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GENETIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Chirurgie du gène : Des chercheurs démontrent la faisabilité du saut d’exon pour des malades atteints de dysferlinopathies
03 décembre 2009


L’équipe de Nicolas Lévy de l’Université de la Méditerranée (Inserm UMR S 910 ‘‘Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle”, Faculté de Médecine de Marseille), en collaboration avec les équipes de Luis Garcia et Vincent Mouly/Gillian Butler-Browne à l’Institut de Myologie (UPMC/Paris 6/Inserm UMR S 974, CNRS UMR 7215, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière), vient de démontrer la pertinence et la faisabilité du saut d’exon dans certains cas de dysferlinopathies, un groupe de dystrophies musculaires. Le saut d’exon, un traitement déjà à l’étude chez l’Homme pour la myopathie de Duchenne, pourrait donc être une voie thérapeutique pour d’autres maladies neuromusculaires. Des travaux publiés online le 1er décembre 2009 dans Human Mutation et financés notamment grâce aux dons du Téléthon.
Les dysferlinopathies représentent un groupe hétérogène de dystrophies musculaires récessives ayant en commun des anomalies dans le gène de la dysferline, une protéine impliquée notamment dans la réparation de la membrane des fibres musculaires. Les plus fréquentes de ces maladies sont la dystrophie musculaire des ceintures 2B (LGMD2B) et la myopathie distale de Miyoshi. La première se traduit par une atteinte des muscles des épaules (ceinture scapulaire) et du bassin (ceinture pelvienne) tandis que la seconde touche principalement les extrémités des membres (jambes, pieds, avant-bras, mains).

Coupe transversale de fibres musculaires. Coloration DPNH.
A ce jour, plus de 350 anomalies différentes du gène ont été identifiées, des mutations qui se manifestent par des symptômes plus ou moins sévères selon les malades. Or, en 2006, en étudiant une famille concernée par une dysferlinopathie, l’équipe de Michael Sinnreich de l’Institut neurologique de Montréal a constaté que la mère de deux filles sévèrement atteintes était elle-même très tardivement et peu atteinte. En y regardant de plus près, les chercheurs ont découvert que cette mère portait la même mutation que ses filles sur un des deux chromosomes, mais que, sur l’autre chromosome, l’exon 32 était naturellement absent.
A partir de ces résultats, l’équipe de Nicolas Lévy de l’Inserm et de l’Université de la Méditerranée (Marseille), en collaboration avec les équipes de l’Institut de Myologie (Paris), a imaginé reproduire ce saut d’exon naturel en laboratoire sur des cellules de patient présentant des mutations de l’exon 32. L’objectif était donc de reproduire sur ces cellules porteuses d’une mutation dans l’exon 32, une situation similaire à celle observée pour la patiente décrite par l’équipe de Michael Sinnreich, associée à une atteinte très modérée. Pour cela, ils se sont appuyés, grâce à la collaboration avec les équipes de Luis Garcia et Vincent Mouly/Gillian Butler-Browne, sur les différentes techniques qui sont aujourd’hui à l’étude pour la dystrophine, la protéine dont la déficience est à l’origine des myopathies de Duchenne et de Becker, mais également pour d’autres maladies neuromusculaires. Dans un premier temps, trois oligonucléotides antisens synthétiques* ont été testés permettant d’identifier deux zones du génome à cibler pour favoriser le saut de l’exon 32. Les chercheurs ont alors ciblé ces deux zones à l’aide d’un gène U7 produisant un ARN antisens, lequel a été apporté aux cellules malades grâce à un lentivirus. Au terme de ces travaux, que ce soit avec les oligonucléotides antisens seuls ou apportés par un lentivirus, les chercheurs ont pu observer, dans les cellules traitées, un ARN tronqué dans lequel l’exon 32 a été supprimé. Ceci a donc permis de supprimer dans les cellules de patient la mutation préalablement présente dans l’exon 32. En d’autres termes, ils ont montré la faisabilité et la pertinence du saut de l’exon 32.

Ces travaux ouvrent la voie à un essai thérapeutique par saut d’exon pour les malades présentant des anomalies situées dans l’exon 32. D’ores et déjà, les chercheurs disposent d’une base de données UMD-DYSF, développée en collaboration avec l’équipe Christophe Béroud (IURC Montpellier) qui comporte la totalité des mutations rapportées à ce jour dans la littérature dont plus de la moitié provient de malades suivis à Marseille et Paris. Grâce à cette base et à la base néerlandaise Leiden Muscular Dystrophy pages ©, les médecins marseillais et parisiens ont identifié une vingtaine de malades atteints de dysferlinopathies susceptibles d’être concernés pour ce seul exon 32. Enfin, même si certaines parties du gène de la dysferline sont indispensables à son bon fonctionnement, les chercheurs estiment que d’autres exons que le 32 pourraient également être "ciblés" par une approche thérapeutique par saut d’exon.

Le saut d’exon, qu’est-ce que c’est ?
Un gène est composé d’introns et d’exons, ces derniers désignant la partie codante du gène qui renferme l’information nécessaire à la synthèse de la protéine. Le saut d’exon consiste à intervenir au moment de la transcription du gène en protéine pour éliminer les exons porteurs d’anomalies génétiques. La protéine qui en résulte alors est tronquée mais fonctionnelle.

*des petits bouts d’ADN synthétisés en laboratoire qui viennent se coller à l’ARN pré-messager pendant sa conversion en ARN messager

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En savoir plus
Source
"Efficient Bypass of Mutations in Dysferlin Deficient Patient Cells by Antisense-Induced Exon Skipping"
Nicolas Wein,1 - Aurélie Avril,2 - Marc Bartoli,1 - Cyriaque Beley,2 - Soraya Chaouch,2 - Pascal Laforêt,3 - Anthony Behin,3 - Gillian Butler-Browne,2 - Vincent Mouly,2 - Martin Krahn,1,4 - Luis Garcia,2* and Nicolas Lévy1,4*£
1- Université de la Méditerranée, Inserm UMR S 910 ‘‘Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle”, Faculté de Médecine de Marseille, France;
2- Université Pierre et Marie Curie/Paris 6/Inserm UMR S 974, CNRS UMR 7215, Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France;
3- Centre de référence de pathologie neuromusculaire Paris Est, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France;
4- Département de Génétique Médicale, Hôpital d’enfants de la Timone, AP-HM, Marseille, France.
Human Mutation, Volume 30, Issue 12 (December 2009)
Contacts Presse
AFM
Stéphanie Bardon/Marie Rocher
Tél. : 01 69 47 28 28

 

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Cellules pluripotentes induites (IPS)

 

 

 

 

 

 

 

Cellules pluripotentes induites (IPS)

Avec la collaboration de Mathilde Girard, chargée de recherche en modélisation pathologique iPS à l’institut I-Stem à Evry - Février 2013.

Transformer une cellule adulte spécialisée en cellule immature capable de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme ? Désormais, il ne s’agit plus d’un rêve de chercheur mais bien d’une réalité. Celle-ci a d’ailleurs valu le prix Nobel de médecine 2012 à Shinya Yamanaka, le chercheur japonais qui a mis au point la technique six ans plus tôt à l’université de Kobé.
La prouesse scientifique récompensée par le prix Nobel de médecine 2012 consiste à prélever pratiquement n’importe quelle cellule chez un adulte et à la reprogrammer génétiquement pour la rendre pluripotente, c’est à dire capable de se multiplier à l’infini et de se différencier en types de cellules qui composent un organisme adulte, exactement comme une cellule souche embryonnaire. Ces cellules sont appelées IPS pour cellules souches pluripotentes induites ("induced pluripotent stem cells").

On imagine déjà le potentiel énorme de ces cellules : facilement accessibles, et en quantité illimitée, elles pourraient permettre de régénérer des organes entiers.
En attendant, elles sont déjà largement utilisées pour modéliser de nombreuses pathologies et tester l’efficacité de molécules potentiellement thérapeutiques.   

reportage Pr Yamanaka prix nobel de médecine... par TVFRANCEJAPON
Un nouveau type de cellules souches
Des cellules souches sont naturellement présentes chez l’embryon et dans certains organes ou tissus adultes. Certaines cellules souches sont dites "pluripotentes" : elles peuvent se différencier en n’importe quel type de cellules de l’organisme, sans restriction. C’est le cas des cellules souches embryonnaires (ES). D’autres sont partiellement engagées dans une voie de différenciation, ce qui limite la variété des cellules spécialisées qu’elles pourront donner par la suite. C’est le cas des cellules souches adultes et des cellules souches issues de cordon ombilical.
Présentes lors des premiers stades du développement de l’embryon, les cellules souches embryonnaires sont relativement faciles à cultiver in vitro. Toutefois leur obtention passe par la destruction d’un embryon, ce qui pose un problème éthique. De ce fait, leur utilisation est actuellement interdite en France. Des dérogations permettant la réalisation de recherches dans des conditions extrêmement contrôlées peuvent toutefois être accordées par l’Agence de la Biomédecine.
Les cellules souches adultes proviennent de tissus qui se renouvellent. On en trouve par exemple dans la moelle osseuse où elles sont à l’origine des cellules sanguines (cellules souches hématopoïétiques), dans l’épiderme (cellules souches kératinocytaires) ou encore dans le tissu adipeux (cellules souches mésenchymateuses). Ces cellules sont présentes en faible quantité et moins faciles à cultiver que les cellules souches embryonnaires. Elles ne peuvent en outre produire que certains types de cellules différenciées, en fonction de leur tissu d’origine.
Les cellules IPS sont quant à elles identiques aux cellules souches embryonnaires, mais elles sont obtenues par reprogrammation génétique de cellules adultes différenciées. Depuis 2007, des centaines de lignées de cellules IPS ont été obtenues à partir de presque tous les types de cellules adultes capables de se multiplier.
Les cellules IPS en pratique

La reprogrammation de cellules différenciées en cellules IPS consiste à les modifier génétiquement pour réactiver les signaux d’immaturité et de prolifération caractéristiques d’une cellule pluripotente.

    Pour cela quatre gènes surexprimés dans les cellules souches embryonnaires sont suffisants et nécessaires : Oct3/4, Sox2, c-Myc, et Klf4. Le gène c-Myc est notamment connu pour ses capacités à faire proliférer les cellules. Le fait de réactiver la pluripotence éteint les autres gènes de différenciation exprimés par la cellule.

La technique consiste à faire pénétrer ces quatre gènes dans la cellule adulte afin qu’ils s’y expriment.

Au début, les chercheurs utilisaient des vecteurs viraux qui avaient l’inconvénient majeur de s’intégrer dans le génome de la cellule hôte et entrainaient un risque de mutation et d’expression prolongée de ces gènes. Ces défauts sont désormais corrigés grâce à l’utilisation de nouveaux vecteurs non intégratifs : des plasmides ou encore le virus de Sendaï qui pénètrent dans la cellule puis finissent par se perdre au cours des divisions.
Des expériences de reprogrammation réduisant le nombre de gènes à introduire à trois, voire deux, ont été réalisées. Toutefois, le standard reste aujourd’hui l’introduction des quatre gènes utilisés par Shinya Yamanaka en 2006.
Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour cette reprogrammation. Les fibroblastes cutanés sont les cellules les plus utilisées car elles sont faciles d’accès. Mais des essais concluants ont eu lieu avec bien d’autres type de cellules : kératinocytes (autres cellules de la peau), adipocytes, cellules hématopoïétiques (du sang)…

Les avantages des cellules souches embryonnaires, sans leurs inconvénients
Les cellules IPS ont les mêmes atouts que les cellules souches embryonnaires humaines : elles prolifèrent à l’infini et peuvent se différencier en tous les types de cellules de l’organisme. Mais elles ont des avantages supplémentaires: elles sont faciles d’accès, par simple biopsie chez l’adulte, et leur utilisation ne pose pas de problème éthique.
De plus, les cellules IPS peuvent provenir de donneurs sélectionnéspour leur patrimoine génétique. Cela permet de cultiver des cellules malades et de modéliser des pathologies pour les étudier. Autre intérêt dans le cadre de la médecine régénérative, il est possible de choisir un donneur compatible avec le receveur à traiter pour éviter un rejet de greffe.

Quelques bémols
Néanmoins, l’utilisation de ces cellules est très récente et pose encore un certain nombre de questions. Les scientifiques estiment par exemple que la reprogrammation n’est pas complète, dans le sens où des modifications du génome acquises au cours de la vie de la cellule persistent après la reprogrammation (modifications épigénétiques). Il est également légitime de se demander si la reprogrammation elle-même n’induit pas de mutations ou de modifications génétiques pouvant par la suite altérer le fonctionnement de ces cellules IPS.
Des modèles de maladies génétiques à foison
Les cellules IPS sont d’ores et déjà utilisées pour de la modélisation de pathologie : en prélevant des cellules d’un adulte porteur d’une maladie génétique, il est possible de les reprogrammer, de les faire proliférer, puis de les redifférencier dans le type de cellules qui exprime la maladie. Les chercheurs disposent alors d’une source illimitée de cellules malades pour étudier les mécanismes de la pathologie, tenter de corriger la mutation, tester des molécules thérapeutiques ou encore évaluer la toxicité d’un produit.

L’étape de re-différenciation est guidée in vitro par l’utilisation de facteurs de croissance adaptés. Elle est bien au point pour obtenir des cellules cardiaques, sanguines, du muscle lisse, des hépatocytes, des cellules rétiniennes ou encore des neurones. Toutefois, certaines lignées restent impossibles à recréer à ce jour. C’est par exemple le cas du muscle strié.
Des lignées de cellules IPS sont déjà disponibles pour étudier des dizaines de maladies comme la sclérose latérale amyotrophique, maladie de parkinson, le diabète de type 1, la maladie de Huntington, la trisomie 21, l’immunodéficience sévère combinée, le syndrome de Lesch-Nyhan, la maladie de Gaucher, le syndrome de Shwachman-Bodian-Diamond ou encore les dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker.

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut Pasteur ont par exemple réussi à corriger une mutation responsable d’une insuffisance hépatique dans des cellules IPS de patients malades. Ces cellules ont ensuite été redifférenciées en hépatocytes, puis injectées chez des souris présentant la pathologie. Les résultats ont été très encourageants : elles étaient parfaitement fonctionnelles et ont contribué à régénérer le foie malade des animaux.
Vers un premier essai clinique
L’autre application majeure des cellules IPS sera la thérapie cellulaire ou médecine régénérative. Les cellules ne pourront pas être utilisées telles qu’elles car elles induiraient la formation de tératomes, des masses de cellules qui prolifèrent et se différencient de façon anarchique en tous types cellulaires. Elles devront être pré-différenciées in vitro avant d’être injectées chez le malade, au niveau du site lésé, avec des facteurs de croissance ou des molécules favorables à leur implantation et leur différenciation.

Des essais de thérapie cellulaire utilisant des cellules souches adultes ou des cellules souches de cordon ombilical sont déjà en cours. Mais ces applications sont limitées par la quantité et la nature des cellules souches disponibles. Les cellules souches neurales adultes sont par exemple rares et très difficiles d’accès. Il n’est donc pas envisageable de traiter des maladies neurodégénératives par ce biais. Les cellules IPS permettront de contourner cette difficulté et apporteront des solutions aux problèmes ne pouvant pas être résolus par l’utilisation des cellules souches adultes.
 
 
© Inserm
Cure de jouvence pour cellules par Jean Marc Lemaitre
 
 
En ce qui concerne les essais de thérapie cellulaire utilisant des cellules pluripotentes, les chercheurs utilisent pour l’instant davantage les cellules souches embryonnaires, plus sûres sur le plan théorique. Ces dernières sont évaluées en cardiologie après un infarctus du myocarde, pour régénérer la rétine en cas de DMLA ou de dystrophie maculaire de Stargardt, dans les lésions traumatiques de la moelle épinière ou encore pour des pansements cutanés en cas d’ulcère chez les patients atteints de drépanocytose. Néanmoins, Shinya Yamanaka, le "père" des cellules IPS, a annoncé pour 2013 le lancement d’un premier essai utilisant des cellules IPS pour régénérer la rétine de patients atteints de DMLA. L’utilisation de ces cellules offre l’énorme avantage de pouvoir choisir le donneur en fonction de son patrimoine génétique pour prévenir un rejet de greffe par le receveur. A ce titre, le japonais constitue actuellement une banque de cellules IPS provenant de différents individus afin d’être en mesure de proposer aux malades les cellules les mieux tolérées.

 

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Et si l’anesthésie affectait le traitement cognitif des informations sociales ?

 

 

 

 

 

 

 

Et si l’anesthésie affectait le traitement cognitif des informations sociales ?


Une équipe du laboratoire Ethologie animale et humaine, en collaboration avec des chercheurs Belges et Japonais, démontre chez l’étourneau sansonnet femelle l’impact de l’anesthésie sur le traitement des signaux de communication sociale dans l’aire cérébrale auditive primaire. Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes de recherche sur la différenciation entre le traitement de l’information sensorielle basique et celui de signaux pertinents d’un point de vue comportemental qui pourrait nécessiter des états attentionnels plus élevés.  Cette étude a été publiée le 14 décembre 2016 dans la revue Scientific Reports.

DepuisL’impact potentiel de l’anesthésie sur le traitement cérébral de l’information sensorielle est une question importante, très débattue et non résolue. Il est admis que l’anesthésie diminue l’activité neuronale globalement mais son impact potentiel sur la nature des réponses neuronales restait jusqu’ici très hypothétique. Or, la plupart des études menées en imagerie et sur le traitement sensoriel chez l’animal s’appuient sur des enregistrements sous anesthésie. Dans cette étude, les chercheurs ont comparé les réponses neuronales à des chants de mâles dans l’aire auditive primaire de femelles étourneaux en état d’éveil (en contention) à celles de femelles sous anesthésie légère. L’équipe du laboratoire Ethologie Animale et Humaine avait déjà démontré une plasticité cérébrale saisonnière chez ces femelles dont les  neurones répondent plus à certains éléments du chant de mâle en saison de reproduction, alors qu’ils répondent plus aux chants “sociaux” (non sexuels) hors reproduction (1).

Dans cette nouvelle étude, près de 8000 sites neuronaux ont été enregistrés chez 26 femelles, pendant et hors saison de reproduction. Les résultats montrent que sous anesthésie 1) le phénomène de plasticité saisonnière disparaît. Il n’y a donc pas de sélectivité particulière envers les stimuli sociaux pertinents à un temps donné, 2) il y a une augmentation des réponses neuronales pour des signaux artificiels dénués de sens biologique.

Ces résultats révèlent un impact clair de l’anesthésie sur les processus sensoriels et cognitifs, même dans une aire cérébrale primaire. Le traitement de signaux biologiquement pertinents, et en particulier sociaux, pourrait requérir des états attentionnels élevés, ce que semblait aussi indiquer une précédente étude révélant une suppression de la latéralisation du traitement des sons spécifiques chez l’oiseau anesthésié (2). Les variations saisonnières de la sélectivité des réponses neuronales n’étant visibles que sur l’animal éveillé, elles montrent que l’état attentionnel de l’animal contribue fortement à la plasticité saisonnière des préférences neuronales de l’aire auditive.

Cette étude met en évidence que l’évaluation de l’impact de l’anesthésie sur la sélectivité neuronale est essentielle quel que soit le niveau cérébral d’intégration. Ceci est particulièrement le cas dans l’étude de signaux complexes nécessitant un traitement cognitif élevé mais aussi pour éviter les biais d’interprétation sur le traitement des signaux simples, comme la surreprésentation des signaux artificiels constatée ici : la sélectivité neuronale semble affectée par l’anesthésie.

Le traitement cérébral des informations sociales pourrait nécessiter des niveaux élevés d’attention et de vigilance, qui sont affectés par l’anesthésie. Une telle analyse comparative des réponses neuronales entre sujets anesthésiés ou éveillés pourrait donc aider aussi à mieux comprendre les processus en jeu dans le traitement de l’information cognitive complexe.
Il faudrait à l’avenir considérer avec prudence les résultats d’études menées sous anesthésie, comparer l’effet de différents anesthésiques et déterminer s’il existe des différences entre individus liées à des facteurs comme le sexe ou l’âge.
Cette première découverte d’un effet de l’anesthésie sur le traitement de l’information cérébrale au niveau neuronal ouvre donc un très grand nouveau champ d’investigation.
 


 

En savoir plus
* Anesthesia and brain sensory processing: impact on neuronal responses in a female songbird. 
Karino G, George I, Loison L, Heyraud C, De Groof G, Hausberger M, Cousillas H.
Sci Rep. 2016 Dec 14;6:39143. doi: 10.1038/srep39143
 



 Contact chercheur
* Hugo Cousillas

* Martine Hausberger
* Ethologie Animale et Humaine. EthoS.
* CNRS UMR 6552 - Université de Rennes 1
* Campus de Beaulieu
* 263 Avenue du Général Leclerc
* 35042 Rennes cedex Tel: 02 23 23 69 79
Tel: 02 23 23 48 28

Mise en ligne le 16 décembre 2016


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Paris, 24 avril 2017
Nous sommes plus que notre ADN : découverte d'un nouveau mécanisme d'hérédité épigénétique


L'équipe de Giacomo Cavalli, à l'Institut de génétique humaine de Montpellier (Université de Montpellier/CNRS), en collaboration avec l'Inra1, démontre chez la drosophile l'existence d'une hérédité épigénétique2 transgénérationnelle. En modifiant de façon transitoire la fonction des protéines du groupe Polycomb, dont l'activité est essentielle au cours du développement, ils ont obtenu des lignées de drosophile porteuses de la même séquence d'ADN mais caractérisées par des yeux de couleurs différentes. Ces différences dépendent d'un degré variable de répression par les protéines Polycomb qui est hérité de façon stable mais réversible. Cette hérédité épigénétique s'applique aussi bien à des lignées transgéniques qu'à des lignées naturelles et peut être modifiée par des changements de conditions environnementales, comme la température ambiante. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Genetics, le 24 avril 2017.
Elles ont toutes le même ADN mais des caractères bien différents : des chercheurs ont obtenu des lignées de drosophiles aux yeux blancs, jaunes ou rouges, en perturbant de façon transitoire des interactions entre des gènes cibles des protéines Polycomb, des complexes protéiques impliqués dans la répression de nombreux gènes, notamment des gènes de développement.

Les informations nécessaires au fonctionnement des cellules ne sont pas toutes portées par le matériel génétique. D'autres paramètres, transmis de façon héréditaire mais non codés par les gènes d'un individu, pilotent la vie des cellules. Ces facteurs dits épigénétiques sont un étiquetage chimique et une organisation spatiale bien définie de notre génome. Ils correspondent en particulier aux modifications des histones, les protéines autour desquelles l'ADN s'enroule. Les protéines du groupe Polycomb, elles, sont impliquées dans la définition de l'architecture tridimensionnelle des chromosomes, qu'elles régulent en établissant des interactions entre gènes dans l'espace 3D du noyau cellulaire. Or, selon la position d'un gène à un moment donné, son expression sera activée ou réprimée.

En perturbant de façon transitoire ces interactions, les chercheurs ont pu établir des lignées de drosophiles caractérisées par des niveaux différentiels de répression ou d'activation génique dépendant des Polycomb. Les chercheurs ont séquencé le génome entier de chaque lignée de drosophiles, afin de vérifier que leur ADN soit bien identique. Malgré l'identité de leurs séquences d'ADN, ces lignées peuvent être maintenues indéfiniment et transmettent fidèlement leurs différences phénotypiques une fois établies. Ce phénomène peut être réversible : en croisant ces individus aux gènes surexprimés ou sous exprimés avec des drosophiles n'ayant pas de modifications, il est possible d'induire un retour à la normal de la couleur des yeux sans changer la séquence d'ADN, ce qui démontre le caractère épigénétique de cette forme d'héritage.
 
Les chercheurs ont ensuite pu montrer que la modification des conditions environnementales, notamment la température ambiante3, peut affecter l'expression de l'information épigénétique sur plusieurs générations, sans pour autant effacer sa transmission. Cette influence transitoire de l'environnement dans lequel ont vécu les générations précédentes sur l'expression des traits des insectes confère à ce mécanisme épigénétique des propriétés évolutives uniques. La pertinence du phénomène dans la nature a de plus été confirmée par des études en microcosme menées en collaboration avec l'Inra.

L'équipe de Giacomo Cavalli démontre ainsi l'existence d'un héritage épigénétique transgénérationnel stable, dépendant de la structure tridimensionnelle des chromosomes et régulé par les facteurs Polycomb. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour les sciences biomédicales. Ils suggèrent notamment que l'épigénétique pourrait expliquer en partie le mystère de « l'hérédité manquante », c'est-à-dire l'incapacité de trouver les causes génétiques de certains caractères héréditaires normaux ainsi que de nombreuses pathologies humaines.

 

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