec une tendance à l'accroissement des inégalités).
Le Rwanda correspond à une partie du socle africain, dont le relief est le résultat de mouvements tectoniques qui l'ont cassé, porté en hauteur, et qui ont permis la formation de la chaîne des Virunga, composée d'une série de volcans, dont le plus élevé, le Karisimbi (4 507 m), porte le point culminant du pays. Il se divise en trois éléments : la crête ou dorsale Congo-Nil, le Plateau central et les Basses Terres. La crête s'étire du nord au sud sur une largeur de 20 à 50 km et avec une altitude variant de 1 900 à 3 000 m. Elle domine le lac Kivu par un abrupt fortement découpé. Le versant oriental, à la pente plus douce, se raccorde au Plateau central, formé d'une multitude de collines. À l'est s'étendent les Basses Terres lacustres (1 300 à 1 500 m d'altitude), qui annoncent déjà la pénéplaine tanzanienne. Le Rwanda, malgré la proximité de l'équateur, a, grâce à l'altitude, des températures (moyenne annuelle : 19 °C) et des pluies (de 700 à 2 500 mm) modérées.
Le Rwanda se situe dans la région des Grands Lacs, la plus densément peuplée de toute l'Afrique. Le pays comptait près de 300 habitants par km2 au début des années 1990, voire plus de 400 habitants par km2 dans certaines préfectures comme celles de Kigali, de Ruhengeri ou de Butare. Le dynamisme démographique était alors extrêmement élevé, avec une croissance naturelle proche de 4 % par an, du fait d'une forte fécondité (8 enfants par femme) et d'une mortalité relativement basse (de l'ordre de 18 ‰). Il en résultait une extrême jeunesse de la population, près de la moitié des habitants ayant moins de 15 ans. Le drame de 1994 a notablement modifié ces données, du fait des nombreuses victimes qu'il a occasionnées, mais aussi du départ des réfugiés dans les pays voisins, dont une partie seulement est rentrée au pays. L'habitat est très majoritairement rural, réparti sur les « collines », et le taux de population urbaine est inférieur à 20 %. Il est le reflet de la prépondérance écrasante des productions agricoles dans l'économie nationale. Le petit élevage (ovins, caprins, volailles) prend peu à peu le pas sur les bovins, faute d'espace, et les cultures vivrières sont dominées par la banane plantain (dont on tire notamment une « bière » qui est la boisson nationale), le manioc et la patate douce. Thé et café, d'excellente qualité, sont les principales cultures d'exportation. Il est difficile de savoir si l'industrie, limitée à quelques productions de biens de consommation (boissons, chaussures), est en voie de retrouver son niveau de la fin des années 1980. Il serait de même hasardeux de donner des chiffres précis à propos des finances publiques et de la balance commerciale, dont on sait seulement qu'elles sont structurellement déficitaires. Le Rwanda est aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres du monde.
Le génocide a répandu dans le monde entier l'image d'un Rwanda déchiré entre deux « ethnies », l'une majoritaire, les Hutus, l'autre minoritaire, les Tutsis. On a de ce fait tendance à laisser de côté ce qui fait l'unité de la population. En effet, outre un mode de vie rural dominant, les Rwandais ont en commun une langue unique de type bantou, le kinyarwanda, et ils professent très majoritairement la même religion, le catholicisme. Les causes des tragiques affrontements de 1994 doivent en réalité être davantage recherchées dans l'histoire du pays que dans un quelconque déterminisme « ethnique ».
HISTOIRE

1. Le Rwanda pré-colonial

Peuplé dès la préhistoire, le Rwanda est érigé en État au xive s. sous la forme d'une monarchie quasi théocratique à la tête de laquelle se trouve la dynastie des mwamis (rois) Banyiginyas, qui régnera jusqu'en 1960. L'organisation de la société, qui vise notamment à assurer la pérennité des deux ressources du royaume, l'agriculture et l'élevage, fait progressivement l'objet de règles extrêmement précises, instaurant notamment un véritable code du fermage-métayage, tant en ce qui concerne les troupeaux que les terres.
Le pays est divisé en circonscriptions administratives, les districts, avec à leur tête deux chefs, l'un pour le bétail, l'autre pour les terres. La distinction entre les Tutsis et les Hutus est en quelque sorte fonctionnelle : les premiers sont éleveurs, les seconds agriculteurs. Le passage d'une catégorie à une autre est possible (un agriculteur hutu peut devenir tutsi et réciproquement) de même que les mariages mixtes. L'aristocratie – qui possède bétail ou terre – est aussi bien hutue que tutsie.
2. La colonisation et la création du mythe tutsi

2.1. Le Ruanda-Urundi sous mandat belge

Comme au Burundi, ce sont les Allemands qui « découvrent » le Rwanda. La conquête est pacifique, se traduisant par un traité de protectorat (1898) et par l'installation de la première mission des Pères blancs dès 1900. Attaqués par les Belges, les Allemands doivent se retirer de la région en 1916. Les traités de paix entérinent cette situation, et le Ruanda-Urundi, placé sous mandat belge par la Société des Nations (SDN) en 1924, est rattaché au Congo belge, avec cependant une certaine autonomie.
Si les Belges maintiennent la monarchie traditionnelle, ils en dénaturent complètement la signification. L'ancien système de redevances-prestations est en grande partie aboli, comme est supprimée l'administration des districts. En 1931, le mwami Musinga est déposé et remplacé par son fils, baptisé dans la religion catholique.
Pour en savoir plus, voir l'article Ruanda-Urundi.
2.2. Les Tutsis érigés en caste dominante par le colonisateur

Dans ce pays pauvre, l'Église devient la principale puissance, et convertit massivement la population, tout en lui prodiguant soins et enseignement. Ses membres contribuent à la reconstruction de l'histoire à propos des Tutsis, qui seraient d'origine nilotique et se distingueraient par leur « grande taille » et la « finesse » de leurs traits. Cette survalorisation de leur apparence – sans doute liée pour une part au mode d'alimentation spécifique des éleveurs, et qui d'ailleurs n'est pas homogène – l'emporte sur la recherche historique objective. Ainsi distingués par leur origine supposée, les Tutsis vont devenir les privilégiés de la puissance coloniale, et assurer, sous l'autorité des Belges, l'encadrement du pays.
3. L'indépendance et le début de quarante années d'affrontements

3.1. La « Toussaint rwandaise » (1er novembre 1959)

En 1957 est publié le « Manifeste des Bahutu » (pluriel de Hutu en kinyarwanda), qui dénonce « le monopole politique dont dispose une race, la Mututsi ». Les revendications hutues sont désormais soutenues par l'Église catholique en la personne de Monseigneur Perraudin, d'origine suisse, qui devient archevêque de Kigali en 1959.
Cette même année voit la naissance d'un parti monarchiste, l'Union nationale rwandaise (Unar) et d'une formation ethnique, le Parmehutu (parti du Mouvement pour l'émancipation des Bahutu). Elle s'achève avec le déclenchement, le 1er novembre, jour de la Toussaint, d'une révolte des Hutus, qui ensanglante le pays et entraîne le départ en exil (notamment en Ouganda) de très nombreux Tutsis, mais aussi de Hutus.
3.2. La république et l'indépendance

La Belgique dépêche sur place un véritable proconsul, le colonel Logiest, qui, renversant la ligne politique belge traditionnelle, décide de donner le pouvoir aux Hutus. Ces derniers triomphent aux élections communales de juillet 1960, ce qui amène les autorités belges à déposer le mwami Kigeri V en décembre suivant.
Avec l'accord du colonel Logiest, la république est proclamée à Gitarama le 28 janvier 1961. Ce « coup d'État » est entériné le 25 septembre par un référendum, et Grégoire Kayibanda, « Hutu du Centre », est élu président de la République le 26 octobre 1961. Les législatives permettent au Parmehutu de recueillir 78 % des voix. L'indépendance intervient le 1er juillet 1962.
4. Grégoire Kayibanda et le pouvoir hutu (1962-1973)

Le Parmehutu se transforme en Mouvement démocratique républicain (MDR), appelé à dominer la vie politique rwandaise au cours des années 1962-1973.
Une attaque menée par des exilés tutsis venus du Burundi a lieu en décembre 1963 (une première attaque s'était déjà produite en mars 1961). En représailles, plusieurs milliers de Tutsis de l'intérieur sont massacrés, et les membres tutsis du gouvernement d'union nationale sont exécutés. Une nouvelle vague d'émigration vient renforcer la diaspora tutsie qui commence à se constituer, non seulement en Afrique (Burundi, Tanzanie, Ouganda, Congo-Kinshasa), mais aussi en Belgique et aux États-Unis. Elle est active et influente.
L'antitutsisme devient une constante de la politique de Grégoire Kayibanda. Il culmine en février 1973 avec une épuration systématique menée dans les écoles, l'administration et le secteur privé, et de nouveaux massacres. Mais en juillet de la même année, un coup d'État sans effusion de sang porte le général Juvénal Habyarimana, Hutu du Nord, au pouvoir.
5. Juvénal Habyarimana et la seconde République (1973-1994)

5.1. Une brève pacification

Avec Juvénal Habyarimana et la seconde République, une ère moins brutale commence.
Le Parlement et le MDR sont suspendus. En 1978, une nouvelle Constitution est adoptée, qui instaure un parti unique – le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND) –, auquel appartiennent tous les Rwandais dès leur naissance.
La « question ethnique » est censée être résolue par le système des quotas, inspiré du modèle belge. L'accès aux écoles, aux postes administratifs, etc., est calqué sur la répartition « ethnique » de la population, soit 9 % pour les Tutsis, 1 % pour les Twas (→ Pygmées), 90 % pour les Hutus.
Pour les observateurs étrangers, le Rwanda est entré dans une période de stabilité et de progrès économique. L'image du pays et celle de son président sont bonnes, les aides affluent (belge et française notamment, mais pas uniquement), les ONG multiplient leurs interventions, la Banque mondiale délivre un satisfecit au gouvernement pour avoir fait en sorte que la production vivrière croisse plus vite que la population.
5.2. L'offensive du Front patriotique rwandais (FPR)

Dans le même temps en Ouganda, les émigrés rwandais – les Banyarwandas –, qui ne sont pas tous tutsis, se sont regroupés au sein d'une organisation de soutien aux réfugiés qui donne naissance en 1987 au Front patriotique rwandais (FPR). Plusieurs milliers d'entre eux, et notamment l'officier tutsi Paul Kagame, ont combattu aux côtés de Yoweri Museveni lors de sa conquête du pouvoir en 1986.
Cette présence rwandaise est cependant de moins en moins bien supportée par les Ougandais. Convaincu que les Banyarwandas ne pourront rentrer pacifiquement dans leur pays (en 1982, J. Habyarimana en a refoulé 80 000 qui venaient d'être expulsés par le président ougandais alors en exercice, Milton Obote), le FPR, soutenu par l'Ouganda qui lui sert de base arrière, pénètre en force au Rwanda le 1er octobre 1990.
L'offensive du FPR permet au président Habyarimana d'obtenir un renforcement considérable des Forces armées rwandaises (FAR) par la France et la Belgique. Elle déclenche une guerre civile entrecoupée de trêves, d'exodes et de massacres de populations.
5.2. Les tentatives de démocratisation et les accords d'Arusha (1993)

Sous la pression de la France, qui conditionne son aide militaire à la poursuite de la démocratisation amorcée en 1990, une nouvelle Constitution est adoptée (juin 1991), qui reconnaît notamment le multipartisme et crée un poste de Premier ministre. Prenant acte de la victoire des partis d'opposition aux élections législatives de 1992, le président Habyarimana accepte en avril pour Premier ministre Faustin Twagiramungu – un Hutu modéré, président du MDR. Ce dernier ne parvient pas à former un gouvernement de coalition.
Sous la pression internationale, le gouvernement et le FPR entament à Arusha (Tanzanie) en juin 1992 des négociations pour rétablir la paix et organiser le partage du pouvoir entre le MRND, le FPR et les partis d'opposition. En dépit de nombreuses vicissitudes et de la poursuite des opérations militaires, les négociations débouchent sur la signature des accords d'Arusha le 4 août 1993. Mais ces derniers restent sans effet, malgré la présence des contingents de la Minuar (Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda) chargés de les faire respecter.
En effet, la démarche entreprise à Arusha est totalement rejetée par les extrémistes hutus. En 1992, ceux-ci ont fondé la Coalition pour la défense de la République (CDR), regroupant les éléments les plus farouchement extrémistes ainsi que les milices Interahamwe (« ceux qui tuent ensemble » en kinyarwanda), le bras armé du MRND. À partir de 1993, les extrémistes hutus se livrent via le journal Kangura et la radio des Mille Collines, à une propagande massive outrageusement antitutsie et à des assassinats ciblés de responsables politiques modérés.
5.3. Les cent jours d'un génocide planifié (6 avril-19 juillet 1994)

C'est dans ce contexte que, le 6 avril 1994, l'avion transportant le président Juvénal Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira, est abattu lors de son atterrissage à Kigali.
L'attentat (dont les circonstances exactes et les responsabilités ne sont toujours pas établies) sert de prétexte au déclenchement des tueries qui, dès le—6 avril au soir, éclatent simultanément dans la capitale, le sud, l'est et le nord du pays. La minorité tutsie, ainsi que les populations hutues qui cherchent à la protéger, sont victimes d'un génocide organisé par les milices Interahamwe et une partie des Forces armées rwandaises (FAR) suivant des plans et des listes établis de longue date.
Les combats qui opposent les FAR au Front patriotique rwandais (FPR, soutenu militairement par l'Ouganda) gagnent rapidement l'ensemble du pays, provoquant d'atroces tueries et un exode massif de Hutus vers les pays voisins. Face à l'impuissance de la Minuar, dont les effectifs, réduits, tardent à se renforcer, l'ONU autorise finalement la France à engager une opération militaire à but humanitaire limitée à une durée de deux mois (opération Turquoise) pour porter assistance aux civils rwandais réfugiés par centaines de milliers dans une « zone humanitaire sûre » créée dans le sud-ouest du pays, à la frontière du Zaïre. Malgré l'opération Turquoise (juin-août 1994), les massacres de Tutsis continuent dans la « zone humanitaire sûre ».
Après sa victoire sur les forces gouvernementales, le FPR entre dans Kigali le 4 juillet et prend le pouvoir le 19.
5.3.1. Des controverses toujours vives
Si les faits sont connus, leur interprétation fait encore l'objet, plusieurs années après le drame, de vives controverses. Concernant les victimes, les chiffres cités vont de 800 000 à 1 million.
La responsabilité de l'attentat du 6 avril 1994 est aussi bien attribuée aux extrémistes hutus qu'au FPR. Le président Habyarimana est présenté soit comme un élément modérateur, soit au contraire comme un dictateur ayant soutenu les extrémistes. Pour certains, la France est coupable d'avoir soutenu un régime dictatorial et d'avoir protégé, avec l'opération Turquoise, les auteurs du génocide, alors que d'autres estiment qu'elle a fait pression en faveur des accords d'Arusha et qu'elle a permis de sauver de très nombreuses vies humaines. L'attitude de la Belgique, celle des États-Unis, de l'ONU, sont également mises en question.
Face à une tragédie de cette ampleur, de longues années seront nécessaires pour que la vérité puisse émerger du maelström des passions.
6. Le Rwanda post-génocidaire

6.1. La difficile transition politique dans un pays meurtri (1994-2003)

Le 19 juillet 1994, un gouvernement d'union nationale se met en place sur la base des accords d'Arusha. Pasteur Bizimungu (un Hutu modéré) devient président de la République. Paul Kagame, qui a mené les troupes du FPR à la victoire militaire contre les FAR, est nommé vice-président et ministre de la Défense. Faustin Twagiramungu, ancien opposant au président Juvénal Habyarimana, est proposé comme Premier ministre d'un « gouvernement de transition à base élargie ». Ce dernier, après avoir accusé le FPR de continuer à tuer des populations innocentes, démissionnera en août 1995 et s'exilera en Belgique.
Au lendemain du génocide, le Rwanda fait immédiatement appel à l'aide de la communauté internationale pour reconstruire son appareil judiciaire détruit. Peu confiant dans l'efficacité du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) institué par l'ONU à Arusha le 8 novembre 1994, le gouvernement rwandais tente de mettre en place son propre dispositif pour juger les présumés génocidaires. Mais les prisons sont rapidement surpeuplées, les tribunaux engorgés. De nombreuses voix – notamment celle de Faustin Twagiramungu – s'élèvent pour dénoncer les atteintes aux droits de l'homme commises par le FPR.
En juin 1999, le forum des partis politiques rwandais, à l'origine du premier gouvernement mixte de réconciliation nationale mis en place en 1994, décide de repousser de quatre ans la transition politique (qui devait s'achever en juillet 1999), au cours de laquelle étaient prévues l'élaboration d'une Constitution et l'organisation d'élections.
De graves dissensions au sommet de l'État poussent Pasteur Bizimungu à démissionner de ses fonctions de président de la République et de vice-président du FPR (mars 2000). À la suite d'un bref intérim, Paul Kagame, désigné par les députés de l'Assemblée nationale transitoire et par le gouvernement, lui succède à la tête de l'État. Cette rupture entre les deux hommes, censés symboliser la réconciliation nationale, porte un coup sérieux aux efforts visant à réconcilier majorité hutue et minorité tutsie.
6.2. Les interventions militaires du Rwanda au Zaïre puis en RDC

 La traque des extrémistes hutus dans l'Est zaïrois (septembre 1996-mai 1997)
Alors que la Minuar quitte le Rwanda à l'expiration de son mandat (mars 1996), le nouveau pouvoir rwandais s'attache prioritairement à assurer sa sécurité. Il estime celle-ci menacée par la présence dans l'Est zaïrois (Nord- et Sud-Kivu) de plus d'un million de réfugiés hutus dans des camps servant de bases arrière et de centres de recrutement aux extrémistes hutus.
 Avec l'Ouganda, son voisin et allié, le Rwanda fait appel à Laurent-Désiré Kabila, opposant de longue date au maréchal Mobutu. La rébellion des Banyamulenge (Zaïrois tutsis rwandophones installés au Sud-Kivu depuis les années 1930) éclate en octobre 1996. Rejointe également par des opposants de tous bords à Mobutu, et soutenue militairement par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, elle s'organise en Alliance des forces démocratiques pour la libération du Zaïre (AFDL).
Chassés par l'AFDL, une partie des réfugiés hutus rentrent au Rwanda, certains gagnent l'Angola, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon et le Cameroun. 300 000 d'entre eux sont massacrés dans les forêts. Mais les extrémistes hutus, encouragés par la rébellion hutue du Burundi, ne désarment pas et continuent de massacrer de nouvelles victimes, justifiant de ce fait la politique répressive et sanglante du Rwanda.
 Les poussées expansionnistes du Rwanda en RDC (1998-2002)
En août 1998, le Rwanda, aux côtés de l'Ouganda et du Burundi, réengage son armée en République démocratique du Congo (RDC, nouveau nom du Zaïre depuis la chute de Mobutu, le 15 mai 1997, et la prise du pouvoir par L.-D. Kabila).
Après avoir aidé en 1996 L.-D. Kabila dans sa conquête du pouvoir, ces trois pays cherchent à présent à le renverser, et s'allient à trois groupes rebelles congolais, aux revendications divergentes. Dans le camp adverse, l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie soutiennent le régime de L.-D. Kabila. Débute alors un conflit de quatre ans qui fera entre 4 et 4,5 millions de victimes.
Le Rwanda apporte son soutien à la rébellion du RCD/Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie). Outre ses motivations sécuritaires, il cherche à s'arroger un contrôle politique sur l'est du pays et surtout à consolider sa mainmise sur l'exploitation illicite des immenses ressources minérales et forestières des deux Kivus. C'est d'ailleurs pour le contrôle des richesses diamantifères que le Rwanda et l'Ouganda – ce dernier soutenant le RCD/Kisangani, une faction rivale du RCD/Goma – s'affrontent sporadiquement entre 1999 et 2000, notamment à Kisangani, instaurant une guerre dans la guerre.
 La difficile paix (2002-2005)
La mort de L.-D. Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, et auquel succède son jeune fils Joseph, change la donne. La nécessité de combattre celui qui faisait l'unanimité contre lui disparaît. Lors de l'ouverture des négociations entre les factions congolaises, le 25 février 2002, à Sun City (Afrique du Sud), le Rwanda tente en vain d'obtenir une reconnaissance de son occupation dans l'Est congolais. Isolé alors que ses alliés du RCD/Goma sont écartés du pouvoir, le Rwanda ne reconnaît pas l'accord de Sun City du 19 avril. Ce n'est que le 30 juillet 2002, grâce à la médiation du président sud-africain Thabo Mbeki, que le Rwanda et la RDC signent, à Pretoria, un accord de paix prévoyant le démantèlement des milices Interahamwe en échange du retrait des 20 000 soldats rwandais du territoire congolais (retrait achevé en octobre 2002).
Cependant, l'Armée patriotique rwandaise (nouvelle appellation des FAR depuis juin 2002) apporte son soutien à une nouvelle rébellion de Banyamulenge qui, en juin 2004, s'emparent brièvement de Bukavu. En décembre 2004, Kigali menace de détruire les bases d'extrémistes hutus toujours présentes dans l'Est congolais si la communauté internationale ne règle pas cette question. Finalement, le 31 mars 2005, après plusieurs mois de pourparlers entre autorités congolaises et rwandaises, l'ensemble des groupes armés hutus, regroupés depuis 2000 au sein des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), s'engage à déposer les armes et à rentrer au Rwanda.
Pour en savoir plus, voir l'article République démocratique du Congo.
6.3. La dérive autoritaire du régime

 La suprématie du FPR
Paul Kagame instaure au Rwanda un mélange de volontarisme économique (son plan « Vision 2020 » fait largement appel aux privatisations et libéralisations) et d'autoritarisme.
En 2002, l'ex-président Bizimungu est placé en résidence surveillée puis arrêté alors qu'il tentait de fonder un nouveau parti politique. Condamné à quinze ans de prison en 2004 pour « divisionnisme » (terme désignant officiellement les dérives d'une politique sur base ethnique mais s'avérant, à l'usage, une arme contre toute forme de contestation), puis bénéficiant d'une grâce présidentielle, Bizimungu sera libéré en 2007. Début 2003, à quelques mois des premières élections présidentielle et législatives depuis le génocide de 1994, et dès l'annonce de la candidature de l'ex-Premier ministre, Faustin Twagiramungu, rentré de son exil en Belgique, le MDR est dissous pour « divisionnisme ».
En juin 2003, une nouvelle Constitution instaure un Parlement bicaméral, le rétablissement du multipartisme et, pour la première fois depuis 1994, l'élection des députés au suffrage universel. Le président de la République est également élu au suffrage universel pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois.
Au terme d'une campagne ponctuée d'opérations d'intimidation et largement dominée par le candidat sortant du FPR, Paul Kagame est réélu le 25 août 2003 avec 95,1 % des voix devant son principal adversaire, F. Twagiramungu (3,6 %). Les élections législatives de septembre-octobre confirment la victoire écrasante du FPR, qui conquiert la majorité absolue au Parlement. Toutefois la présence massive de représentants de Paul Kagame participant à la gestion des bureaux de vote, le harcèlement de ses adversaires politiques par le régime, la mainmise de ce dernier sur les médias ainsi que le silence de la communauté internationale disqualifient lourdement la légitimité des scrutins.
 Le recours à une justice traditionnelle
Les nouvelles autorités rwandaises se sont trouvé face à un nombre considérable d'auteurs présumés du génocide. Après avoir différencié les catégories de criminels y ayant participé (1996), quelque dix-mille tribunaux, inspirés des assemblées villagoises (les juridictions gacaca) sont institués en 2001. Ils sont chargés des poursuites et du jugement du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.
En 2005, les juridictions gacaca accueillent les premiers procès, au cours desquels sont confrontés survivants et exécutants du génocide (à l'exception des planificateurs et des auteurs de viols). Conformément à l'une des exigences de la communauté internationale pour que les procédures judiciaires à l'encontre des génocidaires soient transférées à la juridiction nationale rwandaise avant la dissolution du TPIR prévue en 2008 (reportée jusqu'à fin 2012, afin d'examiner les derniers cas en instance), le Rwanda abolit la peine de mort le 26 juillet 2007.
 Verrouillage électoral et violences politiques
Aux élections législatives de septembre 2008, la coalition au pouvoir (FPR, associé à six petits partis) remporte la majorité absolue des sièges. À cette occasion, la communauté internationale salue les efforts des autorités rwandaises pour sa mise en œuvre de la promotion des femmes ; celles-ci ont obtenu 44 des 80 sièges de l'Assemblée nationale – une première mondiale. Toutefois, l'opposition (une douzaine de partis en exil) n'a pas participé au scrutin.
À l'approche de l'élection présidentielle du 9 août 2010, le régime montre des signes de raidissement. En vertu de la loi de 2008 qui réprime « l'idéologie génocidaire » ou le « divisionnisme », et qui vise à empêcher le retour de la haine ethnique, le régime du président Kagame muselle toute liberté d'expression et anéantit toute velléité d'opposition. Menacés, d'anciens piliers du FPR passés dans l'opposition (Faustin Kayumba Nyamwasa, ex-chef d'état-major, Patrick Karegeya, ex-chef des renseignements extérieurs) se réfugient en Afrique du Sud (où ce dernier sera finalement assassiné en janvier 2014) ; d'autres sont exécutés, tels le journaliste André Kagwa Rwisereka (juin 2010) ou le premier vice-président du parti démocratique vert André Kagaw Rwisereka (juillet). Victoire Ingabire, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), tout comme Bernard Ntaganda, président du parti social (PS), sont empêchés de participer au scrutin du 9 août, où faute de véritable rival, Paul Kagame est réélu avec 93 % des suffrages et un taux de participation record de 97,51 %.
6.4. Politique extérieure

 Politique régionale
Sur le plan régional, le Rwanda poursuit sa politique de réglement du problème posé par la présence de groupes armés congolais et rwandais dans l'est de la République démocratique du Congo. Fin 2008, les combats que se livrent le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du général rebelle congolais Laurent Nkunda – soutenu par le Rwanda – et les forces congolaises alliées aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), menacent de rallumer une guerre régionale. Cependant, fruit du dialogue entamé en 2007 entre les gouvernements rwandais et congolais et d'un accord secret scellé en décembre 2008 entre les deux capitales, un renversement d'alliances inespéré permet la menée d'opérations militaires conjointes contre les FDLR (janvier-février 2009). Après la rencontre de leur deux présidents (août), le Rwanda et la RCD décident de reprendre leurs relations dilomatiques interrompues depuis plus de dix ans.
Les tensions avec l'Ouganda, portées à leur paroxysme lorsque les deux pays s'étaient affrontés militairement pour le contrôle de la ville de Kisangani en RDC (août 1999) puis en mai 2000 et en juin 2002, s'apaisent grâce à la médiation de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Mais en dépit de plusieurs rencontres au niveau présidentiel entre 2007 et 2009, une certaine défiance demeure, nourrie par une rancune personnelle entre les deux ex-compagnons d'armes, et par des soupçons réciproques de liens suspects avec leur opposition respective.
Le Rwanda poursuit sa politique d'intégration régionale. Membre du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa), de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), il se retire en juin 2007 de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) et adhère en juillet à la Communauté est-africaine (EAC), privilégiant le maintien de ses relations en Afrique de l'Est. En novembre 2009, le Rwanda devient, le 54e membre du Commonwealth tout en demeurant au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Épinglé par un rapport de l’ONU paru le 1er octobre 2010 et mettant en évidence la participation des troupes rwandaises à des massacres de réfugiés hutus en RDC entre 1995 et 2003, Kigali – un des plus gros contributeurs africains de Casques bleus au Darfour – répond en menaçant de retirer ses troupes si le texte n'est pas amputé de certaines parties.
 Les relations avec la France
Les relations avec la France, soupçonnée d'avoir aidé les milices hutues lors du génocide de 1994, ne cessent de se détériorer. En novembre 2006, au lendemain de la publication de l'ordonnance d'un juge français mettant en cause le président Kagame et neuf de ses proches dans l'attentat du 6 avril 1994 contre J. Habyarimana, le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la France, non sans exiger une repentance « officielle » de celle-ci pour sa participation aux événements de 1994, et la fin des poursuites contre le chef de l'État.
Après quelques signes de réchauffement à l'automne 2007, une entrevue, en marge du sommet Union européenne-Afrique de Lisbonne (décembre), entre les deux présidents permet de lancer le processus de normalisation entre Paris et Kigali. Conséquence de la crise qui affecte les relations franco-rwandaises, Kigali institue l'anglais, et non plus le français, langue de l'enseignement, de l'école primaire à l'université. À la suite du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays (novembre 2009), Nicolas Sarkozy en visite au Rwanda (février 2010) reconnaît, sans présenter d'excuses officielles, « de graves erreurs d'appréciation, une forme d'aveuglement " de la part de la France pendant le génocide ; lors de sa première visite officielle en France (septembre 2011), Paul Kagame exprime sa volonté de « tourner la page des différends du passé ».

 


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