ecole de musique toulon, cours de piano
     
 
 
 
 
 
menu
 
 

Nanomatériaux

 


 

 

 

 

 

Nanomatériaux

Construire des nanomatériaux aux propriétés nouvelles pour l’énergie, les transports et d’autres applications de la vie quotidienne est un enjeu stratégique.

Publié le 1 juillet 2012

L’observation des matériaux au microscope fait apparaître leur composition, leur structure, granulaire ou fibreuse, et leurs défauts. Elle révèle, par exemple, que les alliages métalliques sont constitués d’agrégats de grains de taille micrométrique.

INFLUENCE DE LA STRUCTURE

La structure détermine les propriétés optiques, mécaniques, électriques, magnétiques, thermiques… des matériaux. En faisant coïncider l’échelle d’homogénéité des matériaux avec l’échelle d’action de phénomènes physiques, on peut modifier certaines de leurs caractéristiques. Ainsi, un verre millistructuré est transparent mais pas superhydrophobe, tandis qu’un verre microstructuré est opaque mais toujours pas superhydrophobe. Seul un verre nanostructuré est transparent et superhydrophobe.
Les nanomatériaux sont donc volontairement façonnés à cette échelle : ils sont constitués d’éléments nanométriques qui vont leur conférer la propriété recherchée. Ils peuvent se présenter sous forme de nanopoudre ou comprennent des nanoparticules intégrées dans une matrice ordinaire (on parle alors de matériaux composites).
En diminuant la taille des grains, on obtient des matériaux plus légers et ayant de meilleures propriétés mécaniques, par exemple plus résistants. Les matériaux obtenus sont plus malléables car les grains glissent plus facilement les uns par rapport aux autres.

Plus un objet est petit, plus sa surface externe est importante par rapport à son volume. Les objets nanométriques sont caractérisés par un nombre d’atomes en surface identique au nombre d’atomes en volume. Les phénomènes de surface jouent donc un rôle désormais prédominant. Le monde naturel l’illustre bien : ainsi, un insecte peut marcher sur l’eau mais, grossi 500 fois jusqu’à la taille d’un éléphant, il n’en serait plus capable.
De plus, ce qui se passe à l’interface entre chaque élément constitutif est aussi très important. Plus il y a d’éléments, plus la surface d’échange augmente. Celle des objets nanométriques est par conséquent immense. Il est ainsi possible de modifier les propriétés d’un matériau en le façonnant à cette échelle. Par exemple, le cuivre formé de nanocristaux est trois fois plus résistant mécaniquement qu’en microcristaux. Une poussière de nanotubes « en vrac » a une immense surface d’échange avec son environnement : plusieurs centaines de mètres carrés par gramme. Cela permet notamment d’augmenter l’efficacité des catalyseurs de l’industrie chimique ou des pots d’échappements pour le même volume de matière.
Certains matériaux réémettent de la lumière visible quand ils sont éclairés : c’est le phénomène de photoluminescence. Sous des rayons ultraviolets, la couleur émise par des nanocristaux de séléniure de cadmium change en fonction de leur dimension, passant du bleu pour des grains de 2 nm au vert pour 3 nm, puis au rouge pour 5 nm. Dotés de cette propriété, les nanocristaux de semi-conducteurs, souvent appelés quantum dots, peuvent être utilisés dans le marquage moléculaire ou encore comme marqueurs d’objets précieux et de produits commerciaux.
On peut ainsi utiliser la réactivité ou les propriétés de certaines nanoparticules pour obtenir des surfaces fonctionnalisées : vitres autonettoyantes, miroirs antibuée, revêtements antibactériens et/ou fongicides… Pour cela, il faut déposer une couche de ces nanoparticules à la surface d’un objet en matériau ordinaire avec des procédés comme le sol-gel ou le dépôt en phase vapeur.

La nature inspiratrice
Le gecko, petit animal qui ressemble à un lézard, a la propriété étonnante de courir au plafond ! En examinant de très près la surface de ses pattes, on a découvert qu’elle est constituée d’un tapis de fibres très serrées qui lui donne cette superadhérence. Des chercheurs sont en train d’en copier la structure pour reproduire cet effet de nano-velcro…
La feuille de lotus, quant à elle, présente une propriété étonnante : elle est superhydrophobe. L’étude nanométrique de sa surface met en évidence une nanostructure qui fait glisser les gouttes, et permet de comprendre comment et pourquoi, même plongée dans l’eau, elle paraît toujours sèche. L’intérêt de cette recherche est de pouvoir fabriquer des verres hydrophobes qui pourraient équiper les véhicules et la lunetterie.
Les objets nanométriques « naturels » sont depuis toujours présents dans notre environnement. Les grains d’argent des émulsions photographiques, la poudre à base d’encre de Chine, les colorants des verres (de certaines cathédrales par exemple) contiennent des nanoparticules. Mais les objets dérivant des nanotechnologies ne sont fabriqués que depuis quelques années. Aujourd’hui, plus de 350 produits grand public sont commercialisés pour lesquels le constructeur mentionne au moins un élément dérivé des nanotechnologies. Parmi eux, on compte des cosmétiques, des systèmes électroniques et des produits ménagers et sportifs.
Pour beaucoup d’applications, des nanoparticules aux propriétés déterminées sont incluses dans une matrice, créant ainsi un matériau composite fonctionnel. Tout, ou presque, est envisageable : béton ultraléger, résistant et auto-cicatrisant, film de polyéthylène antibactérien (en incluant des nanoparticules d’argent) et imperméable aux rayons UV (grâce à des nanoparticules de dioxyde de titane), crèmes solaires incorporant, elles aussi, des nanograins de dioxyde de titane pour l’absorption des UV dangereux pour la peau, céramiques nanorenforcées rendues bio­compatibles, matières plastiques à base de polymères rendues conductrices, ininflammables ou plus résistantes…

DES NANOS AU SERVICE DE L'ÉNERGIE

L’apport des nanomatériaux et des matériaux nanostructurés est stratégique dans le domaine de l’énergie nucléaire du futur, en particulier dans les projets liés aux réacteurs de « Génération IV ».
 

En effet, qu'il s'agisse des nouveaux alliages métalliques renforcés par une dispersion très fine d’oxyde (aciers ODS) ou de composites à matrices céramiques (CMC), les performances de ces matériaux reposent sur leur nanostructuration. Elles permettent par exemple aux premiers de renforcer leur résistance lors de leur utilisation en environnement sévère ; aux seconds de présenter une conductivité thermique élevée. Le développement pour le nucléaire de ces matériaux nanostructurés permettra la diffusion de connaissances, de savoir-faire technologique et d’innovation dans d’autres secteurs industriels.
Les nouvelles technologies de l’énergie intègrent aussi ces recherches.
Premier exemple : les cellules photovoltaïques. Les dispositifs actuels en silicium cristallin convertissent au maximum 16 à 18 % de la puissance du Soleil en énergie électrique, mais la fabrication des cellules est coûteuse, complexe, et exige de grandes précautions. Les nanotechnologistes élaborent des structures photosensibles flexibles, à partir de plastiques conducteurs, actuellement en phase de test.

L’apport des nanomatériaux et des matériaux nanostructurés est stratégique dans le domaine de l’énergie nucléaire du futur.

Pour les piles à combustible, le polymère des membranes a été rendu plus résistant mécaniquement, chimiquement et thermiquement. Les particules de platine, qui jouent le rôle de catalyseur, ont été remplacées par des nanoparticules, permettant ainsi d’économiser du métal précieux.
Le champ des possibles est immense. À l’évidence, des secteurs comme l’aéronautique et l’aérospatial, toujours à la recherche de matériaux légers et ultra-performants, seront de gros utilisateurs. Les moyens de transport terrestres, maritimes et aériens seront plus légers, emporteront plus de charge utile tout en consommant moins d’énergie et donc en polluant moins. L’industrie textile connaîtra aussi sans doute des bouleversements : de nombreux scientifiques travaillent déjà sur des tissus « intelligents ».

 

  DOCUMENT     cea         LIEN

 
 
 
 

La microélectronique : passer du design à la fabrication

 


 

 

 

 

 

La microélectronique : passer du design à la fabrication

Si les puces électroniques se retrouvent aujourd'hui dans de très nombreux objets de la vie quotidienne, c'est qu'elles sont fabriquées en série et contiennent des milliards de composants. Cette production fait appel à des technologies d'une extrême complexité et nécessite donc des infrastructures et des équipements très coûteux.

Publié le 18 octobre 2018

DU SABLE... POUR EXTRAIRE LE SILICIUM
De par ses propriétés de semiconducteur, le matériau de base des circuits intégrés est aujourd'hui encore le silicium. Extrait du sable (oxyde de silicium) par réduction chimique, il est cristallisé sous forme de barreaux de 20 ou 30 cm de diamètre, ensuite sciés en tranches de moins d’un millimètre d’épaisseur qui sont polies jusqu’à obtenir des surfaces lisses à 0,5 nanomètre près. C’est sur cette tranche, appelée wafer, que des centaines de puces sont fabriquées simultanément, grâce à la répétition ou la combinaison d’opérations élémentaires : traitement thermique, nettoyage, dépôt, photolithographie, gravure et dopage. Les dimensions les plus fines obtenues aujourd’hui industriellement permettent de disposer et de connecter des millions de composants de base - les transistors - par circuit, et de multiplier ainsi les fonctionnalités. Cette fabrication collective, qui fait chuter les coûts unitaires, est l’un des atouts majeurs de l’industrie microélectronique. Mais elle durcit aussi les exigences de production : une erreur de manipulation, quelques secondes en plus ou en moins et ce sont plusieurs centaines de circuits qui finissent à la poubelle…


LE DESIGN DES CIRCUITS
Impossible de concevoir un circuit de plusieurs millions d'éléments sans l'aide de l'ordinateur : tout concepteur de puces recourt à la CAO pour déterminer les principales fonctions, puiser des modules dans des bibliothèques informatisées, arranger ces modules les uns par rapport aux autres, simuler le fonctionnement global... L'exercice est long, difficile et incroyablement minutieux : en imaginant qu'un micro-processeur de 100 millions de transistors ait la taille d'un carré de 6 km de côté, chaque isolant de grille de transistor aurait une épaisseur d'un millimètre seulement !


6 étapes clés de fabrication
 1- Le traitement thermique

Réalisé dans des fours à des températures de 800 à 1 200° C, il permet de réaliser des couches d'oxyde et de nitrure de silicium par exemple, réarranger des réseaux cristallins ou effectuer certains dopages.   

2- Les dépôts

Ils apportent à la surface du silicium des couches conductrices ou isolantes : oxydes, nitrures, siliciures, tungstène, aluminium... Ils sont effectués par diverses techniques physiques ou chimiques : dépôt en phase vapeur (CVD), pulvérisation, épitaxie... 

3- La photolithographie


Etape-clé, elle consiste à reproduire dans la résine photosensible le dessin des circuits à réaliser. Ces motifs complexes sont générés en une seule exposition. La lumière d’une source lumineuse de très faible longueur d’onde (UV ou rayons X, pour les gravures les plus fines) y projette l’image d’un masque. Plus la résolution optique est poussée, plus la miniaturisation des circuits est améliorée. 

4- Le nettoyage

Les nombreuses opérations de nettoyage des tranches représentent presque un tiers du temps total de processus de fabrication. 

5- La gravure


A l’inverse du dépôt, la gravure enlève de la matière, toujours dans le but de réaliser un motif. Deux voies principales : la gravure dite humide, qui utilise des réactifs liquides, et la gravure sèche (ou gravure plasma) qui emploie des réactifs gazeux. En 2004, les gravures les plus fines en production mesuraient 130 nm. Dix ans après, elles n’étaient plus que de 14 nm ! 

6- Le dopage

Pour introduire au cœur du silicium les atomes qui vont modifier sa conductivité, les plaquettes sont chauffées entre 800 et 1 100° C dans des fours, en présence du gaz dopant, ou bombardées par implantation à travers un masque par un faisceau d’ions accélérés. Aujourd'hui, réaliser un circuit intégré complexe demande la succession de plusieurs centaines d'opérations. 

La photolithographie
Elle est limitée par les phénomènes de diffraction et de longueur d'onde du faisceau de lumière utilisé. Aujourd'hui, avec des détails de l'ordre de 10 à 20 nm, la photolithographie atteint ses limites techniques et des effets dus à la physique quantique perturbent le fonctionnement des circuits ; par exemple, des électrons sautent d'un « fil » à l'autre par effet tunnel. Les motifs peuvent aussi être gravés au moyen de faisceaux d'électrons, mais les dessins doivent alors être tracés les uns après les autres. La lithographie par faisceau d'électrons (E-beam) permet d'atteindre une résolution nanométrique, correspondant à leur longueur d'onde.


L'ENVIRONNEMENT DE LABORATOIRE
A l'échelle d'une puce, un minuscule grain de poussière représente un rocher qui bouche les chemins creusés pour la circulation des électrons. C'est pourquoi la fabrication a lieu en « salle blanche ». L'air est filtré et entièrement renouvelé 10 fois par minute. Il contient 100 000 à 1 million de fois moins de poussières que l'air extérieur. Les opérateurs portent en permanence une combinaison qui les couvre des pieds à la tête et retient les particules organiques et les poussières qu'ils génèrent naturellement. Les opérations de photolithographie nécessitent une ambiance appelée inactinique : les lampes utilisées, le plus souvent jaunes (la plage de longueur d'onde ultraviolette est retirée), n'ont pas ou peu d'effets photochimiques sur les résines photosensibles recouvrant les wafers.

Animation
Visite virtuelle - Le Leti, laboratoire d'électronique et de technologie de l'information

LA PUCE
Pour finaliser la fabrication, une pellicule métallique est déposée aux endroits où le circuit devra être en contact avec les broches de sortie. Puis les circuits intégrés sont testés, directement sur le wafer. Enfin, celui-ci est découpé pour obtenir des puces, insérées dans un boîtier individuel de protection et reliées aux broches qui vont leur permettre de communiquer avec l'extérieur. Des tests de validation et de qualification, à différentes fréquences et températures, sont alors entrepris.


ZOOM SUR MINATEC


Initié par le CEA et l'Institut national polytechnique de Grenoble, soutenu par les collectivités locales et territoriales, Minatec est le premier pôle européen, et l'un des premiers mondiaux, dédié aux micro et nanotechnologies. Le site est constitué de 45 000 m2  de laboratoires, bureaux et salles blanches (8 000 m2) pour la nanoélectronique et les microsystèmes, une plateforme de nanocaractérisation (1 500 m2), un centre de développement, caractérisation et simulation de composants opto-électroniques, des chambres anéchoides, une plateforme de cybersécurité…
4 000 personnes environ y travaillent, parmi lesquelles 1 200 chercheurs, 1 000 étudiants, 200 enseignants-chercheurs et 1 000 emplois industriels directs.

 

 DOCUMENT     cea         LIEN

 
 
 
 

L'ASTROPHYSIQUE NUCLÉAIRE Généalogie de la matière

 

 

 

 

 

 

 

L'ASTROPHYSIQUE NUCLÉAIRE
Généalogie de la matière


En 1610, pointant sa lunette vers la Lune, Galilée vit des montagnes et en déduisit que la Lune était « terreuse ». Aujourd’hui, la Terre pourrait être qualifiée de céleste, car les éléments qui la composent ont été fabriqués dans les étoiles. L’étude systématique de la structure des noyaux, de leurs comportements et des réactions qui les mettent en jeu a eu un rôle central dans le développement de la théorie de l’origine des éléments.

Publié le 10 décembre 2015

UN PEU DE PHYSIQUE NUCLÉAIRE
Le noyau d’un atome est formé de particules appelées « nucléons » (protons et neutrons), liées entre elles. Le nombre de protons, Z, et le nombre de neutrons, N, varient d’un noyau à l’autre, et toutes les combinaisons (Z, N) ne sont pas possibles.
Neutrons et protons sont liés entre eux par la force nucléaire forte, dont le rayon d’action, très faible, est de l’ordre du millionième de milliardième de mètre (10–15 m). Elle est donc maximale lorsque les nucléons sont au contact ou très proches. Cependant, les nucléons situés près de la surface extérieure du noyau sont moins entourés et donc moins liés que ceux de l’intérieur ; ce déficit d’interaction diminue leur énergie de liaison.
Les protons, dotés d’une charge électrique positive, se repoussent entre eux sous l’effet de la force électrostatique. Cela occasionne une nouvelle diminution de l’énergie de liaison du noyau. Pour limiter cet effet, les noyaux les plus lourds présentent un excès de neutrons, dont la charge électrique est nulle. Par exemple, le noyau du plomb possède 82 protons et 126 neutrons. En revanche, les noyaux plus légers que le calcium (Z = 20) contiennent à peu près autant de protons que de neutrons. La plupart des noyaux ont la propriété d’avoir un nombre pair de protons et deneutrons. Il faut égrainer la liste des noyaux jusqu’au magnésium pour en rencontrer un ayant un nombre impair de nucléons.

Il existe un lien étroit entre microcosme nucléaire et macrocosme astronomique.

INVENTAIRE NUCLÉAIRE
Quels sont les noyaux que l’on trouve dans l’Univers et en quelles quantités ?
Il est possible de se faire une idée raisonnable en analysant la lumière émise par les étoiles grâce à la spectroscopie. Inventée à la fin du XIXe siècle, cette technique permet d’accéder à leurs caractéristiques intrinsèques (comme leur température, leur luminosité ou leur composition), marquant la naissance de l’astrophysique moderne.

Vallée de la stabilité

Les 256 noyaux stables que dénombre la physique nucléaire occupent une région bien définie appelée « vallée de stabilité ». Dans le prolongement de cette vallée, la répulsion électrostatique entre protons devient si forte qu’aucun noyau n’est stable au-delà du plomb (Z = 82). Là se trouvent des noyaux radioactifs naturels, dont certains comme le bismuth, le thorium ou l’uranium ont des durées de vie dépassant le milliard d’années.

UN EXEMPLE, LE SOLEIL
Le Soleil est l’étoile de la Terre. Bien que distant de 150 000 000 km environ, il est facile à étudier.
Les proportions relatives des divers atomes qui le composent sont mesurées par l’analyse du spectre de sa photosphère (sa couche externe, lumineuse). Cela ne donne que la composition de cette région externe, mais les chercheurs considèrent qu’elle est quasi identique à celle du nuage à partir duquel cette étoile s’est formée, il y a 4,56 milliards d’années.
La composition de la photosphère solaire peut être comparée à celle des météorites, seconde source d’information sur la composition du nuage protosolaire, à condition de prendre en compte les éléments les plus volatils (hydrogène, hélium, azote, oxygène et néon par exemple), qui s’en sont en partie échappés depuis leur formation. De plus, l’analyse des météorites en laboratoire permet de déterminer la composition isotopique de la matière du système solaire.
Ces analyses complémentaires fournissent la répartition des éléments et des isotopes caractérisant notre environnement local, véritable pierre de Rosette de l’astrophysique nucléaire.


La table de Mendeleïev
La table périodique des éléments de Mendeleïev permet de classer les différents éléments chimiques découverts à ce jour par nombre de protons dans le noyau, allant de 1 pour l’hydrogène à 92 pour l’uranium, et même plus pour des noyaux n’existant pas à l’état naturel et créés en laboratoire.

Elle spécifie les propriétés chimiques des éléments qui dépendent de leur nombre d’électrons. Dans l’Univers, les plus abondants sont, dans l’ordre décroissant, l’hydrogène et l’hélium, puis l’oxygène, le carbone, le néon, le fer, l’azote, le silicium, le magnésium et le soufre.

ASTRONOMIE ET
ASTROPHYSIQUE
L’astronomie traite de l’observation et du mouvement des objets célestes : Soleil, Lune, planètes, comètes, astéroïdes, étoiles. C’est, avec les mathématiques, la plus ancienne des sciences.

L’astrophysique étudie les propriétés physiques de ces objets, leur évolution et leur formation. Elle émerge à lafin du XIXe siècle.

 

 
Le diagramme d'abondance
Le diagramme d'abondance indique, pour chaque élément de la table périodique, la quantité trouvée dans le système solaire. Il est élaboré à partir de mesures et d’observations et est très précieux pour les astrophysiciens.


Sur cette échelle, le silicium, pris comme référence arbitraire, vaut un million.
Pour un million de noyaux de silicium, il y a dix milliards de noyaux d’hydrogène et les noyaux les plus simples, hydrogène et hélium, représentent à eux seuls 98 % de la masse du Soleil.
À partir du carbone, de l’azote et de l’oxygène, les noyaux sont de plus en plus rares, à l’exception notable du fer, dont le noyau est le plus robuste de la nature. S’il y a peu de lithium, béryllium et bore (Z = 3, 4 et 5) c’est que ces noyaux sont fragiles.
Ils ne sont pas produits par fusion thermonucléaire, mais par brisure des noyaux de carbone, d’azote et d’oxygène interstellaires sous l’impact de collisions avec les particules rapides du rayonnement cosmique galactique.

Une étoile s’accommode de sa perte d’énergie lumineuse en puisant dans ses ressources d’énergie nucléaire.
Il faut attendre le début du XXe siècle et le développement de la physique nucléaire pour que les astrophysiciens, qui cherchaient surtout à comprendre le mécanisme qui permettait à une étoile de briller durablement, répondent à la question : où se produisent les réactions nucléaires qui engendrent les noyaux ?
Une étoile est une sphère de gaz chaud dont la cohésion résulte de l’attraction gravitationnelle, qui tend à rapprocher le plus possible ses particules les unes des autres. L’étoile ne s’effondre pas sur elle-même, car la pression du gaz joue contre l’action de la gravité. Pour que cet équilibre soit stable, il faut que la pression augmente régulièrement avec la profondeur, de sorte que chaque couche pesante soit en équilibre entre une plus comprimée et une autre qui l’est moins. Comme un gaz comprimé s’échauffe, la matière stellaire est d’autant plus chaude qu’elle est profonde, et donc que sa pression est grande. Partant de quelques milliers de degrés en surface, la température peut atteindre, selon la masse de l’étoile, quelques dizaines à quelques centaines de millions de degrés dans les régions centrales.
Ce déséquilibre des températures entre le cœur et la surface engendre un transfert d’énergie qui prélève l’excès d’énergie thermique de la région chaude interne pour le céder à la région froide externe. En surface, ce flux d’énergie s’échappe, puis se dilue sous forme de rayonnement : l’étoile brille ; et ne peut briller durablement que si une source interne d’énergie vient compenser le rayonnement émis par la surface.

LES ÉTOILES,
DES RÉACTEURS NUCLÉAIRES

A la fin du XIXe siècle, aucune source d’énergie connue (gravitationnelle ou chimique) n’était capable d’expliquer que le Soleil ait pu briller plus d’un milliard d’années – âge que les géologues donnaient à la Terre – au rythme qui était observé. La solution fut apportée en 1921 par le physicien français Jean Perrin, suivi par l’Anglais Arthur Eddington, qui proposa les réactions nucléaires entre noyaux atomiques comme source de production d’énergie. Il estima que cette réserve d’énergie nucléaire était suffisante pour faire briller le Soleil pendant plusieurs milliards d’années, durée compatible avec l’âge de la Terre alors déterminé par les géologues. Cette idée fut développée quelques années plus tard par le physicien américain Hans Bethe, qui décrivit explicitement les réactions nucléaires qui devaient se produire au cœur du Soleil, travaux qui lui valurent le prix Nobel de physique en 1967.


La réaction de fusion nucléaire

La fusion est l’opération élémentaire d’un jeu de construction nucléaire qui permet de fabriquer tous les éléments. Si deux noyaux légers, comme ceux de l’hydrogène ou de l’hélium, fusionnent pour en former un autre plus lourd, cela dégage de l’énergie. Cette réaction est inhibée par la répulsion électrostatique entre noyaux, qui est d’autant plus forte que leur charge électrique est grande. Alliées à l'effet tunnel, les hautes températures se trouvant au cœur des étoiles peuvent vaincre cette répulsion.
Le centre du Soleil est la seule région où la température et la pression sont suffisamment élevées pour que ces réactions soient possibles. Elles transforment quatre noyaux d’hydrogène en un noyau d’hélium en libérant de l’énergie. Ce sont 619 Mt (millions de tonnes) d’hydrogène qui, chaque seconde, réagissent pour former 614,7 Mt d’hélium, la différence (environ 0,7 % de la masse initiale) étant transformée en énergie, qui compense celle qui s’échappe par la surface.
Finalement, durant la plus grande partie de sa vie, une étoile s’accommode de sa perte d’énergie lumineuse en puisant dans ses ressources d’énergie nucléaire.


LA PREUVE PAR LES NEUTRINOS
Depuis les années 1960, des instruments sont capables de détecter directement certaines des particules élémentaires produites lors des réactions nucléaires se déroulant au cœur des étoiles. Ces neutrinos, particules de la même famille que l’électron, transportant de l’énergie et dont la masse est très faible, sont détectés sur Terre par les expériences souterraines Gallex en Europe, Superkamiokande au Japon, SNO au Canada et Borexino en Italie. La mesure du flux des neutrinos solaires a apporté la confirmation directe de l’existence des réactions de fusion nucléaire.

 

  DOCUMENT     cea         LIEN

 
 
 
 

LES TESTS ET EFFETS DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE

 

 

 

 

 

 

 

LES TESTS ET EFFETS DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE

Depuis son émergence dans les années 1920, la Mécanique Quantique n'a cessé d'interpeller les physiciens par le caractère non intuitif de nombre de ses prédictions. On connaît l'intensité du débat entre Bohr et Einstein sur cette question. Le caractère incontournable de la Mécanique quantique au niveau microscopique est très vite apparu évident, puisque cette théorie fournit une description cohérente de la structure de la matière. En revanche, un doute pouvait subsister sur la validité au niveau macroscopique de prédictions étonnantes comme la dualité onde particule, ou les corrélations à distance entre particules intriquées. Après la publication des inégalités de Bell, en 1965, on a réalisé que les prédictions de la Mécanique quantique sur ces corrélations à distance étaient en contradiction avec la vision du monde (réalisme local) défendue par Einstein, et qu'il devenait possible de trancher ce conflit par des tests expérimentaux. Les expériences réalisées depuis plus de deux décennies avec des paires de photons corrélés ont confirmé de façon indubitable la justesse des prédictions quantiques, et donc la nécessité de renoncer à certaines images plus intuitives défendues par Einstein. Ces travaux très fondamentaux débouchent aujourd'hui sur des applications inattendues : cryptographie quantique, ordinateur quantique...

Texte de la 213e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 1er août 2000.
Quelques tests expérimentaux des fondements de la mécanique quantique (en optique) par Alain Aspect
Je vais vous parler de fondements conceptuels de la mécanique quantique, et de tests expérimentaux directs de ceux-ci. La mécanique quantique est une théorie élaborée au début du XXe siècle entre 1900 et 1925. Cette nouvelle théorie physique a eu immédiatement des succès considérables pour comprendre le monde physique qui nous entoure, de la structure de l’atome à la conduction électrique des solides. Toutes ces propriétés ne peuvent se décrire correctement que dans le cadre de la mécanique quantique.

La mécanique quantique est également le cadre naturel pour décrire l'interaction entre la lumière et la matière, par exemple pour expliquer comment la matière peut émettre de la lumière blanche quand elle est chauffée (c'est ce qui se passe dans les ampoules électriques ordinaires). Un processus d'émission particulier, l’émission stimulée, est à la base du laser dont on connaît les nombreuses applications, des lecteurs de disque compact aux télécommunications par fibre optique.
Est-il bien sérieux de vouloir tester une théorie manifestement bien confirmée par le simple fait qu'elle explique tant de phénomènes ? Nous allons montrer que la mécanique quantique a tellement bouleversé les cadres conceptuels dans lesquels s'exerçait la pensée scientifique, et même la pensée tout court, que dès l'émergence des théories quantiques les physiciens se sont préoccupé de vérifier expérimentalement ses prédictions les plus surprenantes. Cette quête n’a pas cessé, au gré des progrès techniques. Il est remarquable que la plupart de ces tests portent sur la lumière, phénomène au départ de la théorie quantique il y a un siècle, avec les travaux de Planck en 1900, et ceux d’Einstein sur l’effet photoélectrique en 1905.
Je vais aujourd’hui aborder deux points particulièrement fascinants de la mécanique quantique : d’abord la dualité onde-particule ; puis les corrélations Einstein-Podolsky-Rosen, manifestation de l’intrication quantique.
À la fin du XIXe siècle, la physique est solidement établie sur deux piliers. Il y a d'un côté les particules, des corpuscules de matière, dont le mouvement est décrit par la mécanique newtonienne. Cette théorie extrêmement fructueuse est celle qui nous permet aujourd'hui de lancer des fusées aux confins du système solaire. La relativité a apporté quelques corrections à cette mécanique newtonienne mais le cadre conceptuel de la physique a peu changé. On parle toujours de trajectoires des particules soumises à des forces. De l’autre côté il y a les ondes, au rang desquelles la lumière. L'électromagnétisme est une théorie bien établie qui explique parfaitement la propagation de la lumière, et qui a permis l’invention de dispositifs pour générer les ondes radio. Ces ondes ont des propriété typiques : elles interfèrent, elles diffractent. Pour la physique classique, les deux domaines sont parfaitement identifiés : il y a d'un côté, les particules, et de l'autre les ondes.
La mécanique quantique au contraire mélange tout cela. Pour cette théorie, un électron est certes une particule mais aussi une onde, tandis que la lumière est non seulement une onde mais aussi une particule (le photon). Le premier test expérimental que je présenterai portera sur cette dualité onde-particule.
Un deuxième point radicalement incompatible avec les concepts de la physique classique a été mis en lumière en 1935 par Einstein et deux collaborateurs, Podolsky et Rosen. Ils ont en effet découvert que la mécanique quantique prévoyait, dans certaines situations très rares, que deux particules pouvaient avoir des corrélations étonnantes. Un long débat de nature épistémologique s’en est suivi, principalement entre Einstein et Bohr, mais sur le plan expérimental il n’était pas prouvé que ces corrélations EPR pouvaient être observées dans la
1
nature. Ce n’est qu’à partir des années 1970, après la contribution majeure de John Bell, que les expériences on commencé à apporter une réponse. C'est à ce problème que nous allons consacrer la deuxième partie de cette conférence.
Commençons donc par la dualité onde-corpuscule, toujours aussi fascinante. Si elle a été mise en évidence dès 1925 pour l’électron, et largement confirmée depuis, la situation n’est devenu claire pour la lumière que vers les années 70. Une expérience réalisée en 1982 à l’Institut d’Optique avec Philippe Grangier illustre particulièrement bien cette dualité. Dans un premier temps, nous analysons la lumière émise par une source S, à l’aide d’une lame semi-réfléchissante B suivie de deux détecteurs, un dans le faisceau transmis, l’autre dans le faisceau réfléchi (Figure 1). Chaque détecteur (photomultiplicateur) fournit, lorsqu’il reçoit de la lumière, des impulsions électriques, d’autant plus nombreuses que la lumière est plus intense, et dont les taux sont mesurés par les compteurs CT et CR. Comme notre lame semi- réfléchissante est équipée (elle transmet 50 % de la lumière incidente, et elle en réfléchit
50 %), on observe des taux de comptages égaux.
Un compteur de coïncidences CC est alors ajouté au dispositif. Il s'agit d'une sorte d'horloge extrêmement précise, capable de déterminer si deux détections dans les voies transmise et réfléchie sont simultanées à mieux que 5 milliardièmes de seconde près (5 nanosecondes). Qu’attend-on dans le cadre d'une description ondulatoire de la lumière ? L’onde incidente est partagée en deux ondes d’intensités égales, qui donnent lieu sur chaque détecteur à des impulsions produites à des instants aléatoires, mais dont les taux moyens sont égaux. On attend que de temps en temps, de façon aléatoire, deux détections dans les voies transmise et réfléchie se produisent simultanément : on doit observer un certain nombre de coïncidences.
Or lorsque nous avons analysé la lumière issue d’une source très particulière, développée pour l'occasion, aucune coïncidence n’a été observée. Comme nous l’attendions, cette source émet de la lumière dont les propriétés apparaissent manifestement corpusculaires : la seule interprétation raisonnable de l’absence de coïncidences est que cette lumière se comporte non pas comme une onde, mais comme des grains de lumière séparés – des photons- qui sont soit transmis soit réfléchis, mais qui ne sont pas divisés en deux par la lame semi réfléchissante. La source particulière permettant d'obtenir ce résultat est appelée « source de photons uniques ». Les photons y sont émis un par un, bien séparés dans le temps.

2
Figure 1. Mise en évidence du caractère corpusculaire de la lumière émise par la source de photons uniques S. On n’observe aucune détection en coïncidence sur les détecteurs CS et CC , placés derrière la lame semi réfléchissante B. Cette observation nous amène à décrire cette lumière comme formée de grains de lumière (les photons) qui sont soit transmis, soit réfléchis par B, mais pas divisé comme cela serait le cas pour une onde.
Dans un deuxième temps, sans changer de source, nous avons remplacé les détecteurs par des miroirs permettant de recombiner les deux faisceaux lumineux sur une deuxième lame semi-réfléchissante. Les deux détecteurs sont maintenant placés dans les deux voies de sortie de cette lame semi réfléchissante (Figure 2). On a ainsi réalisé un schéma classique d’interféromètre de Mach-Zehnder, qui nous a permis d’observer un comportement habituel d’interférences: lorsqu’on modifie lentement la longueur d’un des deux bras de l’interféromètre (en déplaçant un miroir), on observe que les taux de comptage sont modulés (Figure 3).
Figure 2. Mise en évidence du caractère ondulatoire de la lumière émise par la même source S que pour l’expérience de la figure 1. Les faisceaux issus de B sont réfléchis par les miroirs MR et MT , puis recombinés sur une deuxième lame B’, et détectés sur D1 . On observe que le taux de détection est modulé en fonction de la différence des longueurs des trajets BMTB’ et BMRB’. Cette observation nous amène à décrire la lumière comme une onde partagée sur la lame B, et recombinée sur la lame B’, ce qui donne lieu à interférence.
Figure 3. Interférences à un seul photon, observées avec le montage de la figure 2. On porte le taux de comptage enregistré par le compteur C1 ,en fonction de la position du miroir MT . On observe une modulation complète, de période égale à la longueur d’onde de la lumière, comme on s’y attend pour une onde. Au maximum, on détecte 200 photons en 20
3
secondes d’observation. La source S est la même que celle utilisée dans l’expérience de la figure 1.
Ce comportement s’interprète sans difficulté dans le cadre d’une description ondulatoire de l’expérience de la figure 2. L’onde incidente, décrite comme une vibration sinusoïdale du champ électromagnétique, est divisée par la première lame semi-réfléchissante en deux ondes (plus faibles) qui vont se recombiner sur la deuxième lame semi-réfléchissante. Suivant la différence des chemins parcourus entre les deux bras de l’interféromètre, les deux ondes vont se recombiner en phase ou en opposition de phase, et on comprend que le taux de comptage dépende de la différence des longueurs des deux bras.
Ainsi, dans l’expérience de la figure 2, la lumière émise par notre source se comporte comme une onde qui se partage en deux sur la première lame semi réfléchissante, et qui se recombine sur la deuxième. Mais l'expérience de la figure 1 mettait en évidence un comportement radicalement différent : la lumière y apparaissait formée de corpuscules – les photons – qui, au niveau de la première lame semi réfléchissante, allaient soit dans une direction, soit dans l'autre, mais jamais des deux côté à la fois. Or il s’agit de la même source S, et de la même lame semi-réfléchissante B. Le problème de la dualité onde-corpuscule est contenu dans le fait que, suivant le dispositif expérimental placé après B, les observations nous conduisent à nous représenter la lumière soit comme une onde qui se partage en deux, soit au contraire comme un flux de corpuscules qui ne se divisent pas mais vont aléatoirement d’un côté ou de l’autre.
Les deux descriptions ne peuvent pas être réconciliées. Il s'agit d'un des problèmes conceptuels de base de la mécanique quantique. Bien que le formalisme mathématique de la mécanique quantique rende compte sans difficulté de ce double comportement, il n'existe pas d'image classique qui puisse le représenter.

Ce problème a provoqué de nombreuses interrogations et des réticences sérieuses chez de grands physiciens. Ainsi, lorsqu’en 1913 les quatre grands savants Planck, Warburg, Nernst et Rubens écrivent une lettre pour soutenir la candidature d'Einstein à l'Académie des Sciences de Prusse, ils ne peuvent s’empêcher de faire part de leurs réserves : « Il n’y a quasiment aucun grand problème de la physique moderne auquel Einstein n’a pas apporté une contribution importante. Le fait qu’il se soit parfois fourvoyé, comme par exemple dans son hypothèse des quanta de lumière, ne saurait vraiment être retenu contre lui, car il n’est pas possible d’introduire des idées fondamentalement nouvelles, même dans les sciences les plus exactes, sans prendre occasionnellement un risque ». Il est amusant de constater que c’est précisément pour cette hypothèse jugée hasardeuse qu’Einstein allait recevoir le prix Nobel huit ans plus tard, après que Millikan ait confirmé expérimentalement la valeur de cette hypothèse pour comprendre l’effet photoélectrique. Que cette hypothèse corpusculaire ait été un véritable traumatisme, à la lumière de tout ce qu’on connaissait des phénomènes ondulatoires (interférences, diffraction...) est attesté par Millikan lui même, qui écrit dans ses mémoires, en 1949 : « Je passai dix ans de ma vie à tester cette équation d’Einstein de 1905, et, contre toutes mes attentes, je fus contraint en 1915 de reconnaître sa vérification expérimentale sans ambiguïté, en dépit de son caractère déraisonnable, car elle semblait violer tout ce que nous savions sur les interférences lumineuses... ». En 1932, dans les Procès verbaux des séances de la Société des Sciences Physiques et Naturelles de Bordeaux, le jeune Alfred Kastler (futur prix Nobel de Physique pour ses travaux en optique), ne se montre pas plus rassuré : « Les efforts de conciliation de Louis de Broglie ont abouti à l'admirable synthèse de la mécanique ondulatoire ou mécanique quantique. Mais [...] une telle synthèse [...] continue à inquiéter le physicien. Pour lui, la dualité entre les aspects ondulatoires et corpusculaires de la lumière reste un mystère non résolu. »
4
Le mystère est-il résolu aujourd'hui ? Nous nous sommes habitués à cette dualité, mais je suis toujours incapable de vous donner une image de quelque chose qui soit en même temps une onde et un corpuscule. Tout ce que je peux vous dire c’est que le formalisme mathématique, en ce qui le concerne, englobe de façon harmonieuse et cohérente les deux concepts. Pouvons nous nous en satisfaire ?
Les corrélations quantiques EPR (pour Einstein, Podolsky et Rosen) posent des questions sans doute encore plus troublantes. Le problème fut posé en 1935 au travers de ce qu’on appelle l’expérience de pensée EPR, que je vais vous décrire dans sa version moderne, celle qui est devenu une expérience réelle.
Commençons par expliquer ce qu'est la polarisation de la lumière. Un faisceau lumineux peut être polarisé rectilignement, c'est-à-dire que le champ électrique lumineux oscille dans un plan bien défini, vertical, ou horizontal, ou oblique. (La polarisation peut également être circulaire, elliptique,... mais ne compliquons pas). Un analyseur de polarisation, par exemple un prisme de Wollaston en spath d'Islande (ou le plus moderne séparateur de polarisation à couches diélectriques), permet de mesurer cette polarisation, car la lumière ne suivra pas le même trajet suivant qu’elle est polarisée dans un plan parallèle ou perpendiculaire à la direction d’analyse a que je suppose verticale (Figure 1). Dans le premier cas elle sort vers le haut (résultat +1), dans le deuxième elle sort vers le bas (résultat –1). Si des compteurs de photons disposés dans les voies de sortie montrent que tous les photons sortent dans la voie +1 , je peux en conclure que la polarisation est parallèle à a. S’ils sortent tous dans la voie –1, la polarisation est perpendiculaire à a. Dans les cas intermédiaires, les photons sont détectés aléatoirement dans l’un ou l’autre canal, et on ne peut conclure sur la polarisation qu’en tournant le polariseur pour chercher s’il existe une orientation a’ où tous les photons sortent dans la même voie.
Figure 4. Mesure de la polarisation de la lumière suivant la direction a . Si la lumière est polarisée parallèlement à a, tous les photons sont détectés dans la voie de sortie +1. S’ils sont polarisés perpendiculairement à a , ils sont détectés dans la voie –1. Pour une polarisation intermédiaire, ils sortent en +1 ou –1 avec des probabilités dépendant de la polarisation.
L'expérience d'Einstein-Podolsky-Rosen (Figure 5) suppose que les photons sont émis par paires, dans des directions opposées, dans une situation (appelée aujourd’hui état intriqué, ou état EPR), que nous ne savons décrire que par le formalisme de la mécanique quantique. Cet état est la superposition de deux situations faciles à décrire : dans la première (notée
b , b en mécanique quantique), les deux photons sont polarisés verticalement ; dans la deuxième (notée ↔, ↔ en mécanique quantique), les deux photons sont polarisés horizontalement. Mais pour l’état superposition, noté ( b ,b + ↔, ↔ ), je n’ai plus de mots :
les deux photons sont à la fois tous les deux verticaux et tous les deux horizontaux. Les deux photons sont liés de façon totalement indissoluble et seule la polarisation de l'ensemble, de la paire, a un sens. Dans un état intriqué, on ne peut pas parler des propriétés individuelles de
5
chacun des photons, bien qu'ils soient en train de s'éloigner l'un de l'autre et n'interagissent plus.
A quoi puis-je m’attendre si je mesure les polarisations de ces deux photons (Figure 5) ?. La mécanique quantique nous donne les moyens mathématiques de calculer, pour un état intriqué, les probabilités d'observer les différents résultats : premier photon dans le canal +1 ou -1 de l'analyseur I, deuxième photon dans le canal +1 ou -1 de analyseur II. On peut ainsi calculer les probabilités simples, ou conjointes. Commençons par les simples. On trouve par exemple que la probabilité de trouver +1 pour le premier photon est de 1/2, quelle que soit l’orientation a de l'analyseur ; la probabilité de trouver -1 est aussi de 1/2. On peut conclure que le premier photon n’a pas de polarisation définie, puisque le résultat de la mesure est totalement aléatoire quelle que soit la direction de mesure. Les mêmes résultats sont trouvés pour le deuxième photon, le résultat étant aléatoire quelle que soit la direction d’analyse b.
En fait la situation se révèle beaucoup plus intéressante quand on calcule la probabilité conjointe des résultats pour les deux photons. On peut par exemple calculer la probabilité de trouver +1 pour le premier photon et +1 pour le second, les analyseurs de polarisation étant respectivement dans les orientations a et b. Si les deux analyseurs sont parallèles, l'angle entre a et b est nul, et on trouve que cette probabilité est de 1/2. On peut en conclure que les résultats de mesures qui pris séparément semblent aléatoires, sont en fait totalement corrélés. En effet, si la probabilité de trouver +1 pour premier photon vaut 1/2, et que la probabilité conjointe de trouver +1 pour le premier et +1 pour le deuxième vaut également 1/2, alors la probabilité conditionnelle de trouver +1 pour le deuxième quand on a trouvé +1 pour le premier vaut 1. Une autre façon de présenter le résultat est la suivante : on a des probabilités égales de trouver +1 ou –1 pour le premier photon, et de même pour le deuxième. Mais si on trouve +1 pour le premier, alors on est certain de trouver +1 pour le deuxième. Et si on trouve –1 pour le premier, on est certain de trouver –1 pour le deuxième.
Figure 5. Expérience de pensée d'Einstein-Podolsky-Rosen, sur des photons ν1 et ν2, émis par paires dans des directions opposées. Pour des paires intriquées (états EPR), la mesure simple sur chaque photon donne un résultat +1 ou –1 avec la même probabilité 1/2. Mais la mesure conjointe sur ν1 et ν2 montre une corrélation qui est totale pour des analyseurs de polarisation parallèles (a parallèle à b). Dans ce cas, si on trouve +1 pour ν1, on est certain de trouver +1 pour ν2 ; mais si on trouve –1 pour ν1, on est certain de trouver -1 pour ν2.
Einstein-Podolsky-Rosen se sont demandé comment se représenter ces corrélations prédites par la Mécanique Quantique entre les résultats de deux mesures effectuées à des endroits différents mais à des instants quasiment identiques.
On peut essayer de construire une image à partir du formalisme quantique. En voici une, dans laquelle on suppose que le photon ν1 atteint le polariseur I en premier : le résultat de la mesure sur ν1 est alors aléatoire (+1 ou –1), mais aussitôt un résultat particulier obtenu, le postulat de réduction du paquet d’onde entraîne que le photon éloigné ν2 acquiert instantanément la polarisation (parallèle ou perpendiculaire à a) trouvée pour ν1. Ceci permet
6
de comprendre la corrélation, mais au prix d’une image inacceptable pour le père de la relativité : comment un événement situé au premier polariseur pourrait-il affecter instantanément le photon éloigné, s’il n’existe pas d’interaction se propageant plus vite que la lumière ?
En fait, on peut proposer une autre image dans l’esprit de la vision du monde défendue par Einstein, où les objets ont des propriétés physiques qui leur sont attachées, et où aucune interaction ne va plus vite que la lumière. Dans cette image, les corrélations entre les résultats de mesures en I et II sont dues à l’existence de propriétés identiques pour les deux membres de la paire. Plus précisément, on peut imaginer que lors de leur émission conjointe, les deux photons d’une même paire vont acquérir une même propriété de polarisation, qui prédétermine le résultat des mesures qui seront faites sur chaque photon. Il n’y a alors plus de difficulté à comprendre que les mesures soient corrélées. Si de plus cette propriété initiale commune fluctue aléatoirement d’une paire à l’autre, on rend compte sans problème du caractère aléatoire observé sur chaque mesure considérée séparément.

Cette image est extrêmement naturelle et raisonnable. Elle suit la démarche adoptée par des médecins qui, constatant que les jumeaux vrais sont touchés de façon corrélée par une certaine affection (les deux sont malades, ou les deux sont indemnes, mais on ne trouve jamais un jumeau malade et son frère indemne), en concluent que cette affection est de nature génétique, liée à l’existence d’un ou plusieurs chromosomes identiques.
Niels Bohr refusa immédiatement cette conclusion d’Einstein. En effet, le physicien Danois était convaincu que la mécanique quantique donnait la connaissance ultime des choses, et qu'il ne pouvait donc pas y avoir de connaissance plus complète. Or le formalisme quantique décrit toutes les paires EPR par le même état quantique (b,b + ↔,↔ ), tandis
que dans l'interprétation d'Einstein, les paires de photons ne sont pas toutes identiques, puisqu’il y a une caractéristique supplémentaire, cachée, qui distingue les paires : par exemple certaines sont b , b , et d’autres sont ↔, ↔ .
Le débat entre les deux géants de la physique dura vingt ans, jusqu’à leur mort. Il ne s’agissait pas d’une divergence sur les faits, mais d’un débat sur l’interprétation de la mécanique quantique. Einstein ne remettait pas en doute le résultat du calcul quantique prévoyant les corrélations EPR. Il pensait simplement que le formalisme quantique ne constituait pas la description ultime des paires de photons, qu’il devait être complété. L’analyse de la situation EPR l’avait conduit à la conclusion qu'il y a une réalité physique sous-jacente plus fine, et qu'il fallait trouver le bon formalisme pour la décrire. Mais Bohr pensait que cette quête était vouée à l’échec, et que notre connaissance était fondamentalement limitée, les relations de Heisenberg indiquant l’existence d’une telle limite. S’il était fondamental sur le plan des concepts, ce débat purement épistémologique semblait sans grandes conséquences pour la physique.
En 1965, le problème change de nature avec l’entrée en scène de John Bell (du CERN à Genève). Poussant au bout de leur logique les idées d'Einstein, il introduit explicitement des paramètres supplémentaires λ (aussi parfois appelés variables cachées) identiques pour les deux membres d’une même paire, et déterminant le résultat de la mesure sur chaque membre de la paire. Il existe donc une fonction A(λ,a) indiquant le résultat -1 ou +1 de la mesure au polariseur I (dans l’orientation a), pour un photon porteur du paramètre λ ; de façon analogue une fonction B(λ,b) indique le résultat au polariseur II. Dans la source, un processus aléatoire va déterminer le paramètre λ particulier pris par chaque paire, et on le caractérise par une densité de probabilité ρ(λ).
Une fois les quantités A(λ,a), B(λ,b), et ρ(λ) données (ce qui correspond à un modèle à paramètres supplémentaires particulier), on peut en déduire les probabilités des résultats de mesures, simples ou conjointes. Il est en particulier possible de calculer le coefficient de
7
corrélation de polarisation E(a,b) caractérisant le degré de corrélation entre les résultats de mesure, en fonction de l’angle (a,b) entre les polariseurs. L'espoir est alors de trouver un modèle particulier qui donne un coefficient de corrélation de polarisation E(a,b) identique à la prédiction EMQ(a,b) de la mécanique quantique. Dans ce cas les corrélations EPR pourraient être interprétées par une image « à la Einstein ».
La découverte de Bell, c’est que cet espoir est vain. Le théorème de Bell montre qu’il est impossible de reproduire avec un modèle de ce type, toutes les prédictions de la mécanique quantique, pour toutes les orientations possibles a et b des polariseurs. Plus précisément, il s'intéresse à une quantité S combinaison des 4 coefficients de corrélation associés à deux orientations a et a’ du polariseur I, et deux orientations b et b’ du polariseur II. Et il montre que si ces corrélations peuvent être décrites à partir de paramètres supplémentaires suivant le schéma ci-dessus, alors S ne peut valoir plus de 2, ni moins de –2. Or il est facile de trouver des combinaisons d’orientations (a,a’,b,b’) pour lesquelles le résultat du calcul quantique donne une quantité S nettement supérieure à 2 (par exemple on
peut avoir SMQ = 2 2 = 2.83..). Dans ces situations, la mécanique quantique viole les
inégalités de Bell : elle est donc incompatible avec les modèles à variables cachées. Contrairement à ce que pensait Einstein, on ne peut donc à la fois croire aux
prédictions quantiques pour les corrélations EPR, et vouloir décrire ces corrélations par ce modèle si naturel, dans le droit fil des idées d’Einstein, selon lequel les paires de photons possèdent dès le départ la propriété qui déterminera le résultat de la mesure ultérieure. A ce point, on pourrait penser que la Mécanique Quantique a été si souvent validée par les observations expérimentales que la cause est entendue, et qu’il faut renoncer aux modèles à paramètres supplémentaires. En fait, dans les années qui suivirent la parution de l’article de Bell, on s’aperçut que les situations d’intrication où l’incompatibilité apparaît sont extrêmement rares, et qu’il n’existait aucune donnée expérimentale permettant de trancher. Ne pouvait-on alors imaginer que le conflit entre prédictions quantiques et inégalités de Bell indiquait une frontière où la mécanique quantique atteindrait ses limites ? Pour le savoir, il fallait se tourner vers expériences nouvelles.
Une première série d'expériences fut conduite aux USA dans la première moitié des années 1970. Après quelques résultats contradictoires, ces expériences de première génération penchèrent en faveur de la mécanique quantique. Cependant, les schémas expérimentaux de l’époque ne suivaient pas vraiment le schéma idéal de la figure 5, et leur interprétation reposait sur un certain nombre d’hypothèses supplémentaires raisonnables certes, mais qui pouvaient être contestées par les partisans des variables cachées.

C’est pour se rapprocher du schéma idéal que nous avons construit à l’Institut d’Optique d’Orsay, au début des années 80, une expérience bénéficiant des énormes progrès dans le domaine des lasers, de l’optoélectronique, du pilotage des expériences par ordinateur... Nous avons d’abord construit, grâce à une excitation à deux photons par deux lasers, une source de paires de photons intriqués des milliers de fois plus efficace que les sources précédentes. De plus, les progrès dans les traitements multicouches diélectriques nous ont permis de construire de véritables analyseurs de polarisation. Finalement, nous avons emprunté à la physique nucléaire les techniques de détection en coïncidence à plus de deux détecteurs, et l’ensemble nous a permis de faire en 1982, avec Philippe Grangier et Gérard Roger, une expérience suivant très exactement le schéma de la figure 5. Un point remarquable est qu’en une seule acquisition de durée 100 secondes, on peut mesurer les 4 taux de coïncidences N++ , N+− , N−+ , et N−− relatifs à une orientation donnée (a,b) des polariseurs,
et en déduire le coefficient de corrélation E(a,b)mesuré pour cette orientation. En répétant la mesure pour trois autres orientations (a,b’), (a’,b) et (a’,b’), on en tire une valeur mesurée
Sexp (a,a',b,b') de la quantité soumise à l’inégalité de Bell. Pour un jeu d’orientations bien
8
9
choisies (celui où la mécanique quantique prédit la plus grande violation), on a trouvé
Sexp = 2, 697 ± 0, 015 ce qui viole manifestement très fortement l’inégalité de Bell S ≤ 2 et
qui est en excellent accord avec la prédiction quantique pour cette situation expérimentale. La cause était-elle définitivement entendue ?
En fait, dès le début de notre programme, nous souhaitions aller plus loin et approfondir une question soulevée par John Bell dès son article initial : celle de la localité. De quoi s’agit-il ? Si on reprend le formalisme conduisant aux inégalités de Bell, on constate qu’il contient de façon implicite l’hypothèse que le résultat de la mesure par le polariseur I ne dépend pas de l’orientation b choisie pour le polariseur éloigné II (car sinon on aurait écrit
A(λ,a,b) au lieu de A(λ,a) ). Il en est évidemment de même pour la réponse du polariseur II
que l’on suppose indépendante de l’orientation de I, et également pour la préparation des paires dans la source supposée indépendante des orientations a et b des polariseurs qui feront la mesure (puisqu’on l’écrit ρ(λ) et non ρ(λ,a,b) ). Cette hypothèse est indispensable pour
l’établissement des inégalités de Bell. Elle semble naturelle, mais comme l’a fait remarquer John Bell rien ne s’oppose, dans une expérience où les polariseurs sont statiques, à ce qu’une interaction entre les polariseurs, ou entre les polariseurs et la source, mette cette hypothèse en défaut. En revanche, si on pouvait réaliser une expérience dans laquelle les orientations des polariseurs seraient changées aléatoirement et très vite, avec des temps caractéristiques courts devant le temps de propagation de la lumière entre les polariseurs, alors l’hypothèse de localité deviendrait une conséquence immédiate du principe de causalité relativiste suivant lequel aucune interaction ne se propage plus vite que la lumière. On comprend que dans ce cas la façon dont une paire est préparée ne puisse dépendre des orientations a et b des polariseurs qui feront la mesure, puisque ces orientations seront choisies après l’émission des photons, pendant leur propagation vers les polariseurs. Une telle expérience mettrait donc encore mieux l’accent sur le conflit entre les conceptions d’Einstein et la Mécanique Quantique.
Dans notre expérience, nous utilisions des analyseurs de polarisation ayant une masse de plusieurs dizaines de kilogrammes, et il était hors de question de les tourner en quelques nanosecondes. Pourtant, nous avons réussi à faire la première expérience avec polariseurs variables, avec Jean Dalibard qui était venu rejoindre notre équipe. L'astuce consistait à utiliser un aiguillage optique de notre invention, un commutateur rapide capable d’envoyer le photon ν1 soit vers un polariseur I dans l’orientation a, soit vers un deuxième polariseur I’ dans l’orientation a’. L’ensemble est équivalent à un polariseur unique basculant rapidement entre les orientations a et a’. Un dispositif analogue permet d’analyser le photon ν2 soit suivant l’orientation b, soit suivant l’orientation b’. Les deux commutateurs rapides, placés à 12 mètres l’un de l’autre, étaient capables de basculer toutes les 10 nanosecondes, plus vite que le temps de propagation de la lumière entre eux (40 nanosecondes). Cette expérience était à limite de ce qu'il était possible de faire en 1982, et elle n’était pas idéale parce que le basculement des polariseurs n’était pas strictement aléatoire. On avait pourtant toutes les raisons de penser que si la mécanique quantique devait être mise en défaut dans une expérience de ce type, cela se manifesterait sur les signaux expérimentaux. Mais les résultats furent sans appel en faveur de la mécanique quantique, contre les théories locales à variables cachées.

En 1998, une deuxième expérience avec polariseurs variables a abouti à Innsbruck dans l'équipe d'Anton Zeilinger. Cette expérience a tiré profit de la mise au point depuis une dizaine d’années de sources de photons EPR de troisième génération. Un avantage crucial de ces sources et que les photons peuvent être injectés dans des fibres optiques, ce qui conduit à des résultats spectaculaires. Ainsi, en utilisant le réseau de fibres optiques du téléphone Suisse, Nicolas Gisin a pu éloigner ses polariseurs à 30 kilomètres de la source ! Dans
l’expérience d’Innsbruck, les photons se propagent dans 400 mètres de fibre optique seulement, mais ce délai est suffisant pour autoriser un basculement vraiment aléatoire des polariseurs. Cette expérience encore plus proche d’une expérience idéale a confirmé que même avec des polariseurs rapidement variables, on observe bien les corrélations quantiques, et on viole les inégalités de Bell.
Il faut se rendre à l’évidence : les photons intriqués ont un comportement « jumeau quantique » : les corrélations observées vont au delà de ce qui serait explicable en terme de propriété classique commune, analogue à un patrimoine génétique commun. Les corrélations quantiques sont d’une autre nature, et on peut le vérifier par l’expérience.
Que conclure ? Einstein, qui ne connaissait pas le théorème de Bell, avait envisagé comme une hypothèse absurde la possibilité que l’on soit contraint de renoncer à une explication des corrélations par un modèle où chacun des photons, une fois séparé de son jumeau, possède une réalité physique autonome, et où les corrélations sont dues aux éléments communs de ces réalités physiques séparées dans l’espace temps. Si on renonçait à une telle description–nous dit Einstein- alors il faudrait :
- soit laisser tomber l'exigence d'une existence autonome de la réalité physique présente en différentes portions de l'espace ;
- soit accepter que la mesure sur un système change (instantanément) la situation réelle de l’autre système éloigné.

La première option revient à considérer qu'une fois les deux photons séparés dans l’espace-temps, ils constituent deux entités indépendantes. Y renoncer conduit à admettre que deux particules intriquées, même éloignées, constituent un tout inséparable, qui ne peut être décrit que comme une entité globale. En fait le formalisme de la mécanique quantique (où une paire intriquée est décrite par un vecteur d’état global) suggère d’accepter cette conclusion.
La deuxième option revient à accepter que des influences se propagent plus vite que la lumière, au moins au niveau des réalités physiques des systèmes séparés dans l’espace temps. Notons ici que même si on l’acceptait, cette conclusion n’entraînerait pas pour autant la possibilité de transmettre plus vite que la lumière de vrais messages utilisables, dont on pourrait par exemple se servir pour déclencher le lancement d’un missile, ou pour passer un ordre à la bourse de Tokyo... ou qui nous permettrait d’assassiner nos parents avant qu’ils ne nous aient conçus !
En fait, je ne suis pas sûr que la deuxième option (il y a des influences instantanées entre les systèmes séparés) soit radicalement différente de la première (les photons intriqués constituent un tout inséparable). Comment imaginer que deux objets en interaction instantanée soient réellement séparés ? C’est pourquoi je préfère conclure que deux systèmes intriqués forment un tout inséparable dans l’espace-temps.

Pour conclure, je voudrais vous partager mon étonnement d’avoir vu ces discussions sur les fondements conceptuels de la Mécanique Quantique, a priori très formelles, déboucher ces dernières années sur des idées d’applications de l’intrication quantique. Certes il ne s’agit pas de télégraphier plus vite que la lumière. Mais en revanche la cryptographie quantique met à profit les propriétés des mesures quantiques (qui perturbent nécessairement l’état quantique du système mesuré) pour garantir qu’une communication n’a pas pu être interceptée. Vous avez aussi certainement entendu parler de téléportation quantique, expression utilisée à tort et à travers, mais phénomène qui laisse le physicien admiratif puisqu’il permet de faire une copie fidèle à distance d’un état quantique (en détruisant l’original) alors même que les lois fondamentales de la mécanique quantique nous interdisent de connaître la totalité de cet état. Quant à l’ordinateur quantique basé sur les états intriqués, il aurait une puissance de calcul formidablement plus grande que les ordinateurs actuels, à condition de savoir répondre à la question suivante (cf. la conférence de Serge Haroche) : ces phénomènes quantiques sont ils réservés à l’infiniment petit, ou peut-on les observer avec des objets macroscopiques, voire
10
vivants (comme le malheureux chat de Schrödinger) ? On sait aujourd’hui que les phénomènes de décohérence détruisent l’intrication quantique de façon d’autant plus efficace que les objets sont plus gros. Mais on n’a pas démontré l’impossibilité absolue de paires EPR avec des objets bien plus complexes que de simples photons. Il y a encore de beaux défis pour les expérimentateurs !

 

  VIDEO       CANAL  U         LIEN   
 

 
 
 
Page : [ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 ] Précédente - Suivante
 
 
 


Accueil - Initiation musicale - Instruments - Solf�ge - Harmonie - Instruments - Vidéos - Nous contacter - Liens - Mentions légales /confidentialit�

Initiation musicale Toulon

-

Cours de guitare Toulon

-

Initiation à la musique Toulon

-

Cours de musique Toulon

-

initiation piano Toulon

-

initiation saxophone Toulon

-
initiation flute Toulon
-

initiation guitare Toulon

Google