|
|
|
|
 |
|
Découverte d'une potentielle cible thérapeutique pour lutter contre les trypanosomes |
|
|
|
|
|
Paris, 26 octobre 2017
Découverte d'une potentielle cible thérapeutique pour lutter contre les trypanosomes
L'équipe de Yaser Hashem du laboratoire Architecture et réactivité de l'ARN du CNRS vient de découvrir une nouvelle cible potentiellement thérapeutique – située dans les ribosomes – pour lutter contre les parasites de la famille des trypanosomes. Grâce à la technique de cryomicroscopie électronique1, ces chercheurs, basés à l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS / Université de Strasbourg), ont analysé en détail la structure de ces parasites et révélé l'un de leurs points faibles potentiels, passé inaperçu jusqu'à maintenant. Cette découverte ouvre la voie au développement de nouvelles thérapies plus sûres, moins toxiques et plus spécifiques pour combattre les trypanosomes, responsables de la maladie de Chagas ou encore de la maladie du sommeil. Cette étude est publiée le 26 octobre 2017 dans la revue Structure.
Les trypanosomes, appelés plus généralement kinetoplastides, sont des parasites unicellulaires responsables d'une variété de maladies plus ou moins graves, mais qui peuvent parfois être létales. Trypanosoma brucei, Trypanosoma cruzi et Leishmania major sont probablement les plus connus et causent respectivement la maladie du sommeil, la maladie de Chagas et des Leishmanioses.
A la différence des bactéries, ces organismes sont des eucaryotes, c'est-à-dire que leurs cellules contiennent un noyau, tout comme les cellules humaines. Les similarités, même faibles, entre les cellules animales et celles des trypanosomes, rendent difficile certaines approches thérapeutiques. En effet, des antibiotiques ciblant des machineries moléculaires données, comme les ribosomes, pourraient endommager, par la même occasion, nos propres cellules. Jusqu'à aujourd'hui, les chercheurs pensaient que les ribosomes d'eucaryotes (impliqués dans la synthèse des protéines) avaient une structure extrêmement similaire d'une espèce d'eucaryotes à une autre comme par exemple entre humains et trypanosomes, les rendant ainsi inattaquables. Les progrès technologiques ont pourtant permis de visualiser les ribosomes des trypanosomes à une résolution quasi atomique et d'en faire ressortir une différence qui pourrait bien devenir une cible thérapeutique.
L'équipe de Yaser Hashem s'est notamment intéressée à l'architecture du ribosome de Trypanosoma cruzi. En utilisant la technique de cryomicroscopie électronique – qui permet de visualiser une structure biologique dans son état natif par cryogénisation de l'échantillon – associée à de la spectrométrie de masse – qui permet de déterminer une composition protéique précise en se basant sur la masse de chaque élément – une protéine spécifique des ribosomes des trypanosomes a pu être mise en évidence : KSRP (kinetoplastid-specific ribosomal protein). En plus d'être spécifique de ces parasites, KSPR est essentielle à leur survie puisque l'inhibition de son activité conduit à la mort des parasites. Cependant le rôle exact de KSRP dans la synthèse de protéines reste à élucider.
La découverte de KSRP laisse entrevoir de futurs progrès dans la recherche médicale pour développer de nouvelles thérapies contre les parasites de la famille des trypanosomes. L'élucidation de la structure de cette nouvelle protéine pourrait permettre de concevoir des molécules capables d'interagir avec elle et l'inhiber de manière hautement spécifique, sans interférer avec les cellules de l'hôte. La possibilité de cibler et inhiber KSRP dans les parasites représente ainsi une alternative plus sûre et surtout plus spécifique comparée aux traitements actuels extrêmement lourds et toxiques.
Ribosome du parasite Trypanosoma cruzi. Illustration montrant le ribosome cytosolique des trypanosomes, celui-ci est extrait du parasite T. cruzi. L'analyse de la structure par cryo-microscopie électronique (au milieu) du ribosome montre l'existence d'une nouvelle protéine, spécifique à cette famille d'organismes. Cette protéine a été nommée KSRP, pour « Kinetoplastid-specific ribosomal protein ». Malgré sa constance, cette protéine est passée inaperçue des années durant, même après la publication de la première structure de ce ribosome à haute résolution.
Télécharger le communiqué de presse :

Notes :
1 Le prix Nobel de chimie 2017 vient d'être décerné à Jacques Dubochet, Joachim Frank et Richard Henderson, pour le développement de cette technique. Joachim Frank est le mentor scientifique et un proche collaborateur de Yaser Hashem (ils sont co-auteurs de 13 publications dans des revues scientifiques de haut rang) : la découverte de cette potentielle cible thérapeutique est un projet qui a démarré à la Columbia University (New York) lorsque Yaser Hashem était dans l'équipe de Joachim Frank.
Références :
The cryo-EM structure of a novel 40S kinetoplastid-specific ribosomal protein. Jailson Brito Querido, Eder Mancera-Martínez, Quentin Vicens, Anthony Bochler, Johana Chicher, Angelita Simonetti, and Yaser Hashem. Le 26 octobre 2017, Structure. Consulter le site web
DOCUMENT cnrs LIEN |
|
|
|
|
 |
|
THÉRAPIE GÉNIQUE |
|
|
|
|
|
Thérapie génique
Dossier réalisé en collaboration avec Anne Galy, directeur de recherche à l’Inserm (unité 951 Inserm / université d'Evry Val d'Essonne / Ecole pratique des hautes études, "Immunologie moléculaire et biothérapies innovantes", Généthon, Evry) - Mars 2014.
La thérapie génique utilise des acides nucléiques (ADN ou ARN) pour soigner ou prévenir des maladies. Selon la pathologie, cet objectif peut être atteint en délivrant aux cellules un gène fonctionnel qui remplace le gène défectueux à l’origine de la maladie (transgène), un gène à action thérapeutique, ou encore de l’ARN capable de réguler ou bloquer partiellement l’expression d’un gène altéré. Ces acides nucléiques sont le plus souvent transportés dans les cellules du patient grâce à un vecteur viral, mais ils peuvent également être injectés directement dans les cellules, sous forme d’ADN nu.
Cellule hématopoïétique corrigée par tranfert de gène.
Le concept de thérapie génique date des années 1950 mais il s’est réellement concrétisé dans les années 90, avec les premiers essais conduits chez l’homme. En 1995, le premier patient traité de façon stable grâce à l’injection de cellules souches et de lymphocytes génétiquement modifiés (par une équipe milanaise) était atteint d’immunodéficience sévère de type ADA DICS. Un premier pas, transformé dans les années 2000 par un succès thérapeutique éclatant, obtenu à l’hôpital Necker chez les patients atteints d’une autre forme de déficit immunitaire (DICS de type X1) (voir plus loin). A l’époque, la thérapie génique était souvent présentée comme un moyen de lutter contre des maladies monogéniques (liée à la dysfonction d’un seul gène), en délivrant un gène "sain" capable de suppléer le gène "malade". En réalité, les indications sont beaucoup plus larges : plus de 1 800 essais cliniques de thérapie génique sont en cours à ce jour, dont 65 % en cancérologie, 10 % dans le domaine cardiovasculaire et 10 % seulement dans celui des maladies monogéniques (en particulier des immunodéficiences et des maladies hématologiques, mais également des pathologies comme la mucoviscidose). D’autres essais concernent des maladies infectieuses (tétanos, sida…), neurologiques (sclérose latérale amyotrophique, la sclérose en plaques ou encore les maladies d’Alzheimer et de Parkinson), ophtalmologiques (rétinite pigmentaire, glaucome, dégénérescence maculaire liée à l’âge) ou encore dans des maladies inflammatoires comme l’arthrose ou la polyarthrite rhumatoïde.
Environ trois quarts de ces essais sont des études de phase I ou II, qui évaluent la sécurité et l’efficacité des traitements testés. Les essais de phase III (qui permettent de statuer sur le rapport bénéfice/risque d’un nouveau traitement par rapport à un traitement de référence ou à un placebo) ne représentent que 4,5 % des études cliniques en cours. Néanmoins, ce chiffre ne cesse de progresser, avec de belles promesses par exemple dans le traitement de maladies monogéniques telles que l’amaurose congénitale de Leber, l’hémophilie B, la bêta-thalassémie ou dans le traitement du cancer, par transfert de lymphocytes T génétiquement modifiés.
Deux médicaments de thérapie génique sur le marché
Deux médicaments ont déjà surmonté tous les obstacles du développement clinique et sont déjà sur le marché. L’un d’eux, Gencidine est commercialisé en Chine depuis 2004. Il est indiqué dans le traitement de carcinomes de la tête et du cou. Il s’agit d’un gène suppresseur de tumeur (p53), véhiculé par un adénovirus. Plus de 10 000 patients ont été traités par ce médicament à ce jour, sans effet indésirable notable. En Europe, le premier médicament de thérapie génique a été approuvé fin 2012. Il s’agit du Glybera, injectable par voie intramusculaire, indiqué en cas de déficit familial en lipoprotéine lipase.
L’arrivée de ce médicament sur le marché européen a marqué un tournant décisif dans ce domaine médical : la thérapie génique n’est plus seulement une stratégie expérimentale étudiée en laboratoire. Elle peut aboutir à la mise au point de médicaments commercialisables, à condition de surmonter les contraintes règlementaires et industrielles (production de vecteurs et de transgènes dans des conditions standardisées et contrôlées, évaluation précise du rapport bénéfice-risque). Ce développement ne peut se faire sans le concours d’experts médicaux et industriels.
Les techniques diffèrent en fonction des indications
Les deux principales stratégies de thérapie génique : La thérapie génique consiste à modifier génétiquement des cellules d’un patient, pour soigner ou prévenir une maladie. Les protocoles utilisés varient en fonctions des indications et des objectifs thérapeutiques. Les cellules peuvent être modifiées in vivo, directement dans l’organisme du patient, ou ex vivo. Dans le second cas, des cellules souches sont prélevées chez le patient, modifiées en laboratoire, puis réinjectées.
Les protocoles de thérapie génique varient en fonction des indications et des objectifs thérapeutiques à atteindre. Cependant, ils consistent toujours à modifier génétiquement les cellules du patients, ex vivo ou in vivo, de façon pérenne ou transitoire.
Ainsi, dans le cas d’une maladie monogénique qui affecte les cellules sanguines, des cellules souches hématopoïétiques (cellules à l’origine de l’ensemble des cellules sanguines) sont prélevées chez le patient lors d’une procédure qui s’apparente à une simple prise de sang. Ces cellules sont ensuite modifiées ex vivo : un vecteur (voir plus loin) est utilisé pour leur délivrer un transgène thérapeutique, puis elles sont placées en culture pendant quelques jours. Lorsque les cellules ainsi traitées commencent à exprimer le gène thérapeutique, elles sont finalement réinjectées au patient par perfusion veineuse. Les cellules modifiées vont alors proliférer dans l’organisme du patient et, à priori, contribuer à le soigner. L’avantage de cette approche est de modifier une population de cellules bien précise, sans risque de voir le vecteur pénétrer dans des organes non ciblés.
Cependant, il n’est pas toujours possible de prélever les cellules à corriger : cette stratégie ne peut être utilisée lorsqu’il s’agit de modifier des cellules cardiaques ou encore des neurones. Des protocoles prévoient alors l’injection du vecteur contenant le transgène directement dans les organes cibles, in vivo. Par exemple, dans le cas de l’amaurose de Leber, une dégénérescence rétinienne responsable de cécité, l’injection du vecteur contenant le transgène se fait directement dans la rétine. Avec cette stratégie, le risque est une dissémination du transgène moins maîtrisée.
Dans 2 % des essais de thérapie génique, la technique utilisée s’apparente à une chirurgie du gène : on parle de "saut d’exon". Cette approche consiste à amener la cellule à produire une version de la protéine déficiente chez le patient plus courte que la protéine normale mais fonctionnelle, en "sautant" la partie du gène qui porte la mutation à l’origine de la maladie. Le saut d’exon a été testé pour traiter la dystrophie de Duchenne chez l’animal (équipe d’Olivier Danos et Luis Garcia, Généthon, Evry), puis chez l’homme. Plusieurs essais cliniques sont en cours, notamment à l’Institut de Myologie à Paris. Cette technique s’applique particulièrement bien à cette maladie car le gène impliqué est trop grand pour être transporté par un vecteur de transfert de gène. Des applications potentielles sont envisagées dans d’autres pathologies génétiques.
Schéma de la technique du saut d'exon
Une autre approche, consistant à réparer le gène altéré directement au cœur de la cellule, est séduisante par sa précision. Elle éviterait certains effets indésirables associés au transfert d’un transgène. En pratique, cette stratégie s’appuie sur l’utilisation d’enzymes appelées "nucléases", capables de repérer des séquences particulières de l’ADN de part et d’autre de la mutation à réparer et de couper le chromosome à cet endroit précis. La machinerie cellulaire se met alors en marche pour réparer son ADN. Si une copie "saine" du gène à restaurer est alors délivrée dans la cellule, elle va servir de matrice de réparation, permettant ainsi la reconstitution d’un gène complet et fonctionnel. Cette technique fonctionne efficacement in vitro et les premiers essais conduits in vivo sont en cours. Une société française, Cellectis, est pionnière dans le domaine.
Le choix de l’acide nucléique thérapeutique dépend de l’indication
Dans le cadre du traitement du cancer, une piste privilégiée consiste à stimuler le système immunitaire du patient contre sa propre tumeur, de manière à faciliter la reconnaissance des cellules cancéreuses et leur élimination. Pour y parvenir, des essais ont par exemple consisté à prélever des lymphocytes T ou des cellules présentatrices d’antigènes de type dendritique chez les patients, à y introduire un gène codant pour une protéine impliquée dans la reconnaissance des cellules tumorales ou dans leur destruction (antigènes tumoraux, cytokines, gènes suppresseurs de tumeur ou encore enzymes suicides) et à réinjecter le tout dans l’organisme des patients. Les résultats sont globalement mitigés. Des améliorations restent à réaliser pour rendre les vecteurs utilisés plus immunogènes ou mieux contrôlables.
Dans le domaine cardiovasculaire, les chercheurs tentent d’utiliser la thérapie génique pour favoriser la régénération des tissus vasculaires en cas d’ischémie artérielle. Pour ce faire, ils utilisent des gènes codants pour des facteurs de croissance vasculaires. Ils essaient également de diminuer la resténose (prolifération cellulaire non souhaitée après la pose d’un stent) en injectant des produits inhibant la croissance cellulaire des parois artérielles.
Thérapie génique de l'adrénoleucodystrophie
Dans le cadre de la prise en charge des maladies monogéniques, de nombreux essais concernent les déficits immunitaires comme l’immunodéficience sévère combinée (SCID), l’immunodéficience par déficit en adénosine désaminase (ADA-SCID), le syndrome de Wiskott Aldrich ou la granulomatose septique chronique, mais également des maladies hématologiques comme l’hémophilie B ou A, l’anémie de Fanconi ou encore la bêta-thalassémie. D’autres travaux concernent les pathologies rétiniennes comme l’amaurose de Leber ou la neuropathie optique de Leber, les maladies lysosomales comme la maladie de Sanfilipo ou la maladie de Gaucher et d’autres maladies neuro-dégénératives comme l’adrénoleucodystrophie ou la leucodystrophie métachromatique. Dernier exemple, les maladies de la peau telles que l’épidermolyse bulleuse. Toutes ces pathologies sont liées au défaut de fonctionnement d’un gène unique.
Dans le cas des maladies hématologiques, plusieurs essais consistant à modifier des cellules souches ex vivo en y injectant une copie saine du gène à l’origine de la maladie, puis à les réinjecter dans le sang du patient ont montré un bénéfice durable pour les patients. Dans le futur, l’utilisation de divers types de cellules souches telles que les cellules souches pluripotentes induites, ou encore de nouvelles modalités d’ingénierie tissulaire, pourront faire partie de l’arsenal thérapeutique associé à la thérapie génique.
Dans le domaine des maladies infectieuses, un traitement curatif par thérapie génique pourrait être envisagé par exemple en cas d’infection par le VIH. Plusieurs approches sont étudiées. La première consiste à modifier les lymphocytes T4 CD4 des patients (cibles du VIH) afin de les rendre résistants au virus. A cette fin, un clinicien prélèverait des cellules souches hématopoïétiques dans le sang du patient et y ferait rentrer un gène qui rendrait ces cellules insensibles au virus (plusieurs gènes pourraient être utilisés comme le démontre des essais réalisés in vitro). Les cellules modifiées seraient ensuite réinjectées dans l’organisme du patient et conduiraient à la production de lymphocytes T4 CD4 résistants au VIH, capables de survivre et de se multiplier. Des essais conduits chez l’animal et, récemment, un essai clinique mené chez l’homme ont été publiés : les résultats sont encourageants. Dans le cadre d’une seconde approche, les chercheurs travaillent au développement de vaccins à partir de vecteurs viraux utilisés pour le transfert de gène. Des résultats encourageants en terme de protection ont été obtenus chez les primates et des essais se préparent chez l’homme.
Les vecteurs, une clé du succès de la thérapie
Pour faire pénétrer l’acide nucléique à visée thérapeutique dans les cellules du patient, on utilise un vecteur chargé d’assurer ce transport. Des virus modifiés (vecteurs viraux) sont utilisés dans plus de deux tiers des essais. Ce type de vecteurs reste la référence à ce jour.
Il existe des vecteurs viraux non réplicatifs (qui ne peuvent se multiplier), intégratifs (l’ADN du vecteur viral s’intègre dans l’ADN de l’hôte), non intégratifs (le transgène demeure dans la cellule sans s’intégrer au génome de l’hôte) et des vecteurs non viraux non intégratifs. Dans tous les cas, les vecteurs utilisés font l’objet d’une ingénierie importante pour annuler leur potentiel toxique et, lorsque cela est nécessaire, pour les rendre les plus silencieux possibles vis-à-vis du système immunitaire de l’hôte afin de permettre une correction thérapeutique à long terme.
Institut du thorax UMR 915
Les débuts de la thérapie génique ont été marqués par des accidents liés à l’utilisation de vecteurs viraux qui ont pénétré dans des organes non cibles, ou qui ont provoqué l’intégration du transgène dans des séquences dites "pro-oncogènes" du génome du patient, déclenchant des cancers voire des décès. Ces accidents ont incité les chercheurs à explorer le fonctionnement précis de ces vecteurs viraux, la façon dont ils intègrent leur ADN dans les chromosomes de l’hôte... Ces connaissances ont beaucoup contribué au développement de la thérapie génique, grâce à la mise au point de vecteurs plus sûrs et plus efficaces. L’avènement des techniques "à haut débit" pour le séquençage des génomes et l’analyse des séquences obtenues a constitué une avancée indispensable dans ce secteur.
Les vecteurs viraux intégratifs insèrent leur ADN (qui contient le transgène thérapeutique) dans le génome de l’hôte. En conséquence, le gène thérapeutique est transmis aux cellules filles en cas de divisions cellulaires. Ces vecteurs sont idéaux en cas de thérapie cellulaire et de thérapie génique utilisant des cellules souches, ainsi que dans les approches où l’effet recherché doit être permanent.
Parmi les vecteurs viraux intégratifs, les rétrovirus ont été beaucoup utilisés dans les années 2000, mais le recours à cette famille de vecteurs viraux déclinent peu à peu : aujourd’hui moins de 20 % des essais en cours les utilisent. Ils ont en effet été impliqués dans la survenue de leucémies lors des essais menés sur les "enfants bulles" dans les années 2000. Ces virus sont désormais mieux connus et maitrisés, de sorte à réduire le risque d’insertion aléatoire dans le génome de l’hôte. Une fonction d’ "auto-inactivation" empêche notamment le virus de déclencher l’expression inopportune d’un gène proche du site où il s’est inséré.
Mais pour palier ce risque d’insertion aléatoire, les chercheurs utilisent de plus en plus souvent des lentivirus. Ceux-ci semblent en effet avoir un profil d’intégration génomique plus sûr que celui des rétrovirus. Par ailleurs, les lentivirus pénètrent bien dans des cellules qui ne se divisent pas comme les neurones ou les cellules hépatiques (alors que les rétrovirus s’y insèrent mal). Ces virus sont dérivés de virus humains comme le VIH, mais ils sont modifiés de manière à être inoffensifs. Des essais ont été menés grâce à ces vecteurs dans le traitement de l'adrénoleucodystrophie (par l’équipe de Nathalie Cartier et Patrick Aubourg, unité Inserm 986, Kremlin-Bicêtre) ou encore dans le traitement d'hémoglobinopathies (par l’équipe de Philippe Leboulch et Yves Beuzard, à Paris), en collaboration avec le Centre d’investigation clinique intégré en biothérapie de l’hôpital Necker (Paris). Par ailleurs, compte tenu du potentiel de ces vecteurs et grâce au travail de l’équipe d’Anne Galy (unité Inserm 951, Evry), le Généthon a mis en place une production industrielle de vecteurs lentiviraux et collabore avec de nombreuses équipes internationales qui les utilisent, notamment pour le traitement du syndrome de Wiskott-Aldrich.
Quand il s’agit de faire pénétrer un transgène dans des cellules qui ne se divisent pas, les vecteurs non intégratifs sont privilégiés car ils sont considérés comme plus sûrs. Avec ces vecteurs, le transgène reste dans la cellule de l’hôte, mais sans s’insérer dans son génome. Il s’exprime pendant la durée de vie de la cellule et disparaît avec la mort de celle-ci. Les adénovirus ont été très utilisés dans le passé mais leur usage tend à diminuer, notamment pour le traitement des maladies monogéniques. Ils restent cependant des vecteurs de choix en immunothérapie contre le cancer. Ils peuvent transporter de plus grandes séquences d’ADN que les virus intégratifs, même si la taille maximale des transgènes transportés reste parfois inférieure à celle de gènes humains. Ce type de vecteurs présente plusieurs avantages : il pénètre bien dans les cellules qui ne sont pas en division et il est associé à un niveau élevé d’expression du gène vectorisé.
Les vecteurs dérivés de virus adéno-associés (ou AAV) permettent le transfert de petites séquences génétiques (seulement 4 kilobases contre 13 kilobases avec les lentivirus). Ils sont intéressants car peu inflammatoires. Ils sont de plus en plus utilisés, par exemple pour le traitement de l’amaurose de Leber. Le seul médicament de thérapie génique autorisé en Europe (Glybera) utilise d’ailleurs ce type de vecteur.
En parallèle, la mise au point de vecteurs non viraux se poursuit afin de répondre à deux problématiques : une meilleure sécurité des vecteurs et le transport de grandes quantités d’ADN. A ce titre, près de 20 % des essais de thérapie génique se fondent sur l’injection directe d’ADN nu modifié et protégé des enzymes cellulaires (nucléases) grâce à des modifications chimiques. Une autre stratégie est la lipofection : le gène thérapeutique est associé à des lipides cationiques qui favorisent son entrée dans la cellule hôte.
Des succès majeurs à retenir
La France est un des leaders mondiaux de la thérapie génique, tant au niveau académique qu’au niveau clinique, en particulier grâce à des équipes attachées à l’Inserm.
En 1999, des équipes françaises (Salima Hacein-Bey Abina, Marina Cavazzana et Alain Fischer, unité Inserm 768, hôpital Necker, Paris), en collaboration avec des équipes anglaises, ont été pionnières dans le traitement par thérapie génique des "bébés bulles" (atteints de SCID X1). Malgré la survenue de plusieurs cas de leucémies chez les 19 patients inclus, les effets thérapeutiques du traitement persistent encore. Sur les 9 enfants traités en France il y a plus de 10 ans, 8 sont vivants, à domicile, et suivent une scolarité normale. Sans ce traitement, leur espérance de vie était très limitée.
Alain Fischer, Unité Inserm 768, "Développement normal et pathologique du système immunitaire", Département de Biothérapies et Unité d’Immunologie et d’Hématologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades AP-HP, Université Paris Descartes, Paris
L’amaurose de Leber a également fait l’objet d’essais aux résultats remarquables. La maladie correspond à une dégénérescence pigmentaire au niveau de la rétine pouvant conduire à la cécité. Elle est causée par une mutation affectant le gène RPE65. L’injection d’un vecteur de type AAV contenant une copie fonctionnelle de ce gène, directement dans la rétine, a permis de stopper l’évolution de la maladie et de préserver la vision qui restait aux patients. Les premiers essais réussis ont eu lieu en Angleterre et aux Etats-Unis en 2007. Un essai est actuellement en cours à Nantes (équipe de Fabienne Rolling et Philippe Moullier, unité Inserm 1089, Nantes). Une société américaine vient d’être créée pour développer cette stratégie (Spark Therapeutics) et une autre existe en France, GenSight, fondée par José-Alain Sahel, directeur de l’Institut de la Vision (unité Inserm 968), à Paris.
L’adrénoleucodystrophie, une maladie génétique neurodégénérative liée à une démyélinisation du système nerveux central, a également fait l’objet de travaux prometteurs. Un essai a été mené chez quatre enfants en 2009, par des équipes françaises (Nathalie Cartier et Patrick Aubourg, unité Inserm 986, Kremelin-Bicêtre), en collaboration avec une société biotechnologique américaine et avec l’hôpital Necker (Paris). La stratégie utilisée consiste à prélever des cellules souches de la moelle osseuse (cellules souches mésenchymateuses), à les corriger génétiquement ex vivo à l’aide d’un lentivirus, puis à les réinjecter dans la circulation sanguine. Le traitement a permis de stopper l’évolution de la maladie chez ces enfants qui mènent aujourd’hui une vie pratiquement normale. Cet essai a ouvert la voie au développement de cette stratégie pour de nombreuses autres maladies neurodégénératives. Un résultat tout à fait spectaculaire vient notamment d’être obtenu par une équipe italienne (Alessandra Biffi et Luigi Naldini, à Milan) chez des enfants atteints de leucodystrophie métachromatique, une autre maladie génétique neurodégénérative. D’autres approches sont également en cours de développement dans le traitement de maladies lysosomales comme la maladie de Sanfilippo, avec par exemple les travaux menés par Jean-Michel Heard à l’Institut Pasteur (unité 1115 Institut Pasteur/Inserm), Marc Tardieu à l’hôpital Bicêtre et Michel Zerah à l’hôpital Necker, à Paris.
Un essai lancé en 2010 a en outre montré l’efficacité de la thérapie génique pour le traitement de l’hémophilie B. Il s’agit cette fois d’un protocole anglo-américain (équipe d’Amit Nathwani, à Londres). Les chercheurs ont utilisé un vecteur AAV contenant un gène FIX, capable de restaurer la coagulation sanguine. Six patients ont été inclus. Le gène s’est exprimé chez tous les participants et a permis aux quatre d’entre eux (qui avaient reçu les doses de vecteur les plus fortes) d’interrompre leur traitement prophylactique contre les hémorragies spontanées. Le suivi à long terme devra confirmer la sécurité du traitement et la persistance de l’effet thérapeutique dans le temps.
Les personnes atteintes de bêta-thalassémie, une forme majeure d’anémie, pourraient également être, à l’avenir, traitées par thérapie génique à en croire les résultats d’un essai français mené en 2010 (équipe de Philippe Leboulch et Marina Cavazzana à Paris). Il s’agissait d’un essai pionner qui a permis de soigner un patient âgé de 18 ans. Une première mondiale. Ce patient a été transplanté avec ses propres cellules hématopoïétiques CD34 corrigées ex vivo grâce à un lentivirus pour qu’elles expriment un transgène bêta-globine. Le jeune homme a retrouvé une vie normale, sans recours à des transfusions sanguines mensuelles.
Dans le domaine du cancer, les résultats sont plus aléatoires mais certains travaux sont encourageants. Une équipe américaine a par exemple prouvé, en 2010, l’efficacité de cellules T modifiées pour le traitement de leucémies (équipe de Carl June et Bruce Levine, à Philadelphie). Les chercheurs ont utilisé un vecteur lentiviral de type HIV-1 car il s’intègre naturellement dans les lymphocytes T. Ce vecteur a permis le transfert de gènes codant pour des protéines qui facilitent la reconnaissance des cellules tumorales à les éliminer. La société Novartis a investi dans le secteur et plusieurs start-up se sont créées, telles que Juno Therapeutics à Seattle.
Le secteur industriel, autour de la thérapie génique et les filières de service associées, se développe dans le monde et en France. Plusieurs personnalités de la recherche française rattachées à l’Inserm ont été pionnières dans ces démarches : Citons par exemple David Klatzmann avec la création de Genopoietic en 1993, mais également Pierre Charneau avec Theravectys, David Sourdive avec Cellectis, Philippe Leboulch avec Bluebird bio ou encore récemment José-Alain Sahel avec la fondation de GenSight Biologics en 2012. L’AFM Téléthon a par ailleurs investi depuis de nombreuses années dans la thérapie génique. Et Généthon BioProd, le premier établissement pharmaceutique à but non-lucratif dédié à la fabrication de médicaments de thérapie cellulaire et génique, a récemment ouvert à Evry.
DOCUMENT inserm LIEN
|
|
|
|
|
 |
|
GENETIQUE |
|
|
|
|
|
Chirurgie du gène : Des chercheurs démontrent la faisabilité du saut d’exon pour des malades atteints de dysferlinopathies
03 décembre 2009
L’équipe de Nicolas Lévy de l’Université de la Méditerranée (Inserm UMR S 910 ‘‘Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle”, Faculté de Médecine de Marseille), en collaboration avec les équipes de Luis Garcia et Vincent Mouly/Gillian Butler-Browne à l’Institut de Myologie (UPMC/Paris 6/Inserm UMR S 974, CNRS UMR 7215, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière), vient de démontrer la pertinence et la faisabilité du saut d’exon dans certains cas de dysferlinopathies, un groupe de dystrophies musculaires. Le saut d’exon, un traitement déjà à l’étude chez l’Homme pour la myopathie de Duchenne, pourrait donc être une voie thérapeutique pour d’autres maladies neuromusculaires. Des travaux publiés online le 1er décembre 2009 dans Human Mutation et financés notamment grâce aux dons du Téléthon.
Les dysferlinopathies représentent un groupe hétérogène de dystrophies musculaires récessives ayant en commun des anomalies dans le gène de la dysferline, une protéine impliquée notamment dans la réparation de la membrane des fibres musculaires. Les plus fréquentes de ces maladies sont la dystrophie musculaire des ceintures 2B (LGMD2B) et la myopathie distale de Miyoshi. La première se traduit par une atteinte des muscles des épaules (ceinture scapulaire) et du bassin (ceinture pelvienne) tandis que la seconde touche principalement les extrémités des membres (jambes, pieds, avant-bras, mains).
Coupe transversale de fibres musculaires. Coloration DPNH.
A ce jour, plus de 350 anomalies différentes du gène ont été identifiées, des mutations qui se manifestent par des symptômes plus ou moins sévères selon les malades. Or, en 2006, en étudiant une famille concernée par une dysferlinopathie, l’équipe de Michael Sinnreich de l’Institut neurologique de Montréal a constaté que la mère de deux filles sévèrement atteintes était elle-même très tardivement et peu atteinte. En y regardant de plus près, les chercheurs ont découvert que cette mère portait la même mutation que ses filles sur un des deux chromosomes, mais que, sur l’autre chromosome, l’exon 32 était naturellement absent.
A partir de ces résultats, l’équipe de Nicolas Lévy de l’Inserm et de l’Université de la Méditerranée (Marseille), en collaboration avec les équipes de l’Institut de Myologie (Paris), a imaginé reproduire ce saut d’exon naturel en laboratoire sur des cellules de patient présentant des mutations de l’exon 32. L’objectif était donc de reproduire sur ces cellules porteuses d’une mutation dans l’exon 32, une situation similaire à celle observée pour la patiente décrite par l’équipe de Michael Sinnreich, associée à une atteinte très modérée. Pour cela, ils se sont appuyés, grâce à la collaboration avec les équipes de Luis Garcia et Vincent Mouly/Gillian Butler-Browne, sur les différentes techniques qui sont aujourd’hui à l’étude pour la dystrophine, la protéine dont la déficience est à l’origine des myopathies de Duchenne et de Becker, mais également pour d’autres maladies neuromusculaires. Dans un premier temps, trois oligonucléotides antisens synthétiques* ont été testés permettant d’identifier deux zones du génome à cibler pour favoriser le saut de l’exon 32. Les chercheurs ont alors ciblé ces deux zones à l’aide d’un gène U7 produisant un ARN antisens, lequel a été apporté aux cellules malades grâce à un lentivirus. Au terme de ces travaux, que ce soit avec les oligonucléotides antisens seuls ou apportés par un lentivirus, les chercheurs ont pu observer, dans les cellules traitées, un ARN tronqué dans lequel l’exon 32 a été supprimé. Ceci a donc permis de supprimer dans les cellules de patient la mutation préalablement présente dans l’exon 32. En d’autres termes, ils ont montré la faisabilité et la pertinence du saut de l’exon 32.
Ces travaux ouvrent la voie à un essai thérapeutique par saut d’exon pour les malades présentant des anomalies situées dans l’exon 32. D’ores et déjà, les chercheurs disposent d’une base de données UMD-DYSF, développée en collaboration avec l’équipe Christophe Béroud (IURC Montpellier) qui comporte la totalité des mutations rapportées à ce jour dans la littérature dont plus de la moitié provient de malades suivis à Marseille et Paris. Grâce à cette base et à la base néerlandaise Leiden Muscular Dystrophy pages ©, les médecins marseillais et parisiens ont identifié une vingtaine de malades atteints de dysferlinopathies susceptibles d’être concernés pour ce seul exon 32. Enfin, même si certaines parties du gène de la dysferline sont indispensables à son bon fonctionnement, les chercheurs estiment que d’autres exons que le 32 pourraient également être "ciblés" par une approche thérapeutique par saut d’exon.
Le saut d’exon, qu’est-ce que c’est ?
Un gène est composé d’introns et d’exons, ces derniers désignant la partie codante du gène qui renferme l’information nécessaire à la synthèse de la protéine. Le saut d’exon consiste à intervenir au moment de la transcription du gène en protéine pour éliminer les exons porteurs d’anomalies génétiques. La protéine qui en résulte alors est tronquée mais fonctionnelle.
*des petits bouts d’ADN synthétisés en laboratoire qui viennent se coller à l’ARN pré-messager pendant sa conversion en ARN messager
Retour à la liste des communiqués de la thématique
En savoir plus
Source
"Efficient Bypass of Mutations in Dysferlin Deficient Patient Cells by Antisense-Induced Exon Skipping"
Nicolas Wein,1 - Aurélie Avril,2 - Marc Bartoli,1 - Cyriaque Beley,2 - Soraya Chaouch,2 - Pascal Laforêt,3 - Anthony Behin,3 - Gillian Butler-Browne,2 - Vincent Mouly,2 - Martin Krahn,1,4 - Luis Garcia,2* and Nicolas Lévy1,4*£
1- Université de la Méditerranée, Inserm UMR S 910 ‘‘Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle”, Faculté de Médecine de Marseille, France;
2- Université Pierre et Marie Curie/Paris 6/Inserm UMR S 974, CNRS UMR 7215, Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France;
3- Centre de référence de pathologie neuromusculaire Paris Est, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris, France;
4- Département de Génétique Médicale, Hôpital d’enfants de la Timone, AP-HM, Marseille, France.
Human Mutation, Volume 30, Issue 12 (December 2009)
Contacts Presse
AFM
Stéphanie Bardon/Marie Rocher
Tél. : 01 69 47 28 28
DOCUMENT inserm LIEN
|
|
|
|
|
 |
|
Cellules pluripotentes induites (IPS) |
|
|
|
|
|
Cellules pluripotentes induites (IPS)
Avec la collaboration de Mathilde Girard, chargée de recherche en modélisation pathologique iPS à l’institut I-Stem à Evry - Février 2013.
Transformer une cellule adulte spécialisée en cellule immature capable de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme ? Désormais, il ne s’agit plus d’un rêve de chercheur mais bien d’une réalité. Celle-ci a d’ailleurs valu le prix Nobel de médecine 2012 à Shinya Yamanaka, le chercheur japonais qui a mis au point la technique six ans plus tôt à l’université de Kobé.
La prouesse scientifique récompensée par le prix Nobel de médecine 2012 consiste à prélever pratiquement n’importe quelle cellule chez un adulte et à la reprogrammer génétiquement pour la rendre pluripotente, c’est à dire capable de se multiplier à l’infini et de se différencier en types de cellules qui composent un organisme adulte, exactement comme une cellule souche embryonnaire. Ces cellules sont appelées IPS pour cellules souches pluripotentes induites ("induced pluripotent stem cells").
On imagine déjà le potentiel énorme de ces cellules : facilement accessibles, et en quantité illimitée, elles pourraient permettre de régénérer des organes entiers.
En attendant, elles sont déjà largement utilisées pour modéliser de nombreuses pathologies et tester l’efficacité de molécules potentiellement thérapeutiques.
reportage Pr Yamanaka prix nobel de médecine... par TVFRANCEJAPON
Un nouveau type de cellules souches
Des cellules souches sont naturellement présentes chez l’embryon et dans certains organes ou tissus adultes. Certaines cellules souches sont dites "pluripotentes" : elles peuvent se différencier en n’importe quel type de cellules de l’organisme, sans restriction. C’est le cas des cellules souches embryonnaires (ES). D’autres sont partiellement engagées dans une voie de différenciation, ce qui limite la variété des cellules spécialisées qu’elles pourront donner par la suite. C’est le cas des cellules souches adultes et des cellules souches issues de cordon ombilical.
Présentes lors des premiers stades du développement de l’embryon, les cellules souches embryonnaires sont relativement faciles à cultiver in vitro. Toutefois leur obtention passe par la destruction d’un embryon, ce qui pose un problème éthique. De ce fait, leur utilisation est actuellement interdite en France. Des dérogations permettant la réalisation de recherches dans des conditions extrêmement contrôlées peuvent toutefois être accordées par l’Agence de la Biomédecine.
Les cellules souches adultes proviennent de tissus qui se renouvellent. On en trouve par exemple dans la moelle osseuse où elles sont à l’origine des cellules sanguines (cellules souches hématopoïétiques), dans l’épiderme (cellules souches kératinocytaires) ou encore dans le tissu adipeux (cellules souches mésenchymateuses). Ces cellules sont présentes en faible quantité et moins faciles à cultiver que les cellules souches embryonnaires. Elles ne peuvent en outre produire que certains types de cellules différenciées, en fonction de leur tissu d’origine.
Les cellules IPS sont quant à elles identiques aux cellules souches embryonnaires, mais elles sont obtenues par reprogrammation génétique de cellules adultes différenciées. Depuis 2007, des centaines de lignées de cellules IPS ont été obtenues à partir de presque tous les types de cellules adultes capables de se multiplier.
Les cellules IPS en pratique
La reprogrammation de cellules différenciées en cellules IPS consiste à les modifier génétiquement pour réactiver les signaux d’immaturité et de prolifération caractéristiques d’une cellule pluripotente.
Pour cela quatre gènes surexprimés dans les cellules souches embryonnaires sont suffisants et nécessaires : Oct3/4, Sox2, c-Myc, et Klf4. Le gène c-Myc est notamment connu pour ses capacités à faire proliférer les cellules. Le fait de réactiver la pluripotence éteint les autres gènes de différenciation exprimés par la cellule.
La technique consiste à faire pénétrer ces quatre gènes dans la cellule adulte afin qu’ils s’y expriment.
Au début, les chercheurs utilisaient des vecteurs viraux qui avaient l’inconvénient majeur de s’intégrer dans le génome de la cellule hôte et entrainaient un risque de mutation et d’expression prolongée de ces gènes. Ces défauts sont désormais corrigés grâce à l’utilisation de nouveaux vecteurs non intégratifs : des plasmides ou encore le virus de Sendaï qui pénètrent dans la cellule puis finissent par se perdre au cours des divisions.
Des expériences de reprogrammation réduisant le nombre de gènes à introduire à trois, voire deux, ont été réalisées. Toutefois, le standard reste aujourd’hui l’introduction des quatre gènes utilisés par Shinya Yamanaka en 2006.
Toutes les cellules adultes qui prolifèrent peuvent être utilisées pour cette reprogrammation. Les fibroblastes cutanés sont les cellules les plus utilisées car elles sont faciles d’accès. Mais des essais concluants ont eu lieu avec bien d’autres type de cellules : kératinocytes (autres cellules de la peau), adipocytes, cellules hématopoïétiques (du sang)…
Les avantages des cellules souches embryonnaires, sans leurs inconvénients
Les cellules IPS ont les mêmes atouts que les cellules souches embryonnaires humaines : elles prolifèrent à l’infini et peuvent se différencier en tous les types de cellules de l’organisme. Mais elles ont des avantages supplémentaires: elles sont faciles d’accès, par simple biopsie chez l’adulte, et leur utilisation ne pose pas de problème éthique.
De plus, les cellules IPS peuvent provenir de donneurs sélectionnéspour leur patrimoine génétique. Cela permet de cultiver des cellules malades et de modéliser des pathologies pour les étudier. Autre intérêt dans le cadre de la médecine régénérative, il est possible de choisir un donneur compatible avec le receveur à traiter pour éviter un rejet de greffe.
Quelques bémols
Néanmoins, l’utilisation de ces cellules est très récente et pose encore un certain nombre de questions. Les scientifiques estiment par exemple que la reprogrammation n’est pas complète, dans le sens où des modifications du génome acquises au cours de la vie de la cellule persistent après la reprogrammation (modifications épigénétiques). Il est également légitime de se demander si la reprogrammation elle-même n’induit pas de mutations ou de modifications génétiques pouvant par la suite altérer le fonctionnement de ces cellules IPS.
Des modèles de maladies génétiques à foison
Les cellules IPS sont d’ores et déjà utilisées pour de la modélisation de pathologie : en prélevant des cellules d’un adulte porteur d’une maladie génétique, il est possible de les reprogrammer, de les faire proliférer, puis de les redifférencier dans le type de cellules qui exprime la maladie. Les chercheurs disposent alors d’une source illimitée de cellules malades pour étudier les mécanismes de la pathologie, tenter de corriger la mutation, tester des molécules thérapeutiques ou encore évaluer la toxicité d’un produit.
L’étape de re-différenciation est guidée in vitro par l’utilisation de facteurs de croissance adaptés. Elle est bien au point pour obtenir des cellules cardiaques, sanguines, du muscle lisse, des hépatocytes, des cellules rétiniennes ou encore des neurones. Toutefois, certaines lignées restent impossibles à recréer à ce jour. C’est par exemple le cas du muscle strié.
Des lignées de cellules IPS sont déjà disponibles pour étudier des dizaines de maladies comme la sclérose latérale amyotrophique, maladie de parkinson, le diabète de type 1, la maladie de Huntington, la trisomie 21, l’immunodéficience sévère combinée, le syndrome de Lesch-Nyhan, la maladie de Gaucher, le syndrome de Shwachman-Bodian-Diamond ou encore les dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker.
Des chercheurs de l’Inserm et de l’Institut Pasteur ont par exemple réussi à corriger une mutation responsable d’une insuffisance hépatique dans des cellules IPS de patients malades. Ces cellules ont ensuite été redifférenciées en hépatocytes, puis injectées chez des souris présentant la pathologie. Les résultats ont été très encourageants : elles étaient parfaitement fonctionnelles et ont contribué à régénérer le foie malade des animaux.
Vers un premier essai clinique
L’autre application majeure des cellules IPS sera la thérapie cellulaire ou médecine régénérative. Les cellules ne pourront pas être utilisées telles qu’elles car elles induiraient la formation de tératomes, des masses de cellules qui prolifèrent et se différencient de façon anarchique en tous types cellulaires. Elles devront être pré-différenciées in vitro avant d’être injectées chez le malade, au niveau du site lésé, avec des facteurs de croissance ou des molécules favorables à leur implantation et leur différenciation.
Des essais de thérapie cellulaire utilisant des cellules souches adultes ou des cellules souches de cordon ombilical sont déjà en cours. Mais ces applications sont limitées par la quantité et la nature des cellules souches disponibles. Les cellules souches neurales adultes sont par exemple rares et très difficiles d’accès. Il n’est donc pas envisageable de traiter des maladies neurodégénératives par ce biais. Les cellules IPS permettront de contourner cette difficulté et apporteront des solutions aux problèmes ne pouvant pas être résolus par l’utilisation des cellules souches adultes.
© Inserm
Cure de jouvence pour cellules par Jean Marc Lemaitre
En ce qui concerne les essais de thérapie cellulaire utilisant des cellules pluripotentes, les chercheurs utilisent pour l’instant davantage les cellules souches embryonnaires, plus sûres sur le plan théorique. Ces dernières sont évaluées en cardiologie après un infarctus du myocarde, pour régénérer la rétine en cas de DMLA ou de dystrophie maculaire de Stargardt, dans les lésions traumatiques de la moelle épinière ou encore pour des pansements cutanés en cas d’ulcère chez les patients atteints de drépanocytose. Néanmoins, Shinya Yamanaka, le "père" des cellules IPS, a annoncé pour 2013 le lancement d’un premier essai utilisant des cellules IPS pour régénérer la rétine de patients atteints de DMLA. L’utilisation de ces cellules offre l’énorme avantage de pouvoir choisir le donneur en fonction de son patrimoine génétique pour prévenir un rejet de greffe par le receveur. A ce titre, le japonais constitue actuellement une banque de cellules IPS provenant de différents individus afin d’être en mesure de proposer aux malades les cellules les mieux tolérées.
DOCUMENT inserm LIEN |
|
|
|
|
Page : [ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 ] Précédente - Suivante |
|
|
|
|
|
|