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LES GRANDES DÉCOUVERTES

 

grandes découvertes

Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes et du dossier consacré aux grands explorateurs.
Les grandes découvertes désignent un vaste mouvement de reconnaissance entrepris par les Européens aux xve et xvie s. Cependant, les hommes n'ont pas commencé à découvrir le monde depuis seulement cette époque. Dès la préhistoire, ils ont exploré et peuplé tous les continents, se sont séparés pour se découvrir à nouveau.
1. Avant les grandes découvertes

1.1. L'importance des témoignages

Les hommes se sont déplacés depuis le berceau africain originel pour occuper, en vagues successives, presque toutes les terres émergées (Asie, Europe, Australie, Amérique), à l'exception du continent antarctique, trop hostile. Des sociétés sédentaires se sont développées. En se fixant, elles se sont souvent isolées, coupant tout lien avec des régions du monde qui leur sont alors devenues des terres inconnues.
Des voyages d'exploration vers l'inconnu, nous ne savons le plus souvent presque rien avant l'Antiquité, à cause de l'absence de documents témoins (ainsi, aucune relation de voyage ne nous est parvenue des très audacieuses navigations des Mélanésiens et des Polynésiens qui sillonnèrent le Pacifique, le plus vaste océan du monde, pour en peupler la plupart des îles).
Or, pour retracer l'histoire de la découverte de la Terre, il est nécessaire de savoir comment des sociétés humaines ont défini leur territoire et ce qui constitua le monde extérieur, à la découverte duquel certains partiront.
1.2. Antiquité : des liens dans l'Ancien Monde

Les sociétés de l'Eurasie et de l'Afrique ont très tôt – au moins dès le IIIe millénaire avant notre ère – échangé hommes, produits, connaissances. La Méditerranée, les steppes asiatiques, le pourtour de l'océan Indien et des mers de Chine ont été d'importants lieux de voyages et de transferts.
Et de l'Antiquité nous sont parvenus les premiers récits : explorations égyptiennes, carthaginoises ou grecques, mais aussi, hors du monde méditerranéen, de moines chinois en Inde. Vers – 500, le Carthaginois Hannon longe les côtes de l'Afrique occidentale. Un siècle plus tard, le Marseillais Pythéas contourne la Grande-Bretagne et atteint peut-être les rivages de l'Islande. Au même moment, les conquêtes d'Alexandre relient les routes grecques à celles de l'Inde.
1.3. Les premiers contours du monde connu

Dans cette grande période de découvertes, l'expérience des conquérants va se combiner à celle des savants : Hécatée de Milet, le Père de la géographie, visite tout l'Empire perse au vie siècle avant J.-C. ; Hérodote, le Père de l'histoire, se rend au ve siècle en Mésopotamie, vers la mer Noire et sur le Nil.
Alors, la connaissance géographique va faire des bonds spectaculaires. Au iie siècle après J.-C., à deux extrémités de l'Eurasie, la cartographie du monde connu se précise : Ptolémée à Alexandrie et Pei Xiu en Chine synthétisent tous deux les connaissances accumulées depuis des siècles.
2. Les grandes découvertes

Les grandes découvertes sont motivées par des raisons d'ordres économique et religieux. Les gisements d'or sont épuisés en Europe depuis le xive siècle. Or, on sait qu'en Afrique le Soudan en recèle beaucoup. Lors de leurs explorations, les Portugais atteignent en 1445 l'embouchure du Sénégal, ouvrant ainsi la route de Tombouctou. Par ailleurs, l'attrait des épices (poivre, clou de girofle, etc.) est énorme car seules elles permettent de conserver la viande de gibier, dont on fait grand usage. Or, l'Extrême-Orient en est le principal producteur. Depuis la prise de Saint-Jean-d'Acre, en 1291, par les musulmans, la route de la Chine demeure fermée. Les Occidentaux cherchent donc à gagner l'Inde et la Chine soit en contournant l'Afrique (effort portugais), soit en traversant l'Atlantique (effort espagnol, puis français).
Les mobiles religieux sont également importants. Le pape a, en 1456, accordé aux Portugais pleine juridiction sur les côtes de Guinée et, au-delà, sur tout ce qui mène vers les Indes. Or, les croyances d'alors confondent les « Indes » et le royaume du Prêtre Jean, figure mythique, dont le royaume, rêvait-on, s’étendait au-delà des terres connues. En réalité, ce royaume, auquel on attribue des richesses fabuleuses et le désir de délivrer le Saint-Sépulcre, aurait été l'Éthiopie.
À la recherche de ces contrées, les navigateurs découvrent un nouveau continent. Dans un premier temps, ils croient avoir abordé en Asie. C'est pourquoi Christophe Colomb nomme « Indiens » les indigènes des Antilles. C'est seulement avec Amerigo Vespucci que la partie méridionale du Nouveau Monde reçoit le nom d'Amérique.
2.1. Une meilleure connaissance de la Terre

Une vision déformée de la Terre
Figuration du globe céleste d'AristoteFiguration du globe céleste d'Aristote
Si l'aventure des grandes découvertes a pu être tentée, c'est que des progrès sensibles avaient été accomplis dans les domaines de la connaissance de la Terre. En effet, les Européens du Moyen Âge étaient restés, au moins jusqu'au xiiie s., largement plus ignorants que ne l'avaient été les anciens Grecs en matière de géographie et d'astronomie. Ces derniers admettaient notamment, depuis Ératosthène (iiie s. avant J.-C.), qui avait effectué avec une remarquable précision la mesure de la circonférence équatoriale, que la Terre est ronde ; pour les Européens médiévaux, dont le champ des connaissances s'est considérablement rétréci depuis les grandes invasions, cette idée même paraît inconcevable, car elle signifierait que les hommes qui habitent du côté opposé du globe marchent la tête en bas. La Terre est alors représentée comme un grand carré ou un disque plat où l'Océan, élément inquiétant et mystérieux, s'étend jusqu'aux murs qui sont supposés clôturer l'Univers et supporter la voûte céleste. Le monde connu des Européens – l'écoumène, ou œkoumène – se résume au bassin méditerranéen, c'est-à-dire à l'Afrique du Nord, à l'Arabie, au Moyen-Orient, et à l'Europe jusqu'à la Scandinavie et à la Moscovie. Les frontières qui cernent ces terres connues sont réputées infranchissables : au nord, pense-t-on, froid et glaces empêchent tout passage ; au sud, en revanche, la chaleur ferait entrer en ébullition les flots et le sang humain, et exclurait donc toute vie. Les mythes et croyances répandus sur ces mondes inconnus se reflètent dans les cartes établies au Moyen Âge, qui ne sont pas l'œuvre de géographes mais de théologiens : elles représentent un monde plat et circulaire dont le centre est le plus souvent Jérusalem, parfois Rome ; autour de ce point de référence sont disposées l'Europe, l'Asie et l'Afrique, que prolongent des représentations du paradis terrestre ou d'autres lieux cités dans la Bible.

Carte d'Idrisi, XIIe siècle
Les Arabes en revanche, restés au contact du savoir des anciens Grecs, ont développé leurs connaissances astronomiques et géographiques au long du Moyen Âge. Grands commerçants, grands voyageurs – tel le Marocain Ibn Battuta qui, au xive s., parcourt l'Afghanistan, l'Inde, et rejoint par la mer Sumatra puis la Chine –, ils ont établi des liens avec l'Extrême-Orient asiatique, d'où ils acheminent la soie et les épices très recherchées par les riches Européens. Ils commercent avec les Républiques de Gênes et de Venise, par lesquelles, à partir du xiiie s., se diffuse peu à peu en Europe le savoir retrouvé des Anciens.
À la fin du xiiie s., le Vénitien Marco Polo fait imprimer le Livre des merveilles, où il décrit son voyage en Extrême-Orient. L'Europe ébahie y lit, sans y croire, des descriptions de villes aux richesses éclatantes, où l'on compte par milliers les sacs d'or, où circulent des charrettes chargées de soie. D'autres livres, souvent pris plus au sérieux que celui de Polo, sont le produit d'une imagination débridée. Les « Voyages d'outremer » (vers 1356) de sir Jean de Mandeville en sont un bon exemple : ses histoires d'hommes sans tête, dont les yeux et la bouche sont situés au niveau des épaules, ses descriptions d'animaux fantastiques connaissent un grand succès.
L’apport essentiel de Ptolémée

Vers 1406 est traduit en latin – langue des Européens lettrés – un ouvrage capital, la Géographie de Ptolémée, que l'astronome et géographe grec avait écrit au iie s. après J.-C. et qui, par sa large diffusion dans la seconde moitié du xve s. (plusieurs éditions sont imprimées à Vicence, Bologne, Rome, Ulm), provoque une véritable révolution des connaissances. Ce traité, qui part du principe de la sphéricité de la Terre, explique comment construire des cartes par des méthodes de projection et présente un atlas de vingt-sept cartes, dont une mappemonde; il donne le dessin précis des littoraux connus, et des coordonnées pratiques pour les navigateurs.
Cependant, Ptolémée ayant reproduit une ancienne erreur de calcul concernant la circonférence de la Terre (réduite d'environ 10 000 km), les Européens de la fin du xve s., qui admettent qu'un même océan enveloppe l'Europe, l'Asie et l'Afrique, en concluent que l'Asie s'étend très loin à l'est et situent le Japon (appelé Cipango à l'époque) à l'endroit où se trouve en fait la Californie : d'où l'idée qu'en naviguant droit vers l'ouest on devait rencontrer assez rapidement les côtes extrême-orientales de l'Asie.
2.2. Les progrès de la navigation

De la boussole à l’astrolabe
Les nouvelles techniques permettent également d'entreprendre couramment et avec moins de risques ce que déjà des Anciens et des Scandinaves avaient osé faire : prendre le large, gagner la haute mer.

Navigateurs utilisant la boussoleNavigateurs utilisant la boussole
La connaissance des propriétés de l'aiguille aimantée (venue de Chine) ne parvient en Occident qu'au début du xiiie siècle. Sur la boussole, on dessine la rose des vents. On peut dès lors dresser des cartes marines traversées de lignes partant de la rose des vents, appelées rhumbs. Pour aller d'un point à un autre, le navigateur doit suivre tel ou tel rhumb. La distance se calcule à l'estime, selon la vitesse d'un objet flottant à la surface de l'eau. Ce genre de navigation (pratiqué d'ailleurs par Colomb) ne peut servir à calculer la latitude. La navigation astronomique ne devient possible qu'avec l'invention de l'astrolabe et l'existence des Tables de l'astrolabe, manuels indiquant la hauteur du Soleil pour tous les jours de l'année. L'astrolabe nautique date de la fin du xve siècle. C'est un cercle gradué fort lourd. Le plus souvent, on se sert d'un astrolabe simplifié, le quadrant (quart de cercle de cuivre muni d'un fil à plomb marquant l'angle que fait la ligne de visée avec l'horizon), ou d'un bâton de Jacob ou encore d'une arbalète, autres adaptations de l'astrolabe. Tous ces instruments ne donnent de mesures exactes qu'une fois posés à terre. La première évaluation de la latitude avec l'astrolabe est réalisée en 1460 aux îles du Cap-Vert.
C'est en descendant le long des côtes de l'Afrique que les navigateurs portugais améliorent les techniques de navigation et de mesures astronomiques.
Invention de la caravelle

Mais tous ces instruments n'auraient pas suffi à braver l'océan si l'on n'avait complètement renouvelé la conception des navires. En effet, les galères, manœuvrées à la rame, sont effilées et rapides, mais trop basses sur l'eau (elles en dépassaient le niveau d'à peine 1,50 m) pour affronter les lames de l'Atlantique. Les nefs, malgré de plus hauts bords, sont lourdes et lentes à cause de leur mât unique et de leur seule voile. C'est alors qu'au Portugal des constructeurs ont mis au point un type de bateau qui va révolutionner la navigation hauturière et qui sera adopté par tous les grands explorateurs : la caravelle. Celle-ci allie deux éléments traditionnels : le gréement carré du nord de l'Europe, idoine pour de longs parcours par vent arrière, et la voile triangulaire du gréement latin, conçue par les Arabes pour tirer des bords, quelle que soit la direction du vent. Nef allégée, pourvue de trois mâts et de cinq voiles, longue de 30 m au plus, très maniable, elle file plus de 5 nœuds (10 km/h) et peut, grâce à son bordé très haut, naviguer en plein océan. Elle présente néanmoins des inconvénients : il faut un équipage de près de 25 hommes pour manœuvrer les immenses vergues qui portent les voiles ; en outre, ses ponts découverts ne protègent ni les équipages ni les provisions. Après un demi-siècle d'utilisation, les caravelles seront remplacées par des navires plus grands et plus spacieux, mieux adaptés à de longues traversées.
2.3. La découverte de l'Amérique

Le rêve de Christophe Colomb

Abusés par les dimensions restreintes que la géographie attribuait à l'Atlantique, les marins ibériques ont tenté en vain de rejoindre le Catay en traversant l'océan. Colomb est le premier à aller en Amérique.
Génois, Christophe Colomb s'établit au Portugal et participe aux explorations des Portugais le long des côtes de l'Afrique. À Lisbonne, il se procure l'Imago Mundi de Pierre d'Ailly, célèbre digest du xve siècle qui transmet la science de l'Antiquité. Il s'y pénètre des mesures proposées par Marin de Tyr et Ptolémée pour les dimensions de l'Eurasie. Marco Polo l'influence aussi beaucoup par ses récits sur le Grand Khan, le Catay (la Chine du nord) et le Cipango (le Japon) « aux toits d'or ». Colomb est aussi très imprégné de la Bible, en particulier des livres prophétiques, dans lesquels son imagination se plaît à voir une annonce du Nouveau Monde.
Il propose son grand projet de traversée de l'Océan au roi Jean II, qui le repousse, ses arguments ayant été jugés trop peu « scientifiques ». Il se rend en 1488 en Espagne et prend rapidement contact avec la Cour, qui réunit une docte assemblée à Salamanque. Dès que Colomb parle des « antipodes occidentales », on se moque de lui car il est alors impensable que puissent exister des êtres « antipodes » (opposés par les pieds). Le Génois sait parfaitement que cela est possible puisqu'il a vu des autochtones vivre en Afrique. Mais on préfère à son expérience l'autorité de saint Augustin.
Après la reconquête de Grenade sur les Maures, Colomb obtient cependant satisfaction et signe (avril 1492), avec Ferdinand et Isabelle, les Capitulations de Santa Fe, lui accordant le titre d'amiral et de vice-roi sur toutes les îles et terres fermes qu'il pourrait découvrir. On lui donne aussi une lettre de créance pour le Grand Khan. Le Génois ne songe pas seulement à acquérir des richesses matérielles (épices et or), mais à en utiliser tout le profit pour reconquérir Jérusalem.

Les voyages de Christophe ColombLes voyages de Christophe Colomb
Le 12 octobre 1492, ses trois caravelles abordent une île des Bahamas, qu'il rebaptise San Salvador. Colomb et ses compagnons y découvrent des hommes nus et accueillants, qu'ils nomment « Indiens ». Suit un début d'installation dans l'île de Haïti, puis un retour triomphal en Espagne. Lors de son troisième voyage (1498-1500), il atteint les bouches de l'Orénoque, c'est-à-dire le continent. Il déclare qu'il s'agit d'un « autre monde, inconnu des Anciens ». Dès lors, on est en droit de dire qu'il a moralement « découvert l'Amérique ».
De 1501 à 1504, le Florentin Amerigo Vespucci entreprend quatre voyages en Amérique du Sud. À leur issue paraît en 1507, à Saint-Dié, où se réunit un cercle d'humanistes, l'ouvrage du géographe Waldseemüller, qui déclare que « la quatrième partie du monde, découverte par Amerigo, mérite d'être appelée Amérique. C'est grâce à la diffusion de cet ouvrage imprimé que les noms d'Amerigo et d'Amérique ont prévalu. Car le récit des voyages de Colomb (qui n'a donné son nom qu'à la « Colombie ») n'a pas été imprimé avant le xixe siècle.
La France au Canada
Jacques Cartier
François Ier, jaloux des succès espagnols, envoie sur le littoral américain Giovanni da Verrazano, marchand florentin établi à Lyon. Parvenu dans l'actuelle Caroline du Sud, celui-ci aperçoit une mer qui, pense-t-il, le mènera aux rivages heureux du Catay. En fait, il débouche en 1524 sur le fleuve Hudson et dans la baie de New York, qu'il nomme « Nouvelle Angoulême ». Puis le Malouin Jacques Cartier, qui a participé à l'expédition de Verrazano, est envoyé en 1534 par François Ier « découvrir certaines terres et îles que l'on dit riches en or ». Il pénètre dans le fleuve Saint-Laurent et espère en vain y trouver un passage vers l'Asie. Une nouvelle expédition a lieu en 1535. Bien reçu par les Hurons, Cartier remonte jusqu'à Montréal. De retour en France avec le chef iroquois Donnacona, il persuade François Ier des avantages que la Couronne peut espérer tirer d'une colonisation de ce territoire qui est alors baptisé « Nouvelle-France ». En 1541, accompagné de Jean François de la Roque de Roberval, nommé en janvier de la même année lieutenant général au Canada, Cartier est chargé d'y conduire des colons, mais ces premiers établissements sont abandonnés dès 1544.

La colonisation du Canada est relancée par Henri IV qui ordonne à un capitaine de la marine royale, Samuel de Champlain, de remonter le cours du Saint-Laurent et d'explorer jusqu'aux abords des Grands Lacs. En 1608, Champlain établit un fort abritant un magasin sur un plateau rocheux qui domine le fleuve à l'endroit même où Cartier avait rencontré Donnacona en 1535. Cette « habitation » reçoit le nom de Québec, qui signifie en langue montagnaise « l'endroit où la rivière se rétrécit ».
Les débuts de la colonie sont modestes, car si le pays est couvert de forêts et de prairies parcourues par des troupeaux de bisons, s'il est sillonné de nombreuses rivières, on n'y trouve ni mines d'or ni mines d'argent. Le Canada n'attire que des pêcheurs, des chasseurs, ou trappeurs, des commerçants en fourrures et des missionnaires chargés de convertir les « Sauvages ». Déçu dans ses attentes d'un enrichissement rapide à l'instar des Espagnols en Amérique du Sud, le pouvoir royal néglige les territoires nouvellement découverts et les abandonne à des particuliers ou à des compagnies privées. La compagnie de commerce dite de la Nouvelle-France ou des Cent Associés, fondée en 1627 et dirigée par des nobles et des entrepreneurs, reçoit le monopole pour exploiter et administrer la colonie. C'est sous son contrôle que la colonisation démarre réellement, notamment autour des trois centres que sont Québec, Trois-Rivières et Montréal.
2.4. La route des Indes et le tour du monde

Les explorations portugaises
Henri le Navigateur
Seconde étape, non moins importante que la découverte de l'Amérique, l'ouverture de la route des Indes, qui va enfin permettre à l'Europe de se procurer des épices, est un événement majeur du xvie siècle. Le Portugal se lance le premier dans l'aventure. Entre 1419 et 1460, date de sa mort, c'est le prince Henri, dit le « Navigateur » et cinquième fils du roi Jean Ier, qui finance et conseille les explorateurs, permettant aux ambitions portugaises de s'exprimer. Il décide de consacrer tous ses efforts à l'exploration des côtes de l'Afrique au sud du Maroc, pour aller aux sources de l'or soudanais et à la découverte du royaume du Prêtre Jean. En 1433, après avoir envoyé des navires en éclaireurs à Madère et aux îles Canaries, connues des marins depuis quelques générations déjà, le prince Henri donne mission au bateau commandé par le capitaine Gil Eanes de doubler le cap Bojador, péninsule africaine située à 300 km au sud des Canaries et qui représente la limite du monde connu dans la direction de l'équateur. Après un premier échec, Eanes rentre, triomphant, l'année suivante. La route des explorateurs est ouverte.
Poussés par Henri, les capitaines rivalisent d'audace pour s'aventurer toujours plus loin le long du littoral de l'Afrique de l'Ouest. En 1448, les Portugais établissent un fort sur une île de la baie d'Arguin, à 750 km au sud du cap Bojador (Sahara occidental), et bientôt 200 prisonniers noirs sont amenés à Lisbonne pour y être vendus aux enchères publiques. Ainsi débute le commerce des esclaves africains – approuvé par le pape en 1454 –, que les Portugais commencent à faire travailler dans des plantations de canne à sucre, à Madère. L'œuvre d'Henri est poursuivie par son neveu Alphonse V – dit « l'Africain » –, qui règne sur le Portugal de 1438 à 1481. En 1481, Jean II, fils d'Alphonse V, monte sur le trône. Au cours des années suivantes, les expéditions atteignent les côtes arides de l'Angola et de la Namibie. En 1487, Jean II envoie Bartolomeu Dias contourner l'Afrique afin de rejoindre l'Inde des épices. Trois caravelles prennent le départ, avec, à bord, 60 marins et 6 Africains censés connaître le royaume du Prêtre Jean. Après bien des tribulations, le cap (que le roi Jean II nommera de Bonne-Espérance) est atteint. B. Dias en prend la latitude exacte et y plante un padrão, une croix de pierre. La route maritime des Indes est enfin ouverte.
Naissance du premier empire colonial


Vasco de Gama
En 1496, le roi du Portugal Manuel Ier, désireux de trouver enfin la route de l'Inde et des épices, envoie sur les traces de B. Dias son compatriote Vasco de Gama. Celui-ci part avec 150 officiers, des musiciens, un bon équipage et des interprètes de langue arabe. Ayant doublé le cap de Bonne-Espérance, il se trouve le jour de Noël en Afrique orientale, en une région qu'il nomme Natal. Puis il atteint le Mozambique, dont le prince lui fournit un pilote malais, ce qui lui permet d'arriver rapidement sur la côte de Malabar. Il débarque en 1498 à Calicut. Les Indes sont enfin atteintes. Le retour est particulièrement pénible. Les marins doivent affronter des vents contraires pendant trois mois. Les vivres manquent, la nourriture est avariée, la vermine s'installe. Le scorbut fait périr plusieurs dizaines de marins. Lorsque les bateaux regagnent Lisbonne, à la fin de l'été 1499, les 54 survivants sont accueillis triomphalement : si les résultats sont minces, l'expédition a atteint son but, l'Inde, justifiant près d'un siècle d'efforts. Vasco de Gama est nommé vice-roi des Indes.
Moins de six mois après le retour du premier voyage de Gama, au début de l'an 1500, une armada de treize navires et de 1 200 hommes se forme à Lisbonne. La flotte, placée sous le commandement d'un noble de trente-deux ans, Pedro Álvares Cabral, part le 8 mars ; elle s'enfonce d'abord loin vers le sud-ouest et aborde en avril les côtes du Brésil, dont Cabral prend possession au nom du Portugal et qu'il baptise « terre de la Vraie Croix ». Puis elle repart rapidement vers l'est, double le cap de Bonne-Espérance, où les tempêtes lui font perdre quatre navires, et parvient à Calicut. Les navigateurs portugais impressionnent le souverain par des offrandes avant d'entamer, et de gagner dans le sang, une guerre commerciale contre les marchands musulmans. Cabral finit par bombarder le port de Calicut, sous prétexte que le roi s'est rangé du côté des musulmans ; puis il continue sa route et entame un commerce pacifique avec deux autres grands ports de la côte de Malabar, Cochin et Cananore. Il rentre à Lisbonne en juin 1501 avec seulement sept navires et la moitié de ses hommes, mais riche d'une cargaison d'épices, de porcelaine, d'encens et de pierres précieuses qui rembourse largement l'investissement de départ.

Afonso de AlbuquerqueAfonso de Albuquerque
Grâce à des bases sûres dans l'océan Indien et à leurs grandes qualités de marins, les Portugais sont désormais capables d'atteindre leur but ultime : les îles productrices d'épices. En 1509, une première flotte accoste à Malacca, près de l'actuelle Singapour. Quelques années plus tard, les possessions portugaises s'accroissent des conquêtes d'Alfonso de Albuquerque, second vice-roi des Indes : Ormuz, au seuil du golfe Persique, les îles de Ceylan et de Ternate, centre de la culture du clou de girofle, les ports de Diu et de Goa en Inde, et de Macao en Chine. À sa mort, en 1515, Albuquerque – dit « le Mars portugais » – a assis la domination de Lisbonne sur les mers de l'Asie du Sud, provoquant la faillite du commerce musulman à l'est d'Aden et celle des marchands vénitiens. Le premier grand empire colonial moderne est né.
Le tour du monde de Magellan
MagellanMagellan
Le Portugais Fernand de Magellan se montre si certain, d'après une carte qu'on n'a pu identifier, de doubler le cap de l'Amérique du Sud que l'armateur Cristobal de Haro s'offre pour financer l'expédition. Mais c'est avec Charles Quint que Magellan signe un contrat en mars 1518. L'expédition, qui comporte 5 navires, prend le départ le 20 septembre 1519. Bloquée par les glaces, elle s'établit sur la côte de Patagonie (mars-août 1520). Parvenue à l'entrée d'un détroit, véritable dédale de fjords et de goulets, elle met un mois à le parcourir. Le 10 décembre, elle débouche enfin dans l'océan qui reçoit le nom de Pacifique, compte tenu de la tranquillité de ses eaux.

Battista Agnese, mappemondeBattista Agnese, mappemonde
En deux mois, Magellan franchit d'une traite l'immensité du Pacifique. Après sa mort dans une embuscade (avril 1521), le périple est achevé par le Basque Elcano, qui prend le commandement de la Victoria et atteint les Moluques. Il est de retour à Séville le 4 septembre 1522. Le tour du monde a été réalisé pour la première fois, et la rotondité de la Terre définitivement prouvée.
3. Dernières Terra Incognita

James CookJames Cook
Il reste encore alors d'immenses régions inconnues, occupées par des terres hypothétiques. C'est seulement à la fin du XVIIIe siècle que prend fin, avec les voyages de Cook, l'un des plus vieux mythes de la géographie, celui qui imaginait un immense continent austral, les Antipodes, qui équilibrait les masses continentales de l'hémisphère Nord.
Il faut attendre aussi le début du XVIIIe siècle pour que l'Amérique et le Pacifique soient explorés presque totalement. La carte du monde est désormais exacte dans ses grandes lignes : le principal blanc de la carte reste l'intérieur de l'Afrique. Il appartient aux explorateurs du XIXe siècle de le remplir, tandis que les premières grandes expéditions océanographiques commencent à explorer les profondeurs abyssales.
Après la conquête des pôles au début du XXe siècle (Pour en savoir plus, voir les articles Arctique et Antarctique), tandis que l'utilisation de l'avion, puis des satellites trace l'image d'un monde enfin fini, on considère que les explorations terrestres sont achevées. Les regards se portent alors vers l'espace, au-delà du Système solaire, et l'horizon des découvertes se situe désormais dans l'infini.
4. Les dates clés des grandes découvertes et des explorations

4.1. Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Afrique

Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Afrique
4.2. Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Asie

Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Asie
4.3. Les dates clés de la découverte de l'Amérique

Les dates clés de la découverte de l'Amérique
4.4. Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Océanie et du Pacifique

Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Océanie et du Pacifique
La découverte du PacifiqueLa découverte du Pacifique
4.5. Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Arctique et de l'Antarctique

Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Arctique
Les dates clés de la découverte et de l'exploration de l'Antarctique
5. L'impact des grandes découvertes

Découverte de l'Amérique du NordDécouverte de l'Amérique du Nord
Les grandes découvertes ont pour principales répercussions économiques et commerciales un déplacement des routes du commerce européen de la Méditerranée à l'Atlantique et à l'océan Indien, et la naissance d'une nouvelle grande puissance, les Pays-Bas, dont les banquiers feront la loi sur toutes les places monétaires. Certes, les empires portugais et espagnol se sont partagé le monde au traité de Tordesillas (1494), mais ils ne tiendront plus la première place sur l'échiquier européen. S’appuyant sur leur puissance financière, les marchands hollandais se taillent un vaste empire commercial, maritime et, à partir de 1660, territorial dans l’Asie du Sud-Est.
L'afflux des métaux précieux en provenance de l'Amérique et de l'Inde a pour effet d'élargir presque au monde entier le trafic des pays européens, qui s'enrichissent considérablement. De nouveaux produits alimentaires apparaissent en Europe, y transformant les habitudes de consommation. L'exploitation des nouvelles richesses est confiée à des sociétés privées, les Compagnies. Chaque pays a sa Compagnie des Indes, véritable État dans l'État. Seuls les Ibériques restent étrangers à ce système.
5.1. Destruction des populations indigènes

L'enrichissement général a un triste revers : le dépérissement des Indiens d'Amérique, décimés par un travail au-dessus de leurs forces. C'est ce que dénonce dès le xvie siècle le célèbre dominicain Bartolomé de Las Casas. La colonisation eut en effet de funestes conséquences sur les populations autochtones. Elle entraîna évidemment la disparition de leurs civilisations, mais aussi, dans de nombreuses régions comme Hispaniola (aujourd'hui Haïti et Saint-Domingue) ou Cuba, la quasi disparition des indigènes eux-mêmes : à Cuba, la population pré-hispanique, estimée à 200 000 personnes en 1492, était réduite à 50 000 en 1500 ; à Hispaniola, dans la même période, elle passa de 600 000 à 25 000 ; à la Jamaïque, elle passa de 60 000 en 1492 à 14 000 en 1515 ; à Puerto Rico, entre 1492 et 1530, de 80 000 à 1 500. Les maladies infectieuses introduites à leur insu par les Européens sont également largement responsables de l’effondrement démographique des populations amérindiennes. Le continent américain, jusqu'en 1492, constituait une entité biologique isolée depuis des millénaires. Les défenses immunitaires des Précolombiens avaient appris à reconnaître les pathologies de leur environnement, mais se trouvèrent totalement surprises devant des germes brutalement importés. Le choc microbien fut bien pire que le choc militaire ; les épidémies se propagèrent avec la rapidité et la violence d'un cataclysme effroyable et, tout au long du xvie s., emportèrent jusqu'aux trois quarts de la population indienne ; rhume, grippe, variole, rougeole provoquèrent des ravages spectaculaires, particulièrement chez les enfants, ce qui eut des conséquences dramatiques sur l'évolution démographique. Pour remplacer ces populations autochtones décimées, les Espagnols auront alors recours à la traite des Noirs, qui va se développer au cours des xviie et xviiie s. et coûter à son tour la vie à des millions d'Africains.
Ainsi, si les grandes découvertes ont eu un impact extrêmement bénéfique en élargissant la connaissance du monde, en créant des mentalités nouvelles et de nouveaux modes de vie, elles ont aussi entraîné le développement de l'esclavage.
5.2. L'afflux des métaux précieux en Europe

Grâce aux arrivages d'or, d'argent et, dans une moindre mesure, de cuivre, l'Europe double son stock métallique de 1500 à 1650.
Dans les Indes occidentales, la monarchie espagnole exploite l'or du Mexique central, dont la production diminue dès 1550, l'argent de Potosí (dans l'actuelle Bolivie) et le mercure de Huancavelica (Pérou). Ce dernier est utilisé dans le procédé de l'amalgame, dont l'application à partir de 1572 permet de sortir des milliers de tonnes d'argent de Potosí. La principale ressource minière des Portugais au Brésil est le platine. Mais la Couronne détourne frauduleusement l'argent des mines de Potosí, que les contrebandiers atteignent par le Río de la Plata. L'or n'est découvert au Brésil que dans les toutes dernières années du xviie et au début du xviiie siècle.
Toute la politique des États ibériques est suspendue aux arrivages des métaux précieux d'Amérique. Plus des trois quarts des quantités extraites dans le monde entre 1500 et 1820 le sont dans les empires espagnol et portugais. L'exploitation des mines des États-Unis, d'Australie, du Canada et d'Afrique du Sud ne modifiera radicalement cette situation qu'au xixe siècle.
L'or et l'argent américains donnent à Charles Quint et à ses successeurs les ressources nécessaires au financement de leurs guerres en Europe. Ils permettent aux Habsbourg de compenser leurs désavantages économiques vis-à-vis de la monarchie française. Mais l'exploitation des métaux précieux entraîne la mort d'un nombre considérable d'Indiens. Par ailleurs, cette source de richesses a paradoxalement un effet négatif sur l'économie de la métropole, car les Espagnols perdent l'habitude du travail productif. L'Espagne devient un simple entrepôt et exporte ses métaux dans une Europe qui s'enrichit à ses dépens. Grâce à leur génie commercial et financier, les Pays-Bas sont la puissance montante. Mais ils échouent en Amérique, où leurs établissements, tel le Suriname acquis en 1667, périclitent.
Les métaux précieux d'Amérique permettent aussi aux Européens de régler facilement leurs achats en Asie. Bien qu'en Occident apparaisse un goût nouveau pour le poivre et les épices et que se développe l'importation des soies et des porcelaines de Chine ou des Indes, les pays d'Extrême-Orient deviennent les débiteurs de l'Occident, qui leur fournit les métaux indispensables pour le commerce. L'Europe se trouve ainsi en position de force vis-à-vis de l'Asie. Le métal blanc atteint les pays d'Extrême-Orient soit par le cap de Bonne-Espérance, soit par le Pacifique, que traverse chaque année, de 1565 à 1815, le galion de Manille. Une économie mondiale est née.
5.3. La formation des empires espagnol et portugais

Le traité de Tordesillas (1494), faisant suite à la bulle papale Inter caetera, a divisé le monde entre Espagnols et Portugais selon une ligne tracée de pôle en pôle à 370 lieues à l'ouest des îles du Cap-Vert. C'est en vertu de ce traité que le Brésil, découvert par Cabral en 1500, est attribué à la Couronne de Lisbonne.
L'empire portugais comprend, en Afrique, les îles du Cap-Vert, la Guinée, la côte de l'Angola et le Mozambique, qui lui procurent l'or ; en Asie, des comptoirs en Insulinde et en Inde ainsi que les Moluques, qui regorgent d'épices. Malheureusement pour le Portugal, la Hollande, qui était son client, devient son maître et monopolise le commerce des indispensables épices. La plus grande source de profit pour le Portugal demeure le Brésil (également convoité par les Hollandais) grâce à l'exploitation du sucre et au commerce des esclaves noirs.
L'empire espagnol est constitué, outre des Philippines (qui servent surtout de relais dans le commerce à travers le Pacifique), des « Indes occidentales », organisées en deux vice-royautés qui recouvrent les États actuels du Mexique, du Guatemala, du Salvador, du Honduras, du Nicaragua, du Costa Rica, du Panamá, du Venezuela, de la Colombie, de l'Équateur, du Pérou, du Chili, de l'Argentine et du Paraguay. Ces territoires américains sont gouvernés par le Conseil des Indes, qui siège à Séville, et sont régis par les Lois nouvelles (1542). Cette législation très libérale ne protégera pas efficacement les Indiens de l'oppression dont ils demeureront les victimes.
Sans flotte suffisamment puissante et sans point d'appui sur le littoral d'Afrique occidentale, les Espagnols concèdent à des compagnies étrangères le monopole de la traite des Noirs et leur transport en Amérique (système de l'asiento). Ce monopole est régulièrement accordé aux Portugais de 1538 à 1640, puis il passe aux Hollandais, qui le conservent jusqu'en 1695, puis aux Français (1701) et enfin aux Britanniques (1713).
5.4. Les nouveaux produits

C'est à Cuba que Colomb voit pour la première fois des hommes et des femmes « allumer des herbes dont ils aspirent la fumée ». Très vite, l'Espagne se met à la culture du tabac. Son usage se répand en petite quantité dans toute l'Europe. Il est vulgarisé par Jean Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne vers 1560. Au cours du même voyage, Colomb découvre le maïs, qui est rapidement adopté en Europe, où il contribue, par sa valeur nutritive, à la poussée démographique. En revanche, l'Europe est longtemps réticente à utiliser la pomme de terre, originaire des Andes et introduite en 1534. Les Espagnols découvrent le cacao et l'adoptent avec enthousiasme. La dégustation de la tasse de chocolat se répand un peu partout en Europe, du moins dans les classes aisées. L'usage du sucre de canne se généralise grâce aux moulins à sucre du Nouveau Monde.
Inversement, des produits originaires d'Afrique ou d'Asie sont implantés par les Européens en Amérique. D'Éthiopie, le café gagne, aux xiv-xve siècles, le Yémen et l'Arabie. Les Hollandais l'implantent dans leurs colonies, d'où il atteint le Nouveau Monde (le Brésil à la fin du xviiie siècle). Le thé, originaire de Chine, se répand au xixe siècle à Java et à Ceylan. On connaît le succès du thé de Ceylan en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
5.5. La traite et le commerce triangulaire

La traite des Noirs
Ce trafic touche environ 12 millions de Noirs d'Afrique, transportés en Amérique de la fin du xve siècle à l'abolition de l'esclavage au Brésil (1888).
Les musulmans ont, pendant des siècles, acheté des esclaves noirs en Afrique. Les Portugais suivent leur exemple et le fort de São Jorge da Mina, qu'ils fondent en 1482 sur le golfe de Guinée, devient vite leur principal entrepôt du commerce négrier. Le dominicain Bartolomé de Las Casas (1474-1566) dénonce le premier la traite comme un double péché, car elle humilie des êtres humains créés à l'image de Dieu et favorise l'esprit de lucre des Africains, qui vendent leurs propres enfants.
Le commerce négrier atteint son apogée entre 1760 et 1830, lorsque l'économie de plantation se développe. Interdit en 1807 dans l'Empire britannique, il demeure florissant. Il se fait en trois étapes, d'où son nom de « triangulaire » : les négriers achètent des esclaves aux chefs africains contre de l'eau-de-vie, de la pacotille ou des fusils ; les esclaves sont transportés en Amérique dans des conditions d'hygiène épouvantables ; les négriers retournent en Europe, en remplissant les cales de leurs bateaux de produits tropicaux. Les commanditaires et bénéficiaires du trafic sont des bourgeois de Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Bristol, Lisbonne, Amsterdam ou Anvers. Certains lisent les œuvres des philosophes qui, au xviiie siècle, célèbrent les vertus du « bon sauvage ».
5.6. Le mythe du bon sauvage

Le mythe du bon sauvage s'est en quelque sorte répandu comme l'antithèse de la « légende noire » antihispanique qui accuse les conquérants du Nouveau Monde de tous les forfaits. Ces accusations ne sont qu'en partie fondées, car les crimes des conquistadores ont été dénoncés par les évangélisateurs, qui ont su préserver et les vies humaines et les langues indigènes. Naturellement, la légende noire est complaisamment accueillie par toutes les monarchies hostiles aux Habsbourg d'Espagne.
Le mythe du bon sauvage remonte à Christophe Colomb, qui a été émerveillé de rencontrer chez les populations des Grandes Antilles des qualités de douceur, d'hospitalité, de docilité et de générosité. Ces qualités ne sont pas partagées par les féroces Caraïbes anthropophages des Petites Antilles. Le xvie siècle européen crédite cependant les habitants du Nouveau Monde de toutes les vertus. Le bon sauvage inspire Thomas More dans son Utopie (1516) et surtout Montaigne, qui consacre l'essentiel du chapitre « les Cannibales » de ses Essais (1580) aux Indiens du Brésil. Il loue chez ces « naturels » un mode de vie édénique. Pour lui, les cannibales, à la différence des Européens, ne font la guerre que pour des besoins alimentaires.

Louis Antoine de Bougain
L'amour de l'Indien, du primitif subsiste à travers les siècles. Au xviiie siècle, il bénéficie de l'engouement pour la nature, que l'on oppose à l'artifice et au goût dépravé du luxe, courant dont J.-J. Rousseau est le plus illustre représentant. Bernardin de Saint-Pierre, dans Paul et Virginie (1788), s'attendrit sur la bonté des nègres qui servent ses héros. Mais l'incisif Voltaire constate que le « prix du sucre » est payé par les Noirs qui travaillent aux horribles moulins. La meule leur happe la main ou le bras (Candide, 1759). Il faudra attendre 1848 pour que Schoelcher, député de la Martinique, fait abolir l'esclavage dans les colonies françaises.

 

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INTERNET

 

Internet : structure du réseau


Cet article fait partie du dossier consacré à l'information et du dossier consacré à l'informatique.
Réseau télématique international, qui résulte de l'interconnexion des ordinateurs du monde entier utilisant un protocole commun d'échanges de données (baptisé TCP/IP ou Transport Control Protocol/Internet Protocol et spécifié par l'Internet Society, ou ISOC) afin de dialoguer entre eux via les lignes de télécommunication (lignes téléphoniques, liaisons numériques, câble).
Internet (en abrégé le Net) est communément appelé la « Toile » (en anglais, Web, « toile d'araignée »), ou WWW (World Wide Web, « réseau mondial »), ou W3. L'accès au réseau est ouvert à tout utilisateur, dit « internaute », ayant obtenu une adresse auprès d'un organisme accrédité (fournisseur d’accès Internet).
1. Le « réseau des réseaux »

Représentation du symbole d'Internet dans le mondeReprésentation du symbole d'Internet dans le monde
Le réseau Internet fonctionne de façon décentralisée, sans dépendre d'une administration ou d'un ordinateur central. Destiné, à l'origine, à mettre en relation chercheurs et militaires aux États-Unis, il interconnecte aujourd'hui tous les ordinateurs de la planète. Réseau informatique globalisant, Internet participe largement à la structuration du « village planétaire », utopie décrite dans les années 1970 par le sociologue canadien Herbert Marshall McLuhan. Du fait du nombre de personnes qu'il permet d'atteindre, ce moyen de communication sans précédent donne naissance à de nouveaux types d'interactions et de communications dont les conventions sociales, techniques, juridiques et économiques sont en constante évolution
Pour se raccorder à Internet, le particulier doit équiper son ordinateur d'un modem, puis ouvrir un compte auprès d'un fournisseur d'accès (le provider), qui lui fournira un identifiant personnel. L’ordinateur de l’abonné est ainsi mis en contact avec l’ensemble des autres ordinateurs connectés à Internet
2. Le lexique de l'Internet

LE LEXIQUE DE L'INTERNET

administrateur de site, administrateur de serveur, webmestre (en anglais, webmaster)
Personne responsable de la maintenance et du suivi d'un site ou d'un serveur, sur l'Internet.
adressage par domaines
Annuaire des domaines.
adresse électronique
Équivalent de l'adresse postale. Elle permet d'envoyer un message à un internaute et se présente fréquemment sous la forme : nom de l'internaute@nom de la machine.
ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line, ligne d’abonné numérique asymétrique)
Petite application interactive que l'utilisateur d'un système informatique charge avec un navigateur, à partir d'une page Web d'un serveur, pour l'exécuter sur sa machine.
appliquette (en anglais, applet)
Petite application interactive que l'utilisateur d'un système informatique charge avec un navigateur, à partir d'une page Web d'un serveur, pour l'exécuter sur sa machine.
archie
Type de serveurs de localisation de fichiers dans les sites FTP publics.
Arpanet (Advanced Research Project Agency Network)
Réseau à commutation par paquets, mis au point en 1969, et qui constitua la base du réseau Internet.
ASCII (American Standard Code for Information Interchange)
Code binaire qui permet de représenter les différents caractères et modes utilisés par la majorité des ordinateurs pour coder les caractères saisis.
autoroute de l'information, inforoute (en anglais, information highway)
Réseau télématique à large bande et à haut débit, destiné à favoriser la convergence des services dans le domaine de la transmission interactive et simultanée de données numériques.
bit (binary digit)
Unité élémentaire d'information ne pouvant prendre que deux valeurs distinctes (notées 1 et 0).
blog, blogue
Site Web sur lequel un internaute tient une chronique personnelle ou à un sujet particulier. Par extension, les entreprises et les institutions ont également mis en place des blogs pour communiquer de manière moins officielle et plus interactive.
bps (bits par seconde)
Unité de mesure de la vitesse de transmission de l'information, ou mesure de débit d'une ligne.
CERT (Computer Emergency Response Team)
Groupe d'intervention informatique d'urgence, commandité par la National Science Foundation en 1988. Il a pour mission d'identifier et de résoudre les failles sécuritaires des réseaux et des applications.
chat
Espace virtuel de dialogue en ligne réunissant des internautes qui communiquent par échange de messages électroniques.
commerce électronique
Mode de distribution de produits et de services par l'intermédiaire du site Web des entreprises. (On dit aussi commerce, vente en ligne.)
commutation par paquets
Procédé selon lequel les messages à transmettre sur l'Internet sont découpés en plusieurs paquets, envoyés indépendamment et réassemblés à la réception. Ce mode de transmission diffère de la commutation par circuit, utilisée pour le téléphone.
courrier électronique, mél (en anglais, e-mail)
Messagerie électronique. Les internautes échangent des messages grâce au protocole SMTP (Simple Mail Transfer Protocol). Il s'agit de textes, mais aussi d'images fixes ou animées et/ou de sons. En 1999 sont apparus les téléphones portables conçus pour afficher le courrier électronique.
cryptage
Système de protection informatique destiné à garantir l'intégrité et l'inviolabilité de données pendant leur transmission ou leur stockage.
distribution sélective (en anglais, push technology)
Technique permettant de faire bénéficier automatiquement un internaute, à sa demande, d'un envoi de données d'un type choisi.
domaine
Partie d'une adresse de l'Internet qui identifie, par pays, par activité ou par organisation, un des niveaux de la hiérarchie de l'Internet.
extranet
Réseau télématique local, non directement ouvert sur l'extérieur, mettant à la disposition du personnel et des partenaires d'une entreprise, ou d'un groupe d'entreprises, les technologies d'échange d'informations issues de l'Internet.
forum de discussion (en anglais, newsgroup)
Service permettant l'échange et la discussion sur un thème donné : chaque internaute peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme d'articles.
fournisseur d'accès (en anglais, access provider)
Opérateur de réseaux fournissant l'accès à l'Internet et éventuellement à un ensemble de services en ligne exclusivement dédiés à ses abonnés ou en libre accès à toute la population des internautes.
FTP (File Transfer Protocol)
Protocole qui définit le transfert des fichiers entre deux machines.
hypertexte
Technique ou système permettant, dans une base documentaire de textes, de passer d'un document à un autre selon des chemins préétablis ou élaborés lors de la consultation.
internaute, cybernaute
Utilisateur du réseau Internet.
intranet
Réseau télématique interne à une entreprise, mettant à la disposition du personnel les technologies d'échange d'informations issues de l'Internet.
Milnet
Réseau IP de la Défense américaine, créé en 1983.
modem (modulateur-démodulateur)
Appareil électronique utilisé en télécommunication et en transmission de données qui assure la modulation des signaux émis et la démodulation des signaux reçus. Il permet notamment l'échange d'informations entre des ordinateurs par le réseau téléphonique.
mouchard, témoin de connexion (en anglais, cookie)
Appliquette envoyée par un serveur Web à un internaute, parfois à l'insu de celui-ci, au cours d'une connexion, afin de caractériser cet internaute, et, par extension, information que l'appliquette peut enregistrer sur le disque de l'internaute et à laquelle le serveur peut accéder ultérieurement.
navigateur, logiciel de navigation (en anglais, browser)
Logiciel, également appelé « butineur », « explorateur » ou « fureteur », permettant l'affichage des pages Web à l'écran et proposant des fonctionnalités étendues pour l'exploration sur le Net.
nommage
Dénomination, désignation de l'adresse d'un site Internet.
page d'accueil (en anglais, home page)
Page de présentation d'un site sur le Web ou page de tête affichée par un navigateur.
page Web
Document multimédia au format HTML, contenant des liens vers d'autres documents.
pare-feu, barrière de sécurité (en anglais, fire-wall)
Équipement situé entre le réseau Internet et le réseau privé d'une entreprise pour accroître la sécurité de ce dernier en filtrant le trafic en provenance ou à destination de l'Internet.
pirate (en anglais, hacker)
Personne qui pénètre frauduleusement dans un système informatique. Pour cela, elle contourne ou détruit les protections d'un logiciel, d'un ordinateur ou d'un réseau en vue d'en modifier ou d'en copier les informations.
portail
Site conçu pour être le point d'entrée sur l'Internet et proposant aux utilisateurs des services thématiques et personnalisés.
recherche individuelle (en anglais, pull technology)
Technique permettant à un internaute de rechercher des données par une démarche active au moyen de son navigateur, qui lui présentera ensuite le résultat de cette recherche.
réseau
Ensemble d’ordinateurs ou de terminaux interconnectés par des télécommunications généralement permanentes.
réseau social (Internet)
Site Web permettant de se constituer un réseau d’amis ou de connaissances professionnelles et d’échanger avec eux différents types d’informations (messages publics ou privés, liens hypertextes, vidéos, photos, etc.). Les réseaux sociaux les plus connus sont Facebook, Twitter, MySpace, etc.
serveur, serveur de données
Organisme privé ou public qui gère des banques de données et en autorise l'accès sous certaines conditions.
signet (en anglais, bookmark)
Mode d'accès rapide d'un internaute à l'adresse électronique d'un site Web, préalablement stockée en mémoire dans son ordinateur.
site, site Web (en anglais, website ou web site)
Ensemble de pages Web accessibles via l'Internet sur un serveur identifié par une adresse.
smiley
Dans un message électronique, association de caractères typographiques évoquant un visage expressif.
spam
Courriel non sollicité, essentiellement constitué de publicité, envoyés en grand nombre à des boîtes aux lettres électroniques ou à des forums. Les deux principaux inconvénients du spam sont d’une part l'espace qu'il occupe sur le réseau, en encombrant inutilement une partie de la bande-passante, et d’autre part le temps perdu inutilement par l’internaute pour trier son courrier.
Telnet
Programme qui permet de faire des sessions interactives de télécommunication via un autre ordinateur connecté sur l'Internet. Cette commande permet de court-circuiter les communications téléphoniques interurbaines, qui sont facturées à la minute.
vente en ligne
Commerce électronique.
WAP (Wireless Application Protocol)
Protocole d'affichage des contenus du Web sur les téléphones portables.
webcam
Caméra numérique miniaturisée destinée à enregistrer et à diffuser, généralement en direct, des images animées sur un site Internet.
wi-fi (en anglais, wireless fidelity)
Réseau local hertzien (sans fil) à haut debit, destiné aux liaisons d’équipements informatiques dans un cadre domestique ou professionnel.
wiki
Site Web collaboratif dont le contenu peut être modifié par les internautes autorisés.
WWW (World Wide Web)
Système développé par Tim Berners-Lee et son équipe du Cern. Le système WWW permet l'accès aux services d'information, quelle que soit l'origine de la consultation sur le réseau. La première version du Web, statique, est généralement notée Web 1.0. WWW utilise l'infrastructure Internet et réalise les connexions (adressage, négociation, acheminement) au moyen de trois protocoles de communications standardisées, définis par le NCSA et le Cern :
– URL (Uniform Resource Locator) ou adresse universelle : adresse qui précise la localisation d'une ressource Internet en indiquant le protocole à adopter, le nom de la machine, le chemin d'accès et le nom du fichier (par exemple : http://www.kleio.net/accueil.htm) ;
– HTML (HyperText Mark-up Language) : langage de description de documents servant à présenter des pages Web et à préciser à l'aide de balises les liens hypertextes avec d'autres documents ;
– HTTP (HyperText Transfer Protocol) : protocole qui permet le transfert de documents multiformats.
Web 2.0
Évolution du Web axée sur des fonctionnalités visuelles et interactives qui ouvrent Internet à l’intervention de communautés d’utilisateurs.
Web 3.0
Évolution du Web (au stade de recherche) axée sur une gestion accrue des bases de données permettant la personnalisation des usages en fonction de chaque utilisateur. Le Web 3.0 est généralement qualifié de sémantique.
3. Histoire de l'Internet

Fonctionnement de l'InternetFonctionnement de l'Internet
L'aventure, tout à la fois politique, technologique et sociale du réseau Internet a commencé dans le contexte de compétition, aux implications scientifiques et militaires, dû à la guerre froide. En 1957, le département d'État à la Défense des États-Unis crée l'Agence pour les projets de recherche avancée (Advanced Research Project Agency, ou ARPA), afin de mettre sur pied un réseau de télécommunications informatique qui permette aux chercheurs universitaires et aux militaires de s'échanger des données et de coordonner leurs activités. En 1962, l'US Air Force commande à la Rand Corporation un rapport sur la vulnérabilité des réseaux de télécommunications en cas de conflit. Le rapport livré par l'informaticien Paul Baran souligne la centralisation excessive de certains réseaux et le manque d'autonomie de fonctionnement des nœuds intermédiaires de communication par rapport aux centres de contrôle en cas de destruction du réseau ; la mise hors d'usage du noyau central aurait pour conséquence la paralysie de l'ensemble.
3.1. Arpanet

C'est aux chercheurs de l'ARPA qu'est confiée la mission de développer un réseau expérimental qui répondrait à la nouvelle approche stratégique préconisée par le rapport Rand. Le réseau Arpanet (Advanced Research Project Agency NETwork), réseau à commutation par paquets, est testé le 21 novembre 1969 : à l'aide d'une ligne téléphonique, une liaison est effectuée entre deux ordinateurs, respectivement installés à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) et à l'Institut de recherche de Stanford. En décembre, le réseau est étendu à l'université de Californie à Santa Barbara et à l'université de l'Utah.
Le projet Arpanet satisfait plusieurs objectifs. Le réseau utilise des technologies éprouvées et des équipements disponibles sur le marché, ce qui le rend évolutif. D'autre part, il n'est pas tributaire d'un centre de contrôle : au noyau central traditionnel est substituée une architecture composée d'une multitude de connexions, dont la configuration globale évoque une toile d'araignée ; chaque ordinateur du réseau peut ainsi communiquer avec tous les autres ordinateurs. De 1970 à 1980, le réseau Arpanet s'étend d'abord aux universités américaines dont les recherches concernent la défense. Puis le réseau est séparé en deux : Milnet, réservé aux militaires, et Arpanet. Ces deux réseaux demeurent interconnectés grâce à la technique appelée Internet Protocol (IP), qui permet l'échange de données entre réseaux dotés d'équipements informatiques différents. Au milieu des années 1980, les agences de recherche du gouvernement américain confient à la National Science Foundation (NSF) la charge de se substituer à l'ARPA pour donner à l'ensemble des institutions universitaires un accès au réseau, voire pour développer ce dernier à l'échelon international en prenant acte de la détente survenue dans les relations Est-Ouest. De fait, le réseau NSFnet, capable d'une transmission à grande vitesse, connaît un essor remarquable.
Jusqu'en 1991, et la création du Commercial Internet Exchange, les utilisations à caractère commercial sont bridées par les préceptes édictés dans l'AUP (Acceptable Use Policy), qui établit que le NSFnet a pour vocation exclusive de soutenir la recherche et l'enseignement. Pour répondre à la demande pressante des entrepreneurs, un second réseau national est mis au service des entreprises à caractère commercial. Parallèlement, des tractations s'engagent au niveau politique pour céder le réseau NSFnet au secteur privé. En 1995, NSFnet est remplacé par un ensemble de grands réseaux interconnectés (ANSnet, MCInet, CompuServe, etc.), lesquels proposent à leurs clients l'accès à l'Internet.
3.2. La « Toile » ou Web

NetscapeNetscape
Étroitement associé au développement de Internet, le Web rend Internet accessible au grand public en présentant les informations sous une forme multimédia et interactive. Sa conception est due au Britannique Tim Berners-Lee et à son équipe du Cern (officiellement appelé Organisation européenne pour la recherche nucléaire), à Genève. Le Web fonctionne selon un modèle « client-serveur » : le client émet une requête vers un serveur et lui demande la communication d'un document ; le serveur reçoit la demande et retourne les fichiers au client ; celui-ci reçoit le document, et le logiciel spécialisé qu'il utilise, appelé « logiciel de navigation » ou « navigateur » (browser), réalise la mise en page.
Développé en commun par le Cern et le NCSA (National Center for Superconducting Application), le programme Mosaic (mis en service en 1993) est une interface universelle utilisant les techniques de l'hypertexte et du multimédia. Distribué gratuitement par téléchargement, Mosaic permet une consultation aisée des serveurs du réseau Internet et illustre ce qu'est un hypertexte : il suffit de cliquer sur un mot ou une illustration pour se connecter à une autre zone machine du réseau. Au lieu d'obéir à un modèle hiérarchique, la recherche d'informations sur le Web se fait donc selon un modèle de type multimédia : la technologie permet de s'affranchir de l'aspect linéaire des documents. Devenu public dès 1991, le Web connaît une croissance considérable du nombre de services proposés. En 1994, d'une scission du groupe de développement de Mosaic sont nés une nouvelle entreprise, Netscape Corporation, et un nouveau produit commercial, Netscape Navigator. Depuis lors, de nombreux services d'index et de recherche d'informations, les moteurs de recherche, se sont créés (Google, Yahoo, Baidu, etc.).

Internet : structure du réseauInternet : structure du réseau
Dopé par la généralisation de la transmission de données en haut débit (via le câble, le satellite, ou encore la connexion ADSL) et par la banalisation des usages des micro-ordinateurs dans les foyers et dans les entreprises, Internet est devenu socialement et économiquement quasi-incontournable en tant que vecteur de diffusion et de communication et de recherche d'informations. Estimé, en 2005, à plus d'un milliard, le nombre d'internautes dans le monde a dépassé les 2 milliards en 2012, et ce chiffre devrait encore augmenter dans les années à venir.. En France, on est passé de 15 millions d’internautes en 2005 à environ 42 millions en 2012.
4. Les enjeux de l'Internet

CybercaféCybercafé
Internet offre aux utilisateurs de nombreux types d'applications : messagerie électronique (mél ou courriels, en anglais e-mails), messagerie instantanée (« chat »), sites Web et blogs marchands, institutionnels, personnels ou collaboratifs (wikis), réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.), commerce électronique (ou e-commerce), transfert et téléchargement de fichiers informatiques (textes, images, musiques, vidéos), téléphonie sur IP (téléphone par ordinateur), forums de discussion, jeux en réseau ou en ligne (→ jeux vidéo)... Ces différents usages d’Internet créent une culture nouvelle, qui enrichit le système relationnel de l’ensemble des acteurs de la société : individus, entreprises et institutions.
4.1. Les enjeux sociaux et culturels

L’essor d’Internet constitue une innovation majeure dans le domaine des communications : c’est un vivier d’idées. C’est aussi un outil de désenclavement. Où qu’il soit dans le monde, un internaute peut « surfer » sur le Net et ainsi accéder à des produits, à des services d’information, effectuer une transaction, participer à une discussion sur un forum, etc. Mais Internet ne fait pas l’unanimité. Pour ses détracteurs, il contribue à une détérioration du tissu social en favorisant une forme de communication sans contact réel. Internet rapproche-t-il les gens ou, au contraire, contribue-t-il à l’individualisme ? S’il est indéniable qu’Internet offre un moyen supplémentaire de communication interpersonnelle, internationale et interculturelle, comme la lettre ou le téléphone, il crée en même temps de nouvelles formes d'individualisme et transforment nos modes de consommation de biens culturels et de loisirs.
Les implications d’Internet dans la vie quotidienne sont multiples. Le réseau offre la possibilité de « télégérer » des opérations financière : par exemple, acheter tel produit, commander tel voyage. Il peut simplifier les démarches administratives ou bancaires, grâce à des guichets électroniques qui évitent un déplacement ou l’envoi d’un courrier.
Le commerce en ligne (e-commerce) constitue avec la messagerie (le courriel) deux applications particulièrement porteuses.
Grâce au réseau haut débit, les opérateurs de télévision diffusent des bouquets de chaînes dont les programmes peuvent être téléchargés ou visionnés à la demande (lecture en continu ou streaming).
Par ailleurs, la téléphonie sur IP permet de communiquer de façon illimitée et à moindre coût via Internet, en s’affranchissant ainsi des opérateurs de télécommunications traditionnels.

Chômage, A.N.P.E. et InternetChômage, A.N.P.E. et Internet
Au-delà, Internet est devenu un enjeu social. Avec son développement, un nombre croissant d’emplois n’ont plus lieu d’être. Des activités comme, par exemple, la presse, la distribution ou l’édition sont à l’aube de profondes mutations. À l’inverse, de nouveaux métiers apparaissent, dont un nombre important en relation directe avec la mise en place fonctionnelle d’Internet et des systèmes d’information qui lui sont liés. Par ailleurs, Internet induit une évolution de la notion de travail : il n’est plus nécessaire d’être physiquement présent sur un lieu ; une tâche peut être effectuée à distance (télétravail), ce qui suppose une nouvelle appréciation du temps de travail et de la relation entre l’employeur et l’employé. Ainsi, Internet entraîne l'individualisation du salariat et introduit une grande porosité entre les frontières du privé et du professionnel.
Supports numériques connectésSupports numériques connectés
Parallèlement au potentiel informatif et informatique de chaque élément qui compose le réseau, se sont développés, au début des années 2000, de nouveaux services qui se caractérisent par la participation et l’interaction des utilisateurs à la production de contenus. L’internaute est devenu contributeur du Net : c’est l’ère du Web 2.0, marquée principalement par la création de millions de blogs (personnels, professionnels et institutionnels) et surtout des réseaux sociaux (Linkedin, MySpace, Facebook, Twitter, etc.) qui ont conquis une place centrale au sein des différents usages d'Internet.
Avec le Web 2.0, les utilisateurs ont la possibilité d'être beaucoup plus actifs dans la production, la diffusion et le traitement de l'information. On observe un déplacement d’un ensemble d’oppositions traditionnelles entre professionnels et amateurs, passivité et activité, autorité verticale et réseau horizontal... Toutefois, tous ces chamboulements d’ordre sociaux, culturels, informationnels et économiques engendrés par Internet, qui modifient en profondeur la société et les comportements des individus qui la composent, nécessitent un encadrement politique, juridique et éthique.
4.2. Les enjeux économiques

Commerce électroniqueCommerce électronique
La présence des entreprises sur le réseau prend des formes diverses, de la simple présence « médiatique » au serveur transactionnel qui permet de consulter un catalogue, de comparer puis de choisir un produit et enfin de procéder à son achat en ligne. Grâce au courrier électronique, l'Internet propose à l'entreprise – de même qu'à toute institution – un outil de communication externe, qui lui permet de diffuser ses messages (informations sur ses produits et services, annonces de recrutement…) à l'intention des internautes et d'organiser le travail à distance avec ses collaborateurs reliés au réseau. Mais la messagerie électronique lui offre aussi un outil de communication interne (intranet), qui est à l'usage de ses personnels pour qu'ils réalisent des gains de temps dans leurs relations professionnelles.
Pour l'entreprise, l'objectif primordial reste la vente. À cet égard, Internet assure l'essor du commerce électronique (cybercommerce ou e-commerce). Les pages d'accueil du Web, faisant place à la publicité de marque, sont âprement convoitées. Le téléchargement direct sur les autres pages du réseau permet d'offrir à la vente des produits sans cesse diversifiés. Par exemple, l'édition s'est mise à l'heure de la cyberlibrairie et les grands magasins ou les hypermarchés ont ouvert leurs propres sites de distribution. On observe toutefois, sous la forme de « spams », une invasion parasite de l'écran par des messages publicitaires que les annonceurs expédient aux internautes en captant l'adresse électronique de ces derniers à leur insu ; ce « spamming », non sollicité et souvent massif, nécessite le recours à des filtres et incite certains fournisseurs d'accès à la mise en place de parades dont l'efficacité reste toutefois aléatoire.
L'un des principaux enjeux économiques tient à l'association de la technologie d'Internet et de celle de la téléphonie mobile. Ainsi, le protocole WAP (Wireless Application Protocol) offre une passerelle entre un téléphone portable (smartphone) – ou tout autre périphérique sans fil compatible (tablettes, assistants numériques personnels, etc.) – et le serveur Web : il utilise à cette fin un langage conçu pour les écrans de petite taille, ne disposant pas d'outils de navigation comme le clavier et la souris.
Une analyse économique d’Internet montre que le réseau repose essentiellement sur la centralisation des données (YouTube, DailyMotion, Facebook, Google…), ce qui offre une grande facilité de gestion et implicitement une maximisation des profits (capitalisme appliqué au numérique). Actuellement, l’évolution d’Internet se poursuit dans ce sens, avec un développement marginal des logiciels libres (open sources) et autres plates-formes alternatives peer to peer (poste à poste).
5. Les risques et les faiblesses d'Internet

5.1. Les risques liés à la croissance

La vitesse de transmission des données sur Internet fait que ce dernier concurrence les moyens traditionnels de diffusion de l'information, en premier lieu la presse écrite, de même que des modes de transmission comme le courrier ou le fax. Mais la dimension mondiale du réseau accroît les difficultés à la fois pour repérer l'information utile et pour vérifier sa fiabilité. L'édition sur le Web ignore les filtres que constituent d'ordinaire les éditeurs traditionnels. De fait, le Web peut être un véhicule redoutable de rumeurs, notamment par le biais des news. Des informations erronées peuvent se propager avec d'autant plus de rapidité que l'anonymat des émetteurs les met à l'abri des plaintes.
5.2. Les risques liés à la sécurité et à la confidentialité

L'accès à l'Internet expose l'entreprise comme le particulier aux risques d'intrusion et donc aux risques de vol ou de destruction d'informations, par le biais de virus. En outre, l'achat sur l'Internet est subordonné à la protection de la confidentialité des données lors d'échanges transitant par le réseau et nécessitant une carte bancaire. La combinaison du filtrage (pare-feu), du cryptage, de l'authentification et du contrôle d'accès aux outils et applications permet de lutter contre les tentatives de communications indésirables. Toutefois, la cybercriminalité, pratiquement inconnue il y a moins de vingt ans, prend de l'ampleur et devient un sujet de préoccupation majeur pour la plupart des États.
5.3. Les risques liés à la sauvegarde de la propriété intellectuelle

Musique numériqueMusique numérique
La question du respect des droits d'auteur sur le Web se pose avec acuité. En la matière, ce dernier n'est pas une zone de « non-droit » : la législation sur le droit d'auteur protège toute œuvre originale, « quels qu'en soit le mode ou la forme d'expression ». Elle s'applique donc à la numérisation, qui est l'expression, sous une forme spécifique, d'une œuvre. De fait, si la communication d'une œuvre entre deux personnes au moyen du courrier électronique ne constitue pas une communication publique, la diffusion d'une œuvre protégée sur un service d'information est assujettie au droit d'auteur. Sa consultation, autorisée dans le cadre de la consultation particulière, encore que la consultation d'une œuvre sous une forme numérisée suppose la copie de cette œuvre (téléchargement), ne constitue en rien une cession de droit à la reproduire ou à la diffuser.
Le débat est complexe. La multiplication des réseaux peer to peer, qui permettent l'échange de fichiers audiovisuels (musique, vidéo, jeux vidéo, etc.), reste au cœur de l'actualité juridique et économique. Plusieurs logiques s'affrontent. La première est basée sur un échange libre et gratuit. Les ayants droit ne perçoivent alors aucune rémunération. La seconde repose sur le paiement par l'internaute d'une redevance forfaitaire perçue par le fournisseur d'accès et reversée à des sociétés de répartition de droits d'auteur. Enfin, la troisième suppose le versement de droits d'auteur pour chaque œuvre protégée et téléchargée. Ces différentes solutions se heurtent à des contraintes techniques importantes ainsi que d'ordre juridique.
5.4. Les risques liés au respect de l'éthique

Peut-on tout diffuser sur l'Internet ? Quelle position les pouvoirs publics doivent-ils adopter face au réseau des réseaux ? Le développement rapide des services sur Internet a pris de cours le législateur, et le régime juridique qui leur est applicable reste empirique. L'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 définit en tant que communication audiovisuelle « toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature ». Cette définition, volontairement large, inclut les services du Web. Mais la profusion d'informations confère au réseau une envergure qui rend difficile le seul recours à des lois nationales. De fait, des casinos virtuels peuvent étendre leur clientèle en s'affranchissant de toute réglementation ; plusieurs sites ont mis en vente des objets nazis ; d'autres font commerce de la pédophilie. Il reste à élaborer une déontologie et une législation d'Internet. La notion de responsabilité est au centre des débats : les forums de discussion, par les contenus qu'ils véhiculent, posent clairement le problème de la responsabilité des internautes et/ou de celle des fournisseurs d'accès au réseau. La loi sur l'économie numérique telle qu'elle doit s'appliquer en France, faisant obligation aux hébergeurs d'exercer un contrôle a priori sur les sites Internet français et aux fournisseurs d'accès de filtrer les sites étrangers, soulève parmi eux une vive émotion, relayée par les utilisateurs du haut débit.
6. Les questions d'avenir pour Internet

6.1. Être ou ne pas être internaute ?

Internet est le média d'avenir de l'ère postindustrielle. Or, son développement suscite diverses interrogations. Elles tournent en premier lieu autour de la « nouvelle économie » – la netéconomie –, dont l'importance semble avoir été anticipée. Les contre-performances du Nasdaq ont des incidences à la baisse sur l'ensemble des indices de valeurs boursières. La « bulle » Internet a explosé en 2001. En France notamment, beaucoup de start up ont alors disparu. Depuis, les investisseurs sont devenus beaucoup plus prudents ; ils exigent, avant toute prise de décision en matière de participation, des garanties nettement plus élaborées et contraignantes sur les plans de la pérennité technique et de la rentabilité commerciale.
Internet a vocation à être grand public. Il faut pourtant se demander s'il ne contribue pas à creuser le fossé qui sépare les catégories sociales entre elles et les peuples entre eux. Surfer sur le Net implique d'avoir les moyens d'acquérir l'outil informatique, de le faire fonctionner et de le perfectionner (par exemple, en changeant de modem pour accéder au haut débit et en adoptant l'ADSL). L'idée d'une société technologique globale, du « village planétaire », se heurte à la réalité des clivages Nord-Sud, riches-pauvres, villes-campagnes, jeunes-moins jeunes. Toutefois, l’évolution du nombre d’internautes dans le monde ne laisse aucune équivoque : on est passé de 16 millions d’internautes en 1995 à environ 1 milliard en 2005 et à plus de 2 milliards en 2012 (dont 45 % ont moins de 25 ans). On note d’ailleurs que les plus fortes croissances ont eu lieu sur les continents africain et surtout asiatique (en particulier en Chine). Le nombre d’internautes dans le monde est en constante progression pour le bonheur des cybermarchands
En France, on compte environ 40 millions d’internautes en 2012, qui passent, en moyenne, 3 heures chaque jour à surfer sur Internet. Les activités les plus pratiquées sont : « réseauter » (23 millions de Français inscrits à Facebook et 3 millions à Twitter), se divertir (jeux en ligne, etc.) et acheter.
6.2. L'Internet de demain : le Web 3.0

Après un Web 1.0 relativement statique où l’internaute se contente d’accéder à une pléthore d’informations, puis un Web 2.0 dynamique, participatif et interactif où l’internaute peut à la fois consulter et échanger des données, on se dirige vers un Web 3.0 qui reste à définir.
Certains évoquent un Web intelligent, souvent qualifié de sémantique. Cette évolution du Web serait basée sur la personnalisation des usages en fonction de chaque utilisateur. L’objectif est d’améliorer la relation entre les utilisateurs et d’amoindrir les contraintes techniques et l’ergonomie, qui restent à ce jour prédominantes. Le partage de ressources, les requêtes d’informations basées sur des moteurs de recherche innovants capables de s’adapter à chaque profil en recourant à la notion de sémantique et le recours à l’intelligence artificielle pourraient constituer des facteurs clés.
Toutefois, nul ne peut prévoir l’évolution de ce gigantesque réseau – même à très court terme (de l’ordre de quelques années) – car les usages et les technologies évoluent extrêmement vite et partout à la fois à travers le monde entier.

 

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LA ROME ANTIQUE 1

 

Rome antique (des origines à 264 avant J.-C.)

Cet article fait partie du dossier consacré à la Rome antique.
Histoire de la Rome primitive, des origines à la conquête de l'Italie (jusqu'en 264 avant J.-C.).

Pour en savoir plus, voir également les articles Rome antique (264-27 avant J.-C.), Rome : l'Empire romain (27 avant J.-C.-476 après J.-C.).
Parmi la poussière de cités et de petits États de l'Italie primitive, un village de pasteurs du Latium, Rome, prend un départ modeste au viiie siècle avant J.-C., jusqu’à l’arrivée de rois étrusques qui la transforment au vie siècle en une cité-État. Après s’être transformée en république au début du ve siècle, celle-ci développe sa domination sur les territoires avoisinants, jusqu’à contrôler toute l’Italie antique en 264 avant J.-C.
1. Les origines de Rome

1.1. La légende des origines


Pendant deux millénaires, les historiens ont répété la même histoire : celle d'une ville fondée par Romulus et Remus, jumeaux fils d'une vestale et du dieu Mars, allaités par une louve, et d'une lointaine origine troyenne par Énée, venu en Italie après la ruine de Troie. Mais la conviction des auteurs n'était pas absolue sur ces traditions. Déjà Tite-Live (59 avant J.-C.-17 après J.-C.) reconnaissait dans son Histoire romaine que certains récits ne lui paraissaient être que des racontars.
Il fallut attendre le xxe siècle pour repousser résolument ces légendes, puis pour revenir sur cette position et reconnaître qu'elles n'étaient pas entièrement dénuées de fondement.
La formation d'une légende
On s'est aperçu que la légende des origines troyennes remontait à une haute époque, le vie siècle avant J.-C. Énée était alors connu en Étrurie. Un temple qui lui était consacré a été retrouvé dans la banlieue romaine. Des rapprochements entre l'organisation classique en Troade (pays de Troie, dans l’actuelle Turquie) et celle des bords du Tibre ont été faits. On peut penser que soient restées dans les mœurs comme dans les souvenirs les traces d'une immigration d'origine orientale à une date reculée – immigration à rapprocher de celle qui est supposée avoir été accomplie par les Étrusques.
L'histoire de Romulus et Remus, elle, a pris forme au plus tôt au ive siècle avant J.-C. Un auteur grec faisait de Romulus le fils d'Énée. Mais son nom relève de l'onomastique étrusque. Le héros aurait tracé à la charrue les limites de la fondation de Rome sur le Palatin, l'une des « sept » collines : c'était la Roma quadrata. Les calculs des anciens les amenèrent à déterminer la date de cette fondation. D'hypothèse en hypothèse, celle de 753 avant J.-C. reçut la consécration de l'usage.
1.2. Les apports de l'archéologie

Des débuts modestes
Les fouilles du xxe siècle ont permis de préciser la chronologie des premiers temps de Rome sans anéantir totalement les données de la tradition. La datation de l'occupation des collines correspond sommairement à la chronologie traditionnelle, si l'on veut bien s'en tenir à des époques et non à des dates précises. Certes, il existe des vestiges bien plus anciens, qui remontent au IIe millénaire avant J.-C. Mais, sur le Palatin, des traces de cabanes, aux poteaux enfoncés dans le rocher, sont restées visibles : au viiie siècle avant J.-C., deux villages existaient du côté de l'emplacement plausible de la fondation légendaire. Les bas des collines étaient occupés, ici et là, par des nécropoles, dont certaines urnes reproduisent la forme des cabanes.
Un groupe de villages
Les villages du Palatin pourraient s'être réunis en une seule agglomération vers le viie siècle. Les populations étaient latines, ni plus ni moins que dans la cité voisine d'Albe, sans qu'on puisse affirmer l'antériorité ou la domination d'Albe sur Rome, pas plus que l'inverse. On sait peu de choses des autres collines, connues surtout par les nécropoles qui les flanquaient. Il semble ainsi qu'il y ait eu un village sur le Caelius, moins sûrement sur le Quirinal. Le Capitole ne fut pas occupé avant le vie siècle avant J.-C. L'Esquilin, lui, fut habité par une population différente, guerrière et pastorale. Ces données nous éloignent apparemment de la Rome unique de la légende.
1.3. La dualité Sabins-Romains

Louis David, les Sabines arrêtant le combat entre les Romains et les SabinsLouis David, les Sabines arrêtant le combat entre les Romains et les Sabins
La légende fait aussi état de l'enlèvement des Sabines par les Romains jusque-là dépourvus de compagnes, d'une guerre qui s'ensuivit et d'une fusion des peuples sabin et romain. Les Sabins de Rome demeurent une énigme. Selon la tradition, ils auraient occupé le Capitole et le Quirinal, face aux Romains du Palatin, de l'Esquilin et de leurs abords. Mais on pourrait aussi les assimiler aux guerriers de l'Esquilin. En tout cas, Rome apparaît alors comme une agglomération double, composée d'au moins deux éléments ethniques.
En fait, les choses ne sont pas si simples, car ni les Latins ni les Sabins ne semblent avoir formé des groupes homogènes. Cela rejoint fort bien la description traditionnelle d'un ramassis de brigands amenés là par Romulus. Une chose semble à peu près sûre : la population a dû s'accroître rapidement : les cabanes se répandent au pied des collines, comme à l'emplacement du futur Forum, où, vers 650 avant J.-C., elles succédent aux tombes.
2. La Rome royale (viiie-ve siècle avant J.-C.)

2.1. La royauté avant les Étrusques

Pour les Anciens, la Rome primitive était gouvernée par des rois. Les premiers d'entre eux, Romulus, Numa Pompilius, Tullus Hostilius et Ancus Martius, paraissent entièrement légendaires. Les historiens latins eux-mêmes reconnaissent combien la tradition paraît ici fantaisiste. Elle n'est pourtant pas dénuée de sens.
Les premiers rois de la légende
Ostie, barque pour le transport du fromentOstie, barque pour le transport du froment
Romulus dote Rome d'un sénat, divise la population en trente curies, lui donne des institutions, une organisation militaire, avant de disparaître mystérieusement et d'être honoré par assimilation au dieu Quirinus. C'est un Sabin, Numa Pompilius (vers 715-vers 672 avant J.-C.), qui lui succéde ; roi pacifique, pieux et législateur, conseillé par la nymphe Égérie, il donne à Rome son organisation religieuse. Vient ensuite Tullus Hostilius (vers 673-640 avant J.-C.), roi guerrier qui dote Rome de son organisation militaire ; il lutte contre Véies et, après avoir conquis et détruit Albe la Longue (épisode du combat des Horaces et des Curiaces), transfère sa population à Rome. Enfin, toujours selon la tradition légendaire, le Sabin Ancus Martius (640-616 avant J.-C.) agrandit Rome : il fait jeter sur le Tibre, en face du mont Janicule, le premier pont de la ville, le pont Sublicius, bâtit l'aqueduc de l'Aqua Martia, et fait creuser, sous le Capitole, la première prison de Rome. Enfin, il fonde le port d'Ostie, à l'embouchure du Tibre.
Quelques certitudes historiques
Les rois semblent avoir été imaginés, Romulus comme les autres, assez tardivement. Dans leur histoire et dans leur rôle, l’historien Georges Dumézil voit les manifestations d'une mythologie primitive. Mythologie ou pas, rien ne semble les rattacher à des faits réels. Leur légende paraît plutôt s'être constituée et enrichie à partir de sites familiers : la cabane de Romulus, le figuier sacré sous lequel il fut allaité, etc. Les événements d'époque dont l'existence paraît admissible sont limités : ce sont la colonisation de la campagne romaine et la destruction de la ville d'Albe. Là apparaissent les liens entre Rome et une ligue latine à laquelle elle appartenait, ce qui exclut qu'elle ait été une bourgade différente des autres. Cette ligue, unie par un lien religieux, passe de la direction albaine à celle de Rome.
2.2. Pouvoir et société

Des familles aux tribus
La famille, sous l'autorité absolue du paterfamilias, faisait partie du groupement plus vaste de la gens, qui réunissait toutes les familles apparentées et reliées par une communauté de nom propre, ou « gentilice ». La gens, était le cadre de cultes privés comme de liens de dépendance, un peu analogues à ceux de la vassalité, entre un patron et des clients ; ceux-ci, protégés, portaient eux-mêmes le nom de la gens, et pouvaient être des colons ou des soldats du patron. L'ensemble du peuple se groupait en trois tribus qu'on a crues longtemps être trois groupes ethniques, où G. Dumézil voit trois fonctions sociales et dont le caractère territorial est peut-être prédominant.
Les premières institutions
Chaque tribu se divisait en dix curies, dont l'assemblée, ou comices, avait un rôle politique incertain. Elle était en fait dépendante du sénat, composé de chefs de famille, en nombre très limité, désignés sans doute par les comices, puis plus tard par le roi. Face au roi, les pouvoirs du sénat sont, eux aussi, difficiles à estimer : tout-puissant selon certains historiens ou simple conseiller d'un monarque absolu, à n'en juger que par l'étendue de ses attributions religieuses.
Le pouvoir royal, l'imperium, était d'essence religieuse : sa force divine était vérifiée par le cérémonial d'investiture, et c'est elle qui valait au candidat, nullement héréditaire, d'être reconnu. En fait, le roi n'était pas élu, mais recherché comme susceptible d'être agréé par Jupiter. Il annonçait au peuple les jours du calendrier, ceux qui étaient fastes ou néfastes, ceux qui étaient fériés ou non. La justice s'adaptait à cette conception : religieuse elle-même, elle était rendue par le roi les jours fastes. Mais l'étendue du pouvoir juridique royal, qui rencontrait celui des gentes, est inconnue.
2.3. Les rois étrusques (vie-ve avant J.-C.)

Une historicité plus assurée
On s'accorde aujourd'hui à considérer que, vers 575 avant J.-C., Rome tomba sous la domination des Étrusques : événement longtemps occulté tant l'historiographie antique se refusait à avouer cette honteuse sujétion. Le fait coïncide avec une évolution de la monarchie : aux sages législateurs succéderaient des rois violents et tyranniques, qui négligent les avis du sénat. Le calendrier est remanié par incorporation de fêtes étrusques, et le caractère sacré du roi s'amplifie, allant jusqu'à l'assimilation de celui-ci à Jupiter. Les attributs classiques du roi sont d'origine étrusque : licteurs qui l'escortent , armés de faisceaux (verges) et d'une hache, chaise curule aux pieds en X, vêtement bariolé (peint ou brodé), sceptre et couronne. La tradition ne connaît que trois rois, Tarquin l'Ancien (616-579 avant J.-C., Servius Tullius (578-535) et Tarquin le Superbe (vers 535-vers 509). Cette chronologie des anciens a été décalée par les historiens de 35 à 40 ans vers le présent. L'enchaînement réel des règnes est inconnu, bien que ces souverains paraissent avoir eu une existence historique.
Portée symbolique des règnes
Tout semble se présenter comme si la dynastie des Tarquins, originaire de la cité étrusque de Tarquinia, avait été un moment interrompue par la venue d'un aventurier arrivé de Vulci, Servius Tullus, qui aurait pratiqué une politique différente, laissé en suspens les grands travaux des Tarquins (assainissement du Forum par drainage, temple du Capitole) pour se consacrer à des questions d'ordre militaire : construction du rempart, réorganisation de l'armée des citoyens. La constitution servienne distribue les droits politiques et les rôles militaires en fonction du capital (cens) possédé par les intéressés ; cette évolution, qui fait songer à l'œuvre des législateurs grecs contemporains, répond aux aspirations des patriciens, représentants des familles les plus influentes et débouche sur une armée bien équipée, composée de la légion des fantassins et d'une cavalerie de recrutement aristocratique. En cela, Servius Tullius agit différemment des Tarquins, qui, eux, s'appuient sur la plèbe.
2.4. Aspects de la Rome royale

Des villages rudimentaires
Les cabanes primitives, de forme ronde ou ovale, puis de plus en plus, rectangulaire et au toit conique, s'appuyaient sur des pieux fichés en terre. Les parois combinaient le jonc ou la paille et l'argile. La porte était pourvue d'une grosse serrure. Le mobilier se réduisait à l'époque la plus reculée à une céramique noire de fabrication locale, à quelques outils de bronze et à quelques objets d'importation. À cela s'ajoutent ensuite des fourneaux de terre cuite, des meules à bras, des vases d'origine grecque et des instruments de fer. Dès le viie siècle avant J.-C., on utilise l'écriture, dont des reliques en caractères grecs nous ont conservé les mots latins les plus archaïques. Les agglomérations s'entourent de ce qui est plus une clôture qu'un rempart.
Des villages à la ville
Sous la domination étrusque, les choses changent : d'une agglomération de hameaux, Rome se transforme en une ville. Les vallons sont réellement occupés. L'assèchement, puis le pavage du Forum donnent déjà à celui-ci son aspect de place publique. On bâtit des maisons de pierre avec des toits de tuile, un cirque (le Circus Maximus), les boutiques du Forum, des temples ornés de terres cuites à la mode étrusque, dont celui de la Fortune, retrouvé au Forum boarium (« marché aux bœufs »), et celui de Jupiter, Junon et Minerve, au Capitole. Cette apparence urbaine est accentuée par l'afflux de population d'origine étrusque : commerçants, techniciens, qui participent à ces grands travaux. Une petite rue, le Vicus tuscus, garde dans son nom le souvenir de ces Toscans, dont la venue, si elle contribua à l'alphabétisation de Rome, ne détrôna pas la langue latine.
Pour en savoir plus, voir l'article latin.
3. Les débuts de la République

3.1. Fondation de la République

À la date traditionnelle de 509 avant J.-C., les Romains chassent les rois et fondent leur république. Derrière cette donnée apparemment simple se cachent divers bouleversements dont la coïncidence chronologique n'est pas évidente.
La fin de la royauté
Il apparaît que la fin de la domination étrusque se situerait plutôt vers 475 avant J.-C. Cela n'empêcherait pas la monarchie d'avoir été, éventuellement, renversée plus tôt au profit de magistrats élus : un certain nombre des plus anciens consuls portent des noms étrusques. Sur la révolte même, on en est réduit à des hypothèses : révolte latine, où Rome aurait pris une part modeste ; intervention de montagnards sabins ; révolte des autres Latins, qui auraient subi jusqu'alors la domination de la Rome étrusque. Les traces archéologiques de la culture étrusque à Rome disparaissent vers 480-460 avant J.-C., mais c'est là peut-être un indice de déclin et non de départ des maîtres étrusques. L'annalistique romaine aurait conservé la date de 509 avant J.-C. parce que c'était celle de la dédicace du temple du Capitole et qu'il fallait le désolidariser du souvenir de la présence étrusque.
Les premiers magistrats
L'origine des magistratures romaines est très floue. Il semble que certaines d'entre elles aient préexisté à la disparition de la monarchie. Le pouvoir aurait été aux mains d'un préteur suprême, assisté d'un collège de préteurs. Puis une mutation leur substitue deux consuls, égaux en pouvoir et ne pouvant rien faire l'un sans l'autre. La présence de ce double pouvoir laisse soupçonner des factions ou des groupes antagonistes, équilibrés en force.
Pour en savoir plus, voir les articles consulat, magistrat.
3.2. Patriciens et plébéiens

Deux forces mal identifiées
Patriciens et plébéiens, qui apparaissent sans cesse dans l'histoire ancienne de la République, semblent représenter les querelles intérieures. Il serait facile de dire que le patriciat englobait les vieilles familles, mais il est prouvé que des familles plébéiennes sont aussi anciennes. Les patriciens peuvent être les descendants des premiers sénateurs, qui se sont constitués en un cercle fermé à l'époque de la chute des rois. La distinction entre patriciens et plébéiens peut être également religieuse – les patriciens auraient été, à l'origine, seuls à détenir le droit aux auspices – ou encore militaire : les patriciens seraient issus de la noblesse à cheval du temps des rois. La plèbe, elle, serait constituée de ces gens infiltrés à Rome sous la domination étrusque, occasionnellement étrusques eux-mêmes et surtout citadins. Elle pourrait encore être constituée par une ethnie locale très ancienne.
Deux forces antagonistes
L'antagonisme entre patriciens et plébéiens est un fait tardif, qui prend naissance après la chute de la royauté. Parmi les premiers consuls, certains sont plébéiens. Puis les consuls deviennent tous patriciens, comme si la caste monopolisait le pouvoir pendant quelques années. Les plébéiens, pour leur part, se retirent à deux reprises sur le mont Aventin, en armes et avec tous les éléments d'un État : leur assemblée (concilium plebis), leurs magistrats (tribuns de la plèbe et édiles), leurs dieux (Cérès, Liber et Libera), dont le temple est établi au pied de l'Aventin. Les magistrats plébéiens bénéficient d'une inviolabilité d'origine à la fois religieuse et guerrière. Ils vont toutefois, par la suite, s'insérer dans les rouages constitutionnels et perdre leur caractère insurrectionnel.
La loi des Douze Tables (vers 449 avant J.-C.)
Au milieu du ve siècle avant J.-C., la liste des consuls, les fastes consulaires, s'interrompt pour laisser place pendant deux ans à un groupe de dix hommes, les décemvirs investis du pouvoir consulaire et chargés, en outre, de rédiger des lois. Avant de sombrer dans la tyrannie et d'être renversés, ceux-ci accomplissent la mémorable œuvre législative connue sous le nom de loi des Douze Tables, dont il ne reste que quelques fragments. C'est une législation débarrassée de ses éléments religieux et influencée par la Grèce. Elle met fin à des traditions coutumières dont la connaissance était peut-être un privilège. Elle est censée assurer l'égalité entre patriciens et plébéiens, mais interdit toutefois les mariages mixtes. Elle pourrait bien avoir été remaniée au ive siècle ou au iiie siècle avant J.-C.
L'ascension de la plèbe
La plèbe ne s'en trouve pas moins confrontée au problème de la conquête ou de la reconquête de sa part de pouvoir effectif. Le droit de veto dont disposent ses tribuns lui permet d'enrayer la machine politique et d'arracher peu à peu des lois favorables. Les lois dites « liciniennes » (367 avant J.-C.), allégeant les dettes, réglementant l'utilisation des terres appartenant à la collectivité (ager publicus), rétablissant le consulat – disparu quelque temps –, à condition qu'un des consuls soit plébéien, témoignent à la fois des troubles du moment et de la victoire de la plèbe (367 avant J.-C.). L'ascension des leaders plébéiens comme l'effondrement de la résistance patricienne donnent naissance à une classe dirigeante commune, une noblesse (nobilitas) où le jeu de rivalités embrouillées entre familles va devenir la règle. Après le consulat, les autres magistratures deviennent accessibles à tous, du moins à tous ceux qui ont la fortune et l'influence, c'est-à-dire, à un nombre très restreint.
3.3. L'aménagement des institutions

Les comices
L'ensemble du peuple dispose des assemblées que sont les comices : comices curiates, remontant à l'époque royale, mais vite dépourvus de pouvoir effectif ; comices centuriates, représentant le peuple dans son organisation militaire, élisant les magistrats, votant les lois et jugeant en appel ; comices tributes (→  comices), enfin, inspirés ou émanés du concilium plebis, dont le rôle politique va croissant, aux dépens des précédents, et dont l'organisation se fonde sur la répartition territoriale entre tribus urbaines et rustiques.
Les magistrats
Limités à un pouvoir annuel, les deux consuls exercent leur pouvoir à tour de rôle, l'un à Rome, et l'autre au loin. Héritiers du pouvoir des rois, ils en ont la marque juridique et vaguement religieuse, l'imperium. Les préteurs, réapparus en 367 avant J.-C., aux attributions judiciaires, sont également pourvus de l'imperium. Un autre pouvoir, la potestas, est le propre des autres magistrats. Les deux censeurs, qui recensent les citoyens et les classent selon leur fortune, sont élus pour dix-huit mois tous les cinq ans. Les tribuns de la plèbe, dont le nombre se stabilisera à dix, défenseurs sacro-saints de la plèbe (potestas sacro sancta), possèdent de vastes droits de veto politique et de protection ; leurs fonctions s'alignent peu à peu sur celles des magistratures. Les édiles de la plèbe et les édiles curules se consacrent à l'administration quotidienne de la ville, et les vingt questeurs sont des trésoriers.
Le sénat
Ancien conseil du roi, le sénat, conservé, finit, lui aussi, par ouvrir ses portes à la plèbe, car son recrutement est assuré parmi les anciens magistrats. Ses membres, les pères conscrits (patres conscripti), sont les dignes représentants de cette oligarchie républicaine. Sans pouvoir officiel, le sénat aura cependant durant des siècles une immense influence et représentera, face au défilé des consuls, l'élément stable du gouvernement.
4. Rome face à l'Italie

L'histoire de Rome est une histoire de conquêtes défensives puis offensives. Elle commence par des querelles de voisinage.
4.1. Des adversaires multiples (499-341 avant J.-C.)

Les Latins
Il existe une confédération de trente cités latines, qui déborde d'ailleurs du Latium. En son sein, les cités se disputent, et il ne faut pas s'étonner si, selon les moments, Rome est alliée aux Latins ou s'oppose à eux. Les premières colonies mentionnées (Norba, Cora) sont l'œuvre des Latins ; Ostie, la première colonie romaine, est créée seulement vers 335 avant J.-C. Les chefs militaires de la confédération (ou ligue) sont des dictateurs, occasionnellement romains – ce qui permettra aux historiens anciens de faire état d'une hégémonie romaine. Les Latins se serrent les coudes contre les descentes des peuples montagnards et pasteurs de l'Apennin (→  Sabelliens). Mais ils se retournent aussi contre Rome, à la suite de l'expulsion des Tarquins, en tentant de restaurer ceux-ci. Rome l'emporte à la bataille du lac Régille (entre 499 et 496 avant J.-C.) et conclut une alliance qui lui donne une position supérieure à celle de simple État confédéré.
Véies
La voisine étrusque qu'est Véies est longtemps l'objet d'une hostilité tenace. Les deux villes se querellent à propos des salines côtières, des bois, des points de passage du Tibre. Maints combats ont été enjolivés par les annalistes, qui leur ont donné un air d'épopée. Véies serait tombée au bout d'un siège de dix ans, en 396 avant J.-C. après avoir été l'occasion des prouesses des 306 Fabii et du dictateur Camille (M. Furius Camillus). Celui-ci va se distinguer de nouveau lors de l'invasion gauloise.
L'invasion des Celtes
Les Celtes, venus des régions danubiennes et déjà installés dans la plaine du Pô, descendent dans la péninsule, rencontrent les Romains à la bataille de l'Allia, tout près de Rome, les battent, et occupent presque toute la ville vers 390-386 avant J.-C. Le soutien accordé à Rome par Caere (→  Cerveteri), qui fait un massacre de Gaulois, vaut aux Caerites des privilèges juridiques.
4.2. L'extension de la puissance romaine

Une cité désormais fameuse
Rome doit ensuite se consacrer à sa reconstruction. À la panique de la guerre a succédé une période de troubles intérieurs dont la plèbe sait tirer parti. En ce ive siècle avant J.-C., Rome fait figure de grande ville auprès des cités étrusques, déjà décadentes. Sa puissance maritime commence à se manifester : des traités d'alliance ont été conclus avec l'autre puissance en Méditerranée occidentale, Carthage, à une époque ancienne, en 348 avant J.-C., ou peut-être même beaucoup plus tôt, dès 509.
Pour en savoir plus, voir l'article Rome.
L'armée romaine
La légion romaine primitive a quadruplé au cours du ive siècle avant J.-C. Toujours constituée comme une milice de soldats-citoyens, elle reflète les distinctions sociales : les hastati, les principes et les triarii forment les trois rangs successifs de l'ordre de combat, inégalement équipés. Les hommes sont groupés en unités appelées centuries et manipules. Les armes offensives sont le javelot, la lance et l'épée. Les conflits italiques permettent de faire de cette armée, dont la conception est influencée par l'expérience grecque, un instrument efficace. La guerre est alors impitoyable, sans merci : le vaincu est souvent réduit en esclavage, exposé avec le butin dans ce cérémonial plus guerrier que religieux dont est honoré le général vainqueur : le triomphe.
4.3. La conquête de l'Italie

La conquête romaine de l'ItalieLa conquête romaine de l'Italie
C'est un enchaînement de fatalités qui fait de Rome, presque malgré elle, une grande conquérante. Les hasards des querelles italiques l'entraînent d'une guerre vers une autre. La conception romaine de l'alliance sur un pied inégal avec les autres villes fait entrer ses alliés dans l'orbite de sa domination presque aussi sûrement que la victoire militaire. Après quoi, Rome se trouve amenée à épouser les problèmes politiques des pays qui sont sous sa tutelle, et ce d'autant mieux que ces pays sont de plus en plus représentés à Rome même, où Campaniens et Sabelliens s'infiltrent dans les rangs de l'aristocratie. L'histoire du ive siècle avant J.-C. est aussi ponctuée d'apparitions des Gaulois dans la péninsule. Ceux-ci paralysent souvent les Étrusques et facilitent ainsi les progrès de Rome. Celle-ci s'accorde avec certains peuples et se brouille avec d'autres.
Les guerres samnites (343-290 avant J.-C.)
En 343 avant J.-C., les habitants de Capoue en Campanie appellent Rome à l'aide contre les montagnards samnites. Elle intervient, puis, à l'instigation du parti samnite dans la ville, change d'alliance et se tourne, avec les Samnites, contre les Latins et les Campaniens. Chacune des cités du Latium est traitée séparément, tantôt recevant le droit de cité romaine sans droit de vote, tantôt seulement une alliance. Il en résulte que les Latins vont grossir l'effectif des légions. Le sort fait à Capoue, dont une partie des terres est confisquée, mais dont les chevaliers deviennent citoyens romains, permet de supposer une entente entre aristocratie romaine et aristocratie capouane contre les progrès de la plèbe. Rome poursuit sa colonisation, fondant Antium (Anzio) et Anxur (Terracina). Au cours d'une deuxième guerre samnite (326-304 avant J.-C.), l'armée romaine est écrasée dans le ravin des fourches Caudines (321avant J.-C.) : les soldats vaincus doivent se prêter au cérémonial humiliant du défilé sous le joug. Lors de la troisième guerre (298-290 avant J.-C.), les Romains triomphent enfin à Sentinum (vers 295 avant J.-C.) d'une coalition de Gaulois, de Samnites, d'Ombriens et d'Étrusques, financée par Tarente. Entre-temps, Rome a soumis divers peuples montagnards et envahi l'Étrurie.
La guerre contre Tarente (282-272 avant J.-C.)
Maîtresse de l'Italie centrale et parée d'une gloire générale à la suite de Sentinum, Rome est appelée à l'aide par la cité grecque de Thourioi, pressée par les montagnards lucaniens. C'est l'occasion d'établir quelques garnisons en Italie du Sud, au-delà de la ligne de démarcation fixée avec Tarente en 302 avant J.-C. Un incident provoque la guerre avec cette dernière, qui fait appel à un capitaine célèbre, Pyrrhos, roi d'Épire, en Grèce du Nord-Ouest. Après quelques victoires, Pyrrhos est battu à Bénévent (275 avant J.-C.), et Tarente tombe (272 avant J.-C.). Les Grecs de tout le monde hellénistique prennent alors conscience de la puissance romaine.
L'organisation de la conquête
La possession de la péninsule par un maître unique résout une partie des problèmes agraires existants, au moins au profit des Romains. La colonisation donne à ceux-ci de nouvelles terres, assure leur domination, sans négliger la surveillance des côtes (colonies maritimes). Les montagnards, désireux de ravager les terres des agriculteurs de la plaine, doivent se limiter aux parcours coutumiers. Le sort des villes demeure varié, car Rome, malgré sa domination, respecte les institutions originales des cités, même si leur pouvoir est désormais nul. Rome demande des hommes et de l'argent, selon des modalités diverses : service des citoyens ou des contingents alliés, tribut (impôt direct des citoyens), vectigal (impôt sur certaines terres), prestations en nature, douanes. En revanche, les effets du régime romain vont assurer le loyalisme d'une grande partie de l'Italie – la paix sociale, la paix entre les peuples, la paix sur mer, une condition politique et juridique souvent avantageuse – et fournir des instruments économiques : les premières artères du réseau des voies romaines.
5. La civilisation au début du iiie siècle avant J.-C., entre tradition et évolution

5.1. L'environnement matériel

Un quotidien rudimentaire
Les mœurs des Romains évoluent lentement. Il reste encore à ceux-ci encore l'essentiel de leur rusticité ancestrale : nourriture sobre de lait et de galettes, usage de vases grossiers, habillement constitué de la toge – qui n'est qu'un grand drap de laine incommodément drapé –, mentalité de paysans rudes et avaricieux.
La monnaie, indice d'évolution
Le monnayage romain commence seulement au début du iiie siècle avant J.-C. À l'origine, la tête de bétail tenait lieu d'unité de valeur : les amendes se formulaient en bœufs et en moutons. Puis vient le lingot de bronze : les lois du ve siècle avant J.-C. fixent des équivalences entre animaux et métal. Le lingot marqué d'un taureau évoque cette relation. Enfin, la guerre en Italie du Sud nécessite le monnayage d'argent : didrachme frappé pour Rome en Campanie. La monnaie de bronze, initialement lourde, est l'as, qui pèse une livre, en attendant les dévaluations qui vont l'amener au sixième de livre. L'apparition de la monnaie est le produit tout à la fois d'une ouverture économique et des problèmes financiers provoqués par les guerres.
5.2. La religion

Un socle primitif
La religion a encore tout son caractère primitif, dépendant d'une mentalité prélogique, attachée aux tabous, aux totems et aux fétiches, encore que certains cultes primitifs aient disparu à l'époque historique (→  Cacus, Pomone). Des dieux président à tous les moments de la vie, à tous les phénomènes ou objets de la nature. Ils sont des forces invisibles (numina) dont on sent particulièrement la présence dans les bois sacrés. Jupiter, dieu de la Foudre, est adoré sous la forme d'une pierre ou d'un arbre. Les serpents sont des gardiens domestiques, et les oiseaux des messagers divins. Le culte des morts s'ajoute à celui des protecteurs du foyer (lares et pénates). Le culte, qui est l'affaire de tous, des pères de famille comme des magistrats, et pas seulement des flamines, des augures, des pontifes et des vestales, ajoute aux sacrifices et aux rites agraires (danses et courses purificatoires) la pratique de la divination, surtout appliquée aux oiseaux (auspices) et dont l'influence étrusque accroît l'importance. Les prodiges (pluies de sang, bœufs sur le toit d'un temple, etc.) sont des présages dont on tient le plus grand compte.
Pour en savoir plus, voir l'article mythologie romaine.
L'ouverture aux influences extérieures
L'influence grecque – en partie par l'intermédiaire des Étrusques – est importante. La fusion des divinités romaines et des dieux grecs a été facilitée par des racines indo-européennes communes. La religion n'est pas fermée aux courants extérieurs : en cas de nécessité pressante, surtout, on n'hésite pas à faire appel à la puissance d'un dieu étranger. De là l'importation solennelle et officielle de nouveaux cultes, les quindécemvirs ayant pour tâche d'héberger ces dieux nouveaux venus. De là, aussi, la tolérance vis-à-vis des diverses divinités exotiques amenées par des immigrants ou honorées peut-être pour des raisons sociales, parce qu'elles ne sont pas des dieux du patriciat. Le temple de Cérès (de 499 avant J.-C.) est un lieu de ralliement populaire, et les progrès du culte de Cérès sont parallèles à ceux de la plèbe.
Pour en savoir plus, voir l'article mythologie grecque.
Au moment d’entrer en guerre contre Carthage, en 264 av. J.-C., Rome a atteint un point d’équilibre incontestable dans tous les domaines : son autorité est acquise sur toute l’Italie péninsulaire, ses institutions fonctionnent bien, ses valeurs sont respectées, et ses antagonismes sociaux ont été momentanément surmontés. Ses interventions de plus en plus lointaines dans le bassin méditerranéen vont révéler le caractère précaire de cette harmonie momentanée et déboucher sur la crise de la République.


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MOÏSE

 

Moïse
en hébreu Moshé

Cet article fait partie du dossier consacré au judaïsme.

(xiiie s. avant J.-C.), personnage biblique, prophète, libérateur, législateur et chef du peuple hébreu.
Dans la tradition biblique, Moïse est considéré comme un prophète inégalé, favorisé par des révélations directes. Il est l'intermédiaire reconnu entre Dieu et le peuple élu. Il est l'intercesseur qui souffre pour ses protégés. Mais le trait dominant de ce personnage biblique demeure son action législative : on parle de la « loi de Moïse » ou de la « loi mosaïque ».
Les sources scripturaires

Seule la Bible fait état de l'existence de Moïse et relate les divers épisodes de sa vie : le récit biblique demeure la source unique de tous les textes ultérieurs qui s'y réfèrent. Ceux-ci, recueillant les traditions écrites et orales, font apparaître les multiples aspects du personnage ainsi que du rôle, variable selon les interprétations, qui lui est attribué. Il apparaît au long des cinq premiers livres de la Bible hébraïque – la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome – englobés sous le titre général de Pentateuque par les chrétiens. Selon la tradition juive, cette première partie aurait été inspirée à Moïse par Dieu lui-même, voire écrite sous sa dictée. Moïse est également l'objet d'allusions dans Josué, les Juges, Samuel, les Rois et les Chroniques. Les Prophètes le citent rarement (Malachie, III, 22 ; Michée, VI, 4 ; Osée, XII, 14). Les Psaumes indiquent son rôle dans l'« histoire » d'Israël.
Les tenants de la critique biblique ont appliqué aux récits sur Moïse les procédés de leur théorie « documentaire » ; celle-ci n'enlève rien à l'historicité de cette grande figure, à laquelle il se serait ajouté, selon eux, des traits plus ou moins légendaires ; c'est ainsi, soutiennent-ils, que la législation qu'on lui attribue lui serait postérieure de plusieurs siècles.
Le récit biblique

Les Hébreux au pays de Pharaon

À l'époque de la naissance de Moïse, les douze tribus hébraïques, issues des douze fils de Jacob, sont installées en Égypte ; les descendants d'Abraham ont en effet fui le pays de Canaan, terre promise par Dieu à la postérité du patriarche. Après l'extinction de la génération de Joseph (fils de Jacob), qui entre-temps s'était multipliée et avait prospéré dans le pays d'accueil, « un autre roi se leva sur le pays qui ne connaissait pas Joseph » (Exode I, 8). Le nouveau souverain ne se sent plus lié par les mêmes engagements que son prédécesseur à la lignée de Jacob (Genèse XVII, 5-6). Voyant en elle une menace potentielle, il considère d'un mauvais œil la prospérité et la puissance du peuple des enfants d'Israël, et commence à « l'accabler de labeurs » (Exode I, 9-11). Mais, bientôt insatisfait des effets d'une telle politique, il ordonne l'extermination de tous les nouveau-nés mâles.
Moïse tiré des eaux

C'est dans ce contexte de persécutions contre son peuple que Moïse, issu d'une famille de la tribu de Lévi, vient au monde. Les exégètes s'accordent à situer l'événement vers le xiiie s. avant J.-C. Le texte biblique est assez succinct quant aux premières années de la vie de Moïse, puisqu'il ne lui consacre que dix versets, dont le mystère a nourri les interprétations les plus diverses de la part des commentateurs. Ces versets rapportent comment sa mère, Yokebed (épouse du lévite Amram et déjà mère d'Aaron et de Myriam), ne pouvant cacher le nouveau-né au-delà de trois mois, le dépose, couché dans une corbeille enduite de poix, sur les rives du fleuve, sous la surveillance de sa sœur aînée Myriam. La fille du pharaon, venue se baigner, découvre alors l'enfant ; l'ayant adopté, elle le rend, contre salaire, aux soins nourriciers de sa véritable mère. Ayant grandi, l'enfant retourne chez sa mère adoptive, qui le nomme Moïse « parce que, dit-elle, je l'ai tiré des eaux » (Exode II, 1-10), mais ce nom d'origine égyptienne signifie « fils de ».
Les versets suivants rapportent comment, adulte, Moïse lie son sort à celui des Hébreux. En effet, après avoir été élevé à la cour du pharaon, c'est-à-dire loin des siens, Moïse se rend parmi ses frères et découvre leurs souffrances. En prenant fait et cause pour eux, il rompt avec son enfance et sa jeunesse. Dans un geste qui révèle à la fois l'élan de sa révolte et son exigence de justice, il frappe à mort un Égyptien, pour l'avoir vu porter la main sur un Hébreu (Exode II, 11-12).
La révélation divine

Contraint de fuir, Moïse se réfugie dans le désert des Madianites, où il sauve les filles de Jethro (appelé parfois Reuel [Raguel] ou Hobab), menacées par des bergers. En signe de gratitude, le prêtre Jethro l'invite à séjourner chez lui et lui donne l'une de ses filles pour épouse.
Au cours de ce séjour, Dieu apparaît pour la première fois aux yeux de Moïse : il se manifeste sous la forme d'un Buisson ardent (flambant sans se consumer) et lui révèle son nom, Yahvé ; il lui confie la mission de délivrer son peuple et de le guider vers Canaan, le « pays ruisselant de lait et de miel » (Exode III). Moïse rentre donc en Égypte.
Commence alors pour Moïse, secondé par son frère Aaron, une longue et pénible confrontation avec Pharaon (Exode V à XII), qui refuse obstinément de rendre leur liberté aux Hébreux. Dieu ayant infligé les « dix plaies » aux Égyptiens, Pharaon est contraint de céder. Dieu annonce à Moïse : « Je parcourrai le pays d'Égypte cette même nuit ; je frapperai tout premier-né dans le pays d'Égypte […]. » En même temps, il ordonne aux Hébreux d'égorger un agneau par foyer, de le consommer en toute hâte et de badigeonner de son sang les poteaux et les linteaux de leur maison : « […] et le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous habitez : et je verrai le sang et je passerai par-dessus vous, et il n'y aura pas sur vous de destruction lorsque je sévirai sur le pays d'Égypte » (Exode XII, 12-13). Pour sa part, le fils de Pharaon n'échappe pas à la sanction divine, et cette nuit, funeste pour l'Égypte, marque pour les Hébreux le début de leur délivrance. Aujourd'hui encore, l'épisode est commémoré chaque année par les juifs à l'occasion de la Pâque (qui signifie en hébreu « passer par-dessus »), pendant laquelle il est de tradition de lire et de commenter la Aggada (ensemble des textes du Talmud se rapportant entre autres à la sortie d'Égypte).
L’Exode vers la Terre promise

Dans la nuit du 15 Nisan selon la Tradition juive, les Hébreux entament enfin leur longue pérégrination, précédés par une colonne de feu qui leur indique la direction du pays de Canaan. Leur exode est ponctué de phénomènes à caractère plus ou moins surnaturel, tel le passage de la mer Rouge (Exode XIV), qui s'ouvre devant le peuple de Moïse pour se refermer sur ses poursuivants égyptiens, ou l'apparition de la manne (Exode XVI), une nourriture miraculeuse dispensée par Dieu en plein désert.

Mais l'événement crucial du livre de l'Exode est la révélation divine au mont Sinaï : Dieu, ayant choisi Moïse pour faire connaître son message, lui donne le Décalogue (les « Dix Commandements » gravés sur les Tables), noyau de la Torah. Loi morale, politique et rituelle, la Torah scelle le pacte conclu entre Dieu et son peuple, conduit par Moïse : le respect des préceptes qu'elle contient est la condition de l'accès des Hébreux à la Terre promise, limitée par la « mer des Joncs » (la mer Rouge), la « mer des Philistins » (la mer Méditerranée), le « désert » (la Syrie) et le « fleuve » (l’Euphrate).
Toutefois les Hébreux, impatients et indociles, en viennent à mettre en doute la crédibilité des paroles de Moïse et des promesses du Dieu invisible (Nombres XIII) ; ils pressent Aaron de leur confectionner une idole qu’ils adorent sous la forme d’un veau d'or (Exode XXXII) et contestent l'autorité de Moïse lors de la révolte de Korah (Nombres XVI). Tout cela leur vaut la colère de Dieu, qui les condamne à errer dans le désert pendant quarante années, avant de pouvoir entrer dans le pays de Canaan, soit le temps nécessaire au remplacement d'une génération d'esclaves par une génération d'hommes libres, instruits dans la Loi et prêts à assumer l'Alliance conclue sur le mont Sinaï.
Comme les Hébreux de sa génération, à l'exception de Caleb et de Josué, Moïse ne foulera pas le sol de la Terre promise. Sur ordre de Dieu, il confie le soin d'achever la tâche entreprise au fils de Nun, Josué. La conquête de Canaan s'effectue donc sous le commandement de ce dernier, qui aura notamment à lutter contre les Philistins. De son côté, Moïse a tout juste le temps de jeter un regard sur la Terre promise, du haut du mont Nébo, où il s'éteint à l'âge de cent vingt ans. Le Pentateuque se clôt sur cette phrase : « Il ne s'est plus levé sur Israël de prophète tel que Moïse, que le Seigneur a connu face à face » (Deutéronome XXXIV).
Les multiples figures du prophète Moïse

Introduction

Les spécialistes d'histoire ancienne conviennent que la Bible ne constitue pas une source documentaire suffisante, capable de garantir à elle seule l'authenticité historique des personnes, des lieux ou des événements qu'elle mentionne. Néanmoins, les découvertes archéologiques et les travaux en histoire comparée ont permis de vérifier et de confirmer certains des faits qu'elle rapporte. Le récit de l'Exode n'en continue pas moins de susciter les controverses les plus âpres. Et c'est encore plus vrai de la personne de Moïse.
C'est ainsi que certaines thèses, fondées sur des sources anciennes, soutiennent l'origine égyptienne de Moïse – thèse défendue par Freud. Issu d'une famille princière, il aurait été élevé à la cour du pharaon et sensibilisé par des prêtres égyptiens aux idées monothéistes, devenant l'instigateur et le chef d'une révolte à caractère politique et religieux. D'autres recherches historiques retiennent l'hypothèse selon laquelle le récit biblique prendrait place dans le contexte de la grande réforme religieuse monothéiste dont le pharaon Akhenaton aurait été l'artisan. Selon d'autres sources, gnostiques et fort anciennes, Moïse appartiendrait à une lignée de détenteurs de secrets, à l'origine de traditions mystiques et ésotériques, comme celles dues aux kabbalistes, qui attribuent au texte de la Loi révélée une signification infinie car renouvelée par chaque génération. Chacune de ces interprétations fournit un éclairage différent sur le personnage et son enseignement, accentuant sa complexité.
L’élu de Dieu

La Bible est avare de détails sur la personnalité de Moïse. Néanmoins, à travers les faits rapportés par le seul texte biblique, le lecteur peut reconnaître en lui un homme doté d'une grande autorité, à la fois profondément bon et épris de justice, courageux, mais également doué d'une grande humilité et dénué de toute ambition personnelle. C'est l'ensemble de ces vertus qui le prédispose au rôle de messager de Dieu auprès des hommes. Si Moïse occupe une place à part dans la Bible, c'est parce que deux dimensions généralement dissociées se rencontrent en lui, l'une politique et l'autre religieuse : il est fondateur à la fois d'un peuple et d'une religion.
À ses fonctions de diplomate et de chef politique s'ajoutent celles de législateur, en tant que promulgateur de la Loi, et d'administrateur de la justice (inspiré en cela par les conseils de son beau-père, Jethro). Certains, parmi les exégètes de la Bible, mettront parfois en évidence l'importance de cette fonction politique. Le théologien et philosophe juif Maimonide (xiie s.) voit ainsi dans la Loi révélée, un règlement politique donné par Moïse à sa communauté pour faire cesser les luttes d'intérêt internes, ennoblir les mœurs, inspirer des idées vraies ; en somme, organiser le peuple hébreu conformément aux commandements divins. En ce sens, le Décalogue n'est pas un simple énoncé de prescriptions religieuses, il est également constitution d'une communauté et code éthique.
En ce qui concerne ses attributions religieuses, Moïse déploie son activité dans plusieurs domaines : sacerdotal, pédagogique et spirituel. Il institue le calendrier liturgique et les modalités du culte, dont il instruit le peuple ; suivant à la lettre les instructions de Dieu, il fait dresser le tabernacle, sanctuaire itinérant qui abritera l'Arche d'alliance et les objets sacrés jusqu'à la construction du Temple, à Jérusalem. À deux reprises, il exerce lui-même la fonction sacerdotale, et c'est encore lui qui consacre le grand-prêtre (Aaron, puis Éléazar), de même qu'il désigne et définit les fonctions des lévites, les serviteurs du culte, tous membres de sa tribu.
Pourtant Moïse est avant tout prophète : médiateur de Dieu, élu pour ses hautes qualités éthiques et spirituelles, il fait connaître Sa Loi au peuple et au pharaon, qu'il contraint à plier devant la volonté divine. Il est cependant supérieur aux autres prophètes : Dieu ne lui apparaît pas en rêve ou en vision, mais bien « face à face ».
La postérité de Moïse

L'ensemble constitutif de la communauté politico-religieuse d'Israël, de son identité, de sa cohésion et de son unité trouve son origine et sa confirmation dans la vie et dans l'action de ce prophète et bras de Dieu. De nombreux théologiens de la religion juive, ceux de la Terre promise comme plus tard ceux de la Diaspora, s'accordent pour voir dans les institutions religieuses et politiques dont il est l'initiateur la cause de la spécificité du peuple juif, élu pour conduire l'humanité à l'accomplissement des commandements divins. Ce sentiment intime est le ciment qui unit entre eux les membres de la communauté. Aujourd'hui encore, l'État d'Israël manifeste avec constance sa fidélité à la mission dont Moïse fut investi le premier, et à un degré plus élevé que ses successeurs.
Étant donné l'importance de son rôle, on est fondé à se demander pourquoi Moïse n'a pas été l'objet d'une vénération particulière, voire d'une tentative de divinisation. Les rabbins, conscients de ce risque, ont tout fait pour éviter aux fidèles la tentation de le transformer en surhomme doté de pouvoirs surnaturels. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles le texte définitif de la Bible revient à diverses reprises sur ses faiblesses et ses erreurs, et souligne explicitement l'ignorance où l'on est du lieu de sa sépulture, pour prévenir toute idolâtrie. Sur ce point, le judaïsme diverge du christianisme et de l'islam, centrés respectivement sur les figures de Jésus et de Mahomet. Il n'en demeure pas moins vrai que Moïse est révéré par la tradition juive en tant que maître, placé au-dessus de tous les autres et veillant sur la destinée du peuple.
Le personnage mosaïque dans la culture occidentale

L'importance des œuvres littéraires et artistiques traitant du personnage de Moïse ou d'un épisode de sa vie, telle qu'elle est rapportée par la Bible, témoigne de l'intérêt porté tout au long des siècles à cette figure centrale de l'Ancien Testament, riche de significations. Parmi les principaux thèmes représentés figurent les plaies d'Égypte, l'Exode et la Révélation.
Son évocation est fréquente dans l'art médiéval chrétien. Divers épisodes de la vie de Moïse illustrent mosaïques et manuscrits anciens. Jusqu'à la Renaissance, peintres et sculpteurs le représentent la tête surmontée de cornes, en raison d'une traduction latine erronée (la Vulgate) de la Bible (Exode XXXI, 35), confondant les mots « rayon » et « corne ». Les artistes de la Renaissance italienne ont repris les mêmes thèmes pour les fresques du Campo Santo de Pise (Gozzoli) ou celles de la chapelle Sixtine (Signorelli, Botticelli), sans oublier la célèbre statue de Michel-Ange qui orne le tombeau du pape Jules II.
Le thème de Moïse sauvé des eaux a inspiré de nombreux peintres, parmi lesquels le Tintoret, Véronèse, Claude Lorrain et Nicolas Poussin. Par la suite, et jusqu'au xxe siècle, Moïse reste une source d'inspiration pour des artistes tels que Rubens, Holbein, Rembrandt, Blake, Turner, Doré, Chagall.
Dans le domaine de la littérature, Vigny (Poèmes antiques et modernes), Chateaubriand (Moïse, tragédie en vers), Hugo (la Légende des siècles), ou Heine (les Confessions), parmi d'autres, ont évoqué le personnage. La musique a aussi fourni sa contribution : de Monteverdi, Vivaldi et Händel à Schönberg (Moïse et Aaron), en passant par Rossini (Moïse en Égypte) et Saint-Saëns (Moïse sauvé des eaux, livret de Victor Hugo). Encore aujourd'hui, le thème de Moïse reste populaire, ce dont témoignent des negro spirituals tels que Let My People Go, ou, dans un autre ordre d'idées, la place qu'il occupe dans certains mouvements politico-religieux qui mettent au centre de leur lecture de la Bible des passages de l'Exode (théologie de la libération en Amérique latine).

 

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