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LOUP

 


loup

1. La vie du loup
1.1. Les loups chassent le nez au vent

1.2. Un couple dominant fait régner l'harmonie
Un seul couple se reproduit
1.3. Les loups hurlent en meute
Importance des rituels
1.4. Des louveteaux turbulents élevés par le groupe
Soins communautaires pour les louveteaux
Des louveteaux joueurs
1.5. Milieu naturel et écologie
Un superprédateur et un régulateur écologique
2. Une seule espèce, plusieurs sous-espèces
2.1. Loup gris (Canis lupus)
2.2. Les sous-espèces
2.3. Signes particuliers
Cris et hurlements
Regard ensorcelant
Pattes solides
Dents robustes
3. Origine et évolution du loup
4. Le loup et l'homme
4.1. Les enfants-loups depuis la fondation de rome
4.2. De haine et de frayeurs
4.3. Les efforts de quelques hommes pour sauver les loups
4.4. Le loup rouge, histoire d'une disparition
4.5. Amarok, l'esprit du loup
4.6. Quand on parle du loup...
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loup





Autrefois, pour connaître le nombre des caribous et savoir si la chasse serait bonne, les Inuit d'Amérique écoutaient hurler les loups. En Europe alors, ces mêmes hurlements étaient synonymes de danger et inspiraient la peur. Le loup a aujourd'hui pratiquement disparu d'Europe occidentale.
1. La vie du loup

1.1. Les loups chassent le nez au vent

Un loup chasse quand il a faim, seul ou en meute, selon la saison et la taille de sa proie.
Durant l'hiver, les loups se nourrissent d'ongulés souvent plus grands qu'eux : orignal (élan), renne (caribou), chevreuil, etc., qu'ils attaquent en meute. Ils ne chassent pas comme les chiens la truffe collée au sol, mais les oreilles dressées et le nez au vent, attentifs aux effluves et aux bruits qu'une brise peut leur apporter. On sait qu'un loup perçoit l'odeur d'un orignal (élan) à 300 m environ. Il s'immobilise alors, la truffe pointée dans la direction de la proie. À ce signe, tous les autres lèvent la tête pour analyser l'odeur. Chacun, alors, remue la queue et fait des bonds. Puis, gardant le silence malgré leur excitation, ils s'approchent le plus possible, contre le vent.
Chasse en meute
Selon l'adversaire et l'endroit où ils donnent l'assaut, les loups attaquent différemment. Ils ne gaspillent jamais leur énergie à poursuivre longtemps une proie qui s'enfuit. Ils repèrent vite les animaux jeunes, âgés, blessés ou malades, les encerclent et les attaquent. Selon la proie, les loups ont recours à l'embuscade, à la poursuite ou à un mélange des deux. L'un des loups de la meute se montre pour opérer une diversion. Pendant ce temps, les autres encerclent le troupeau, puis se précipitent.
Orignal ou cerf acculés sont capables de fracasser le crâne de leurs assaillants, un bison d'en encorner plusieurs, mais une seconde d'hésitation est fatale à un animal trop jeune, inexpérimenté ou malade. Les bœufs musqués se défendent collectivement, en formant un cercle, épaule contre épaule et cornes basses. Devant une résistance opiniâtre, la meute préfère rompre l'engagement et partir en quête d'un adversaire moins coriace – ce qui est très fréquent.
La proie est rarement mise à mort du premier coup. Les loups cherchent à mordre les pattes, l'épaule, les flancs ou la croupe. Il faut parfois plusieurs assauts et de nombreuses poursuites pour faire tomber la proie. Un loup se pend à son mufle pour la paralyser pendant que d'autres s'accrochent à sa croupe. Étourdie par ses assaillants, attaquée de toutes parts, elle finit par succomber.
La majeure partie de l'animal tué est dévorée sur place – un loup mange de 9 à 10 kg de chair par repas. Lors de la curée, le mâle dominant écarte ses subalternes avec autorité. Il tolère que sa compagne le rejoigne, puis, repu, il laisse les restes aux autres loups. Dans la mêlée, chacun s'efforce de prélever sa part.
Il arrive que les loups soient rassasiés avant d'avoir tout dévoré. Ils enterrent alors les restes à l'abri des mouches, des corbeaux et des pies. Ces réserves de viande font la joie des renards et autres petits carnivores.
Chasses en solitaire
Durant l'été, les loups se nourrissent pour moitié d'ongulés (daim ou chevreuil) et pour moitié de divers petits animaux – rongeurs, marmottes, castors, lapins. Un individu seul peut tuer une proie isolée. Quand il l'a repérée, il se met à l'affût et s'élance pour la saisir à la gorge et n'en faire qu'une bouchée.
Le loup n'hésite pas non plus à pêcher dans les eaux peu profondes : il patauge le plus bruyamment possible en remontant le courant ; ou bien, allongé sur la rive, il fait sauter les poissons hors de l'eau, d'un coup de patte habile.
1.2. Un couple dominant fait régner l'harmonie

La vie de la harde repose toujours sur la personnalité du couple leader. Celui-ci est, en général, âgé de 4 ou 5 ans. La disparition de la femelle ne provoque pas de sérieuses perturbations. À la mort du mâle, au contraire, le groupe perd sa cohésion et souvent se disloque. Plus le dominant est un « bon » dominant, plus les relations au sein d'une même harde sont amicales et sans agressivité. Chaque loup a une forte personnalité et les qualités de chacun sont utilisées. Ce n'est pas, seulement, semble-t-il, son âge, sa force et son agressivité qui permettent à un individu de s'imposer aux autres. Son pouvoir repose beaucoup plus sur une conduite si déterminée qu'elle emporte l'adhésion de ses compagnons. Lorsqu'une décision du dominant est unanimement désapprouvée, l'avis général l'emporte et le leader s'y soumet.
Certains loups ont du mal à accepter la discipline qui leur est imposée. Ils quittent alors la meute, essaient de s'intégrer dans un autre groupe ou vivent seuls. Les loups solitaires sont, d'ordinaire, des individus jeunes, à la recherche d'un territoire ou d'une femelle. Ils longent le territoire des autres en restant discrets : ils s'abstiennent de hurler ou de déposer des marques odoriférantes, sans doute pour éviter les combats.
Bien qu'il décide des directions, des déplacements, le dominant mâle ne conduit pas toujours la meute. C'est alors la femelle dominante ou un dominé de haut rang qui le remplace. La hiérarchie est au contraire strictement respectée lors de la curée. Tandis que le mâle dominant se rassasie, des batailles éclatent alentour : la meute règle ses vieilles querelles. La raison du plus fort l'emporte.
Un seul couple se reproduit
Pendant 3 semaines, à la fin de l'hiver, la femelle entre en chaleur. La hiérarchie est alors renforcée, et plus dure à supporter pour les mâles dominés. Une seule femelle s'accouple d'ordinaire et les autres peuvent se battre pour ce droit. La compétition entre mâles est parfois très âpre : un individu immédiatement inférieur au dominant peut se montrer si gênant que l'accouplement est différé. Ou encore ce trouble-fête en profite pour s'accoupler avec la femelle dominante. De même, une femelle d'un rang moindre peut bénéficier des faveurs du mâle dominant. Mais, en général, le couple dominant reste fidèle.
Les loups se courtisent avec une étonnante tendresse. Ils se servent d'un rituel amoureux très expressif : baisers dans le cou, mordillement des lèvres, petits coups de langue rapides sur les joues, les oreilles ou le cou. La louve se frotte contre le mâle, elle pose ses pattes sur le dos du loup ou sa tête sur ses épaules.
Lors de l'accouplement, les loups restent, comme les chiens, prisonniers l'un de l'autre pendant 15 à 30 minutes. Ce phénomène est dû à une morphologie particulière des organes génitaux du mâle et de la femelle, et compense une certaine lenteur des processus physiologiques. Elle évite que des unions trop brèves soient stériles. Le loup et la louve s'accouplent deux ou trois fois par jour, durant toute la saison des amours. C'est à cette période précisément que s'établit, pour plusieurs mois, la hiérarchie de la meute.
1.3. Les loups hurlent en meute

Adolph Murie est le premier, en 1939-41, à observer des hardes de loups sauvages dans le parc national du mont McKinley, en Alaska. Il constate notamment qu'on trouve toujours un mâle et une femelle à la tête de la meute. L'effectif de la harde va de ce couple de base jusqu'à une dizaine de loups, sans compter les petits ; il varie selon la saison, la population de loups dans la région, la taille et la densité des proies. Dans les îles arctiques du nord du Canada, on compte 9 loups pour 1 000 caribous sur 10 000 km2, et 100 cerfs pour un seul loup dans le parc Algonquin (25 km2). En Espagne, ou en Italie (parc des Abruzzes), les hardes étaient autrefois constituées de 12 à 15 individus. Aujourd'hui, elles sont souvent réduites à de petites cellules familiales, faites d'un couple et de ses louveteaux.
Les études de L. David Mech dans l'Isle Royale, au Canada, ont mis en lumière les comportements de territorialité des loups. Chaque harde délimite une zone dont sont exclus les loups « étrangers ». Ce territoire s'étend de 100 à plus de 1 000 km2, selon la densité des proies. Jusqu'à 150 km de pistes balisées sillonnent le territoire.
C'est le mâle dominant qui, dans la majorité des cas, commande la harde. Il choisit le territoire, prend l'initiative des chasses et des déplacements du groupe. Il veille à la sécurité de ses subordonnés et au maintien de l'ordre dans la meute. Le travail est réparti selon les aptitudes de chacun à trouver les proies, à les poursuivre ou à les tuer.
Tous marquent les limites du territoire et les itinéraires avec urine ou excréments. Là encore, l'initiative et le choix de l'endroit reviennent au dominant.
Importance des rituels
La harde obéit à une hiérarchie stricte et durable : la position de chacun ne peut être remise en cause qu'à travers des événements tels qu'un décès ou la formation d'une nouvelle meute. Le respect de cette hiérarchie et, donc, la cohésion du groupe reposent sur des modes de communication olfactifs, sonores et visuels. Ainsi, les loups ont tout un code d'attitudes, de postures et de mimiques. Quand deux loups d'une même harde se croisent, celui qui domine marque son rang. Pour se reconnaître, les loups se reniflent la tête et l'arrière-train, mais soutenir le regard est un signe de provocation.
   Lorsque deux loups se rencontrent, le dominant adopte une attitude agressive ; il reste immobile, oreilles dressées, crinière hérissée, queue levée, pattes droites. L'animal de rang inférieur avance, oreilles baissées et queue entre les pattes. Puis il s'accroupit et lèche le museau de son congénère en signe de soumission. Si l'autre animal reste en posture de domination, queue et oreilles dressées, corps raide, le loup dominé se couche sur le dos, urine et présente ses organes génitaux.
Les premières études de John B. Théberge et J. Bruce Falls (1967) ont révélé que le loup a cinq façons de donner de la voix. La plus caractéristique, le hurlement, s'entend à plus de 8 kilomètres. Les loups ne hurlent que sporadiquement (toutes les dix heures, d'après le zoologue américain Fred Harrington), en général avant ou après la chasse. La meute signale ainsi sa présence aux hardes voisines. Mais elle peut aussi hurler sans raison apparente, pour le plaisir. Le loup aboie (alerte), jappe (amitié), gronde (désaccord et mise en garde), gémit (soumission ou amitié). Chaque individu a son timbre de voix, qui est toujours parfaitement reconnaissable.
1.4. Des louveteaux turbulents élevés par le groupe

La gestation dure environ deux mois. Quelques semaines avant la naissance, la louve prépare une ou plusieurs tanières à des emplacements différents. Ainsi peut-elle déménager si elle ne sent plus ses petits en sécurité. Selon ce qui est à sa disposition, elle choisit une grotte, une souche creuse, un trou entre deux racines, un arbre renversé, le terrier d'un autre animal.
Alexander W. F. Banfield, naturaliste canadien, a même découvert un jour une tanière sous des arbres renversés, avec une peau de wapiti en guise de toit ! Dans les régions chaudes et sèches ou dans la toundra, la louve est souvent obligée de creuser une simple cuvette sous les buissons ou une galerie dans le sable. Les tanières se trouvent presque toujours à proximité d'un point d'eau : durant l'allaitement, la louve a besoin de boire davantage. Prévoyante, elle enterre à proximité des provisions de viande. Aucun loup n'a le droit de venir la déranger. Postés aux alentours, son compagnon et le reste de la harde assurent sa sécurité.
La portée compte en général cinq louveteaux de 300 à 500 g, aveugles et sourds, au pelage sombre et ras. Durant dix jours, ils mènent une vie végétative, dormant et se gorgeant de lait aux huit mamelles de leur mère. Celle-ci les nettoie en les léchant, car ils ne savent pas uriner ni déféquer seuls sans se salir. On pense qu'ils apprennent ainsi le rapport entre la position couchée sur le dos et la soumission passive qu'ils conservent dans leur comportement d'adulte.
Au bout de trois semaines, ils ont les yeux ouverts et commencent à marcher. Puis, couverts d'un épais duvet, ils sortent de la tanière. Vers six semaines, débute le sevrage. Les louveteaux deviennent rapidement trop gros pour s'entasser dans la tanière et peuvent désormais se passer de sa protection. À la fin du deuxième mois, la louve les emmène dans un endroit plus, proche des troupeaux. La meute abandonne parfois les jeunes loups une journée pour aller chasser. À 3 mois, leur duvet fait place à la livrée des adultes. À 7 mois, ils suivent la harde dans ses déplacements. Les mâles sont matures à 3 ans, les femelles à 2 ans.
Dès la naissance, les louveteaux luttent pour survivre. L'accès aux tétines est difficile ; ils craignent le froid et l'humidité ; ils sont recherchés par l'aigle et le grand duc. Jusqu'à dix mois, de 50 à 80 % d'entre eux peuvent trouver la mort.
Soins communautaires pour les louveteaux
Les petits sont pris en charge par les parents et la meute entière. Mais, durant les premières semaines, seule la mère s'en occupe. Son mâle et le reste de la meute l'approvisionnent devant la tanière. Elle reçoit sa part de la chasse sous forme de morceaux entiers ou régurgités. Les louveteaux et le groupe font alors peu à peu connaissance. Très vite, les petits hurlent et grognent pour réclamer leur nourriture. Désormais, la louve s'absente afin de chasser ou se reposer : les louveteaux sont alors placés sous la surveillance d'un « protecteur », mâle ou femelle, qui les défend et joue avec eux.
Des louveteaux joueurs
Quand les louveteaux ne sont pas occupés à manger ou à dormir, ils jouent entre eux avec des cailloux, des feuilles. Ils se révèlent très chahuteurs avec les adultes. Ceux-ci sont très patients lorsque la jeune classe leur mord les babines ou monte sur leur dos. À l'âge de 2 mois, les jeux sont plus brutaux et les adultes moins patients. Ils leur enseignent l'art de la chasse, l'embuscade, l'affût, l'attaque, l'esquive. Presque adultes, ils jouent encore beaucoup. Les jeux avec les adultes sont une occasion d'apprendre à respecter la hiérarchie, mais aussi d'échanger beaucoup de tendresse.
1.5. Milieu naturel et écologie

Apparu il y a environ 2 millions d'années, d'abord sur le continent américain puis en Eurasie, le loup s'est répandu dans tout l'hémisphère Nord. Seuls les déserts et la forêt tropicale ont arrêté son expansion vers le sud. Peu de régions sont restées hors de sa portée exceptés les sommets les plus hauts où le climat est trop ingrat. Cette prodigieuse capacité d'adaptation en a fait l'unique être vivant directement concurrent de l'homme, le berger comme le cultivateur.
Il y a encore deux cents ans, le loup est un mammifère extrêmement répandu. Mais, victime des persécutions qui lui sont infligées par l'homme depuis des siècles, repoussé par l'extension des pâturages et des villes, cet animal prudent et timide s'est replié vers des régions plus hostiles, vides d'hommes.
Il est pratiquement impossible d'estimer avec précision les effectifs actuels des loups, car ils sont très fluctuants. On peut tout au plus donner des approximations. Dans le monde, à la fin des années 2000, on estime que le nombre de loups est compris entre 190 000 et 217 000.
Trois pays principalement sont riches en loup :
– la Russie : 25 000 à 30 000 loups au début des années 2000 ;
– le Kazakhstan : environ 30 000 ;
– le Canada : de 52 000 à 60 000.
En Asie, le loup est encore présent en Mongolie (entre 10 000 et 20 000 loups) et en Chine (environ 12 000 animaux) ; ailleurs sur le continent, il survit sous la forme de petites populations isolées. En Amérique du Nord, il existe aux États-Unis (15 000 à 16 000 individus en incluant l'Alaska, où il est encore assez fréquent — ailleurs dans le pays, il est devenu très rare), et au Mexique où, au bord de l'extinction (quelques individus seulement), il est protégé. En Europe, la situation est très variable selon les pays. C'est surtout en Europe orientale et centrale que les loups se maintiennent le mieux (outre la Russie, notamment en Biélorussie, avec 2 000 à 2 500 loups, en Ukraine, avec environ 2 000 individus, en Roumanie, avec 2 500 bêtes).
Dans les pays d'Europe occidentale (à l'exception de l'Espagne, où l'on estime le nombre d'individus à environ 2 000), la situation est plus critique. Cependant, des mesures de protection et l'application de permis de chasse soumis à des conditions très strictes assurent un peu partout la remontée des effectifs, voire sa réapparition dans des pays desquels il avait totalement disparu.
La France devait compter 5 000 loups au début du xixe siècle. Elle n'en avait plus que 500 en 1900 et qu'une dizaine en 1930. L'espèce a ensuite rapidement totalement disparu du territoire (bien auparavant, en Europe de l'Ouest, le loup avait disparu d'abord en Angleterre [1486], puis en Écosse [1770]). Le loup est réapparu en France dans les Alpes (Mercantour) en 1992, sous la forme de quelques individus isolés venus d'Italie, où le loup reprenait pied. Aujourd'hui, on estime que sa population totale sur le territoire français est comprise entre 80 et 100 animaux.
En Italie, le Progetto Lupo (« Projet Loup ») initié par le WWF (Fonds mondial pour la nature) a de fait porté ses fruits. D'une centaine de loups au milieu des années 1970, la population lupine de la péninsule est estimée entre 500 et 700 individus au milieu des années 2000. Depuis l'Italie, le loup est d'abord réapparu en France puis, à partir de l'Italie et de la France, en Suisse au début des années 2000 (quelques individus seulement).
Un superprédateur et un régulateur écologique
Dans les régions où pullulent les grands cervidés (Canada, Asie du Nord), le couvert forestier subit une dégradation constante au fur et à mesuré que ces herbivores s'alimentent. Or, même après la création du parc national de l'Isle Royale, en 1940, la population d'élans variait énormément (de 1 000 à 3 000) selon les périodes d'abondance ou de famine. Les études de D. Mech et de son équipe ont montré qu'après l'arrivée des loups, en 1949, cet effectif s'est stabilisé (entre 600 et 800 bêtes) en quelques années. Alors que 225 jeunes naissent tous les ans, les 25 loups du parc tuent pendant ce temps 140 jeunes et 85 adultes, soit 225 bêtes. Depuis ce temps-là, la forêt ne présente plus d'indice de surpâturage.
Par ailleurs, dans les régions où les loups ont été systématiquement abattus (comme en Pologne durant la Seconde Guerre mondiale), on a constaté que les rennes étaient victimes de maladies épidémiques d'une ampleur nouvelle. Auparavant en effet, les loups, en éliminant les bêtes faibles, vieilles ou malades des troupeaux, contribuaient largement à ce que ceux-ci restent sains et résistants.
À la suite de plusieurs saisons de reproduction réussies au sein d'une meute, une majorité de petits étant parvenue à l'âge adulte, le nombre de loups augmente. C'est un symptôme de bonne santé des populations. Une telle augmentation d'une population lupine déclenche des réactions en chaîne. D'une part, les rivalités et la contestation s'accroissent au sein de la meute, qui procède alors à des exclusions. La rupture de l'harmonie sociale empêche la plupart des accouplements et les soins aux petits. D'autre part, plus les loups sont nombreux, plus le nombre de proies par individu diminue et la famine les menace. Lorsque le jeûne se prolonge, les loups deviennent moins résistants et vulnérables aux multiples parasites internes ou externes qui les infestent (tiques, poux, puces, gale, etc.). La natalité se met, une fois encore, à baisser, ce qui a pour effet de réguler la population de loups.
Une brusque réduction de la densité des proies, due à des modifications de leur environnement, peut aussi aboutir à une réduction de la natalité des loups. En réalité, le comportement social de Canis lupus s'avère être le plus puissant obstacle à ces proliférations que l'on observe chez les renards ou les chacals, dont l'organisation n'est pas aussi structurée.
2. Une seule espèce, plusieurs sous-espèces

2.1. Loup gris (Canis lupus)

Le loup gris (ou, plus simplement, loup) est d'un naturel timide et prudent, en particulier vis-à-vis de l'homme, qui depuis longtemps tente de l'exterminer. Il vit au sein d'un groupe social très hiérarchisé, allant de la cellule de base d'un couple à une harde d'une vingtaine d'individus quand les proies sont nombreuses et de grande taille.
Son allure générale est celle d'un chien de traîneau (husky), mais on le compare plus fréquemment au berger allemand, même s'il a quelques caractéristiques physiques différentes. Le loup a un museau pointu, des joues musclées, des oreilles écartées et dressées. Les flancs sont creusés ; la queue, courte et épaisse, est portée très bas. Ses longues pattes dont les coudes avant sont tournés vers l'intérieur constituent sa principale caractéristique. Pourvues de griffes non rétractiles, à croissance continue, elles permettent au loup de creuser la terre pour rechercher un petit rongeur, pour ensevelir les restes de nourriture ou pour se fabriquer une tanière.
Sa cage thoracique est étroite, mais une ventilation accélérée facilite le trot. Agile et rapide, le loup, grâce à sa conformation et sa constitution robuste, est davantage capable d'efforts d'endurance que de brèves mais brillantes performances. Coureur infatigable, il peut parcourir 100 km en une nuit, en quête de proies. Cependant, sa vitesse de pointe ne dépasse guère 64 km/h sur quelques centaines de mètres. Encore faut-il que cela en vaille la peine !
L'espèce Canis lupus regroupe une vingtaine de sous-espèces. La plupart des spécialistes sont d'avis que le pelage du loup s'adapte à l'environnement et au climat. La teinte varie en effet du noir au blanc, selon la région. Les loups des contrées très boisées ont une couleur sombre assez uniforme ; ceux des zones septentrionales sont de couleurs diverses, toujours nuancées de poils gris, bruns ou blancs ; ceux des régions arctiques paraissent blancs à distance, mais, de près, ils laissent voir des nuances grises, noires ou rousses. Cette diversité de couleurs permet aux animaux de mieux se confondre avec leur habitat, et de ne pas être vus quand ils chassent. En outre, les loups de l'Arctique ont, au fond de leur pelage, un duvet très dense qui les protège mieux du froid. Les loups des régions tempérées muent à la fin de l'hiver et semblent beaucoup plus minces jusqu'à l'automne.
L'association en meute, quand ils doivent, pour survivre, chasser des proies de grande taille, est un autre exemple de leur adaptation à l'environnement. Excellents nageurs, ils poursuivent leur proie jusque dans l'eau, même glacée.
Le loup possède une ouïe et un odorat très sensibles, qu'il utilise couramment quand il chasse. Sa vision saisit mieux les sujets en mouvement que les formes immobiles ; elle le conduit parfois à prendre l'homme pour une proie, jusqu'au moment, selon le naturaliste A. W. F. Banfield, où l'animal reconnaît l'odeur humaine et s'enfuit, très effrayé.
Quand la nourriture est abondante, le loup mange beaucoup et digère vite. Prudent, il constitue souvent des réserves, qu'il enterre. Il se montre très frugal pendant les périodes de pénurie : il est capable de jeûner une dizaine de jours sans problème.
Gavé de nourriture, le loup s'accorde de petits sommes de cinq à dix minutes qui se répètent plusieurs fois. Entre deux sommes, il se lève, jette un rapide coup d'œil alentour, tourne sur lui-même et se remet en boule.
2.2. Les sous-espèces

Il existerait une vingtaine de sous-espèces ou races géographiques du loup. En voici quelques-unes :
Loup commun :
- Canis lupus lupus. Forêts d'Europe et d'Asie. Taille moyenne, fourrure foncée et courte.
- Canis lupus italicus. Péninsule italienne (installé en France depuis le début des années 1990).
Loup de la toundra d'Eurasie, Canis lupus albus. Grand, pelage long et clair.
Loup du Mexique, Canis lupus baileyi. Mexique et sud des États-Unis (Arizona). Fourrure ocre clair, gris-noir sur le dos. Très menacé ; seulement quelques individus survivant à l'état sauvage.
Loup du Canada et de l'Alaska, Canis lupus occidentalis. Grand, au pelage long et clair.
Loup des bois, ou du Canada, ou loup de l'Est, Canis lupus lycaon. Est du Canada. Le plus répandu en Amérique du Nord autrefois. Petit, généralement gris.
Loup des plaines, Canis lupus nubilus. Amérique du Nord. Blanc à noir, grand.
Le Loup rouge, Canis rufus, est une espèce distincte du loup gris. Sa fourrure de couleur cannelle à fauve, comporte des traces de gris ou de noir. On le rencontre dans les plaines côtières et les forêts du sud-est des États-Unis. Il est très menacé.
LOUP GRIS
Nom
(genre, espèce)
:
Canis lupus
Famille :
Canidés
Ordre :
Carnivores
Classe :
Mammifères
Identification :
Ressemble au berger allemand. Cou épais, face large et concave, museau fin, oreilles pointues, queue ébouriffée. Pelage de couleur variable. Mue au printemps
Taille :
De 100 à 150 cm de long (femelle < mâle). De 60 à 95 cm au garrot. Queue de 30 à 50 cm
Poids :
De 18 à 70 kg
Répartition actuelle :
Nord de l'Amérique du Nord, Asie, Moyen-Orient, quelques populations résiduelles en Europe
Habitat :
Très varié. Paysages ouverts, forêts à dominance d'arbres à feuilles caduques, banquise
Régime alimentaire :
Carnivore. Apports ponctuels de fruits et insectes
Structure sociale :
Groupe social de type « couple monogame durable »
Maturité sexuelle :
Mâle : 3 ans. Femelle : 2 ans
Saison de reproduction :
Début de l'hiver en Amérique du Nord, février-mars en Espagne, mars en Italie, avril dans l'Arctique
Durée de gestation :
De 61 à 63 jours, une fois par an
Nombre de jeunes par portée :
De 3 à 8 (5 en moyenne)
Poids à la naissance :
De 300 à 500 g
Espérance de vie :
De 8 à 16 ans (jusqu'à 20 ans en captivité)
Effectifs, tendances :
Estimations : de 190 000 à 217 000. Disparu d'une grande partie de l'Europe occidentale et des États-Unis, éteint au Mexique.
Statut, protection :
Porte la mention « préoccupation mineure » (2008) sur la liste rouge des espèces menacées d'extinction de l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) ; protégé sur une partie de son aire de répartition
Remarque :
Record de 400 km détenu par un « grand vieux loup » traqué par le Grand Dauphin, de la forêt de Fontainebleau aux portes de Rennes
 
2.3. Signes particuliers

Cris et hurlements
Le hurlement dure de 1/2 à 11 secondes avec une fréquence de 150 à 780 cycles/s. L'analyse graphique de ce cri, le sonogramme, fait apparaître plus de douze harmoniques (tonalités différentes). Le hurlement est le plus fort et le plus caractéristique des cinq émissions sonores du loup (plainte, grondement, aboiement, jappement aigu, hurlement). Il peut être détecté par l'oreille humaine à 8 km de distance, mais on pense que les loups l'entendent de plus loin. Les loups hurlent seuls ou en groupe, assis, couchés ou debout, à tout âge et toute l'année.
Regard ensorcelant
Les loups ont de beaux yeux, implantés à l'oblique. L'iris est ambré ou blanc bleuté. Le pelage est souvent tacheté de blanc, dessous et entre les yeux. Leur vision n'est pas mauvaise, mais ils l'utilisent peu pour chasser.
Pattes solides
Elles sont longues et musclées. Très souvent, des poils plus sombres forment une rayure verticale sur le devant. Les coudes des pattes avant sont tournés vers l'intérieur et les pieds vers l'extérieur. Les pieds ont 5 doigts dont l'un ne repose pas sur le sol. Les ongles, à croissance continue, ne sont pas rétractiles. À petite allure, les loups placent une patte arrière, à quatre doigts, à l'endroit que vient de quitter une patte avant, laissant une seule trace caractéristique en ligne droite. Quand une meute aborde une courbe, les loups s'écartent les uns des autres ; on peut alors évaluer leur nombre. La patte repose sur 5 coussinets : 1 central, plus grand et 4 petits, situés chacun sous un doigt.
Dents robustes
Ses 42 dents sont robustes et pointues (jusqu'à 27 mm). La pression des mâchoires peut être énorme (15 kg/cm2) : un loup est capable de briser le fémur d'un élan adulte avec ses grosses prémolaires carnassières. Au bout de dix ans, ces crocs sont usés ; les loups ont alors du mal à s'alimenter et finissent par mourir de faim.
3. Origine et évolution du loup

Il y a 40 millions d'années, un ancêtre des canidés et des félidés, Miacis, vit en Amérique du Nord. Puis, il y a 30 millions d'années, vient l'Hesperocyon ; on a retrouvé jusqu'en Europe un grand nombre de fossiles de cet ancêtre des canidés qui ressemble un peu à une genette. Tomarctus, remontant à 10 millions d'années, est peut-être le premier des canidés véritables. Il n'en reste que des crânes et des dents, mais les paléontologues pensent que ses pattes sont proches de celles des loups, chiens et renards d'aujourd'hui, à quatre doigts serrés.
Avec Canis donnezani surgissent en Europe occidentale les tout premiers membres du genre Canis, il y a environ 3 à 4 millions d'années. L'Homo habilis est déjà là quand les premiers loups (Canis lupus) apparaissent, il y a 2 millions d'années. Par la suite, des changements de climat considérables provoquent le déplacement des grands herbivores. Les loups se répandent alors en Eurasie, puis en Amérique du Nord, terre de leurs lointains ancêtres, en suivant la piste des troupeaux.
La communauté scientifique s'accorde pour voir dans le loup l'ancêtre le plus crédible du chien domestique. On sait qu'au mésolithique et au néolithique une certaine forme de chien vit auprès des hommes, car, lors de fouilles aux États-Unis et en Europe, on a exhumé des ossements datant de 9 000 à 14 000 ans.
La domestication du chien a entraîné progressivement une modification de ses organes internes et des sens du loup, qui ont perdu de leur finesse. Le cerveau s'est allégé (69 % moins lourd que celui du loup). Le chien n'en est pas moins intelligent, mais il est adapté à la vie domestique ; il présente aussi des comportements juvéniles du loup. S'il « retourne à la nature », il se rapproche du loup. Aujourd'hui, le loup vit surtout en Amérique du Nord et en Asie (Sibérie), ainsi qu'en Europe centrale et orientale ; en revanche, s quelques centaines d'animaux  seulement courent encore dans les forêts d'Europe occidentale.
Systématiquement pourchassé depuis le Moyen Âge, le loup, en tant que prédateur, joue un rôle indispensable dans la nature. Il est donc urgent de renoncer à nos frayeurs ataviques et de vivre en harmonie avec les loups.
4. Le loup et l'homme

Objet de chasses acharnées depuis des siècles, le loup est toujours craint, alors qu'il a pratiquement disparu de nos régions. Son avenir repose désormais entre les mains de l'homme, qui doit sauver les animaux qui subsistent encore en leur préservant des territoires adéquats et en comprenant leur rôle indispensable dans l'équilibre général de la nature.
4.1. Les enfants-loups depuis la fondation de rome

La légende rapporte qu'une louve aurait nourri Romulus, futur fondateur de Rome, et son jumeau Remus. Depuis, des histoires similaires surgissent de temps en temps, particulièrement en Inde, comme nous l'a raconté l'écrivain Rudyard Kipling dans le Livre de la Jungle (1894), avec l'adoption d'un « petit d'homme », Mowgli, par le Clan des Loups.
Dans la réalité, il est fort peu probable qu'un nouveau-né d'homme puisse survivre dans la tanière d'un loup. Admettons que les loups, en le découvrant, l'épargnent et l'adoptent : comment pourra-t-il passer du lait de louve à la viande régurgitée à l'âge de 2-3 mois, et suivre la meute un mois plus tard ? Et, s'il est déjà assez grand, réussira-t-il à communiquer avec ses frères loups sans oreilles ni queue ni babines retroussables ?
4.2. De haine et de frayeurs

À toutes les époques ou presque, le loup a été considéré en Europe comme un animal nuisible et malfaisant, et la superstition voulait que la rencontre d'un loup soit un présage funeste.
Si l'origine des relations entre le loup et l'homme remonte au paléolithique, c'est au Moyen Âge qu'on le « prend en grippe » en Occident : froid, guerres, disette, épidémies et misère déciment les populations. Alléchés par les cadavres laissés sans sépulture, les loups nécrophages deviennent courants. Ils s'approchent des habitations et les chroniques rapportant des attaques par des loups abondent. Bien que l'on connaisse peu de cas d'hommes tués par des loups, la légende du loup anthropophage était née, et la chasse au loup déclarée. Et, dès cette époque jusqu'au xxe siècle, des primes ont été accordées à ceux qui tuaient les loups.
L'histoire de cette lutte contre les loups, liée à la peur des hommes, suit les progrès de la civilisation. Toutes sortes de pièges plus ou moins élaborés apparaissent. Puis les gros chiens de garde sont équipés d'un large collier hérissé de pointes acérées pour les protéger des loups. Le poison et les armes à feu, au xviiie siècle, marquent une étape décisive. Aujourd'hui, les hommes ont de leur côté la précision des armes et la rapidité des transports. Et, dans le Grand Nord canadien, la chasse aux loups en motoneige est un sport très apprécié des amateurs. Pourtant, un loup pris au piège renonce à toute résistance et quelques cailloux bien lancés ou un gros bâton suffisent à le tenir en respect.
4.3. Les efforts de quelques hommes pour sauver les loups

Les loups ont été exterminés en de nombreux endroits du globe. Toutefois, des excès de cette nature sont moins à redouter pour les années à venir, le regard porté sur cet animal s'appuyant de plus en plus sur des études biologiques plutôt que sur des réactions émotives.
En ce qui concerne l'Europe et l'Asie, une initiative intéressante a été prise dès 1973 par la Commission du service de sauvetage (CSS) de l'Union mondiale pour la nature (UICN) : la création d'un groupe de spécialistes des loups. Ces éco-éthologistes de plusieurs pays se réunissent régulièrement. Outre l'étude des populations de loups, ils travaillent à la conservation de l'espèce et à l'information du grand public. Leur premier principe s'énonce ainsi : « Le loup, comme toute espèce vivante, a le droit d'exister à l'état sauvage. Ce droit ne dérive en aucune façon de la valeur qu'il peut avoir éventuellement pour l'homme. Il découle du droit que possèdent toutes créatures vivantes, en tant qu'éléments des écosystèmes naturels, de coexister sans être entravées par l'homme. » (D.H. Pinlott, 1973.)
Les différentes mesures de protection prises au niveau de l'Union européenne ont permis une remontée des effectifs du loup dans plusieurs régions de l'Europe occidentale. En dépit de ces avancées positives, l'espèce y reste rare et menacée. Sa présence implique également de gérer les dégâts qu'il inflige aux troupeaux de bétail, notamment de moutons. La cohabitation avec les éleveurs des régions pastorales ne va en effet pas sans heurts.
L'Égypte ancienne vénérait le loup comme un de ses dieux les plus importants ; l'Inde le considère comme un animal sacré ; depuis longtemps les Inuits ont compris son rôle écologique et le respectent, s'en faisant même un allié pour la chasse. Les autres populations humaines sauront-elles finalement, à l'exemple de ces peuples, vivre en harmonie avec les loups rescapés du massacre ?
4.4. Le loup rouge, histoire d'une disparition

Dans la plupart des États du sud-est des États-Unis, le loup rouge (Canis rufus) étendait sa domination sur des forêts de pins inviolées, des marais et des savanes côtières. Il n'était guère dangereux, pas même pour le bétail. Mais des campagnes d'extermination ont été entreprises, dès la fin du xixe siècle et jusqu'en 1963. Durant cette première partie du xxe siècle, les agents fédéraux américains ont abattu 10 275 loups, dans les États de l'Arkansas, du Texas et de l'Oklahoma.
Entre 1930 et 1940 s'est produit un étrange phénomène. Dans les régions où les loups étaient pris au piège ou empoisonnés, l'espèce disparaissait complètement, créant ainsi un vide écologique. C'est aussi à cette époque que dans l'Ouest, au Texas, on a observé un début de croisement entre coyotes et loups, conséquence de l'irruption de l'homme dans leur habitat. Tout naturellement, ces hybrides ont émigré à l'est et ont occupé la place laissée vacante par les loups rouges. Comme les mâles de race pure manquaient, l'hybridation s'est poursuivie, suscitant une nouvelle menace pour l'espèce entière Canis rufus.
Coyotes et hybrides ont donc envahi des zones où ils ont fait naître des problèmes de déprédation bien plus grands que ceux que les loups rouges avaient jamais posés.
En 1980, le loup rouge était éteint à l'état sauvage. Cependant, en 1987, sa réintroduction à partir d'animaux en captivité a permis l'établissent d'une petite population dans l'est de la Caroline du Nord. Mais, avec des effectifs très faibles – au milieu des années 2000, une cinquantaine d'individus adultes, en tout moins de 150 loups rouges dans la nature –, l'espèce reste proche de l'extinction.
4.5. Amarok, l'esprit du loup

Les Inuits et les Amérindiens d'Amérique du Nord ont depuis toujours considéré le loup (amarok en langue inuit) comme un associé dans la recherche de leur nourriture.
Par le type de chasse qu'il pratique, le loup entretient les populations de gros gibier, contrairement à l'homme qui élimine les plus beaux spécimens. De cette observation, les Inuits ont tiré une légende que Fairley Mowat a retranscrite en 1974.
Au début du monde, seuls l'Homme et la Femme marchaient sur la Terre. Il n'y avait aucune autre présence vivante sur terre, aucun poisson dans l'eau, aucun oiseau dans le ciel.
Un jour, la Femme décida de creuser un grand trou dans le sol, et en tira tous les animaux de la création. Le dernier fut le caribou. Alors, Kaïla, le dieu du Ciel, lui expliqua que le caribou était un animal qui avait une grande importance pour la race de l'Homme, et que c'était le plus grand cadeau qu'elle pouvait recevoir car il ferait vivre l'Homme. La Femme relâcha le caribou et lui dit de se répandre sur la Terre et de se multiplier.
Bientôt, les caribous furent si nombreux qu'ils formèrent des troupeaux et que les Fils de la Femme purent vivre en les chassant. Ceux-ci ne tuaient que les animaux gros et gras, laissant les petits, les maigres et les malades, moins bons à manger. Un jour, il ne resta plus que ceux-ci dont les Fils ne voulaient pas de peur, en les mangeant, de devenir faibles et malades comme eux.
Les Fils allèrent se plaindre à la Femme qui alla à son tour se plaindre à Kaïla. Le dieu du Ciel écouta les demandes de la Femme, puis il alla rendre visite à Amarok, l'esprit du Loup. Il lui demanda que ses enfants, les loups, mangent les caribous petits, maigres et malades pour que les troupeaux redeviennent nombreux, les animaux gros et gras, et que les Fils de la Femme puissent de nouveau les chasser.
Amarok, l'esprit du Loup, accepta et désormais les loups mangèrent les caribous les plus faibles pour que les troupeaux restent sains. « Et pour les Fils, le loup et le caribou ne sont devenus plus qu'un. Car, si le caribou nourrit le loup, le loup conserve le caribou en bonne santé. »
4.6. Quand on parle du loup...

Le loup n'en finit pas de hanter l'imaginaire des hommes d'hier et d'aujourd'hui...
Du conte le Petit Chaperon rouge qui, avant d'être adapté par Charles Perrault à la fin du xviie siècle, appartenait à la tradition orale française, de la poésie les Loups de Paul Verlaine ou encore de la chanson de Serge Reggiani Les loups sont entrés dans Paris, jusqu'au loup de Tex Avery, le thème du loup fait florès. Aujourd'hui, les enseignes et marques commerciales continuent à jouer à « loup, y es-tu ? ».
Le loup est toujours présent dans le langage quotidien, même s'il a disparu de notre environnement. On marche silencieusement, « à pas de loup », on se met « à la queue leu leu » dans les sentiers étroits (leu est le nom du loup en français ancien). On déclare avoir une « faim de loup », on se promène « entre chien et loup », à la tombée de la nuit, on se « jette dans la gueule du loup ».
Mais une « gueule-de-loup » est une fleur, une « vesse-de-loup » un champignon, et le lynx est aussi appelé loup-cervier. Si l'on vous parle d'un « loup », à quoi penserez-vous d'abord : au poisson, au masque, ou plus simplement à l'animal

 

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JÉRUSALEM

 


 

 

 

 

 

Jérusalem

Jérusalem
Ville de Palestine, sainte pour les trois monothéismes, Jérusalem a été divisée en 1948 entre un secteur occidental, incorporé à Israël, et un secteur oriental, annexé par la Jordanie. Jérusalem-Est a été en 1967 occupée par l'État hébreu, qui a proclamé l'unification de la ville, avant d'en faire sa capitale. Ce fait accompli n'a cependant jamais été reconnu par la communauté internationale. La définition du statut de la ville dépend ainsi de la conclusion d'un accord de paix israélo-palestinien.
Population : 790 719 hab. (estimation pour 2011)
Nom des habitants : Hiérosolymitains ou Hiérosolymites
GÉOGRAPHIE
Juxtaposant une ville ancienne à l'est, des quartiers modernes à l'ouest et au nord, Jérusalem est un centre administratif et culturel (université, musées). C'est aussi un centre religieux et un lieu de pèlerinage pour les juifs, les musulmans et les chrétiens. Les Lieux saints sont placés sous la juridiction des trois confessions. Un tramway relie le mont Herzl, au sud-ouest, à Pisgat Zeev, au nord-est, depuis 2011, faisant une incursion dans Jérusalem-Est et desservant le camp de réfugiés de Shouafat.
L'HISTOIRE DE JÉRUSALEM
1. Les origines de la cité
La ville apparaît dans l'histoire vers 2000-1900 avant J.-C. Elle porte alors le nom de Urushalem (« fondée par le dieu Shalem ») et est une étape sur la route des crêtes, moins fréquentée que la via maris et que la « chaussée royale », entre l'Égypte et le Croissant fertile. Cité d'importance moyenne, moins riche que Hébron, Sichem ou Gabaon, elle pouvait compter, au moment de la pérégrination d'Abraham, environ 15 000 habitants.
Ses rois, qui selon la conception sémitique la plus ancienne assumaient également la fonction sacerdotale à l'égard de la divinité locale (El Elyon, le « Dieu très haut »), portaient des titres incluant le mot sedeq (justice) : Melchisedech, Adonisedech. Les lettres d'Al-Amarna (vers 1350 avant J.-C.) et le deuxième livre de Samuel (XXIV, 16) mentionnent toutefois un roi portant un nom hourrite et un autre un nom indo-européen. La population y était donc mêlée. D'après les lettres d'Al-Amarna, ces rois payaient tribut au pharaon d’Égypte.
2. La Jérusalem biblique
2.1. La conquête de Jérusalem
Lors de la conquête de Josué, la cité, tenue par des Cananéens du nom de Jébuséens, conserva son autonomie et constitua une enclave au milieu des Israélites, les séparant en tribus du Nord et tribus du Sud. Des fouilles récentes ont montré que la citadelle enlevée vers l'an 1000 avant J.-C. par Joab, général du roi David, fut bien capturée, ainsi que le rapporte la Bible, en empruntant son canal souterrain, le sinnor (II Samuel, V, 8), stratagème resté légendaire.
La « cité de David »
Comme les assaillants étaient des gens du roi, la ville ne fut attribuée par David à aucune des tribus, devint domaine royal et fut appelée « cité de David ». Le roi en fit le ciment de l'unité du peuple hébreu. En transférant l'Arche d'alliance de Kiryat Yearim (cité de la confédération gabaonite où elle était entreposée) à Jérusalem, il y fixa le sanctuaire amphictyonique, autrefois à Silo. Puis, en élevant un autel sur l'aire de battage du dernier souverain jébuséen, Arauna, il érigea Jérusalem en centre religieux de tout Israël.
Salomon et la construction du Temple
Cette consécration de la cité fut parachevée par le roi Salomon, qui construisit le Temple (969-962 avant J.-C.) et le Palais royal. L'édification du Temple suivant les consignes laissées par Moïse marque une étape importante dans l'histoire du monothéisme. Le Temple devint le centre national et liturgique du peuple hébreu en attendant de devenir, avec la réforme de Josias et la promulgation du Deutéronome (622 avant J.-C.), le lieu de culte exclusif. Salomon fit de Jérusalem une cité opulente.
2.2. Capitale du royaume de Juda (931 avant J.-C.-587 avant J.-C.)
La période de deux cents ans qui s'écoula entre le schisme du royaume (931 avant J.-C.) et la destruction de l'État du Nord (721 avant J.-C.) fut une période d'instabilité pour Jérusalem, capitale du royaume de Juda. Quand la menace assyrienne fondit sur le royaume d'Israël (721 avant J.-C.), le petit État du Sud, où se manifestait alors la personnalité marquante du prophète Isaïe, survécut à la tourmente. Il succomba pourtant en 587 avant J.-C. sous les coups du roi Nabuchodonosor. Mais, entre-temps, les promesses prophétiques avaient été attachées au royaume de Juda, et l'espoir de sa restauration accompagnera les déportés à Babylone où fut composé le psaume 137 : « Si je t'oublie Jérusalem, que ma droite m'oublie ! » C'est en exil aussi que s'élabora une représentation idéalisée du Temple à rebâtir.
2.3. La période perse achéménide
Après l'édit de Cyrus (538 avant J.-C.), une caravane de retour, conduite par Zorobabel, procéda à l'édification du Temple, mais de façon beaucoup plus modeste qu'il n'avait été prévu (520-515 avant J.-C.). Lorsque Néhémie, revenu un siècle plus tard avec des groupes plus nombreux, voulut relever les murs (445-443 avant J.-C.), il dut affronter l'opposition de Sanaballat, gouverneur de Samarie, et ne put exercer son autorité au nom du roi de Perse que sur une ville restreinte, soumise à un numerus clausus. Une fois le pays repeuplé, le scribe Esdras procéda dans une « grande assemblée » à la publication du texte de la loi et à l'établissement du cadre légal qui donna à la nouvelle communauté sa cohésion religieuse et nationale (428 avant J.-C. ou, plutôt, 398 avant J.-C.).
2.4. La période hellénistique (332-142 avant J.-C.)
L'invasion de la Syrie par Alexandre le Grand (332 avant J.-C.) mit fin à l'hégémonie perse et fit passer Jérusalem sous la domination des diadoques et de leurs successeurs lagides(319-197 avant J.-C.), puis séleucides(197-142 avant J.-C.). L'influence des maîtres de l'heure ne devint cependant marquante qu'au iie siècle avant J.-C. ; les mœurs grecques pénétrèrent alors le peuple juif ; les jeux du stade firent leur apparition à Jérusalem. L'autorité du sacerdoce aaronide, compromise dans cette situation, en fut atteinte ; il en résulta des luttes entre deux grandes familles hiérosolymitaines, les Oniades et les Tobiades, et la formation de groupes religieux dissidents dont certains préférèrent l'exil à l'imposture (communautés de l'Alliance de « Damas », esséniens de Qumran).
À cette époque naquit le parti pharisien, de recrutement surtout populaire, qui s'opposa au parti sadducéen, lié au sacerdoce du Temple et soutenu par les classes dirigeantes.
En 167 avant J.-C., le roi syrien Antiochos IV Épiphane prit occasion de ces divisions pour intervenir et pour mettre à exécution son programme d'assimilation forcée : hellénisation de la cité et du Temple, où il instaura le culte de Zeus Olympien, confiscation des impôts du culte au profit du trésor de la Couronne, érection d'une place forte pour la lutte contre l'Égypte (construction de l'Acra au centre de la ville).
La crise amena au pouvoir les hellénistiques radicaux réunis autour du grand prêtre Ménélas. Ce coup de force fut à l'origine de la révolte des Maccabées. Judas Maccabée, après une lutte de guérilla contre les généraux Nicanor et Gorgias, parvint à s'emparer du sud de la ville et du Temple, qu'il purifia le 25 kislev 164 avant J.-C., jour d'où date la fête juive de Hanoukka. Mais le nord de la ville, appuyé à l'Acra, resta aux mains des troupes grecques, et la cité fut partagée en deux tronçons par un mur. La partie fortifiée ne cédera qu'en 143, sous les coups de Simon l'Asmonéen.
2.5. La période asmonéenne (143-63 avant J.-C.)
Jérusalem redevint alors pour quatre-vingts ans la capitale d'un État juif florissant. Les Asmonéens (ou Hasmonéens) eux-mêmes n'en furent pas moins amenés à se conformer très rapidement sous de nombreux aspects aux coutumes de la civilisation hellénistique. Le conflit des sadducéens et des pharisiens rejaillit alors et prit sous leur règne un tour aigu. Le dernier roi asmonéen, Aristobule II (67-63 avant J.-C.), ne put empêcher l'intervention des légions romaines et l'installation à leur solde de l'Iduméen Hérode le Grand (37-4 avant J.-C.).
3. Jérusalem sous les Hérodiens
3.1. Le centre de la Diaspora
Hérode le Grand, vassal de l'empereur romain, fut un grand constructeur. La majesté de la Jérusalem d'Hérode, rehaussée par Hérode Agrippa Ier (37-44 après J.-C.), n'était que la façade de changements plus importants. Jérusalem devint le centre de l'importante diaspora impériale qui s'étendit de la Perse à l'Espagne en passant par l'Égypte, la Syrie, l'Asie Mineure et la Proconsulaire. Dans la diaspora, un prosélytisme actif accrut fortement le nombre des communautés juives. À l'occasion de la Pentecôte, des fidèles des synagogues de toutes les parties du monde se rassemblaient à Jérusalem.
La tradition pharisienne, soucieuse de garder le contact avec les communautés de tout l'Empire, fut formulée au cours de cette période dans les écoles de Shammaï et de Hillel ; elle se maintiendra après 70 à Yabne grâce aux efforts des rabbis Johanan ben Zakkaï et Akiba. Tout au long du ier siècle après J.-C., l'occupation romaine suscita cependant la protestation ascétique des esséniens et l'opposition politique des zélotes.
C'est dans ce contexte que se fit entendre, vers 28, la voix de Jean-Baptiste, invitant les juifs pieux à revenir aux préceptes de la loi et à recevoir un baptême de pénitence. Accueilli par certains comme le « nouvel Élie », il ouvrit la voie à la prédication de Jésus de Nazareth (29-30). La naissance du christianisme, la condamnation de Jésus par Ponce Pilate, sa crucifixion, l'annonce de sa résurrection, bien qu'à peine remarquées à l'époque sans doute, allaient modifier le caractère de la ville de Jérusalem.
3.2. La révolte contre l'occupant romain
La révolte qui couvait depuis le début du siècle éclata sous Néron. En 66, Menahem, troisième fils de Judas le Galiléen, chassa les Romains de la ville, mit le feu aux archives du Temple afin de rendre impossible l'acquittement des impôts, et, en 68, le nouveau chef zélote, Simon Bar-Giora, proclama la libération générale des esclaves juifs. Tandis que le parti zélote se scindait en factions rivales, la réaction romaine se fit plus violente. Selon Flavius Josèphe, son chroniqueur, 25 000 soldats tinrent tête dans la ville pendant trois ans à une armée romaine quatre fois plus forte. Après la chute de la ville en 70, la résistance se poursuivit dans la ville haute, puis dans la forteresse de Massada, dont les défenseurs, autour du zélote Eléazar, tinrent en échec pendant plusieurs mois les troupes du général L. Flavius Silva et finalement se suicidèrent plutôt que de se rendre (Pâques 73).
4. Jérusalem, cité romaine (135-636)
4.1. La révolte de Kokhba
Après un second soulèvement sous l’empereur Trajan (117), qui fut maté, l'empereur Hadrien (117-138), décida de faire de Jérusalem une ville romaine. La création de cette colonie, sous le nom d'Aelia Capitolina, provoqua un nouveau sursaut de la conscience nationale autour du prince et général juif Bar-Kokhba (ou Bar-Kochba, « fils de l'étoile »). Les Romains durent évacuer la ville, et pendant deux ans (132-134) la souveraineté juive fut restaurée.
La réaction impériale fut impitoyable : échange de populations et implantation des colons païens venus de tout l'Empire. La communauté juive ne retrouvera un statut légal dans le pays qu'à la fin du iie siècle. Aelia Capitolina ne fut plus qu'une ville secondaire, soumise à Césarée, et où l'on parlait grec.
Avec l'instauration de l'empire chrétien (325), Jérusalem, ville sainte du christianisme, devint un centre de pèlerinages. Sur l'emplacement où sera bâti ensuite le Saint-Sépulcre, l'église de l'Anastasis (Résurrection) fut construite à l'instigation de l'impératrice Hélène, qui se rendit sur place pour la mise au jour du bois de la « vraie Croix ». Origène, en érudit, procéda à la localisation des données topographiques indiquées dans les Évangiles. L'Illyrien saint Jérôme vint s'y établir et y procéda avec l'aide de juifs lettrés à la traduction de la Bible en latin.
L'impératrice Eudoxie, au ve siècle, fit bâtir Saint-Étienne et permit de nouveau aux juifs d'acquérir des propriétés dans la ville. Justinien, enfin, édifia Sainte-Marie-la-Neuve, en contrebas de l'actuelle mosquée al-Aqsa.
Au début du viie siècle, la suprématie byzantine commençant à décliner, le sort de Jérusalem se joua à trois reprises. En 614, le roi Khosrô II, auquel les populations chrétiennes de Syrie, persécutées par les Byzantins, faisaient bon accueil, enleva Antioche et Damas. En Galilée, 26 000 juifs se joignirent à son armée, et Jérusalem tomba sans grande résistance. L'Anastasis, les églises du mont des Oliviers, la basilique de Justinien furent en grande partie détruites, et la relique de la Croix emportée en Perse avec une longue file de captifs. Les juifs retrouvèrent alors pour un temps un plein droit de cité dans la ville.
Mais en 629 l'empereur Héraclius vainquit Khosrô, reprit possession des territoires perdus et poussa jusqu'en Perse. Il y retrouva la relique de la vraie Croix, qu'il rapporta lui-même solennellement à Jérusalem. L'entrée de la ville fut de nouveau interdite aux juifs, et les églises furent reconstruites. Mais Byzance et la Perse s'étaient épuisées, matériellement et spirituellement, dans ce conflit.
En 632 apparurent sur la scène des conquérants aux forces neuves, les Arabes, récemment unifiés par le message de Mahomet, qui se réclamait à la fois d'Abraham et de Jésus. En 638, le calife Umar Ier se présenta devant Jérusalem : le patriarche Sophronius opta pour une reddition sans combat, garantie par la présence du pacificateur. Umar Ier promulgua alors un édit de tolérance à l'égard des « gens du Livre ». Les chrétiens demeurèrent dans la ville, et des juifs purent commencer à venir s'y installer.
5. La Jérusalem musulmane (638-1099)
Jérusalem fit alors partie du « djund Filastin », dont Lod puis Ramla furent la capitale. La ville, restée en majorité chrétienne, garda le nom de Iliya (Aelia), remplacé plus tard par celui de Bait al-Maqdis (« le Sanctuaire »), simplifié en Al-Quds (« la Sainte »), quatrième cité sainte de l'islam après La Mecque, Médine et Damas.
Sur l'esplanade du Temple, qui prend le nom de Haram al-Charif et où, selon la croyance musulmane, doit se dérouler le jugement dernier, Umar ne fit dresser qu'une minuscule mosquée de bois, semblable à celles des premiers disciples du prophète.
Mais le calife Abd al-Malik (685-705), mû par de nouvelles conceptions, résolut de faire de Jérusalem un centre de pèlerinage islamique comparable à La Mecque et entreprit la construction de la Coupole du Rocher. Si l'on considère le tracé de la Coupole, un cercle – flanqué de deux octogones – qui symbolise le centre du monde avec des continents et les océans à son pourtour, on peut supposer que le calife Abd al-Malik voulut reprendre à son compte les traditions juive et chrétienne sur le rôle de la ville « nombril du monde ». L'esplanade retrouva son rôle biblique d'enceinte sacrée, le plan de la Coupole, unique dans l'architecture musulmane, fut emprunté aux basiliques byzantines, tandis que les citations coraniques de caractère polémique qui y sont inscrites manifestent le dessein d'assumer et de supplanter le judaïsme et le christianisme.
À côté de la Coupole promue lieu de pèlerinage, une mosquée fut bâtie sur le versant sud de la montagne du Temple afin de servir de maison de prière. La tradition musulmane identifia par la suite cet édifice avec la « mosquée la lointaine » (al-Aqsa), où Mahomet eut son « ascension nocturne » (surate XII, 1). Plusieurs fois endommagée par les tremblements de terre, la mosquée al-Aqsa a été remaniée à de nombreuses reprises.
La dynastie des Omeyyades (de 661 à 750) respecta la politique de tolérance instaurée par Umar. Mais avec la prise de pouvoir des califes abbassides, juifs et chrétiens subirent un certain nombre de préjudices. C'est pourtant à cette époque que le Sanhédrin recommença de se réunir.
Les chrétiens de Jérusalem durent chercher appui à l'extérieur. Au ixe siècle, après un accord avec le calife Harun al-Rachid, l’empereur Charlemagne leur apporta son aide. Mais l'alliance entre l'islam et l'Empire carolingien ne durera pas au-delà du xe siècle. L'empereur byzantin Nicéphore Phokas en profita pour faire une incursion jusqu'à Jérusalem, qui provoqua la chute de la ville aux mains des Fatimides d'Égypte (969).
En 996, le calife Hakim instaura une politique d'élimination des chrétiens et fit détruire le Saint-Sépulcre. Au xie siècle, malgré un accord momentané pour la reconstruction des églises entre le calife al-Mustansir Bi-llah et l'empereur Constantin IX Monomaque (1048), la situation s'aggrava de nouveau. En 1077, les Turcs Seldjoukides entrèrent dans la ville, y semant la désolation. Les pèlerinages cessèrent. Les académies rabbiniques se replièrent sur Tyr. Les chrétiens s'enfuirent. Cette situation désastreuse déclencha la réaction des croisades.
6. Le royaume latin de Jérusalem (1099-1187 et 1229-1244)

Les chrétiens croisés mirent vingt années pour atteindre leur objectif : la prise de Jérusalem (15 juillet 1099). Au lieu de se porter seulement contre les oppresseurs turcs pour en délivrer la ville, les croisés se livrèrent à un massacre tant des juifs que des musulmans. Tandis que le pays conquis était partagé en trois principautés (→ Antioche, Édesse, Tripoli), Jérusalem, en tant que cité du Christ, fut d'abord laissée à part avec le titre de simple avouerie et confiée à Godefroi de Bouillon.
La courte présence des Francs marqua profondément le visage de Jérusalem. Le Saint-Sépulcre fut rebâti, de nombreuses églises de style roman furent édifiées. Un chemin de croix avait été inauguré sur la Via dolorosa. La spiritualité franciscaine, orientée vers l'humanité du Christ, s'explique pour beaucoup par l'influence de la Terre sainte. C'est aussi à cette époque que s'est implanté en Palestine un patriarcat latin qui est venu doubler les juridictions chrétiennes existantes et qui a perduré depuis lors.
Pour en savoir plus, voir les articles États latins du Levant, royaume latin de Jérusalem,
7. L'occupation mamelouke (1260-1517)
Après une occupation mongole (1244-1260), les Mamelouks d'Égypte rétablirent l'ordre à Jérusalem. Un accord fut signé avec les Francs d'Acre. Les chrétiens restés à Jérusalem durent s'accommoder d'un régime de partage des sanctuaires entre les diverses communautés et d'une simple protection étrangère, première étape d'un statu quo des Lieux saints qui dure encore aujourd'hui. Des pèlerinages purent être organisés sous l'égide des Vénitiens.
C'est à cette époque que Jérusalem devint, pour la première fois, une ville à prédominance musulmane et fut dotée d'un rôle administratif véritable. En 1267, le philologue juif Nahmanides vint de France réorganiser la communauté juive ; il établit à Jérusalem une synagogue et une école séfarade dont la célébrité s'étendra jusqu'au xvie siècle.
En 1390, avec l'arrivée des immigrants allemands, une école ashkénaze fut également fondée par Isaac Ha Levi. Par la collecte de la haloukah, destinée aux habitants de Jérusalem, par la venue de savants renommés comme Élie de Ferrare (1437), le contact sera maintenu sans cesse, pendant toute cette période, entre la communauté juive de Jérusalem et celles de l'Europe.
8. L'occupation ottomane (1517-1917)
Le 30 décembre 1516, Selim Ier fit son entrée à Jérusalem. Son fils Soliman II, dit le Magnifique (1520-1566), pourvut la ville d'aqueducs, de portes et de murs, tels qu'on peut les voir aujourd'hui, et donna à la vieille cité l'aspect qu'elle a gardé pendant quatre siècles. Soliman signa en outre avec François Ier des capitulations qui accordaient à la France, à côté de certains avantages politiques, la protection des chrétiens. Mais la prospérité conférée par Soliman à Jérusalem ne dura pas.
Après sa mort, la ville entra dans son déclin ; les pèlerinages latins se raréfièrent et la communauté grecque orthodoxe, dont les sujets étaient ottomans, acquit une position plus forte dans les Lieux saints. En 1555, l’empereur Charles Quint obtint de reconstruire la chapelle du Saint-Sépulcre, qui devint ainsi propriété latine. Un conflit déclaré s'installa alors entre Grecs et Latins, qu'accrut encore la réunion des patriarcats latins de Jérusalem et de Constantinople sous une seule autorité.
Au début du xviie siècle, la Russie tsariste donna aux orthodoxes de Géorgie les moyens d'acquérir des droits à Jérusalem. Ainsi fut inaugurée une concurrence pour la possession des Lieux saints ; la puissance ottomane, attachée à faire régner l'ordre, entérina la situation.
Aux xviie et xviiie siècles, l'influence de la communauté juive de Turquie, en majorité originaire d'Espagne, et le développement des cercles mystiques de Safad et de Tibériade permirent un renouveau de la vie juive à Jérusalem. Quand surgit le faux messie Sabbatai Zevi (1626-1676), il y eut même un véritable mouvement de migration vers la cité sainte.
Après les massacres de 1648 et 1656, les juifs de Russie et de Pologne vinrent nombreux en Palestine. En 1700, le rabbi Juda Hehassid, un disciple de Sabbatai Zevi, se mit en route avec 1 500 personnes ; il acquit à Jérusalem le terrain de la synagogue de Nahmanide, la transforma, et elle devint la célèbre « Hourva ». En 1721, les Arabes brûlèrent la Hourva avec ses quarante rouleaux de la Torah ; il n'y eut plus alors que la synagogue ashkénaze ; la Hourva fut reconstruite en 1743. En 1777, le rabbi hassidique Menahem Mendel de Vitebsk s'établit à Jérusalem avec trois cents disciples.
La campagne de Bonaparte, conduite sous le signe de la liberté des peuples, fut le signe d'un changement de situation. Bien que l'armée française ne pût atteindre Jérusalem, l'influence européenne ne tarda pas à se manifester par la création d'écoles, d'hôpitaux et d'instituts de recherches archéologiques. La présence des Latins s'accrut alors fortement à Jérusalem.
Vers 1850, une nouvelle puissance, la Russie, vers laquelle se tournaient naturellement les orthodoxes, fit son entrée en scène. C'est alors que le Sultan publia un firman fixant le statu quo des Lieux saints (1852). Malgré une tentative de Napoléon III pour dissocier le problème des Lieux saints de celui des détroits, principal objet des convoitises russes, l'affaire déclencha néanmoins la guerre de Crimée. D'autres intérêts, tant politiques que religieux, conduisirent à la fondation d'un évêché anglican (1841), d'une église luthérienne (1898) et de nombreux instituts scientifiques.
Dans la seconde moitié du xixe siècle, la situation de plus en plus précaire des communautés juives dans l'empire tsariste amena un réveil national et la formation de divers mouvements (Amants de Sion, groupe « Bilou », etc.), d'inspiration sioniste. Des colonies de juifs originaires d'Europe orientale commencèrent à s'installer sur la côte dans la région de Jaffa, puis en Galilée. À ce moment, les haloutsim juifs s'unirent aux éléments avancés de la population arabe pour obtenir le départ des Turcs. Quand, en 1917, le général anglais Allenby fit son entrée dans Jérusalem, une légion juive se trouva parmi ses troupes aux côtés de contingents arabes. Au même moment, le Royaume-Uni, par la déclaration Balfour (2 novembre 1917), prit la décision de favoriser la reconstitution d'un Foyer national juif en Palestine. La Société des Nations confiant en 1922 au Royaume-Uni le mandat sur la Palestine, ratifia implicitement ce projet.
9. La période du mandat britannique (1922-1947)
À partir de 1918, des quartiers modernes – Talpiyot, Rehavia, Beit-Hakerem – virent le jour à l'ouest et au sud de la vieille ville, contrastant avec le centre de Mea Shearim et avec celui des Boukhariens, au nord. Cette implantation juive accrue provoqua des réactions arabes, qui éclatèrent à Jérusalem en 1920 et 1928. Le haut-commissaire britannique Herbert Samuel freina l'immigration juive et nomma au poste de grand mufti de Jérusalem l'intransigeant Hadjdj Amin al-Husayni. La montée du nazisme (1933) et la multiplication des réfugiés juifs d'Europe centrale n'infléchirent pas la politique britannique, qui, faute de mieux, commença à s'orienter vers un partage du pays, Jérusalem devant se trouver sur la ligne frontière, à titre de ville ouverte.
Au lendemain du conflit mondial, le Royaume-Uni voulant limiter l'entrée en Palestine des nombreux rescapés juifs des camps hitlériens (affaire de l'Exodus), et les revendications arabes devenant plus vives, la tension contre le gouvernement anglais monta rapidement des deux côtés. Le 22 juillet 1946, l'Irgoun, organisation juive clandestine, fit sauter une aile de l'hôtel du roi David, siège de l'administration britannique. Ce fut le signal du conflit.
Les Nations unies, appelées par les Britanniques à intervenir, nommèrent une commission qui préconisa le partage de la Palestine et l'internationalisation de Jérusalem. L'Assemblée des Nations unies vota le projet (29 novembre 1947). La résolution fut acceptée par les Juifs et rejetée par les États arabes, qui s'y opposèrent aussitôt par la force. La ville fut le centre de durs combats.
10. Jérusalem et l'État d'Israël
Le 14 mai 1948, le Royaume-Uni mit fin à son mandat. L'État d'Israël, proclamé le jour même 5 iyyar 5708 (14 mai 1948), et reconnu au cours des semaines suivantes par les grandes puissances, garda la nouvelle ville, tandis que la Transjordanie annexait le reste de la Palestine avec la vieille ville de Jérusalem (28 mai 1948). Dans la zone israélienne, l'implantation juive fut aussitôt intensifiée, et le gouvernement ne tarda pas à transférer à Jérusalem plusieurs ministères de l'État d'Israël.
Lors de la « guerre des six jours » (→ guerres israélo-arabes, 5-10 juin 1967), la vieille ville de Jérusalem tomba, presque intacte, aux mains des troupes israéliennes. La ville fut aussitôt réunifiée et administrée comme partie intégrante de son territoire par Israël. Cette annexion de facto fut officiellement entérinée lorsque le Parlement israélien adopta, le 30 juillet 1980, une loi fondamentale proclamant « Jérusalem réunifiée capitale éternelle d'Israël ».
Depuis le début du processus de paix (1991), le futur statut de Jérusalem constitue l'une des pierres d'achoppement majeures entre Israéliens et Palestiniens pour parvenir à un règlement de paix définitif.)
Pour en savoir plus, voir les articles Israël : histoire, Palestine, Orient arabe, Question palestinienne.
L'ARCHÉOLOGIE ET L'ART À JÉRUSALEM
L'époque judaïque

Ce n'est que sous le fils et successeur de David, Salomon (vers 970-931 avant J.-C.), que Jérusalem se couvre de monuments et devient une capitale royale qui cherche à rivaliser avec les grandes cités de l'Orient. Selon les livres bibliques, la plus grande gloire de Salomon fut la construction du Temple. Pour une si vaste entreprise, il fit appel à son voisin et allié, le roi de Tyr Hiram Ier, qui lui fournit le bois des cèdres du Liban et la pierre. On ne connaît ce Temple que par ce qu'en rapportent le livre des Rois et les Chroniques, et on a longtemps discuté pour savoir quelle influence avait subi la construction : égyptienne, philistine, néo-hittite, assyrienne. Selon T. A. Busink, le type du Temple serait phénicien avec entrée à colonnade, plan à disposition axiale et adyton d'origine israélite ; les sanctuaires phéniciens exhumés à Hazor en 1959 et à Arad en 1963 pourraient nous donner une idée de sa disposition. Selon le livre des Chroniques, le Temple mesurait 30 m de long, 10 m de large et 13 m de hauteur. L'or et le bronze y abondaient, ciselés et fondus par des artisans phéniciens dirigés par l'orfèvre tyrien Hiram. Près du Temple, Salomon se fit aussi ériger un palais somptueux. Afin de protéger ces nouvelles constructions, l'enceinte primitive fut étendue vers le nord, tandis que la ville s'étendait à l'ouest, par-delà le Tyropœon, en direction de la vallée de Hinnom (la Géhenne).
Après la mort de Salomon et la scission du royaume, Jérusalem resta la capitale de l'État de Juda, mais les vicissitudes de son histoire ne favorisèrent pas l'essor de la ville. Devant la menace assyrienne, Ozias (781-740 avant J.-C.), Joatham (740-736 avant J.-C.) et Manassé (687-642 avant J.-C.) relèvent ou renforcent les murailles, tandis qu'Ézéchias (716-687 avant J.-C.) fait creuser un canal de 550 m pour amener dans la piscine de Siloé les eaux de la source de Gihon. Mais, en 587 avant J.-C., c'est la prise de la ville par Nabuchodonosor, le démantèlement de ses murs, la destruction du Palais et du Temple. Après 538 avant J.-C., la ville est lentement rebâtie. Le second Temple est dédicacé en 515 avant J.-C., et Néhémie, « gouverneur » sous la souveraineté perse, relève une partie des murs (entre 445 et 433 avant J.-C.) : cette enceinte aurait mesuré 2 600 m.
L'époque grecque et romaine
En 167 avant J.-C., Antiochos IV Épiphane met la ville à sac, construit face au Temple une citadelle, l'Acra, et installe dans le Temple un autel dédié à Zeus. En réaction à cette profanation, Judas Maccabée soulève les Juifs et s'empare du Temple (164 avant J.-C.) et de la ville basse, où il se retranche. Ce n'est qu'en 141 avant J.-C. que Simon Maccabée se rend maître de l'Acra et que la cité redevient capitale de la nouvelle dynastie asmonéenne. Un nouveau palais est érigé, un pont est construit reliant le Temple à la ville haute, les murailles sont renforcées et étendues. La ville connaît alors un siècle de prospérité et d'indépendance, jusqu'à sa prise par les forces romaines de Pompée en 63 avant J.-C.
Le roi de Judée Hérode (37-4 avant J.-C.) inaugure une politique d'urbanisation qui fait de lui l'égal de Salomon. Il reconstruit somptueusement le Temple et en étend l'esplanade, qu'il enferme dans une enceinte, élève la forteresse Antonia, ainsi nommée en l'honneur de Marc Antoine, se fait bâtir un palais flanqué de trois tours et protégé par un rempart ; il construit encore un Sénat, un théâtre et un amphithéâtre et fait enfermer dans une seconde muraille le haut Tyropœon, où étaient installés les commerces. Les fouilles de K. M. Kenyon ont révélé que l'enceinte hérodienne n'enfermait pas encore le Saint-Sépulcre et le Golgotha. Ce n'est que son petit-fils, Agrippa Ier (37-44 après J.-C.), qui inclut le Golgotha dans une troisième enceinte, celle-ci protégeant aussi la « nouvelle ville » (Kainepolis).
Après la révolte juive de 132-134, Jérusalem est complètement rasée par l’empereur Hadrien, qui reconstruit sur son site Aelia Capitolina selon le plan classique romain, avec decumanus et cardo partageant la ville en quatre quartiers : l'actuelle vieille ville a conservé ce plan régulier. Le Capitole est construit vers la hauteur du Golgotha et on élève forum, temples, thermes, théâtre et stade à la mode romaine. Des portes sont érigées sur les voies d'accès : de celles-ci subsiste l'arc dit « de l'Ecce Homo », dont une arcade est insérée dans le chœur de l'actuelle basilique des Dames de Sion ; c'est là un des rares vestiges de la ville romaine.
Après le triomphe du christianisme, au ive s., l’empereur Constantin fait détruire le Capitole, élève des édifices sur le Calvaire et le Saint-Sépulcre et une basilique sur le mont des Oliviers. Cet effort de construction se poursuit avec l'impératrice Eudoxie et le patriarche Juvénal au ve s., puis avec Justinien au siècle suivant. La prospérité de la ville est soudainement arrêtée par l'incursion des Perses, en 614 ; en 638, elle tombe au pouvoir du calife 'Umar Ier et devient une cité musulmane.

De l'époque byzantine, il subsiste encore la crypte de l'église Saint-Jean-Baptiste (vers 450), la chapelle Saint-Georges, l'église Saint-Étienne. Cependant, la relique la plus célèbre de la Jérusalem antique reste le « mur des Lamentations ». Haut de 15 à 17 m, constitué par de puissants blocs de pierre soigneusement équarris, il constituait le soubassement de l'esplanade du Temple d'Hérode et représente tout ce qui reste de la demeure sacrée de Yahvé.
La Jérusalem musulmane
Introduction
C'est à deux monuments anciens que Jérusalem doit d'occuper une place essentielle dans l'histoire des arts islamiques : la Coupole du Rocher et la mosquée al-Aqsa, construits l'un et l'autre sur l'esplanade de l'ancien Temple de Salomon. Voisine de la Coupole du Rocher, la Coupole de la Chaîne (Qubbat al-Silsila), petit édifice polygonal à onze côtés, avec arcs en plein cintre reposant sur des colonnes antiques ou byzantines, en est aujourd'hui une annexe ; mais, construite un peu antérieurement, elle a pu l'inspirer.
La Coupole du Rocher
Néanmoins, on considère à juste titre que la Coupole du Rocher (Qubbat al-Sakhra), faussement nommée mosquée d'Omar (ou d'Umar) [alors que ce n'est pas une mosquée et qu'aucun lien ne la rattache au célèbre calife], est le plus ancien monument de l'islam. Ce sanctuaire tout à fait singulier a été mis en chantier en 688 et achevé en 691 pour recouvrir un rocher éminemment sacré aux yeux des musulmans et répondre aux exigences du pèlerinage (circumambulations rituelles). Admirable de proportion et d'équilibre, il se dresse sur une plate-forme que bordent de grandes arcades à quatre baies, sortes d'arcs de triomphe. C'est un octogone régulier de 20,60 m de côté, haut de 9,50 m (non compris le parapet), que surmonte un dôme doré portant sur un tambour percé de multiples fenêtres. On y accède par quatre portes disposées aux quatre points cardinaux. Un double déambulatoire, formé de piles et de colonnes alternées, disposées en quinconce et offrant de belles perspectives, entoure le roc central. Le décor, d'une rare harmonie, comporte, outre de remarquables pièces en bronze (aux portes, aux tirants, aux poutres), de grandes plaques de marbre à l'extérieur, dans les parties basses, et un revêtement de mosaïques en pâtes de verre dues à des artistes syriens formés aux techniques byzantines, mais ayant soumis leur art aux impératifs de la nouvelle religion. Malgré diverses restaurations, et en particulier celles de Soliman le Magnifique au xvie s., qui fit réaménager les portes et remplacer, sur la façade, les mosaïques par des faïences, au reste de grande qualité, la parure primitive reste en place sur le tambour et dans la plupart des parties intérieures de l'édifice.
La mosquée al-Aqsa
Construite à peu près en même temps que la Coupole du Rocher, la mosquée al-Aqsa semble avoir subi au cours des temps de nombreux remaniements, dont on discute et qui rendent son histoire imprécise. Selon K. A. C. Creswell, l'essentiel de l'ordonnance daterait du xie s. Selon d'autres, la magnifique coupole, le transept, maintes parties du décor seraient d'époque omeyyade. Tel qu'il s'offre à nous, ce grand sanctuaire présente un plan assez particulier qui n'est pas sans rappeler celui des basiliques chrétiennes : la nef centrale, très large, bordée d'arcs sur colonnes, est flanquée à droite et à gauche d'un double bas-côté moins élevé. Cependant, trois nefs parallèles au mur du fond l'apparentent à la mosquée de Damas. La façade, de grande pureté, est d'un sobre classicisme. À l'intérieur, un beau minbar d'Alep (1168) a été mis en place par Saladin.
La Jérusalem latine
Après la première croisade (xie s.), un vigoureux rameau d'art occidental s'insère dans le Proche-Orient islamique. Malgré les destructions, Jérusalem garde encore de cette époque des monuments faits avec une technique aussi parfaite qu'en Bourgogne ou en Provence : le « Tombeau de Marie », l'église Sainte-Anne et des éléments des trois églises du wSaint-Sépulcre. Si les reliefs ont particulièrement souffert de l'iconoclasme musulman, on peut encore juger de leur qualité à la façade du Saint-Sépulcre, proche par le sujet des frises provençales (Entrée du Christ à Jérusalem) ou italiennes (tympan du porche du Calvaire). Le patriarcat grec de la ville conserve les plus beaux chapiteaux historiés de l'Orient latin (certains proviennent de Nazareth).
La ville moderne
La ville moderne de Jérusalem compte d'intéressants édifices, parmi lesquels le centre médical du mont Scopus, par E. Mendelsohn (1937), le Musée national d'Israël, par A. Mansfeld et D. Gad (1965), avec le « sanctuaire » des manuscrits de la mer Morte, par F. Kiesler.


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MONTAGNE

 

 

 

 

 

 

 

montagne
(latin populaire montanea, féminin du bas latin montaneus, du latin classique montanus, montagneux)


Élévation naturelle du sol, caractérisée par une forte dénivellation entre les sommets et le fond des vallées.
1. GÉOLOGIE
1.1. La formation des montagnes
Les premières théories de l'origine des reliefs
Depuis l’Antiquité, les théories de l’origine des montagnes se succèdent. Ainsi, quelques savants grecs avaient déjà remarqué des pierres ayant la forme de coquillages, dont la présence laissait supposer que les sommets avaient jadis été recouverts par la mer. Ils avaient également souligné les modes d'érosion en observant les fleuves de boues, qui en dévalaient lors des fortes pluies et qui devaient progressivement les user.
Pour le philosophe français René Descartes, au xviie s., les montagnes datent de l'origine de la Terre et sont nées, lors de son refroidissement, de l'effondrement de compartiments de la croûte qui se sont chevauchés les uns les autres du fait du manque de place causé par le rétrécissement global.
C'est avec Horace Bénédict de Saussure, instigateur de la première ascension réussie du mont Blanc, en 1786, que l'approche scientifique des montagnes progresse. Le xixe s. voit s'affronter deux grandes théories : le neptunisme et le plutonisme. Selon la première, les montagnes se seraient formées au fond des mers, alors que, selon la seconde, elles tireraient leur origine du « feu » ou de la chaleur souterraine, qui injecte des granites à l'état liquide. Au xxe s., et jusqu'au début des années 1970, on enseigne que les montagnes proviennent du resserrement d'une succession de cuvettes marines dans lesquelles se sont déposées les couches et au fond desquelles a pu s'effectuer le métamorphisme ; c’ést le concept de géosynclinal.
La tectonique des plaques
Typologie et mouvement des plaques

Depuis les années 1970, la théorie de la tectonique des plaques propose un modèle global de fonctionnement de la Terre (volcanisme aérien, volcanisme sous-marin, séismes et dérive des continents) dans lequel s'inscrivent les différents types d’orogenèse. L’enveloppe rigide de la Terre, ou lithosphère, est divisée en plaques qui naissent et se déplacent à la vitesse de quelques centimètres par an. Il existe deux types de nature de plaques : les fonds océaniques, composés de basaltes, et les continents, composés de granites et de roches associées. Seuls les fonds océaniques naissent et disparaissent. Les continents restent toujours présents à la surface, et constituent la mémoire de l'histoire géologique ; cependant, ils se déplacent au gré des mouvements des plaques et peuvent s'écarter, coulisser ou se rapprocher les uns par rapport aux autres.
Les plaques naissent au niveau des dorsales médio-océaniques par volcanisme sous-marin. Des nouvelles laves arrivent par des fissures, se solidifient et augmentent d'autant la surface des planchers océaniques, qui, progressivement, s'écartent de façon symétrique : on parle d'accrétion. Le volcanisme sous-marin met en place, au contact de l'eau, des laves qui prennent la forme caractéristique de coussins : les pillow-lavas. Les plaques disparaissent par subduction. Dans ce phénomène, une plaque plonge sous une autre plaque suivant un plan de coulissage dont les mouvements de frottement occasionnent des séismes violents et la naissance de magmas de composition intermédiaire entre le basalte et le granite: l'andésite. Dans le phénomène de subduction, c'est pratiquement toujours la plaque océanique qui plonge sous la plaque continentale, car, de nature basaltique, elle est plus dense (densité 3) que la plaque continentale granitique (densité 2,7).
L’orogénèse
Les montagnes résultent d'une intense déformation de la croûte terrestre engendrée par la convergence de plaques (ou fragments de plaques) lithosphériques, animées de mouvements horizontaux. Plusieurs phénomènes interviennent dans la formation des reliefs. Tout d'abord, les portions de croûte coincées entre deux plaques qui se rapprochent sont, selon les matériaux et la nature des plaques en présence, comprimées et plissées (Atlas, Zagros) ou débitées en larges écailles, qui se superposent pour donner de grands chevauchements ou des nappes de charriage (Alpes, Himalaya). Par ailleurs, l'épaississement de croûte induit par le plissement entraîne une fusion partielle en profondeur et la montée de magmas qui, en cristallisant, augmentent encore l'épaisseur de la croûte (Andes du Pérou, Sierra Nevada aux États-Unis) et engendrent des mouvements verticaux de rééquilibrage (poussée d'Archimède) à l'origine des hauts reliefs. Enfin, la remontée de laves volcaniques en surface peut également accroître l'altitude des sommets (Cascades, Andes de Colombie).

Les massifs anciens comme le Massif central ou les Vosges ont dû connaître un mode de formation similaire à celui des chaînes récentes du type Himalaya, bien qu'aujourd'hui largement effacé par des centaines de millions d'années d'érosion. Leur structure actuelle correspond à des blocs faillés soulevés, interrompus par les compartiments affaissés de la Limagne ou du fossé d'Alsace. L'étirement de la croûte a permis aussi la remontée locale de laves et le développement de formes volcaniques typiques (chaîne des Puys, volcans du Rift africain). Ainsi, les Pyrénées sont nées du coulissage et du pivotement de l'Espagne – le bloc ibérique –, qui n'occupait pas sa position actuelle il y a 150 millions d'années. Les Alpes ont surgi lors de la collision entre l'Italie – petit compartiment détaché de l'Afrique – et le sud de l'Europe. L'Himalaya correspond à la zone du choc entre l'Inde et l'Asie. La cordillère des Andes jalonne la limite entre un continent, l'Amérique du Sud, et un océan, le Pacifique.
Les indices de l'histoire des montagnes
Les roches
Les chaînes de montagnes présentent une grande diversité de roches, réparties en quatre grands types : sédimentaire, métamorphique, plutonique et volcanique.

Dans leur grande majorité, les roches sédimentaires, comme les grès (anciens sables), les argiles, les marnes et les calcaires, datent des époques où les actuels domaines montagneux étaient sous la mer. Les fonds marins subissaient alors diverses conditions de sédimentation en fonction de leur profondeur, de leur éloignement des rivages, de la présence de hauts-fonds intermédiaires, des régimes des courants, des climats, etc. La sédimentation calcaire, parfois d'origine corallienne, a créé des couches constituant aujourd'hui les barres calcaires qui marquent les paysages par des plateaux et des falaises souvent abruptes, comme dans l'ensemble des chaînes subalpines.

Dans le contexte des phénomènes de compression d'une orogenèse, des roches d'origines diverses se trouvent enfouies en profondeur et subissent alors des augmentations de pression et de température. Elles se transforment progressivement par métamorphisme : apparaissent un feuilletage appelé schistosité et de nouveaux minéraux comme les grenats. Les principales roches métamorphiques sont les quartzites, les marbres, les schistes, les amphibolites et les gneiss.

Les granites sont des roches plutoniques fréquentes dans les massifs montagneux, surtout quand ils sont anciens. Ils naissent du refroidissement lent de magmas d'une composition chimique différente de celle des laves habituelles (basaltes, andésites, etc.). En se refroidissant, les éléments cristallisent et les minéraux se forment : d'abord les micas, puis les feldspaths, puis le quartz. Les chaînes de montagnes peuvent présenter deux grands types de granites : ceux datant des orogenèses précédentes et qui ont été rehaussés – c'est le cas le plus fréquent –, et ceux contemporains de la chaîne, beaucoup plus rares car actuellement situés en profondeur et non encore visibles. En montagne, il n'est pas rare de rencontrer des fissures contenant des cristaux de quartz. Ces « fours », comme les appellent les cristalliers, se sont formés, à une profondeur d'une dizaine de kilomètres et à une température d'environ 400 à 450 °C, par circulation de fluides riches en silice qui se déposent autour de la fissure ouverte.
Dans les chaînes de montagnes plissées, on peut observer des roches volcaniques qui, selon leurs origines, peuvent être classées en deux groupes principaux : celles qui correspondent à un volcanisme aérien, ancien ou actuel, lié à des phénomènes de subduction de type andin ou japonais, et celles qui ont appartenu au plancher océanique puis ont été portées en altitude par des charriages et des chevauchements lors des collisions continentales ; on parle alors d'ophiolites ou de complexes ophiolitiques.
Les fossiles
La présence de fossiles est un indicateur précieux pour reconstituer l'histoire d'une chaîne. Ils sont généralement marins, et permettent à la fois de dater les couches de terrains sédimentaires et de reconstituer les milieux dans lesquels ils vivaient. On retrouve dans l'Himalaya, jusqu'à 5 000 m d'altitude, des fossiles d'ammonites qui datent de l'ère secondaire. De même, à La Mûre (dans le Dauphiné), des fossiles de fougères livrés par des niveaux associés au charbon ont permis de reconstituer le milieu écologique des forêts marécageuses intramontagneuses qui existaient il y a 320 millions d'années, à la fin de la surrection hercynienne, bien avant l'ouverture de l'océan alpin. Les fossiles peuvent également être des traces ou des figures de courants, comme des rides (ripple-marks) sur le sable d'anciennes plages, parfaitement conservées dans des grès du trias datant de 230 millions d'années.
1.2. Les types de chaînes
Types morphologiques

Les grandes chaînes de montagnes actuelles peuvent être regroupées selon trois types morphologiques majeurs :
Les Andes sont le type même de la chaîne de subduction, formée au contact d'une plaque océanique qui plonge sous un continent. L'épaisseur de la croûte est maximale (70 km). La montagne est bordée par une série de gradins de failles culminant à plus de 5 000 m au niveau de l'Altiplano.

Dans les chaînes de collision comme l'Himalaya, deux continents s'affrontent : le continent mobile ne pouvant plonger sous l'autre (sa croûte est trop légère), il est affecté par de grands cisaillements qui sont déplacés sur des distances considérables (plusieurs centaines de kilomètres) et sont à l'origine de reliefs dissymétriques imposants. L'avant-pays est affecté de plis ou plis-failles, donnant une morphologie de crêtes, monts et vaux si l'érosion est peu avancée (Siwalik de l'Himalaya), ou de reliefs contraires de combes et vaux perchés en cas de dissection poussée (Préalpes).

Les chaînes intracontinentales (à l'intérieur d'un continent) résultent du contrecoup de collisions plus lointaines. De type plissé, elles se forment au niveau de zones de faiblesse, par serrage de bassins sédimentaires (Haut Atlas marocain) ou par coulissage et compression le long de chaînes décrochantes (Tian Shan).
Si on s'en tient au simple aspect géographique, on peut distinguer trois principaux types de montagnes : les chaînes plissées, les structures massives et les systèmes volcaniques.
La plupart des chaînes de montagnes récentes sont des chaînes plissées, dans les reliefs desquelles on peut distinguer des plissements, des failles, des chevauchements anormaux et des charriages (déplacements horizontaux sur plusieurs kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres, de secteurs géologiques complets) plus ou moins importants. Les Alpes, l'Himalaya, la chaîne du Zagros (en Iran), l'Atlas marocain ou le Jura montrent de telles structures plissées ; celles-ci témoignent des mécanismes de raccourcissement, dus aux collisions des plaques qui les ont fait naître.
Les structures massives caractérisent plus généralement d'anciennes montagnes, usées, qui ont été de nouveau soulevées lors d'événements tectoniques récents. De grandes failles délimitent des unités plus ou moins importantes dont le relief a été rajeuni. C'est le cas du Massif central ou des Vosges. Les compartiments soulevés forment un horst alors que les zones affaissées dessinent un graben, ou fossé d'effondrement, comme la plaine de la Limagne, entre l'Auvergne et le Forez.

Le troisième type de montagnes correspond au volcanisme. Ainsi, les monts du Kenya (en Afrique équatoriale), les sommets de l'Islande (dans l'Atlantique Nord) ou l'île de la Réunion (dans l'océan Indien) présentent une origine strictement volcanique, par accumulation des laves et des projections. De même, le mont Ararat (à la frontière entre la Turquie et l'Iran) est une montagne volcanique, de 5 000 m d’altitude, isolée dans le paysage.
Cependant, plusieurs types d'origines peuvent s'ajouter les uns aux autres. Les montagnes du Hoggar (au cœur du Sahara) correspondent à un dôme granitique sur lequel sont venues se surimposer des manifestations volcaniques. Dans les Andes, des volcans forment souvent des sommets élevés qui se superposent à l'ensemble de la structure plissée de la chaîne.
Types géographiques
Les grandes chaînes de montagnes actuelles se répartissent géographiquement suivant deux grandes lignes principales bien définies à la surface de la Terre :
– Les chaînes péripacifiques sont associées à de fortes activités sismiques et volcaniques : les cordillères américaines, de l'Amérique du Sud à l'Alaska, jalonnent une limite entre continent et océan chaînes de du Pacifique Ouest se répartissent suivant un chapelet d'îles: Kamtchatka, Japon, Indonésie, Nouvelle-Guinée, Nouvelle-Zélande.
– Les chaînes alpines s'étendent du Maroc jusqu'au Sud-Est asiatique. Elles s'inscrivent à l'intérieur des structures continentales et comprennent l'Atlas, les Pyrénées, les Alpes, les chaînes dinariques et turques, le Caucase, les montagnes d'Iran et d'Afghanistan, l'Himalaya et les chaînes de Birmanie.
1.3. Principales structures géologiques
Nées pour la plupart de la convergence de deux plaques tectoniques, les chaînes de montagnes montrent des structures qui témoignent des raccourcissements subis par des régions entières.
Les failles
Les contraintes exercées sur les roches peuvent provoquer leur fracturation et le coulissage d'un des compartiments rocheux par rapport à l'autre. On peut distinguer deux principaux types de failles : les failles normales, dont le compartiment situé au-dessus du plan de faille s'est affaissé, et les failles inverses, dont le compartiment situé au-dessus du plan de faille s'est soulevé et est venu chevaucher les terrains sous-jacents. Les failles normales, datant de l'ouverture de l'océan, qui a précédé la formation de la chaîne, traduisent des contraintes d'extension, et les failles inverses, se formant lors des phases de rapprochement et de collision, résultent des contraintes de compression. Ces accidents ne sont généralement pas isolés, mais groupés en réseaux; ceux-ci peuvent délimiter des compartiments de socle dont les uns se soulèvent (horst) alors que les autres s'affaissent (graben). Les massifs cristallins externes des Alpes (Mont-Blanc, Belledonne, Pelvoux, Argentera) ont été soulevés en altitude par un ensemble de failles.
Les plis et les chevauchements

Les plissements sont des déformations souples des roches formées en profondeur (les terrains situés au-dessus ont été ensuite décapés par l'érosion, laissant apparaître des plis dans le paysage actuel) et dessinant des courbes et des ondulations plus ou moins régulières, symétriques ou déversées. La partie creuse du pli se nomme synclinal, la partie bombée anticlinal. L'érosion peut jouer sur les plissements et venir créer des structures particulières, comme les synclinaux perchés. Ce type de relief naît quand les anticlinaux qui étaient de part et d'autre du pli ont été plus fortement érodés que ce dernier. C'est le cas du désert de Platé, à l'ouest du massif du Mont-Blanc (en Haute-Savoie).
Les contraintes latérales, qui font naître les plis, peuvent être si fortes que ceux-ci se déversent, s'étirent et se cassent. Si les contraintes de raccourcissement continuent, la partie supérieure du pli et toute la couche qui suit peuvent se déplacer sur des dizaines de kilomètres. On parle alors de nappes de charriage. Il est parfois difficile de retrouver la zone de départ et les racines d'origine de la nappe. De grandes nappes de charriage caractérisent les structures des Alpes internes : nappes ultra-helvétiques en Suisse, nappe des schistes lustrés à la frontière franco-italienne, nappe du flysch à helminthoïdes dans la région d'Embrun (Hautes-Alpes) et plus au sud. Dans la complexité des mouvements orogéniques, les phénomènes de charriage peuvent parfois s'inverser et venir disposer les roches dans un ordre totalement inverse de celui de leur dépôt. On rencontre de telles structures dans les Alpes, comme à Ceillac (dans le Queyras), où les roches sont disposées à l'envers : les niveaux du crétacé sont à la base de la montagne, les niveaux plus anciens du jurassique sont au-dessus, et ceux du trias constituent les sommets.
Les grands chevauchements correspondent à des compartiments entiers de la chaîne de montagnes et de son socle lithosphérique qui passent par-dessus d'autres terrains sur plusieurs kilomètres d'épaisseur. Ils forment ainsi de véritables écailles de croûte terrestre. De cette façon, le haut Himalaya chevauche le moyen Himalaya, qui lui-même chevauche la plaine du Gange (en Inde).
2. GÉOGRAPHIE
2.1. Les principaux sommets du monde
Les principaux sommets du monde
LES PRINCIPAUX SOMMETS DU MONDE
Sommet
Chaîne ou massif
Altitude
Asie
Everest
Himalaya
8 848 m
K2
Karakorum
8 611 m
Kangchenjunga
Himalaya
8 586 m
Lhotse
Himalaya
8 545 m
Makalu
Himalaya
8 515 m
Pobedy
Tian Shan
7 439 m
Ismaïl-Samani
Pamir
7 495 m
Europe
Mont Blanc
Alpes
4 410 m
Elbrouz
Caucase
5 633 m
Amérique
Aconcagua
Andes
6 962 m
McKinley
Montagnes Rocheuses
6 194 m
Afrique
Kilimandjaro
Afrique orientale
5 895 m
Antarctique
Mont Vinson
Partie ouest
5 140 m
2.2. L'érosion en montagne

Les montagnes sont aux prises, dès qu'elles commencent à s'élever, avec les forces de destruction, qui deviennent de plus en plus mordantes à mesure que l'édifice grandit. En altitude, les violents contrastes de température peuvent disloquer les roches ou accentuer leur porosité, en préparant ainsi l'action du gel ; celui-ci dilate l'eau qui imprègne les vides, et fait éclater les assises, dont les débris roulent sur les pentes en éboulis. L'eau courante intervient à son tour, s'empare des matériaux épars, qui accroissent sa charge, creuse ainsi le sillon d'un torrent qui balafre le flanc de la montagne. Le rôle de la neige et celui de la glace sont aussi importants. La neige glissant des crêtes s'accumule dans les fonds, où elle se transforme en glace ; celle-ci fait reculer les parois des cavités où elle s'amasse, et les aménage en cirques, dont les rebords jointifs s'aiguisent en arêtes, puis en aiguilles. Débordant des cirques, la glace progresse dans les vallées en énormes fleuves qui modèlent les formes du sillon où ils s'engagent ; là aussi, les parois sont redressées, tandis que le fond s'élargit, donnant à la vallée glaciaire la forme d'une « auge ».
Ainsi l'érosion modifie les formes originelles, en fonction de l'altitude, de la nature des roches, de la disposition des assises et du type de climat. Plus le volume saillant est considérable, plus l'érosion est puissante, et plus la montagne sera déchiquetée et évidée. Si la roche offre peu de joints où peut se glisser le gel, elle résistera mieux que celle qui est « gélive » ; des assises dures et solidement liées seront moins aisément entamées par l'eau courante ou par le flot de glace. Certaines roches sont moins sensibles que d'autres à l'érosion chimique. Des plis serrés et disloqués exposent aux attaques des roches variées, et facilitent la désintégration. Enfin, le climat tient un rôle capital. Dans les régions tempérées fraîches, tous les facteurs érosifs sont réunis pour travailler activement ; les variations brusques de température, le gel, la puissance des eaux et des glaces combinent leurs effets pour ciseler la montagne. Les hautes terres des régions désertiques, où l'eau courante est trop rare pour entraîner les abondants produits de la « desquamation », s'ensevelissent peu à peu sous leurs propres débris. Les régions tropicales assorties d'une forte saison humide juxtaposent les chicots rocheux laissés par l'érosion chimique, et de formidables tranchées d'érosion. À peine nés, les grands volcans tropicaux sont griffés de « barrancos », qui érodent leurs flancs.
2.3. Le climat
Températures
L'altitude affecte d'abord les températures : à 100 m de montée correspond une diminution moyenne de 0,6 °C : ainsi, à 1 000 m d'altitude, la température est inférieure de 6 °C à celle du niveau de la mer. Toutefois, les versants exposés au soleil (« soulanes » pyrénéennes, « adrets » alpins) sont, à altitude égale, plus chauds que les versants à l'ombre, les « ubacs ». De plus, aux saisons fraîches, lorsque l'air froid, plus lourd, vient s'accumuler en bas, les pentes souffrent moins des gelées que les dépressions qu'elles dominent. La température moyenne annuelle de l'air baisse en fonction de l'altitude ; en contrepartie, le sol reçoit une irradiation plus forte et s'échauffe davantage. Mais, à l'ombre ou la nuit, le sol se refroidit facilement, car l'air, peu dense, permet une déperdition de chaleur plus importante que celle observée en plaine : on peut avoir en montagne une alternance de gel nocturne et de fortes chaleurs diurnes. Ce phénomène est plus intense dans les montagnes équatoriales, où la durée de la nuit est presque égale à celle du jour, et cela toute l'année ; ce n'est pas le cas dans nos régions où, l'été, la période d'éclairement journalier est très longue par rapport à la période obscure.
Vents

Par ailleurs, la montagne est affectée de vents d'un type particulier, qui peuvent modifier les températures. Lorsqu'un imposant flux d'air dépendant de la circulation atmosphérique générale traverse une chaîne, il est, à la descente, canalisé avec violence dans les vallées ; il s'échauffe, fait monter rapidement les températures et dévore la neige : c'est le chinook des Rocheuses (aux États-Unis), le fœhn des Alpes. En été, le soleil fait s'élever sur les pentes, en fin de matinée, les couches d'air ; il en résulte un appel d'air du bas vers le haut, qui remonte les vallées, parfois avec impétuosité, et qui tempère, sur les versants, les chaleurs estivales ; en revanche, pendant la nuit, l'air redescend les pentes et suit les vallées en brises fraîches.
Humidité
Cependant, avec l'abaissement de la température, l'influence capitale de la montagne sur le climat est le renforcement de l'humidité. Les masses d'air que la circulation atmosphérique dirige vers les hautes terres se refroidissent en montant, et, dès lors, condensent leur humidité, qui se résout en pluie et en neige. Aussi la montagne est-elle toujours plus arrosée que les terres basses qui l'avoisinent. Les hautes terres sont de véritables châteaux d'eau ; mais, souvent, les eaux sont « mises en réserve », pendant un temps, sous forme de neige ou de glace. En dehors des latitudes polaires, les glaciers sont aujourd'hui localisés seulement dans les montagnes, et cela jusque dans les régions tropicales, pourvu que l'altitude soit suffisante. Ainsi alimentés, les cours d'eau montagnards sont d'une rare abondance ; les puissants débits sont d'ailleurs soumis à des saccades dès que la neige et la glace concourent à leur alimentation. Ils se réduisent à l'extrême l'hiver, lorsque les précipitations atmosphériques tombent sous forme solide, mais sont grossis au printemps avec la fonte des neiges. Ils restent soutenus l'été si des glaciers sont tapis dans les hauts bassins.
2.4. La végétation
De l’importance du climat
Le paysage végétal change selon l'altitude, chaque niveau portant un « étage de végétation » (ou « ceinture végétale ») caractéristique. Cette diversité est provoquée essentiellement par les conditions climatiques.
En effet, plus on s'élève, plus l'air se raréfie et moins il retient les radiations solaires. L'importance du rayonnement en montagne accentue donc en altitude les effets de l'exposition, surtout aux latitudes moyennes, bien plus que vers l'équateur où le soleil est presque au zénith : les flancs des vallées au soleil portent des landes à genêts, des pins sylvestres, des chênes, tandis que le versant à l'ombre porte des sapins.
Les précipitations créent, l'hiver, un manteau neigeux qui, dans les Alpes françaises, est d'une durée de quatre mois à 1 000 m, de six à 1 500 m, de sept à 1 800 m et de neuf à 2 400 m, et raccourcit d'autant la période végétative. Mais, suivant les facteurs topographiques, cette durée moyenne varie beaucoup ; ainsi, sur certaines crêtes ventées, la couverture neigeuse peut être faible et courte, alors que, dans certaines dépressions abritées, la neige peut, à moyenne altitude, persister tout l'été et permettre l'installation d'un tapis végétal dont la microflore, chionophile, est adaptée à une vie prolongée sous la couverture de neige (saules nains, soldanelles). Ce tapis neigeux crée une surcharge pondérale qui peut provoquer brisures et arrachements lorsque des paquets de neige glissent. Mais cette couche neigeuse a aussi une action bénéfique sur la végétation, en la protégeant des gelées, qui détruisent les organes non aoûtés s'ils ne sont pas protégés, ce qui explique le nanisme de certains arbustes (rhododendrons), dont seuls les rameaux protégés par la neige peuvent supporter le climat hivernal. Ainsi, les pentes exposées au nord ont une végétation arbustive bien fournie, car le manteau neigeux la met à l'abri des alternances de gel et de dégel, si fréquentes au printemps sur les faces exposées au sud.

Caspar David Friedrich, le Voyageur au-dessus de la mer de nuages
Enfin, l'humidité atmosphérique, assez élevée dans l'étage montagnard (1 000 m-1 600 m), crée à ce niveau une zone très fréquente de brouillards et de nuages (mer de nuages) qui, dans les Alpes et les Pyrénées, permet l'installation de forêts bien fournies (hêtres, sapins). Dans les étages subalpin et alpin, au contraire, l'humidité atmosphérique diminue nettement, d'où la grande limpidité de l'air. L'intensité lumineuse, qui y est moins filtrée qu'en basse altitude, est dans l'ultraviolet quatre fois plus intense qu'au bord de la mer ; elle est peut-être un facteur déterminant de certaines particularités morphologiques et physiologiques : faible longueur des entre-nœuds, couleur très vive des espèces de haute altitude. Le rayonnement cosmique, dix fois plus important à 6 000 m qu'au niveau de la mer, pourrait avoir une action déterminante en augmentant fortement le taux des mutations.
Le vent est aussi un facteur d'une importance biologique considérable, car il dessèche les végétaux non protégés par la neige et détruit, par son action brutale, les jeunes bourgeons ou les jeunes pousses, réduisant ainsi la taille de certaines espèces ou donnant à d'autres une forme en « drapeau » (anémomorphose).
Les étages de végétation (montagnes du bassin méditerranéen)

Ces conditions climatiques déterminent, suivant l'altitude, les étages de végétation, parmi lesquels on distingue, en France :
1° un étage collinéen (de 0 à 600-700 m), qui, dans la région méditerranéenne, est caractérisé par la présence de chênes-lièges, de pins d'Alep et, au-dessus, par des peuplements de chênes verts ;
2° un étage montagnard (entre 600-700 m et 1 600 m), qui est surtout le domaine du hêtre, accompagné suivant les régions du pin sylvestre ou, comme en Corse, à la base de cet étage, du pin laricio. Dans les Pyrénées orientales, le sous-bois de la hêtraie est peuplé de myrtilles, de luzules et d'aspérules, qui peuvent évoluer vers la lande (à buis sur sol calcaire ou à genêts sur sol siliceux). Dans la partie centrale des Pyrénées, plus sèche que la partie orientale, la hêtraie fait place aux peuplements de pins sylvestres avec des sous-bois de raisin d'ours (busserole) ; les landes sont peuplées de genêts et de genévriers communs ;
3° un étage subalpin (1 600 m-2 400 m), qui possède surtout des peuplements de pins à crochets formant, dans les Pyrénées, de belles forêts. À cet étage, dans les massifs centraux des Alpes, à climat plus continental, le mélèze remplace le hêtre ; on y trouve également le pin cembrot et l'épicéa, qui, lors de leur migration au cours du quaternaire, n'ont pu atteindre les Pyrénées ; l'aulne vert est encore assez fréquent à ce niveau. Cet étage subalpin est aussi occupé par de grands peuplements d'arbustes : rhododendrons, myrtilles et genévriers nains, ainsi que par des pelouses à fétuques et à Carex sempervirens . De nombreux oiseaux comme les pics ou les tétras vivent à cette altitude ;

4° un étage alpin, absent des massifs externes des Alpes, est surtout défini par l'absence d'arbres et par un appauvrissement très net de la flore. Les pelouses y tiennent donc une grande place ; sur sol acide, elles sont surtout caractérisées par Carex curvula et par Carex firma sur les sols calcaires. Dans les Alpes, la petite renoncule des glaciers est la plante qui atteint la plus forte altitude (4 270 m) ; deux mousses ont été retrouvées à 4 400 m au mont Rose, deux lichens se rencontrent encore à 4 700 m dans le massif du Mont-Blanc. C'est aussi le domaine de prédilection d'animaux caractéristiques tels que les chamois, les bouquetins, les choucas, les marmottes ou les perdrix des neiges, appelées lagopèdes.
Cette schématisation des étages est la même dans toutes les montagnes entourant le bassin méditerranéen, comme les Apennins, les Alpes dinariques, les chaînes de la péninsule balkanique et d'Anatolie, le Caucase et les chaînes d'Afrique du Nord. Mais, pour chaque région, la flore sera particulière, au moins en partie.
Les étages de végétation (autres écosystèmes)
Ailleurs dans le monde, les étages de végétation n’ont pas les mêmes caractéristiques.
Himalaya
La chaîne himalayenne, dans sa partie méridionale, la plus arrosée, porte une végétation extrêmement riche et une très grande variété dans les peuplements, qui s'étagent sur plus de 4 500 m. À la limite de la plaine cultivée, le terai correspond à une jungle marécageuse couverte de roseaux et de hautes herbes ; dans certaines parties sèches se localise une forêt claire avec un riche sous-bois de buissons et de hautes herbes rigides. Au-dessus, dans la zone où les condensations sont les plus importantes, existe une superbe forêt tropicale à bambous (plus de 30 m), aux arbres géants couverts d'épiphytes et de lianes ; vers 1 500 m, on rencontre une forêt où les essences tropicales sont en mélange avec des chênes, des bouleaux, des érables et des ronces. Entre 2 000 et 3 000 m, on trouve de belles forêts d'arbres à feuilles caduques (chênes, châtaigniers, noyers, bouleaux), avec de remarquables peuplements de magnolias ; ces arbres sont également couverts d'épiphytes (orchidées), de mousses et de lichens gorgés d'humidité. Au-dessus de 2 700 m, le sapin argenté est de plus en plus fréquent. À cette altitude apparaissent les rhododendrons, qui vont prédominer dans l'étage subalpin, zone qui, au fur et à mesure que l'on s'élève, devient de plus en plus sèche. Dans la zone alpine (4 000 à 5 000 m), on retrouve encore des rhododendrons ; la steppe alpine culmine vers 5 500 m dans les vallées intérieures.
Montagnes Rocheuses

Dans les Rocheuses méridionales, la forêt occidentale mésophile est caractérisée, dans son niveau inférieur, par des peuplements de pins (Pinus ponderosa), avec des sous-bois à genévriers et diverses graminées xérophiles jusqu'à 2 400 m. Au-dessus, les précipitations sont de l'ordre de 500 mm et le sapin de Douglas domine progressivement. Vers 3 000 m, on trouve une forêt d'épicéas avec un sous-bois d'airelles ; au-dessus de 3 500 m, l'étage supraforestier est une prairie alpine rase et dense, composée essentiellement de cypéracées (kobresia), avec de nombreuses plantes naines à feuilles en rosette ou en coussin, à grandes fleurs très colorées (gentianes, primevères, saxifrages, myosotis) présentant les caractéristiques de la flore alpine.
Mexique
Au Mexique, dans les basses plaines du golfe, jusqu'à 800 m, on est en présence d'un étage tropical humide où se rencontrent des ficus, des palmiers, des dendropanax, avec des épiphytes ; au-dessus, l'étage semi-tropical, jusqu'à 2 000 m, est caractérisé par des feuillus (chênes verts, arbousiers) ; entre 2 000 et 4 000 m se situe un étage froid où l'on peut distinguer, de la base au sommet, un sous-étage à pins, chênes et cyprès, un deuxième à Abies religiosa très humide, et enfin un troisième peuplé de pins qui, vers 4 000 m, sont de moins en moins abondants, et de genévriers ; les hauts sommets sont couverts de prairies à graminées, lupins et eryngiums ; les neiges éternelles commencent à 4 500 m.
Cordillère des Andes

Dans le nord de l'Amérique du Sud, le pied des montagnes est couvert par la forêt ombrophile, à laquelle fait suite une forêt humide subtropicale, qui se termine à 2 500 m. Au-dessus, la ceja est une forêt rabougrie très dégradée. À partir de 3 300 m et sur une dénivellation de 1 000 m, on rencontre une formation humide, le páramo, dominée par les graminées, avec des broméliacées et des composées. Les hauts sommets correspondent à un étage alpin et sont caractérisés par des plantes en coussins (azorella), qui peuvent vivre encore à 5 100 m. Dans les Andes, vers le 38e degré de latitude, apparaît la forêt d'araucarias (Araucaria imbricata), à laquelle font suite, entre le 39e et le 40e degré, de 700 à 1 100 m, la forêt de hêtres à feuilles pérennes (Nothofagus pumila) et un sous-bois de bambous ; plus au sud, au 50e degré, on trouve le Nothofagus antarctica, dont les derniers éléments culminent vers 900 m.
Afrique équatoriale
En Afrique équatoriale, en particulier dans le Ruwenzori, on trouve jusqu'à 1 000-1 200 m une formation hygrophile, obscure et à nombreuses lianes et épiphytes ; au-dessus, vers 1 600-1 700 m, succède à cette forêt une sorte de parc-savane qui précède, vers 2 000 m, une savane à très hautes graminées ; entre 2 200 et 3 000 m, on retrouve une forêt de montagne à podocarpus, fougères arborescentes et bambous ; vers 3 500 m, la température s'abaisse fortement et la nébulosité augmente ; on découvre là une brousse à bruyères arborescentes et à fougères, couverte de lichens pendant des branches ; des sphaignes y forment un épais matelas spongieux ; entre 3 500 m et 4 000 m se localise, sous un climat plus sec que l'on peut comparer à celui de l'étage subalpin de nos montagnes, une étrange formation, unique au monde, de seneçons arborescents, de lobelias géants, accompagnés d'éricacées et d'immortelles. Enfin, à partir de 4 000 m, l'étage alpin terminal est caractérisé par une prairie rase, où vivent des espèces peu éloignées de celles de l'Europe (fétuques, paturins, renoncules, gentianes, primevères, achillées, hélichrysums, etc.). Au-dessus de 4 800 m, il n'y a plus que les neiges éternelles et les glaciers.
Asie du Sud-Est
En Asie du Sud-Est, aux Philippines et en Indonésie, jusqu'à 1 200 m, on est en présence de la forêt ombrophile très dense, et, au-delà, d'une forêt de feuillus à feuilles épaisses (lauracées, myrtacées, magnoliacées), des palmiers lianoïdes, des fougères arborescentes et de nombreux peuplements de bambous. Au-dessus de 2 500 m apparaît une forêt basse, aux arbres tordus et nains, à laquelle succèdent d'épaisses broussailles aux petites feuilles et un maquis à rhododendrons qui correspond à l'étage subalpin. Plus haut se situe un étage alpin avec primevères, gentianes, potentilles...
2.5. La montagne et l'homme

Toutes les activités de montagne sont affectées par la pente, surtout l'agriculture, qui doit s'accommoder de versants raides, où il faut parfois étager les champs en terrasses, remonter la terre qui a glissé. Dans certains pays, faute de chemins, tout doit être exécuté à bras, travaux et transports. Par ailleurs, les glissements de terrain, les éboulements et les chutes de pierre constituent un danger fréquent ; lorsqu’ils se combinent avec de violentes averses ou de brutales fusion de neige, ils accroissent les ravages des eaux : les ravins griffent le sol, les lits des torrents charrient d'énormes masses de matériaux et, dans les vallées, l'inondation peut provoquer des ravages. Enfin, la neige cloître les hommes et leurs bêtes dans les demeures, déchaîne des avalanches.
Pourtant, la montagne possède de nombreux attraits. Grâce à ses replis, elle constitue notamment un refuge, dont les difficultés d'accès rebutent l'assaillant. En outre, elle possède un air vif et salubre (qui attire les populations), des alpages (qui permettent la transhumance du bétail), de belles forêts, des eaux abondantes (dont l'énergie est exploitée pour des activités industrielles) et recèle des filons métallifères. C’est pourquoi très rares sont les montagnes restées dépeuplées ; il en est même où les hommes sont plus nombreux que dans les dépressions voisines, comme en Kabylie, dominant la vallée de la Soummam, ou au Liban, au-dessus de la Beqaa.
La vie en montagne
Le relief entraîne de grandes dépenses d'énergie. Il disperse aussi les étendues exploitables en emplacements presque toujours restreints et souvent difficilement accessibles. Enfin, la saison au cours de laquelle peuvent s'effectuer les travaux est brève.

Les paysans des hautes terres ont donc vécu en véritables nomades, parcourant sans cesse les divers étages de leur terroir, grimpant aux alpages et redescendant aux champs, possédant souvent plusieurs demeures à des paliers différents, où l'on s'installe pour quelques semaines, telles les « remues » de Savoie. Se posait le problème de la longue saison morte, où il fallait subsister sans rien produire ; ils l'ont résolu par l'émigration temporaire.
Cet équilibre séculaire s'est rompu depuis le milieu du xixe s., dans les montagnes des pays tempérés. Pénétrés par des voies ferrées et des routes, ces massifs se sont trouvés aux prises avec le monde moderne, tout en ne disposant que de méthodes surannées. L'émigration saisonnière vers les terres basses a disparu depuis que le colportage n'est plus rentable et que les machines agricoles dispensent de recourir à la main-d'œuvre montagnarde ; dès lors, les hautes régions se sont trouvées surpeuplées, car leur médiocre agriculture était hors d'état d'assurer à elle seule la subsistance d'une population trop nombreuse. L'émigration définitive a pris le relais des départs temporaires.

L'hydroélectricité, puis le tourisme ont partiellement compensé cette évolution. Depuis 1869, on tire parti de la force des torrents ; la montagne s'est garnie de centrales qui fournissent une énergie considérable, et une partie de cette puissance a pu être utilisée sur place, dans des usines de transformation où s'emploie la main-d'œuvre locale. Mais ces industries ne peuvent s'installer que dans quelques vallées privilégiées, bien pourvues de moyens de transport. Le tourisme est venu à la rescousse, et des foules de plus en plus nombreuses envahissent la montagne, été comme hiver. Houille blanche, industrialisation et tourisme, s'ils ont limité globalement le dépeuplement (c'est particulièrement vrai dans les Alpes françaises du Nord), ont surtout contribué à concentrer cette population sur des sites privilégiés (développement spectaculaire des villes comme Grenoble et Annecy en France, ou Innsbruck, en Autriche), souvent d'ailleurs à la périphérie ou presque des massifs. Demeure le problème du maintien d'une population à vocation au moins partiellement agricole, permettant la sauvegarde du milieu naturel, que menace d'ailleurs parfois le développement « sauvage » du tourisme de masse. La création de parcs ou réserves, nationaux et régionaux, répond à ce souci.
L'enjeu touristique
L’attrait de la montagne

C'est sans doute à Jean-Jacques Rousseau que l'on doit les premiers textes célébrant le côté merveilleux de la nature en montagne. À la fin du xviiie s., Horace Bénédict de Saussure, savant genevois, écrit Voyages dans les Alpes. Quelques années plus tard, les premiers voyageurs anglais font leur apparition dans la vallée de Chamonix afin de découvrir le mont Blanc. Cependant, au xixe s., les touristes sont encore rares, et seuls quelques alpinistes osent s'aventurer en haute montagne. À la fin du xixe et au début du xxe s., on construit les premiers grands hôtels à Chamonix et à Zermatt (en Suisse). C'est aussi de cette époque que datent les premiers chemins de fer à crémaillère. Le tramway du Montenvers permet d'accéder à la mer de Glace, tandis que le plus élevé des Alpes est celui de la Jungfrau (en Suisse) ; il monte, sous terre, dans la face nord de l'Eiger au-dessus d'Interlaken, jusqu'à 3 500 m d’altitude.
Le développement des sports d’hiver

Le grand essor touristique dans les Alpes date des années 1950 et 1960 pour deux raisons principales : la généralisation des congés payés et l'augmentation du niveau de vie, d'une part; le développement des sports d'hiver, avec un engouement généralisé pour le ski, d'autre part. Les années 1970 ont vu la construction des grandes stations de ski intégrées, comme Tignes, Flaine ou Les Arcs, alors que d'autres stations, comme Chamonix ou Zermatt, datant de la fin du xixe s. dernier, se sont transformées progressivement pour s'adapter à l'évolution de la fréquentation touristique. Depuis 1970, l'« or blanc » est devenu une véritable manne pour l'activité économique des montagnes, créant des emplois dans le bâtiment, les travaux publics, la maintenance des exploitations, l'hôtellerie et le commerce. Les Alpes ne sont pas les seules à bénéficier de l'attrait touristique : les montagnes Rocheuses (aux États-Unis) connaissent aussi un afflux de visiteurs, notamment étrangers, en particulier dans les grands parcs nationaux.
De nouvelles activités

Cependant, depuis le début du xxie s., on assiste à un ralentissement des sports d'hiver. D'autres formes de loisirs prennent le relais : nouvelles activités sportives (parapente, canyoning, hydrospeed), tourisme sportif, marche en montagne, découverte de la nature, activités nautiques sur les lacs de barrage en basse altitude, etc. En outre, depuis les années 1980, le trekking s'est développé également dans les montagnes lointaines : cette activité consiste à randonner à pied, accompagné par des guides locaux, sur les chemins de l'Himalaya, des Andes ou d'ailleurs, à la découverte de paysages grandioses et de populations vivant encore avec des coutumes et selon des rythmes ancestraux.
Les risques naturels

Par la vigueur des reliefs, la verticalité des pentes et l'activité tectonique profonde, les montagnes sont un terrain de prédilection pour les avalanches, chutes de pierres, catastrophes glaciaires, coulées boueuses, éboulements des faces, inondations, séismes et autres risques naturels.

Quand le manteau neigeux devient trop épais et trop lourd, il se fissure dans sa partie haute, se détache de sa zone d'accrochage et emporte dans sa chute une masse de neige plus ou moins importante. Malgré les prévisions météorologiques et la surveillance de l'état de la neige, les avalanches restent un danger important. Elles provoquent, en moyenne, la mort de 100 personnes par an dans les Alpes françaises.
En haute montagne, les fissures sont imbibées d'eau. Les alternances de gel et de dégel déstructurent progressivement les roches. Il suffit alors d'une forte période de sécheresse ou, à l'inverse, d'une très grande pluviosité pour déstabiliser des pans entiers de falaise. En 1970, au Pérou, l'éboulement du Huascarán a déplacé une masse de 10 millions de mètres cubes de roches ; on estime que certains rochers de plusieurs centaines de tonnes se sont déplacés avec une vitesse de pointe de plus de 300 km/h. Même à petite échelle, les éboulements rocheux qui affectent les parois constituent un véritable péril, en particulier pour les alpinistes.
Les glaciers présentent parfois aussi un danger pour les habitants situés en aval. Des poches d'eau peuvent se développer sous leur langue, grossir, rester captives quelques années puis rompre brusquement, comme celle du glacier de Tré-la-Tête, qui, au début du xxe s., a provoqué la destruction d'une partie de la ville de Saint-Gervais-les-Bains (en Haute-Savoie).
La forme étroite et encaissée des vallées de certaines régions peut donner aux cours d'eau un pouvoir très dévastateur en cas de fortes pluies. De très nombreuses maisons sont ainsi emportées en période de mousson dans l'Himalaya. Une catastrophe de ce type a eu lieu en France en juin 1957, dans la vallée du Queyras, balayée par le gonflement du Guil : des centaines de maisons ont détruites, les villages et les terres agricoles ravagés.

 

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LITTORAL

 

 

 

 

 

 

 

littoral

Zone sinueuse où s'établit le contact entre la mer ou un lac et la terre. (Le terme a un sens plus large que rivage et côte, qui désignent respectivement les domaines du littoral soumis directement ou indirectement à l'action de la mer.)
1. Formation des littoraux

Étages du littoralÉtages du littoral
Le tracé actuel des littoraux date d'environ six à sept millénaires, à la suite de la remontée du niveau marin provoquée par la fonte des glaciers quaternaires.
Dans leur grande majorité, les côtes sont dites de submersion, puisqu'elles résultent du recouvrement par la mer de terres autrefois émergées. Localement, des mouvements relativement rapides, et vers le haut, de l'écorce terrestre ont pu compenser la submersion et faire émerger les fonds marins ; ce sont des côtes d'émersion. Mais c'est surtout la nature du continent qui conditionne celle du littoral, car la lenteur de son évolution le rend pratiquement invariant face à la grande instabilité de l'océan et de l'atmosphère. Ainsi, on observera des côtes hautes ou basses, selon la topographie acquise à la fin des glaciations : une plaine submergée donnera une côte basse, un relief aux pentes fortes une côte rocheuse élevée.
2. Typologie des littoraux

Selon la nature géologique du continent et l'action que l'océan exerce sur lui, les littoraux peuvent être classés en deux grandes familles : les côtes rocheuses (qui sont le plus fréquemment des côtes dites d'ablation) et les côtes meubles (qui sont le plus souvent des côtes dites d'accumulation).
2.1. Les côtes rocheuses

Les falaises
Haute-Normandie, les falaises d'ÉtretatHaute-Normandie, les falaises d'Étretat
Ce sont les formes les plus communes sur les côtes rocheuses. Une falaise est, au sens strict, une portion de littoral abrupt, dominant les eaux d'au moins quelques mètres. Elle est précédée d'un replat, de largeur variable, recouvert par une faible profondeur d'eau, la plate-forme d'abrasion, qui résulte de l'érosion de la falaise par les eaux, et du recul de celle-ci. Au contact du pied de la falaise et de la plate-forme se présente souvent une cavité dont la profondeur et la hauteur peuvent atteindre quelques mètres. Cette cavité est creusée par le sable et les galets roulés par le ressac. Son agrandissement provoque souvent l'éboulement des roches situées au-dessus, et donc le recul de la falaise.
Sur les côtes de submersion, lorsque la mer baigne d'anciens flancs de collines ou de montagnes partiellement recouverts par les eaux, les falaises ne sont pas précédées d'une plate-forme; on parle alors de fausses falaises. Ces dernières peuvent devenir de « vraies » falaises après l'attaque de leur base par la mer et le dégagement d'une plate-forme. Quand une falaise n'est plus attaquée par la mer, et si elle est peu à peu séparée du rivage par des sédiments ou à la suite d'une baisse locale du niveau de la mer, elle cesse d'être une forme littorale vivante pour devenir un simple versant continental, ou falaise morte (certaines peuvent être situées à plusieurs kilomètres du rivage). Selon la nature de la roche qui constitue les falaises, leur vitesse d'évolution et leur aspect seront très variables : sous les climats tempérés, une falaise constituée de roche cristalline (granite, par exemple) est pratiquement stable, alors qu'une falaise calcaire peut reculer très vite ; cette évolution peut être inversée sous les climats tropicaux.
La hauteur des falaises varie, de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres : le cap Ortegal, en Galice (Espagne), présente des à-pics de 400 m, et des dénivellations de près de 1 000 m ont été relevées dans le nord du littoral chilien.
Le principal agent d'érosion est l'action des eaux marines, qui exploitent des faiblesses de la roche telles que les diaclases ou les fractures ; à ce phénomène s'ajoute l'usure mécanique de la roche par les galets et les grains de sable en suspension dans l'eau. Les falaises calcaires subissent également une érosion chimique. L'érosion physico-chimique, l'attaque par le gel, l'action des animaux et des végétaux participent à la dégradation des falaises. La plupart des falaises connaissent une évolution cyclique : des débris provenant de la partie émergée s'amassent au pied de la falaise, la protégeant un temps, puis sont déblayés lors des tempêtes. L'attaque du pied de la falaise peut alors reprendre, jusqu'à provoquer un nouvel éboulement. Ainsi, peu à peu, la falaise recule, dégageant une plate-forme d'abrasion de plus en plus large. Ce recul se mesure généralement en mètres par siècle, et peut aller jusqu'à plus de 100 m
Les récifs coralliens
Îles MaldivesÎles Maldives
Le cas le plus remarquable de littoral rocheux conditionné par le climat est celui des rivages coralliens, circonscrits aux régions tropicales et subtropicales, le corail ne pouvant construire de grands édifices que dans des eaux dont la température est comprise entre 25 et 30 °C. Les formes littorales coralliennes sont très variées, mais on peut retenir deux grands types :
– les récifs annulaires – dont les atolls sont les formes les plus répandues – consistent en une barrière corallienne externe, en forte pente vers le large et dont le sommet, émergé, est baigné par les embruns, qui se referme sur un platier construit par le corail et sur un lagon profond de quelques dizaines de mètres ; le platier et le lagon sont fréquemment séparés par des plages de sable ;
– les récifs-barrières tels la Grande Barrière au nord-est de l'Australie (longue de 1 500 km) ou les récifs cernant l'archipel des Fidji ou la Nouvelle-Calédonie.
Les autres types de côtes rocheuses
Fjord GeirangerFjord Geiranger
Si les falaises sont présentes sur les trois quarts des côtes rocheuses, bien des littoraux de même nature passent insensiblement du continent au fond marin sans rupture de pente très nette. Souvent, une plate-forme rocheuse en pente douce, nommée platier, précède le rivage. Certains domaines climatiques sont à l'origine de formes spécifiques de côtes rocheuses. Ainsi, les régions des hautes latitudes, récemment libérées des glaciers ou des calottes glaciaires qui les recouvraient au quaternaire, sont entaillées de fjords et bordés de strandflats (larges plates-formes horizontales). Sous les latitudes tempérées, la remontée des eaux a également submergé les vallées fluviales, formant des rias. Dans les littoraux formés de calcaire résistant, des calanques entaillent les falaises escarpées.
2.2. Les côtes meubles

Les littoraux meubles sont constitués par l'accumulation de matériel non consolidé (galets, sables, vases). On distingue trois types essentiels de côtes meubles : les plages, les lagunes, les estuaires (ou les deltas) ; ils sont souvent associés, un grand estuaire comprenant, par exemple, toujours des plages.
Les plages
Plage de sablePlage de sable
Les plages sont des accumulations en bord de mer de sable ou de galets (on parle alors de grèves), produites par l'effet des houles et des courants. Une plage comprend une partie basse constamment immergée, appelée « avant-plage », sur laquelle la houle se brise en ressac. Plus haut, dans la partie de l'estran découverte à marée basse, se situe le bas de plage, parsemé de rides, les ripple-marks. La partie émergée de la plage, au-dessus du trait de côte, s'appelle « cordon littoral ». Si la plage ne s'adosse pas à un soutien rocheux ou à une dune, elle est bordée sur sa face interne par une pente douce, le revers, descendant vers un marais ou une lagune. Lorsque le cordon littoral, rattaché au continent par une seule de ses extrémités, s'avance dans la mer parallèlement au rivage, on parle de « flèche littorale ». Certaines flèches perpendiculaires au rivage rattachent souvent une île au continent : ces tombolos sont séparés, quand ils sont doubles, voire triples, par un ou plusieurs petits marais salés.
De nombreuses plages, surtout quand elles ne sont pas situées en avant d'une falaise, sont surmontées de dunes, dont la hauteur peut atteindre plus de 100 m (la dune du Pilat, près d'Arcachon, atteint 103 m). Les dunes de grande taille peuvent comprendre plusieurs massifs parallèles. Immédiatement en arrière de la limite des plus hautes mers, une crête de quelques décimètres de hauteur constitue l'avant-dune, séparée de la première ligne de dune, ou dune bordière, par une petite dépression allongée. Derrière celle-ci s'édifient des dunes plus complexes, plus hautes, en forme de croissant.
Les lagunes

Lorsqu'un cordon littoral (ou plusieurs cordons s'appuyant sur des îles) parvient à fermer l'ouverture sur la mer d'une baie ou d'un estuaire, il se forme une lagune, vaste étendue d'eau calme, peu profonde, généralement faite de plans d'eau allongés parallèlement au rivage. Le cordon littoral s'appelle alors un lido, du nom de celui qui limite la lagune de Venise. Les passages ouverts au sein du lido permettent l'accès à la mer. Les lagunes s'étendent parfois sur des dizaines de kilomètres (Languedoc, Frise), voire des centaines (comme dans le golfe du Mexique, le golfe de Guinée ou encore en Sibérie). Elles peuvent être plus ou moins ouvertes sur le large.
Les marais maritimes
Lagunes, estuaires et deltas comprennent généralement, sur d'importantes parties de leur étendue, des zones basses, plates et marécageuses appelées marais maritimes. Ceux-ci se forment grâce au dépôt des sédiments fins et à l'action des courants de marée dans les domaines de faible profondeur protégés de la houle. Ils sont le plus souvent localisés sur les bords des estuaires, en arrière des flèches littorales – couvrant alors de vastes étendues comme dans la mer des Waddens en Frise néerlandaise, ou sur la côte de Géorgie aux États-Unis –, dans les fonds de baies échancrées (anse de l'Aiguillon en Vendée) ou dans des baies ouvertes mais dont la largeur permet un amortissement des houles (baie du Mont-Saint-Michel, golfe de Gabès).
Trois zones distinctes, correspondant à des durées d'immersion différentes sur l'année, y apparaissent :
– La partie inférieure, appelée slikke, est inondée à chaque marée haute, mais découverte à marée basse. Constituée de vases et de sables fins, en pente très faible (moins de 0,3 %), elle est sillonnée de chenaux souvent instables ;
– La haute slikke n'est recouverte que par les marées les plus importantes, et présente une pente plus forte (1 à 2 %) ; lieu de la sédimentation maximale, comportant peu de chenaux, elle est partiellement recouverte par une végétation pionnière amphibie. La haute slikke est parfois absente lorsque les conditions locales permettent à de petites vagues de l'attaquer, par exemple le long d'un chenal ; elle est alors remplacée par une microfalaise (quelques dizaines de centimètres) ;
– Enfin, couvrant entre le tiers et la moitié du marais, le schorre n'est recouvert que par les marées les plus fortes (dont le nombre varie de deux ou trois à quelques dizaines par an). Pratiquement horizontal, il est couvert d'une dense végétation qui constitue un piège très efficace pour les sédiments apportés par les marées, lesquelles contribuent à son exhaussement progressif. Le schorre est sillonné de chenaux étroits, d'une profondeur parfois supérieure à 1 m, certains formés par la marée montante ou descendante, d'autres nés du ruissellement des eaux de pluie. Entre les chenaux, des zones planes, dépourvues de végétation, sont parsemées de mares et de dépressions peu profondes dans lesquelles cristallise le sel laissé par l'eau de mer. La partie interne du schorre, le pré-salé, n'est recouverte par l'eau qu'une ou deux fois l'an, ou lors de tempêtes.
3. Un mouvement perpétuel

Les littoraux peuvent présenter des évolutions importantes, voire de véritables bouleversements, perceptibles à l'échelle humaine. En effet, leur physionomie résulte d'un équilibre délicat entre des paramètres pouvant évoluer très rapidement : alimentation en eau des fleuves, volume des sédiments charriés par les eaux, état de la végétation, action de l'homme. Mais il suffit qu'une des composantes soit modifiée pour que, l'état d'équilibre étant rompu, le littoral évolue rapidement.
3.1. Les embouchures des fleuves

De nombreux paramètres vont influer sur la façon dont les alluvions transportées par les fleuves vont se déposer sur le rivage (la plus grande partie des terrains meubles – sables, vases – présents sur les littoraux est apportée par les cours d'eau, et non par la mer). La rencontre d'un cours d'eau avec les eaux marines aboutit à la formation de deux types très différents d'embouchures : les estuaires et les deltas.
Les estuaires
Embouchures en forme d'entonnoir évasé vers l'aval, les estuaires sont largement pénétrés par les marées, et se rencontrent surtout sur les côtes basses. Ils sont le lieu d'un va-et-vient constant entre eaux continentales et eaux marines, selon les cycles des marées.
Leur formation résulte de l'ennoiement des basses vallées des fleuves à la fin de l'ère glaciaire, lors de la remontée du niveau marin : les estuaires sont apparus dans les basses vallées fluviales où le dépôt de matériel alluvial ne suffisait pas à compenser la remontée rapide des eaux, de l'ordre de 100 m en 10 000 ans. Ils se sont maintenus quand trois conditions essentielles ont été réunies : des marées suffisantes pour emporter une grande partie des alluvions, une forme en entonnoir qui permet une plus grande vitesse des courants dans le fond de l'estuaire, et des cours d'eau apportant des alluvions fines.
Le fonctionnement d'un estuaire, très complexe, résulte avant tout de l'équilibre entre les courants de marée (qui remontent parfois très loin en amont et forment une vague, le mascaret, haute de plusieurs dizaines de centimètres) et le flux des eaux continentales. La physionomie interne d'un estuaire n'est pas uniforme : on y rencontre principalement des marais salés dans les zones peu perturbées, donc sur les marges de l'embouchure ou en son fond ; au milieu, le brassage perpétuel des eaux et des courants entretient la formation de bancs de sable dont la localisation et la taille changent au cours de l'année.
Les deltas
Delta du MississippiDelta du Mississippi
Au contraire des estuaires, les deltas se forment lorsque le dépôt d'alluvions par les fleuves permet l'avancée de la terre ferme sur la mer. Formes littorales à évolution rapide (le delta de l'Irrawaddy, en Birmanie, gagne 10 km2 par an), ils reculent lorsque des barrages construits sur des grands fleuves retiennent en amont les sédiments : le delta du Rhône perd ainsi plusieurs mètres par an, et il a fallu modifier les équipements de protection construits en amont contre les inondations pour entraver le recul rapide du delta du Mississippi (aux États-Unis) ; le delta du Nil, quant à lui, connaît une hausse rapide de la salinité depuis la construction du barrage d'Assouan.
La superficie des deltas varie de quelques km2 à des étendues gigantesques : celui du Mississippi couvre 30 000 km2, et le delta formé par le Gange et le Brahmapoutre (en Inde) s'étend sur 90 000 km2 (soit près du sixième de la superficie de la France).
La formation d'un delta nécessite la convergence, pendant un temps assez long, de nombreux paramètres : la charge alluviale du fleuve doit être importante (les deltas sont plus fréquents aux latitudes basses et hautes, où l'érosion du continent est active) ; des deltas, comme celui du Danube, en mer Noire, peuvent aussi se former quand les marées ou les houles sont faibles. Lorsque ces conditions sont réunies, les sédiments du fleuve se déposent en avant de l'embouchure, puis sont recouverts. Des chenaux sous-marins se développent, séparés par des levées qui peu à peu émergent ; cette construction sous-marine provoque la formation d'une barre sableuse à son avant, laquelle freine alors l'entraînement des matériaux. Les chenaux se comblent et sont remplacés par d'autres, bientôt recouverts, et le delta émerge ainsi progressivement.
Un delta est composé d'une partie émergée, la plaine deltaïque, et d'une partie immergée, proprement littorale, lieu de l'avancée, la marge deltaïque. La plaine deltaïque est un univers complexe mêlant les bras principaux des fleuves, lesquels peuvent former des deltas séparés qui ensuite fusionnent (le delta du Mississippi résulte de la coalescence de six deltas anciens et de deux deltas actuels), des levées de terre construites par les chenaux, des étendues marécageuses plates, parfois partiellement asséchées.
De longues plages bordent les deltas, parfois surmontées de dunes, ainsi que de nombreuses flèches littorales, parfois parallèles au front du delta ou aux bras du fleuve. Sous la mer, en avant de la marge deltaïque, le front deltaïque s'achève par un talus en pente variable, de 1 à 10°, qui conduit au plateau continental.
3.2. Les facteurs d'évolution

D'autres facteurs, imperceptibles à l'échelle humaine mais mesurables aux traces laissées, entrent dans l'évolution du littoral. Quatre paramètres essentiels conditionnent l'état d'équilibre ou de déséquilibre, le tracé et la physionomie des littoraux : l'isostasie, le climat, la mer et les formes de vie.
L'isostasie
Les plus lents des mouvements, imperceptibles par l'homme, sont les phénomènes de compensation isostatique, mouvements verticaux de l'écorce terrestre. Les plus fréquents résultent de la fonte des glaciers quaternaires (phénomène de glacio-isostasie) : sous le poids de milliers de mètres de glace, l'écorce terrestre s'était enfoncée dans le manteau plastique sous-jacent. Après la disparition des glaces, un lent mouvement de relèvement a commencé, mais il est décalé par rapport à la remontée des eaux due à la fonte des glaciers. Les régions concernées ont d'abord été submergées sous 50 à 100 m d'eau, pour peu à peu émerger. Libéré des glaces voilà environ 10 000 ans, puis recouvert par une série de mers de moins en moins étendues et profondes qui ont laissé des traces littorales fossiles situées aujourd'hui à l'intérieur des terres, le golfe de Finlande présente l'exemple le plus spectaculaire de ce phénomène ; la vitesse du relèvement isostatique a été estimée à quelques millimètres par an en Finlande, et à 1 cm par an dans le golfe de Botnie.
Il existe d’autres mouvements isostatiques. Les plus grands deltas (celui du Niger, en Afrique, notamment) représentent une telle masse de sédiments que le substrat s'enfonce : cette subsidence peut atteindre plusieurs centimètres par siècle. Des mouvements locaux de l'écorce terrestre (à l'origine de failles) et des tremblements de terre peuvent aussi intervenir. Dans les régions de grande activité tectonique (Alaska, Japon), on observe ainsi des traces littorales (plages fossiles, galets marins) relativement récentes (quelques milliers, voire quelques centaines d'années) portées parfois à des dizaines de mètres au-dessus du niveau de la mer.
Le climat
Le climat joue également un rôle décisif, et a des conséquences au niveau régional sur des durées de l'ordre du millier d'années, plus rarement sur des centaines d'années. Au niveau local, le climat est également un paramètre très important, et des événements météorologiques de courte ou moyenne durée jouent un grand rôle, notamment dans la modification du paysage.
La mer
Les oscillations du niveau marin en fonction du volume des calottes glaciaires sont la manifestation la plus évidente de l'influence du climat ; ces oscillations s'appellent des transgressions lorsqu'elles sont positives par rapport au niveau actuel, et des régressions quand elles sont négatives.
Au cours de l'ère quaternaire, le niveau marin a ainsi varié lors de chaque cycle glaciaire. Depuis, des modifications moins importantes du climat ont pu provoquer des mouvements de quelques mètres d'amplitude. Ces mouvements ont laissé des traces sur les rivages actuels, qu'il s'agisse de dépôts (plages, grèves, masses de galets à flanc de falaise) ou de formes d'érosion (encoches de falaise, plates-formes d'abrasion aujourd'hui suspendues). Aujourd’hui, il semble que le niveau de la mer, après une très lente baisse (de 1 à 2 m en 5 000 ans), marque une tendance à remonter relativement vite, de l'ordre de 1,2 à 1,5 mm/an, soit plus de 10 cm par siècle. Cette évolution est due probablement à un réchauffement du climat. Si ce phénomène persiste, il pourrait, selon certains climatologues, s'accélérer et aboutir à un relèvement de 0,50 à 1 m vers l'année 2050.
L’onde de tempête, générateur d'inondations et de houles très destructrices, se traduit par une hausse brutale et brève (il dure quelques heures) du niveau de la mer, hausse nettement supérieure aux plus hautes marées (parfois 2 à 3 m), à la suite de la convergence d'une forte marée, de basses pressions et de vents de tempête tournés vers le littoral. Le Bangladesh, pays au climat propice aux cyclones et situé au fond d'un golfe aux fortes marées, est périodiquement victime d'ondes de tempête qui l'inondent en quasi-totalité. Aux latitudes tempérées, le phénomène est plus rare, mais tout aussi dévastateur : l'acqua alta qui a submergé Venise sous plus de 1 m d'eau en novembre 1966 et la grande inondation qui a détruit une partie des digues protégeant les Pays-Bas en 1953 étaient des ondes de tempête.
La houle joue un double rôle, de manière directe. Elle érode, en attaquant le littoral et en emportant les produits de cette érosion vers le bas estran. De sa vigueur, déterminée par l'exposition de la côte au large, le climat régional et la saison (les tempêtes sont le plus violentes au printemps et en automne sous nos latitudes), dépend l'ampleur de l'attaque. La houle peut, à l'inverse, contribuer à remonter les sédiments vers le haut de l'estran. Les tempêtes, lorsqu'elles sont très violentes, comme celle de 1987 en Bretagne, sont elles aussi de puissants agents de façonnement littoral. Le ressac, lors du déferlement de vagues de 5 à 10 m de creux, peut déplacer des blocs énormes : en Écosse, un fragment de digue de 120 t a ainsi été entraîné à des dizaines de mètres en arrière du rivage. Sur les falaises, le choc des vagues de tempête provoque la désagrégation de blocs fissurés, et leur éboulement. La houle contribue indirectement à l'édification des formes littorales, car, agent principal du transport des débris, elle provoque la formation de courants parallèles au rivage, les courants de dérive. En effet, les ondes de houle sont rarement parallèles aux rivages qu'elles atteignent, ne serait-ce que parce que l'orientation de ceux-ci est changeante. Lorsque la houle butte sur le bas estran et déferle, l'eau déviée latéralement engendre un courant le long du rivage. Cette dérive littorale, dont la localisation oscille en fonction des marées, prend en charge les matériaux emportés par le ressac et les transporte parfois sur des dizaines de kilomètres, les déposant à la faveur d'un obstacle (un cap, par exemple), ou au contraire d'un rentrant de la côte (une baie) qui affaiblit la vigueur du ressac. Les flèches littorales sont ainsi construites par des dérives suffisamment régulières dans leur tracé et leur débit.
Les formes de vie
Le dernier paramètre qui contribue à l'équilibre des formes littorales est l'ensemble des formes de vie, végétales et animales. S'il est déterminant dans certains cas – les marais maritimes, les mangroves et les dunes littorales doivent en partie leur existence aux végétaux qui les couvrent, qui piègent et retiennent les sédiments fins les constituant, et le plus bel exemple est celui des côtes coralliennes, entièrement construites par des animaux –, il est souvent peu apparent.
3.3. La régularisation des côtes

Tout littoral est donc en évolution plus ou moins rapide à l'échelle du millénaire, ou sur des durées plus réduites. Deux grands types de changements peuvent être distingués : les uns irréversibles et concernant de vastes portions de rivages ; les autres plus localisés, intervenant à l'échelle de l'année, et le plus souvent cycliques.
Processus de longue durée
L'action de la mer sur le rivage tend inexorablement, sur de longues durées et de grandes étendues, à estomper les irrégularités du tracé côtier nées de la submersion d'une topographie continentale : ce phénomène est appelé égalisation ou régularisation du trait de côte. Un littoral rectiligne, sans caps ni baies, dont la rectitude ne résulte pas de la submersion d'une topographie elle-même uniforme, est ainsi qualifié de côte régularisée. La raison majeure de cette évolution réside dans l'influence du tracé du littoral sur les houles. Les parties saillantes du rivage (caps, promontoires, îles proches de la côte) provoquent une concentration des houles, appelée diffraction, qui augmente l'efficacité érosive de ces dernières. À l'inverse, les rentrants de la côte, les parties évasées, voient les trains de houle se déformer en éventail plus ou moins ouvert (réfraction des houles) et leur énergie s'exercer sur de plus grandes distances. Ils s'affaiblissent relativement, et la tendance sera donc plus au dépôt de matériel qu'à l'érosion. Ainsi, peu à peu, le trait de côte devient moins sinueux.
Processus de durée réduite
Sur des durées et des étendues beaucoup plus réduites, les littoraux connaissent également des évolutions. Il s'agit le plus souvent de processus cycliques qui obéissent à la succession des saisons. Ainsi une plage bordée de dunes voit-elle son profil transversal, du bas estran jusqu'à la dune bordière, changer notablement de l'hiver à l'été. En hiver, la houle est souvent violente, du fait de tempêtes provoquées par des dépressions atmosphériques plus fréquentes. L'érosion de la plage est donc importante, et le ressac emporte le sable vers le bas de plage. On assiste alors à un transfert de sable du haut de la plage, qui perd parfois 1 ou 2 m d'épaisseur, vers le bas. En été, le phénomène est inverse : les houles, plus faibles, déposent plus qu'elles n'érodent, engraissant le haut de plage avec le matériel arraché au bas estran lors de la montée de la marée ; à marée basse, la chaleur assèche rapidement le sable du bas de plage, que le vent remonte sur le haut de plage, lequel reprend l'épaisseur perdue en hiver.
4. La vie sur les littoraux

Les écosystèmes littoraux sont parmi les plus riches et les plus complexes de la planète.
Le caractère essentiel de la vie littorale est d'être étagée, chaque niveau d'altitude présentant des espèces très différenciées. Cet étagement, ou zonation, est conditionné par un paramètre essentiel, la durée d'immersion sous les eaux marines, qui détermine aussi bien le degré de salinité que la capacité à la respiration aérienne ou aquatique des végétaux et des animaux. La zonation et la typologie des espèces dépendent donc des marées : les mers sans marées présentent des écosystèmes littoraux généralement moins riches, puisque la variation des conditions physiques y est moindre.
4.1. Sur les côtes rocheuses

Les côtes rocheuses offrent des associations relativement simples, où s'opposent nettement les espèces amphibies et les espèces purement aquatiques.
Sous la limite des plus basses eaux, dans la partie basse de la plate-forme d'abrasion, les algues brunes dominent, notamment les laminaires en forme de rubans de plusieurs mètres de long. Les animaux sont adaptés au ressac, vivant soit fixés à la roche (coquillages, échinodermes, coraux), soit dans des anfractuosités (murènes, homards). Un peu plus haut, d'autres algues brunes, solidement fixées à la roche grâce à des sortes de crampons, supportent d'être découvertes quelques heures par jour ; ainsi les fucus, algues présentes sur les falaises, dont les ramifications flottent dans le ressac grâce à de petites vésicules remplies d'air. La faune, notamment les bivalves (les moules, par exemple) est aussi fixée.
Dans la partie supérieure de la zone intertidale, atteinte par les eaux quelques heures par jour, voire quelques heures par semaine, vivent des algues rouges et les algues vertes. Des crustacés (crevettes, crabes) et des gastéropodes (bigorneaux) vivent dans des flaques du platier pendant les basses eaux. Enfin, au-dessus des plus hautes eaux, la végétation aérienne, lichens ou chou sauvage, a besoin d'un peu de sel apporté par les embruns. La faune est représentée avant tout par les oiseaux (cormorans, goélands, pingouins, macareux, fous) qui nichent sur le front des falaises, se nourrissant d'animaux aquatiques et d'insectes des falaises. Les mammifères sont peu nombreux, hormis quelques rongeurs et surtout des pinnipèdes (otaries, phoques, morses).
4.2. Sur les côtes sableuses

Sur les côtes sableuses, la végétation est très peu présente sur l'estran, les algues vertes (zostères) exceptées. Les espèces animales sont plus variées, notamment les bivalves (coques, palourdes), les échinodermes (étoiles de mer), les poissons plats ou les vers arénicoles.
Sur le haut de plage, en revanche, la vie est surtout végétale, selon des associations très délicates qui conditionnent la construction et le maintien des dunes. Au sommet de l'estran, exposées au jet de rive, des plantes annuelles halophiles (qui aiment le sel), comme le cakile, provoquent la formation de petits tas de sable. Plus haut, hors d'atteinte des vagues, des espèces aimant le sable, comme l'oyat et l'agropyrum, fixent la dune bordière à la belle saison, car elles ont besoin d'être partiellement enterrées pour pousser. Vers l'intérieur du cordon dunaire, au fur et à mesure que le vent faiblit (car il a une action desséchante), la végétation est plus riche et dense. Apparaît alors une pelouse rase, sèche et ouverte immédiatement en arrière de la dune bordière, puis une pelouse haute mésophyte (nécessitant une certaine humidité), suivie de buissons souvent épineux et, enfin, d'arbustes. Les espèces animales, peu variées et bien adaptées à la vie dans le sable, sont représentées par des fouisseurs tels que gastéropodes, insectes, rongeurs, et par quelques oiseaux.
4.3. Sur les côtes marécageuses

Les côtes maréc0ageuses (estuaires et lagunes) sont les milieux littoraux les plus riches en espèces végétales ; c'est là que la diversification climatique est la plus nette, avec les marais tempérés, à la végétation basse, et les marais tropicaux porteurs d'une formation végétale haute, la mangrove. Celle-ci est une végétation forestière constituée d'arbres de grande taille, les palétuviers, qui supportent la salinité de l'eau. Ces arbres disposent de racines aériennes qui leur évitent l'asphyxie. Deux espèces de palétuviers dominent : les palétuviers rouges (genre Rhizophora), aux racines en arceaux qui soutiennent le tronc comme des arc-boutants, et les palétuviers blancs (genre Avicennia), dont les racines développent des protubérances hors de la vase, les pneumatophores. Parfois, un climat plus sec provoque la formation d'un marais entre la mangrove et la forêt.
Dans les marais tempérés, la vase qui se dépose aux niveaux inférieur et moyen de la zone de balancement des marées (la slikke) ne porte que peu de végétation (zostères), mais est très riche en micro-organismes (diatomées) et en invertébrés primitifs (arénicoles). Sur la haute slikke pousse un tapis de plantes halophiles, les salicornes et les spartines, dont la densité croît avec l'altitude. En fonction du nombre d'immersions par jour, le schorre montre un étagement plus fin. En allant vers l'intérieur du schorre, on rencontre de denses peuplements de salicornes et de spartines, auxquelles se mêlent d'autres plantes: des asters, puis de vastes tapis d'obiones, aux feuilles épaisses. Dans la partie la plus élevée du schorre, moins salée et moins humide, l'obione est entremêlée de végétaux tels que le plantain, le triglochin, le jonc ou l'agropyrum.
La faune est très riche : dans la slikke et la haute slikke abondent les coquillages (coques, huîtres), les crabes, les crevettes ; ils constituent la source de nourriture de très denses colonies d'oiseaux, notamment d'innombrables variétés d'échassiers arpentant la vase, ou de palmipèdes dont les nids sont situés dans la végétation épaisse du schorre.
5. L'homme et les littoraux

Depuis la plus haute Antiquité, les hommes ont appris à naviguer et à découvrir de nouvelles terres. Ils ont fondé des ports et de grandes cités maritimes. De Tyr à Carthage, d'Athènes à Venise et à Gênes, de Byzance à Naples, la Méditerranée est devenue le centre d'un commerce actif favorable à l'épanouissement de grandes civilisations. L'homme dépend également de la mer pour son alimentation. Les algues, notamment, sont utilisées comme composants des aliments. La pêche et l'exploitation des ressources du rivage, activités millénaires, constituent toujours une source de richesse pour les économies littorales.
5.1. La conquête des littoraux

Les domaines littoraux cependant, longtemps perçus comme hostiles, sont restés longtemps déserts. Cette situation s’est modifiée au Moyen Âge, lorsque les Hollandais ont inventé et perfectionné les techniques d'endiguement, de drainage et de dessalage des marais littoraux. Peu à peu, les Pays-Bas, mais aussi le littoral atlantique français, se sont couverts de polders (terrains gagnés sur la mer). L'essor du commerce maritime qui a suivi les grandes découvertes a fait des ports atlantiques d'Europe les poumons économiques de l'Occident. Au cours de la période moderne, du xve au xviiie s., les émigrants européens ont fondé des comptoirs coloniaux, dont beaucoup sont devenus les capitales et les plus grandes villes des États issus des décolonisations.
Aujourd’hui, la civilisation humaine est devenue une civilisation littorale : en effet, deux tiers à trois quarts de l'humanité vivent dans des régions côtières. Les deux plus grands ensembles urbains du monde (les mégalopoles américaines et japonaises), groupant chacun plus de 40 millions d'habitants, sont côtiers. Shanghai, Hongkong, Buenos Aires, Los Angeles, Lagos, Abidjan, Istanbul, toutes villes de plus de 3 millions d'habitants nées d'un port, sont situées à proximité du rivage.
5.2. Une implantation de choix pour l'industrie

Depuis 1950, les espaces côtiers sont devenus le lieu privilégié de l'essor industriel. La très forte croissance des transports de matières premières, le faible coût des transports par mer et l'existence de vastes terrains bon marché en bord de mer (des marais transformés en polders) ont créé les conditions d'un déplacement d'une grande partie de l'industrie lourde des sites continentaux vers les rivages. Ce processus, parfois appelé « descente de l'industrie sur l'eau », est illustré notamment par la création de vastes ensembles regroupant sur des milliers d'hectares activités portuaires et industrielles, et baptisés « zones industrialo-portuaires » (ZIP). En France, la quasi-totalité de la sidérurgie est ainsi concentrée sur quelques sites portuaires (Dunkerque, Fos-sur-Mer, Caen), de même que la pétrochimie (Fos et le pourtour de l'étang de Berre, Le Havre et la baie de Seine). Au Japon, toutes les usines créées à la fin du xxe s. l'ont été sur des polders gagnés sur la mer par remblai (baie de Tokyo). Dans les pays du tiers-monde, la plupart des industries sont au bord de la mer.
5.3. Le tourisme littoral

Le tourisme balnéaire est en expansion constante et importante depuis les années 1960 environ. Environ 45 % des touristes dans le monde séjournent sur le littoral méditerranéen ; la Côte d'Azur (en France), la Costa Brava et la Costa del Sol (en Espagne) concentrent à elles trois, avec chacune 10 à 15 millions de personnes par an, le quart du tourisme mondial. Les autres grands sites touristiques, à l'exception de quelques capitales historiques (Paris, Rome, Londres), sont presque tous littoraux : Venise, la Floride, la Californie. En France, la Côte d'Azur, le Languedoc, les Landes et la Bretagne attirent l'essentiel des touristes.
Le tourisme balnéaire est apparu en Europe à l'extrême fin du xviiie s. Au début très marginal et réservé à une petite élite, le séjour à la mer est devenu prestigieux dans le dernier tiers du xixe s. De grandes stations, comme Biarritz et Deauville, ou encore Brighton (au Royaume-Uni), sont apparues ; de riches Britanniques puis des Français et des Américains ont découvert l'agrément de l'hiver sur la Côte d'Azur. Enfin, la création et la généralisation des congés payés a entraîné le développement foudroyant de stations balnéaires proches des grandes villes. La fréquentation est devenue si forte que, au cours des années 1960 et 1970, de véritables villes se sont formées telles des « murailles de béton » sur les côtes les plus prisées (la Costa del Sol, par exemple). Pour éviter la saturation des régions attirant le plus de monde, certains pays ont décidé de créer de toutes pièces de grands ensembles touristiques dans des zones peu exploitées jusqu'alors : ainsi, en France, sur la côte du Languedoc-Roussillon, a été construite une demi-douzaine de grandes stations.
5.4. La pollution par les hydrocarbures

Mais l'explosion commerciale, industrielle, touristique, et donc démographique, que connaissent les rivages du globe depuis moins d'un siècle a ses revers en termes environnementaux : la destruction partielle ou totale de la vie littorale par la pollution industrielle, par le rejet des eaux usées rarement retraitées, par la construction de polders.
On estime entre 350 000 et 400 000 t/an la quantité de pétrole rejetée sur les côtes lors des naufrages de pétroliers et des accidents de plates-formes de forage offshore. Le déversement de pétrole lors de la guerre du Golfe (février 1991) constitue la plus grande marée noire de l'histoire (entre 700 000 et 900 000 tonnes d'hydrocarbures se déversent dans la mer). Les conséquences des marées noires sur des milieux aussi fragiles sont nombreuses. Dans les deux à trois mois qui suivent, les oiseaux de mer meurent étouffés ou empoisonnés par le pétrole. Les coquillages et les poissons plats ou de roche meurent ou deviennent impropres à la consommation. En revanche, il n'est pas exclu que différents crustacés (crevettes), algues et micro-organismes prolifèrent grâce aux nappes polluantes. Toutefois, la pollution disparaît parfois rapidement : les eaux du nord du Finistère étaient ainsi pratiquement exemptes de pollution plusieurs années après la marée noire de l'Amoco Cadiz (mars 1978), pourtant la plus grave de toutes par échouement de pétrolier (227 000 t de pétrole répandues sur 360 km de côtes).

 

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