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DE LA SÉROTONINE DANS NOS OS

 

De la sérotonine dans nos os


Un nouveau site de production de la sérotonine vient d'être mis en lumière par une équipe de recherche française. Elle serait produite localement par les os où elle jouerait un rôle important dans le remaniement du tissu osseux.

Par La rédaction d'Allodocteurs.fr
Rédigé le 03/02/2012
De la sérotonine dans nos os
De la sérotonine dans nos os
    
Le rôle de la sérotonine, un neurotransmetteur présent dans le cerveau, dans la gestion de l'émotivité, de l'humeur, du sommeil et de la thermorégulation est bien connu. On sait aussi qu'elle a une fonction majeure dans les tissus périphériques, où elle assure la régulation des fonctions vasculaires, du cœur, de la mobilité intestinale et du remaniement osseux.

Un nouveau site de production

Un site de production de l'hormone, nouveau et totalement inattendu, vient d'être découvert par les chercheurs de l'unité mixte de recherche 606 "Os et Articulation" (Inserm/Paris Diderot), associés au laboratoire de biochimie de l'hôpital Lariboisière et au laboratoire "Cytokine, hématopoïèse et réponse immune" de l'hôpital Necker à Paris : elle serait synthétisée localement au niveau osseux par les ostéoclastes, les cellules osseuses en charge de résorber l'os.

"On sait depuis longtemps que la majorité de la production de la sérotonine au niveau périphérique se fait au niveau intestinal. Cette sérotonine est libérée dans la circulation sanguine où elle est stockée dans les plaquettes. Mais la production locale au niveau du tissu osseux était jusque là inconnue " explique Jacques Callebert, professeur à la faculté de pharmacie Paris V et attaché au laboratoire de biochimie de l'hôpital Lariboisière, qui a participé à l'étude. "Le rôle de la sérotonine sur le tissu osseux est connue depuis longtemps. Mais ce qui est vraiment nouveau, c'est que celle produite localement aurait un rôle bien plus important sur le tissu osseux que la sérotonine circulante", continue-il.

Quelles conséquences sur nos traitements ?

Cependant, cette récente découverte amène d'autres questions, et pas des moindres : les médicaments qui jouent un rôle dans la recapture de la sérotonine (comme certains antidépresseurs ou antimigraineux), très prescrits, influent-ils sur la sérotonine produite localement ? Ont-ils, par conséquence, une action sur le remaniement du tissu osseux ? "Nous n'avons pas d'éléments de réponse à ces questions" indique Jacques Callebert. "Toutes les études à ce sujet sont encore à mener."

 

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DIABÈTE DE TYPE 2

 

Le diabète de type 2 programmé avant la naissance


dossier - par Marine Cygler dans mensuel n°463 daté avril 2012 à la page 48 (1453 mots)
L'alimentation d'une femme avant et pendant sa grossesse a-t-elle des conséquences sur le risque pour sa descendance de développer une maladie à l'âge adulte? Les indices s'accumulent.

Le diabète de type 2 est aujourd'hui un important problème de santé publique. Près de 300 millions de personnes en seraient atteintes dans le monde. Cette maladie se manifeste le plus souvent après 45 ans par un taux trop élevé de glucose dans le sang, dû à une résistance des cellules à l'action de l'insuline, hormone pancréatique qui régule l'utilisation du sucre.

Pour l'équipe de François Fuks, de l'université libre de Bruxelles, il n'y a plus de doute : des modifications épigénétiques dans les cellules du pancréas qui produisent l'insuline sont associées à la maladie. En comparant, avec des collègues belges, italiens et allemands, les chromosomes de cinq personnes diabétiques et de onze non diabétiques européennes, ils viennent en effet de montrer qu'il existe des différences marquées entre les diabétiques et les autres dans la présence de groupements chimiques méthyles (voir « Les marqueurs de l'épigénétique », p. 44) sur les séquences d'ADN de ces cellules [1].

Ils ont ensuite vérifié que, en culture, des cellules pancréatiques de personnes non diabétiques soumises à des concentrations élevées de glucose ne se transformaient pas en cellules de diabétiques. Cela laisse supposer que les modifications épigénétiques sont, au moins en partie, à l'origine du diabète, et non pas une conséquence de celui-ci. En outre, ces modifications ne sont pas présentes dans les cellules sanguines des diabétiques. Se seraient-elles mises en place très tôt dans la vie des diabétiques, lors de la différenciation des types de cellules au cours du développement embryonnaire de ces futurs malades ? On tiendrait là alors une base biochimique aux données accumulées depuis une vingtaine d'années par des épidémiologistes.

Plusieurs études montrent en effet que, à côté de la mauvaise alimentation, de la sédentarité et de gènes de susceptibilité transmis par les parents, l'environnement de la vie foetale, et notamment l'alimentation maternelle pendant la grossesse, voire avant celle-ci, jouent un rôle dans l'apparition du diabète de type 2 à l'âge adulte. Les modifications épigénétiques, concernant par exemple les méthylations, expliqueraient que les effets de l'environnement soient fixés durablement dans l'organisme. Si durablement même que ces modifications semblent transmises à travers les générations.

Poids de naissance
Les premières observations liant les conditions de gestation et le déclenchement d'un diabète de type 2 à l'âge adulte ont été réalisées dans les années 1980 par David Barker, de l'université de Southampton, au Royaume-Uni. Il s'est fondé pour cela sur des données médicales collectées systématiquement dans le comté anglais de Hertfordshire, entre 1911 et 1948. Notamment, le poids de naissance de tous les enfants avait été enregistré, ainsi que leur poids à un an.

Avec ses collègues, ils ont recherché les hommes nés dans ce comté entre 1920 et 1930, et qui y vivaient toujours. Puis ils ont soumis 370 d'entre eux, d'une moyenne d'âge de 65 ans et qui n'avaient pas de diabète connu, à des analyses sanguines afin de mesurer leur tolérance au glucose. Résultat : les individus régulaient d'autant plus difficilement la concentration de glucose dans leur sang que leur poids de naissance (et leur poids à un an) était faible [fig.1] [2]. Ceux qui avaient eu les plus petits poids de naissance avaient trois fois plus de risques que les plus gros d'être résistants à l'insuline. David Barker a ensuite confirmé cette tendance sur une population finlandaise de personnes nées entre 1925 et 1933.

En France, à la lecture de ces résultats, des pédiatres de l'hôpital Robert-Debré, à Paris, et de l'Inserm ont décidé de mener une étude sur des populations plus jeunes. Ils ont pour cela eu recours aux données collectées dans la « cohorte de Hagueneau » : à l'instigation d'Émile Papiernik, de l'Inserm, des données médicales très complètes avaient été recueillies sur les conditions de grossesse et sur l'état de santé de plus de 27 000 enfants nés dans la ville alsacienne d'Hagueneau entre 1971 et 1985.

À partir de 1994, les chercheurs ont sélectionné dans cette cohorte 734 enfants nés à terme avec un petit poids, et 886 enfants constituant le groupe « témoin » de comparaison. Ils ont ensuite, pendant près de deux ans, recherché où habitaient ces enfants. Puis ils leur ont proposé de se rendre à une visite médicale à l'hôpital d'Haguenau.

Ces jeunes adultes, d'une moyenne d'âge de 22 ans, étaient tous en bonne santé. En particulier, aucun ne souffrait de diabète de type 2. Toutefois, ceux qui avaient un petit poids de naissance présentaient deux fois plus souvent des troubles de la glycémie que le groupe témoin. Certains présentaient même déjà des signes d'insulinorésistance, une des caractéristiques du diabète de type 2.

Huit ans après, en 2009, les mêmes groupes ont été invités à passer un second examen médical. Ceux nés avec un petit poids n'étaient toujours pas particulièrement malades, mais les signes d'insulinorésistance au sein de ce groupe s'étaient accentués par rapport au groupe témoin. La proportion de personnes en surpoids ou obèses était également plus importante.

« On voit bien, avec ce type d'étude, qu'au cours de la vie foetale, il s'est passé quelque chose qui se poursuit au cours des années, et qui a un effet sur le devenir des individus », explique Marie-Aline Charles, épidémiologiste à l'Inserm. Elle indique aussi que d'autres études mettent en évidence un lien entre une suralimentation maternelle ou un diabète maternel pendant la gestation et la survenue de diabète chez l'enfant à l'âge adulte. « Aujourd'hui, ce ne sont plus les famines qui prévalent mais bien l'abondance. On considère qu'un quart des femmes en âge de procréer sont en surpoids ou obèses », souligne Claudine Junien, de l'INRA.

Marie-Aline Charles va, elle, explorer plus avant le rôle de l'obésité paternelle sur l'état de santé des enfants, au cours de l'étude Elfe, dont le recrutement vient de s'achever. Car si le rôle de l'alimentation maternelle commence à être bien documenté, on commence aussi depuis peu à s'intéresser aux pères. Quelques études ont en effet montré qu'ils auraient, eux aussi, une responsabilité dans le phénomène de programmation foetale du diabète.

L'une d'elles a été menée en 2005 par Lars Olov Bygren de l'université d'Umea, en Suède. Il s'est s'intéressé à Överkalix, village isolé du nord du pays, dans lequel les registres paroissiaux, parfaitement tenus, consignent les périodes de bonnes et de mauvaises récoltes. Avec Marcus Pembrey, de l'Institut de la santé de l'enfant de Londres, ils ont étudié plusieurs centaines d'hommes sur trois générations, dont la première était née à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Ils ont ainsi découvert que l'alimentation des grands-pères avait des retentissements sur la santé de leurs petits-enfants [3].Les petits-fils d'hommes ayant vécu des périodes de très bonnes récoltes ou au contraire de famines pendant leur prépuberté présentent quatre fois plus de risques que la population générale de mourir d'un diabète, alors même qu'ils n'ont pas eux-mêmes vécu de telles périodes de pénurie ou d'abondance.

Cohorte de la faim
Comment expliquer cette observation qui vient en parfait écho de ce que l'on connaît chez les mères ? « Il semblerait que les aliments consommés par le futur père soient à l'origine de modifications au niveau des spermatozoïdes », commente Marie-Aline Charles. La prépuberté est en effet la période de la vie à laquelle commence la spermatogenèse.

Cette étude ne se contente pas d'éveiller les soupçons sur l'impact de l'alimentation paternelle. Elle laisse aussi penser que les éventuelles transformations épigénétiques liées à l'alimentation des parents seraient transmissibles sur plusieurs générations.

C'est également ce que semble indiquer l'étude de la « cohorte de la faim », aux Pays-Bas. À l'hiver 1944, le régime nazi impose une restriction alimentaire à la population d'Amsterdam : rien n'entre dans la ville, et les habitants y meurent de faim. Les filles nées de mères affamées pendant cette période sont étudiées depuis 1994 par Tessa Roseboom, aujourd'hui au Centre médical académique d'Amsterdam. Comme on pouvait s'y attendre au vu des résultats précédents, les femmes exposées à la famine durant la gestation ont plus de risques que la population générale de développer un diabète de type 2. Mais c'est également vrai pour leurs filles qui, elles, n'ont pas connu la famine.

En outre, Tessa Roseboom et ses collègues ont récemment commencé à rechercher des marques épigénétiques dans cette « cohorte de la faim ». Leurs premières analyses sur trois générations de femmes montrent que celles qui souffrent de diabète de type 2 présentent des modifications épigénétiques sur leurs chromosomes. Et que ces marques se conservent au fil des générations. Ces biologistes seront sans nul doute très intéressés par les résultats sur les cellules du pancréas obtenus par François Fuks et ses collègues.

Par Marine Cygler

 

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LA XÉNOGREFFE ...

 

La xénogreffe sous toutes ses sutures


les xénogreffes ont elles un avenir ? - dans mensuel n°320 daté mai 1999 à la page 58 (3478 mots)
Les progrès de la chirurgie de transplantation ont pour corollaire une pénurie chronique d'organes. Des chercheurs envisagent de faire appel aux organes, aux tissus et aux cellules d'animaux. Ils comptent notamment sur la création de porcs transgéniques pour surmonter les phénomènes de rejet. Mais les problèmes biologiques à résoudre sont aujourd'hui si grands que les experts sont divisés quant à l'avenir de cette technologie.

Dans les mythes grecs, des figures comme le Centaure ou les Chimères témoignent de la proximité de l'Homme et de l'animal. Messagers des mondes mythologiques, les animaux nourrissent l'imaginaire de l'Homme, font partie de son alimentation, lui servent de compagnons de chasse ou de jeu... L'étroite relation qu'entretient l'Homme avec les bêtes serait-elle en passe de devenir plus intime encore en cette fin du XXe siècle ? On commence en effet à envisager la possibilité de greffer des organes animaux dans le corps humain, grâce à la technique dite de la xénotransplantation du grec xenos , étranger. En réalité, l'idée est ancienne. La chirurgie de transplantation en était à ses balbutiements lorsqu'elle se livra aux premières expériences de xénogreffe. Au XVIIIe siècle déjà, des médecins ont tenté de guérir des patients devenus aveugles, en leur greffant des cornées de chat ou de chien. Ces premières xénogreffes furent des échecs - la nouvelle cornée se troubla dans tous les cas, parfois même de violentes inflammations se produisirent.

Victime de son succès . Au début du XXe siècle, l'école lyon-naise de chirur- gie mit au point des sutures vasculaires qui permirent la transplantation d'organes irrigués par de gros vaisseaux, tels que les reins, le coeur ou le foie. Là aussi, les médecins ont d'abord opéré ingénument, sans se soucier des barrières interspécifiques. Ils constatèrent rapidement que les allogreffes, c'est-à-dire des greffes d'organes provenant d'un individu de même espèce que le receveur, avaient des chances de survie nettement supérieures à celles réalisées avec des organes provenant d'autres espèces. Mais ils ne savaient encore rien de l'immunologie du rejet de greffe : l'hypothèse que ce rejet soit soumis aux mêmes processus de défense que ceux mis en jeu contre les micro-organismes date des années 1940-1950.

Il faudra attendre les années 1960 et la mise sur le marché d'immuno- suppresseurs efficaces, autrement dit de médicaments réprimant les défenses naturelles du corps, pour que l'allogreffe enregistre des progrès vertigineux. Le 3 décembre 1967, au Cap, le chirurgien sud-africain Christiaan Barnard réussit la première greffe du coeur. Le retentissement médiatique fut énorme. Dès l'année suivante, les transplantations se multiplièrent. Les greffes - cardiaques, mais surtout rénales - devinrent des opérations de routine dans de nombreux hôpitaux. Et les taux de réussite s'améliorèrent encore dans les années 1980 avec l'arrivée d'un nouvel immunosuppresseur, la cyclosporine, pour atteindre 80 % à 90 % selon les organes.

Seule ombre au tableau de cette success story , une pénurie d'organes touche tous les pays industrialisés. Depuis des années, le nombre de patients sur liste d'attente est en constante augmentation. L'an dernier, ils étaient plus de 40 000 Américains et 6 000 Britanniques inscrits sur ces listes. En Suisse, par exemple, le délai moyen d'attente pour un rein peut atteindre plus de deux ans. Pour d'autres organes également, les délais sont tels que tous les malades inscrits pour une transplantation n'y survivent pas : en 1996, les listes d'attente suisses comportaient 491 personnes nécessitant une greffe de coeur, poumon, de foie ou de rein, et 43 patients au total sont décédés avant que l'intervention salvatrice n'ait pu avoir lieu. Quant à la France, on y comptait 8 522 malades candidats à une greffe en 1997. Seuls 2 839 ont pu en bénéficier et 325 sont décédés avant l'opération, selon l'Etablissement français des greffes, qui note cependant un renversement de tendance en 1998. Car l'an dernier, le nombre de prélèvements d'organes a progressé de 13 %, grâce à un meilleur recensement des sujets en état de mort cérébrale* voir figure page suivante.

La pénurie d'organes disponibles pose d'autres problèmes. En désespoir de cause, on est souvent obligé de recourir à des organes ne se prêtant qu'imparfaitement à une transplantation - ceux de donneurs d'un certain âge, par exemple. Cette pénurie rend également plus pressant le problème éthique de la répartition équitable des organes : doit-on donner la préférence au père de famille qui a deux enfants en bas âge - ou la gravité de la maladie doit-elle constituer le seul critère ? Enfin, le manque d'organes a aussi pour conséquence un trafic incontrôlé, à l'échelle mondiale.

Echecs cliniques . Ce contexte a suscité un regain d'intérêt pour la xénotransplantation. Les rares xénogreffes d'organes réalisées jusqu'ici - quelques dizaines entre les années 1960 et le début de la présente décennie - furent toutes des échecs cliniques. Mais ces expériences ont montré que les organes animaux peuvent parfois survivre durant quelques semaines, voire quelques mois, et remplir certaines tâches.

Quels sont les avantages évoqués par les promoteurs de la xénotransplantation ? Si elle devenait une méthode clinique de routine, on disposerait d'un stock illimité d'organes. Une question essentielle - qui divise encore aujourd'hui la communauté médicale internationale - perdrait alors de son urgence : un être humain en état de coma dépassé mort cérébrale, dont le coeur bat encore, peut-il être utilisé comme « magasin de pièces de rechange » pour un autre malade ?

Ou bien un être humain ne doit-il être considéré comme mort que lorsque les autres organes vitaux ont également cessé de fonctionner ? Pour les tenants de la xénogreffe, cette technologie éviterait aux patients transplantés la souffrance psychologique d'avoir à vivre en sachant qu'ils doivent leur propre survie à la mort d'un autre être humain.

Enfin, au plan pratique, la xénotransplantation aurait aussi des atouts. Dans les transplantations ordinaires actuelles, les organes sont en général prélevés sur des victimes d'accidents ou de suicides en état de coma dépassé. On opère en urgence, afin que l'organe, qui n'est plus irrigué par le sang, ne subisse aucun dommage. A l'inverse, les xénogreffes pourraient être planifiées, le patient préparé à cet événement décisif, et l'infrastructure nécessaire mise en place de manière optimale.

Toutefois, même menée dans des conditions favorables, une transplantation est, et sera toujours, une opération délicate - qu'elle se déroule entre individus de même espèce ou se fasse entre espèces différentes. De plus, pour éviter le rejet de greffe, les patients restent jusqu'à la fin de leurs jours dépendants des médicaments immunosuppresseurs. Ils sont donc plus vulnérables aux infections de toute sorte, voire plus susceptibles de développer certains cancers, comme on a pu le constater lors des premiers traitements avec de fortes doses de cyclosporine.

Cellules encapsulées . Alors que les xénotransplantations d'organes n'ont encore jamais été un succès jusqu'ici et sont de ce fait controversées, les essais cliniques de greffe de cellules animales sur l'être humain sont plus prometteurs. En effet, dans certains cas, des cellules étrangères à l'espèce peuvent être encapsulées dans des enveloppes semi-perméables. Ces membranes permettent l'échange de matières, mais séparent le tissu étranger du système immunitaire du receveur, de sorte qu'il ne se produit plus de réactions violentes de rejet. Les chercheurs tentent ainsi de traiter des déficiences hépatiques ou des douleurs chroniques, par exemple.

Mais les études les plus approfondies ont été effectuées sur la xénogreffe de cellules du pancréas productrices d'insuline des îlots de Langerhans de porc, pour le traitement du diabète. L'objectif est d'éviter au malade d'être dépendant d'injections régulières d'insuline et de lui épargner, dans la mesure du possible, les séquelles de sa maladie telles que la défaillance rénale et la cécité. Lors de diverses expériences sur l'animal, des cellules pancréatiques, encapsulées ou non, issues d'une autre espèce ont parfois fonctionné pendant une année et plus. En Suède, au début des années 1990, dix patients diabétiques ont subi une greffe d'îlots de Langerhans provenant de foetus de porc, toutefois sans qu'une fonction biologique suffisante ait pu être démontrée 1.

La recherche s'attaque aussi aux maladies du cerveau. Chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, par exemple, on observe que certains neurones producteurs de dopamine* sont détruits.

On envisage de traiter ces patients en remplaçant ces neurones morts par des cellules nerveuses foetales et des expériences ont été menées chez le rat2. Les travaux impliquant du tissu foetal humain posent toutefois des problèmes d'ordre éthique mais aussi pratique, puisqu'il ne peut guère être obtenu en quantité suffisante. Des cellules porcines pourraient offrir une ouverture. Aux Etats-Unis, se déroule actuellement un essai clinique portant sur douze patients atteints de maladie de Parkinson, chez lesquels des cellules nerveuses de foetus porcins ont été implantées3. Les résultats provisoires indiquent qu'au moins une partie des cellules transplantées a survécu et que des jonctions se sont formées entre les neurones porcins et humains.

Quels sont les problème scientifiques à résoudre ? Trois obstacles de taille s'opposent à la réussite d'une xénogreffe : le rejet, dit suraigu car il est violent et apparaît rapidement, de l'organe greffé par le corps du receveur ; l'incompatibilité éventuelle des physiologies humaine et animale et, enfin, les risques d'infection.

Rejet rapide et violent . Le premier verrou - qui concerne aussi bien la xénogreffe que l'allogreffe - est le rejet du greffon. C'est un problème majeur. Lors d'une allogreffe, on le maîtrise en s'assurant de la plus grande compatibilité possible entre donneur et receveur en ce qui concerne leurs caractéristiques tissulaires le système HLA* et, nous l'avons vu, en administrant au receveur des médicaments immunosuppresseurs. Malgré cela, environ 10 % des greffons sont victimes du rejet, dit chronique, au bout d'un certain temps.

Pour éviter le rejet suraigu lors d'une xénogreffe, on avait compris dès les années 1970 qu'il fallait que donneur et receveur appartiennent à des espèces dites concordantes, c'est-à-dire proches au plan phylogénétique. C'est pourquoi nos proches parents, les primates supérieurs, ont longtemps été considérés comme les meilleurs donneurs potentiels d'organes.

Mais les scientifiques ont renoncé à y recourir pour différentes raisons, dont le risque infectieux. Avec l'avènement des outils de la transgenèse animale, ils ont réalisé qu'ils pouvaient faire appel à une espèce génétiquement très différente de l'homme et ils se sont tournés vers le porc voir l'encadré ci-dessus. A priori , si l'on transplantait à l'homme un organe porcin, le rejet suraigu interviendrait immédiatement : des caillots interrompraient le flux sanguin vers l'organe. Le patient mourrait en quelques minutes, quelques heures tout au plus. Grâce au génie génétique, on a réussi chez l'animal à lever en partie cet obstacle, que l'on croyait insurmontable voir l'article page 66 4. Greffés sur des singes, des organes de porcs transgéniques ont ainsi survécu jusqu'à 62 jours5,6. Mais les doses d'immunosuppresseurs administrées à cette occasion étaient tellement élevées que les animaux ont fini par en mourir. Le transfert à l'homme d'organes de porcs transgéniques est donc à l'heure actuelle encore impraticable. La prudence est de mise, d'autant plus que, même lorsque le rejet suraigu a pu être évité, d'autres mécanismes de rejet prennent effet, phénomènes qui n'ont pratiquement pas été étudiés jusqu'ici.

Le deuxième verrou tient aux incertitudes quant à la compatibilité anatomique et physiologique des organes porcins et humains. Les données sur ces problèmes sont encore rares, mais on peut supposer que les besoins des organes en substances nutritives par exemple, en oligo-éléments et en vitamines soient si différents qu'ils pourraient nuire au bon fonctionnement de l'organe transplanté. Par exemple, le taux de cholestérol du porc est inférieur à celui de l'homme. Les valeurs élevées de cholestérol chez ce dernier pourraient donc, en cas de greffe d'un coeur de porc, entraîner l'obstruction des artères par des plaques d'athérome*. En outre, des organes tels que le foie, les reins, le poumon et le pancréas sont sous contrôle hormonal. Or, on ignore si des organes animaux peuvent être contrôlés par des hormones humaines. Mais on connaît un cas où un patient ayant subi la greffe d'un rein de babouin avait commencé à sécréter de l'urine d'une manière totalement incontrôlée, de sorte qu'il a fini par mourir des suites d'une forte déshydratation7.

Rétrovirus porcins . Enfin, troisième verrou apparu depuis peu, les indications d'un risque supplémentaire se multiplient : celui d'une transmission à l'homme d'agents pathogènes ne se rencontrant jusqu'ici que chez l'animal, provoquant des maladies appelées zoonoses xénogéniques. On pourrait penser que ce risque est faible, car l'être humain vit depuis des siècles en étroite symbiose avec le porc, et ce dernier ne lui a transmis que peu d'agents pathogènes. Mais rappelons que, lors d'une xénotransplantation, les défenses immunitaires du greffé seraient contournées, délibérément supprimées. Les scientifiques ont recherché les agents pathogènes du porc éventuellement capables de franchir les barrières interspécifiques pour atteindre l'homme. En 1997, ils ont découvert un rétrovirus baptisé PERV, pour porcine endogenous retro-virus qui, dans l'état actuel de nos connaissances, ne se trouve que chez le cochon et n'est pas transmissible aux autres êtres vivants. Le problème est qu'il a pu infecter des cultures de cellules humaines, et s'y reproduire8 voir l'encadré « Un risque infectieux controversé ». On ignore encore si une telle transmission peut avoir lieu à la suite d'une greffe, et si ces virus peuvent provoquer une maladie chez l'homme. L'expérience acquise avec le virus du sida, passé du chimpanzé à l'être humain, montre toutefois que ce risque doit être évalué avec soin9, 10.

En effet, si la xénotransplantation devait conduire à l'apparition de nouvelles maladies, il n'est nullement certain qu'elles ne touchent que les receveurs du tissu porcin. Ces affections d'un genre nouveau pourraient se propager au reste de la population. Dans ce contexte, les chercheurs ne craignent pas tellement les agents pathogènes, tels que le virus Ebola, qui déploient des effets immédiats et dramatiques. Leur principal souci porte sur des agents comme le virus du sida, qui se répandent pendant des années de façon silencieuse, qui sont difficiles à découvrir en raison du manque de symptômes, et qui recèlent ainsi le risque d'une épidémie pouvant même devenir mondiale. Il est donc absolument impératif de prendre des précautions contre une éventuelle transmission d'agents pathogènes de l'animal à l'homme. La première d'entre elles consiste à produire des lignées de porcs exemptes de micro-organismes connus, élevées dans de strictes conditions de stérilité. La ferme de Ploufragan, en Bretagne, maîtrise déjà ce type d'élevage, ainsi que la société britannique Imutran qui produit depuis deux ans des porcs transgéniques voir l'encadré " Des porcelets en couveuse ". Mais l'hygiène la plus rigoureuse ne peut éliminer les rétrovirus, qui sont intégrés dans le patrimoine génétique des animaux. Différentes équipes élaborent donc des méthodes d'analyse pour détecter des rétrovirus inconnus11.

Autre mesure préventive : le suivi régulier et à long terme des personnes ayant subi des greffes de tissu et de cellules d'animaux. Les premiers examens d'accompagnement de cette nature sont déjà en cours. A l'heure où nous écrivons ces lignes, on attend les résultats d'une étude nom de code XEN111, menée au Centre for Disease Control d'Atlanta et à Glasgow, dont le but est de repérer d'éventuels virus porcins dans plus de 150 échantillons provenant de patients ayant été en contact direct avec des tissus de cet animal greffes de peau, d'îlots de Langherans, perfusions extracorporelles du sang au travers de reins ou de foies de porc...12.

Une place marginale . Enfin, une série de dispositions juridiques et de conventions internationales sont en cours d'élaboration, pour limiter les risques d'infection des xénotransplantations. Cela dit, aucune précaution ne pourra garantir un risque infectieux nul. Or ce risque, nous l'avons vu, peut concerner la population entière. D'où l'idée de recueillir non seulement le consentement éclairé des candidats à une xénogreffe, mais aussi celui de leur entourage.

Dans l'état actuel des connaissances, la plupart des experts se déclarent fermement opposés à la transplantation à l'homme d'organes étrangers à l'espèce aussi longtemps que les bénéfices prévisibles ne l'emporteront pas sur les risques voir l'encadré " Moratoires et directives ". Seules les expériences cliniques de xénotransplantation de cellules sont aujourd'hui admises.

La xénotransplantation occupe encore une place marginale dans la recherche médicale. Néanmoins, ce petit domaine de la médecine des transplantations est en pleine croissance. De nombreuses équipes s'attaquent aux problèmes de biologie fondamentale qu'il pose. Mais les lacunes sont si importantes que les avis divergent beaucoup quant à leurs perspectives d'avenir. Bon nombre de chercheurs s'accordent à dire qu'au cours des cinq années à venir le système immunitaire humain sera tellement bien connu qu'il sera possible d'évaluer si la xénotransplantation est réalisable.

Selon certains experts, il devra encore s'écouler sept ans au minimum pour qu'un organe de porc transgénique puisse être transplanté avec succès sur un être humain. Pour d'autres, ce ne sera pas avant dix ans, au plus tôt, que l'état des connaissances permettra éventuellement au premier receveur d'une xénogreffe de survivre un an. Il faudra donc peut-être attendre encore quinze à vingt ans avant que cette méthode de traitement ne soit largement répandue. Enfin, certains estiment que, dans le meilleur des cas, les organes d'animaux seront utilisés à titre transitoire jusqu'à ce qu'un greffon d'origine humaine devienne disponible.

Questions éthiques . Du fait de cette lointaine échéance, la xénotransplantation se trouve en compétition avec d'autres solutions thérapeutiques en développement. Il est d'ailleurs possible qu'elle ne soit pas, à terme, la meilleure alternative à la transplantation allogénique - les difficultés à surmonter sont peut-être trop grandes.

En admettant que les chercheurs arrivent à relever ce défi technique, quelles sont les conséquences prévisibles d'une généralisation des xénotransplantations ? Le nombre de greffes d'organes et de tissus augmenterait à coup sûr. En revanche, si des organes animaux étaient disponibles, l'on peut redouter que les populations soient moins bien disposée qu'aujourd'hui envers le don d'organes. Dans ce cas, la xénotrans-plantation pourrait aggraver la pénurie d'organes humains.

En outre, elle soulève une série de questions d'ordre éthique et moral. Il faudra en effet choisir parmi les patients quels seront ceux pouvant bénéficier d'une transplantation allogénique, donc plus favorable, et ceux qui devront se contenter d'un organe de porc. Et quel serait son impact psychologique sur un patient qui sentirait battre dans sa poitrine un coeur de porc ? L'image qu'une personne a d'elle-même dépend notamment de la signification, culturellement définie et symbolique, des différents organes, singulièrement le coeur. On ne peut donc exclure l'éventualité qu'un être humain ayant reçu une greffe de tissu étranger à l'espèce connaisse des problèmes d'identité. Ainsi, la xénotransplantation paraît une entreprise douteuse aux sceptiques, à cause de considérations liées à la protection animale l'élevage des porcs doit se faire dans des conditions d'hygiène drastiques, mais également du fait de ses conséquences psychiques pour les êtres humains.

Enfin, les conséquences économiques d'une pratique routinière de la xénotransplantation ne peuvent guère être appréhendées dans leur totalité. On peut difficilement évaluer son poids financier pour la santé publique. L'Institut américain de médecine a estimé quel serait l'accroissement des coûts annuels de transplantation : ils passeraient de 3 milliards de dollars actuellement à 20,3 milliards.

Quoi qu'il en soit, dans les pays industrialisés aux populations vieillissantes, on prévoit une augmentation du nombre de candidats à une xénotransplantation cardiaque. Si les organismes d'assurance-maladie refusaient de prendre en charge les frais de ces opérations, seuls les patients fortunés pourraient se permettre ce traitement onéreux. On peut aussi craindre que l'attribution de fonds aux recherches sur la xénotransplantation se fasse aux dépens de ceux alloués à l'étude des causes de la défaillance organique. Or, l'une des alternatives à la xénotransplantation consiste justement à étudier davantage les maladies qui finissent par provoquer la défaillance d'un organe, pour mettre au point des traitements s'attaquant à la racine du mal.

Des alternatives . Les organes artificiels sont une autre solution permettant de pallier la pénurie d'organesI. Les premiers prototypes ont certes déjà vu le jour, mais le choix des matériaux appropriés est difficile et l'apport en énergie n'est pas encore assuré de manière satisfaisante. Selon les experts, ces organes artificiels seront au point dans une quinzaine d'années, un délai qui n'est donc pas supérieur à celui de la xénotransplantation.

Enfin, de nouveaux règlements juridiques peuvent contribuer à augmenter le nombre de donneurs d'organes en vue d'une allogreffe. Dans de nombreux pays d'Europe par exemple en Espagne, en Belgique et en Autriche, la solution dite « du consentement présumé » permet de prélever des organes d'êtres humains en état de mort cérébrale, pour autant que leurs proches ne s'y opposent pas expressément. Ces pays présentent le taux le plus élevé de transplantations d'organes par million d'habitants. Une meilleure formation du personnel soignant et des médecins, qui devraient être préparés spécifiquement au difficile entretien avec les proches d'un donneur d'organes potentiel, peut aussi contribuer à favoriser le don d'organes. Enfin, il faudrait sensibiliser davantage le grand public à ces problèmes et renforcer sa confiance dans les institutions impliquées dans les greffes.

Toutes ces possibilités restent ouvertes. Aujourd'hui, on ne peut pas juger si elles offrent réellement de meilleures perspectives que la xénotransplantation. Préparer le terrain pour la médecine du futur doit-il être l'apanage de quelques spécialistes ? Pour prendre des décisions d'une si grande portée sociale, ne faut-il pas mener une large discussion publique ? Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra déterminer l'importance que devra prendre la xénotransplantation par rapport à ses alternatives.

 

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HÉPATITE C

 

L'hépatite c, infection silencieuse et bombe à retardement
autre - par JON COHEN dans mensuel n°325 daté novembre 1999 à la page 68 (4263 mots)


Quelque 170 millions de personnes dans le monde sont touchées par un virus découvert il y a seulement une dizaine d'années. Transmis surtout par le sang, le virus de l'hépatite C VHC peut provoquer au bout de vingt à trente ans une cirrhose, voire un cancer du foie. Comme le VIH, c'est un adversaire difficile pour les chercheurs qui tentent de mettre au point des traitements ou des vaccins.

Personnen'auraitpu confondre la conférence internationale sur l'hépatite C*, organisée en juin dernier par les National Institutes of Health NIH, avec un congrès sur le sida. Depuis une dizaine d'années, les réunions internationales sur le sida attirent toutes une dizaine de milliers de scientifiques ; celui consacré à l'hépatite C n'en a rassemblé que 775. Alors que les laboratoires pharmaceutiques travaillant sur des médicaments anti-VIH se bousculent dans les halls d'exposition des réunions sur le sida, pas un seul d'entre eux n'était présent pour l'hépatite. S'il y avait sur place des activistes infectés par le virus responsable le VHC, ils ne se sont pas manifestés. Enfin, un seul organe de presse était présent. Pourtant, le VHC a infecté quelque 170 millions de personnes à travers le monde - soit largement quatre fois plus que le VIH. Et il est probable que, dans les années à venir, les maladies et cancers hépatiques dus à ce virus aux Etats-Unis seront à l'origine de décès plus nombreux que le sida.

Malgré ces disparités, on ne peut qu'être frappé par les similitudes entre la recherche sur le VHC aujourd'hui et celle des années 1980 sur le VIH. Beaucoup de questions cruciales restent en suspens, qu'elles concernent la biologie du virus, le déroulement de la maladie, les lacunes des traitements disponibles toxicité, patients non répondeurs.... De même, l'espoir d'élaborer un vaccin efficace ne s'est pas concrétisé : comme le VIH, le VHC mute rapidement, faisant ainsi foisonner chez les personnes atteintes toute une gamme de virus différents. Une grande variabilité qui permet au virus d'échapper aux anticorps. Enfin, comme à l'époque des affrontements entre tests de détection du sida, les avocats des firmes proposant des systèmes de diagnostic et des traitements échangent des tirs de barrage sur les brevets relatifs au VHC voir l'encadré : « Chiron marque son territoire ».

Un virus singulier. Bien sûr, le VHC n'est pas le VIH. Ce n'est pas un rétrovirus : il ne se mêle pas aux gènes de l'hôte, et il devrait donc être plus facile à éradiquer. De fait, certains patients restent infectés pendant plusieurs semaines, puis le virus disparaît naturellement de leur sang. De plus, le VHC ne s'attaque pas au système immunitaire, il ne le détruit pas et, dans la plupart des cas, l'infection chronique reste silencieuse, autrement dit sans aucun signe clinique, pendant des dizaines d'années. Enfin, au contraire du VIH, la transmission du VHC se fait rarement par voie sexuelle : elle semble nécessiter un contact direct de sang à sang.

Le congrès des NIH s'est tenu à un moment où se jouait un tournant important dans la bataille scientifique menée contre le VHC. Un traitement plus efficace, autorisé en janvier dernier, a galvanisé tout le secteur, et on découvre des réponses au moins partielles à quelques-unes des inconnues les plus redoutables du virus. Aux Etats-Unis, les NIH vont augmenter les crédits dévolus à la recherche sur le VHC, même si les 33,6 millions de dollars prévus l'an prochain paraissent bien maigres par rapport au 1,8 milliard de dollars qui sera consacré au virus du sida. Enfin, de plus en plus de chercheurs - dont beaucoup étaient des spécialistes du VIH - rejoignent le domaine, encore jeune, du VHC.

Depuis quand connaît-on ce virus singulier ? Ce sont tout d'abord les données épidémiologiques qui ont éveillé les soupçons. Dès le milieu des années 1970, les cliniciens savaient que la transfusion sanguine pouvait provoquer chez certains receveurs une brève poussée de symptômes pseudo-grippaux auxquels faisait parfois suite, quelques années plus tard, une maladie du foie. Pour distinguer cette maladie des hépatites déjà connues, ils lui avaient donné le nom, certes lourd mais fort clair, d'hépatite non A-non B. La recherche de l'agent qui en était responsable est longtemps restée infructueuse. En 1988, grâce aux outils de la biologie moléculaire, des chercheurs de la firme américaine Chiron et des Centers for Disease Control and Prevention CDC ont fini par démasquer le virus. L'année suivante, paraissaient les articles décrivant ce nouveau virus et un moyen de le détecter dans le sang1.

L'hépatite C n'a que peu de rapports avec ses cousines A et B, en dehors du fait que ces trois maladies provoquent une inflammation du foie. Le VHC relève de la famille des Flaviridae , et parmi ses proches on trouve des virus responsables de la diarrhée bovine, de la peste porcine et de la fièvre jaune. Virus enveloppé, riche d'un unique brin d'ARN, le VHC ne comporte qu'un seul gène qui code une polyprotéine ultérieurement découpée en au moins dix protéines fonctionnelles. Il existe plus de cent souches virales, classées en six grands génotypes*, lesquels correspondent plus ou moins à différentes régions du monde.

Transmission sanguine. Où et quand la première infection humaine par le VHC s'est-elle produite ? Aucun argument solide ne permet aujourd'hui de le dire, et on ne connaît pas d'autre espèce qui serve de réservoir au virus. On sait néanmoins que la transmission se fait surtout par les transfusions de sang contaminé et par l'intermédiaire d'aiguilles souillées toxicomanes, adeptes de certaines médecines parallèles, et même victimes de certaines campagnes de santé publique voir l'encadré : « L'Egypte, victime d'une campagne de santé publique ».

Dans les pays industrialisés, la mise au point d'un test de dépistage en 1990 a pratiquement fait disparaître la transmission du virus par transfusion. L'échange d'aiguilles contaminées y est désormais le plus fréquent des modes d'infection. De ce fait, les CDC estiment que les nouveaux cas d'infection à VHC ont chuté de 230 000 par an dans les années 1980 à moins de 36 000 en 1996. Mais la plupart des personnes contaminées dans les décennies précédentes étant toujours en vie, les CDC estiment qu'environ 1,8 % de la population américaine est porteuse du virus2. A mesure que ces patients prennent de l'âge, on assistera sans doute à l'augmentation de la fréquence des atteintes hépatiques dues au VHC - déjà responsables de quelque 8 000 à 10 000 décès par an aux Etats-Unis et causes les plus fréquentes de greffe du foie.

En dehors du contact sanguin direct, la transmission du VHC est très difficile. Même la transmission de la mère au foetus est faible : parmi les enfants nés de femmes infectées, moins de 6 % sont porteurs du virus. Qu'en est-il de la possibilité, encore controversée, d'une transmission par voie sexuelle ? Miriam Alter, des CDC, a passé en revue plusieurs études faisant apparaître un lien entre l'infection à VHC et le fait d'avoir des partenaires multiples. Cela a conduit les CDC à conclure officiellement que les rapports sexuels sont responsables de 10 à 20 % des cas d'infection aux Etats-Unis. « Je pense que cette voie de transmission est très peu efficace, précise-t-elle, mais elle existe. Puisque les relations sexuelles sont fréquentes, puisque 80 % des personnes ont plus d'un partenaire dans la vie, et puisqu'un grand nombre de personnes sont porteuses d'une infection chronique, cela paraît vraisemblable. »

Plusieurs arguments plaident cependant contre la transmission par voie sexuelle. Aux Etats-Unis, comme le montre le cas du VIH, les hommes homosexuels transmettent les virus sanguins plus efficacement que les hétérosexuels ; or l'infection par le VHC n'est pas plus fréquente chez les premiers que chez les seconds. Par ailleurs, dans une étude à long terme portant sur 116 couples dits discordants où l'un seulement des partenaires était initialement infecté par le VHC, Harvey Alter et son équipe du centre clinique des NIH n'ont relevé que seize nouveaux cas d'infection. Mais chaque fois, la personne nouvellement infectée avait des antécédents de toxicomanie par voie intraveineuse ou de transfusion sanguine. « Nous n'avons donc aucune preuve d'une transmission par voie sexuelle » conclut-il. H. Alter va maintenant comparer les virus au sein des seize couples infectés pour confirmer son impression, à savoir que les partenaires ne se sont pas mutuellement contaminés.

Evolution lente. Une fois que les scientifiques ont établi un lien entre un micro-organisme et une maladie, ils peuvent commencer à décrire l'histoire naturelle de la forme typique de l'infection, c'est-à-dire déterminer comment la maladie progresse et sur combien de temps. Mais, en ce qui concerne le VHC, il ne semble pas exister de forme typique. La sévérité de la maladie varie beaucoup d'une personne à l'autre, et - à la grande déception des cliniciens et des patients - il n'existe que peu de marqueurs fiables permettant de savoir si l'évolution sera favorable ou non. Cette évolution peut être très lente : comme en témoignent plusieurs études présentées à la réunion de Bethesda, aucun symptôme grave n'est apparu chez la majorité des patients, même vingt ans après l'infection.

Cirrhose et cancer. Les données amassées depuis quelques années montrent que le système immunitaire de 15 % à 25 % des patients infectés parvient à vaincre le virus à la période initiale de l'infection et à l'éliminer du sang. Chez les 75 % à 85 % restants s'installe une infection chronique. Le VHC prend pour cibles les cellules du foie, ou hépatocytes. A mesure que les hépatocytes meurent, il se forme du tissu fibreux cicatriciel qui gêne le passage du sang dans le foie. Dans 10 % à 20 % des cas d'hépatite chronique, ce processus aboutit à une maladie grave, la cirrhose. Plus grave encore, 1 % à 5 % des patients porteurs de l'infection chronique évoluent vers une forme de cancer du foie, le carcinome hépatocellulaire.

Harvey Alter, déjà nommé, et Jay Hoofnagle, de l'Institut national américain du diabète et des maladies digestives et rénales NIDDK, ont présenté un travail portant sur 400 candidats donneurs de sang chez lesquels avait été dépistée une infection par le VHC, en général due à une transfusion ou à une injection. Bien qu'infectés depuis près d'une vingtaine d'années en moyenne, seuls 13 % de ces patients avaient une fibrose sévère et à peine 2 % une cirrhose. Ces résultats concordent avec ceux d'une étude irlandaise qui a suivi la progression de la maladie chez 376 femmes contaminées par des produits sanguins dans les années 19703. Leonard Seeff, du NIDDK, a quant à lui examiné 8 568 prélèvements de sang conservés par l'US Air Force entre 1948 et 1954, et constaté la présence d'anticorps anti-VHC dans 17 de ces échantillons ; d'après les dossiers médicaux actuels, un seul de ces sujets infectés soit 5,8 % est décédé d'une maladie hépatique.

Harvey Alter considère ces résultats comme rassurants pour la majorité des patients. « Ce qu'il faut, c'est mettre les choses en perspective, explique-t-il. L'hépatite C fait l'objet d'un battage considérable, on inquiète les gens, et nous passons beaucoup de temps à tenter de les rassurer. La vraie question, c'est de savoir quelle est la proportion de personnes chez qui l'évolution sera défavorable. »

A l'échelle individuelle, en revanche, la vraie question qui se pose pour un patient donné est de savoir si sa propre évolution va être défavorable. Actuellement, les médecins ont bien du mal à répondre. Ils n'ont, par exemple, relevé que peu de corrélations entre la quantité de virus présente dans le sang du patient la charge virale et la progression de la maladie. Et aucun des six génotypes du VHC ne paraît être plus pathogène que les autres. Qui plus est, les données présentées sur la cohorte des donneurs de sang des NIH révèlent que l'un des tests couramment utilisés pour évaluer les lésions hépatiques n'a sans doute qu'une faible valeur prédictive. Il s'agit du dosage sanguin d'une enzyme, une transaminase appelée alanine aminotransférase ALAT.

Quand ils meurent, les hépatocytes relâchent de l'ALAT. Les concentrations sanguines de cette enzyme devraient donc permettre une évaluation indirecte de l'étendue des lésions que le virus est en train de provoquer dans le foie. Dans une étude commencée en 1993, Marc Ghany, du laboratoire de Jay Hoofnagle au NIDDK, a réparti soixante personnes infectées par le VHC en trois groupes selon leurs concentrations d'ALAT : normales, légèrement élevées ou modérément élevées. Au cours des cinq ans suivants, les taux d'ALAT des différents participants sont le plus souvent restés dans la même catégorie. En revanche, les biopsies hépatiques ont montré que la fibrose avait tendance à s'aggraver, en moyenne, parmi les personnes à taux d'ALAT normal, alors qu'on observait au contraire de discrètes améliorations dans les groupes où les taux étaient légèrement ou modérément élevés. Si J. Hoofnagle fait remarquer que ces données préliminaires proviennent d'un groupe de personnes en relativement bonne santé, il considère néanmoins ces résultats comme « perturbants ». « Quand les taux d'ALAT d'un malade étaient normaux au cours du suivi, nous avons toujours considéré que son [degré de fibrose] serait proche de la normale, explique-t-il. Ce résultat va à l'encontre de tout ce que nous pensions. » Mieux connaître l'histoire naturelle des infections à VHC nécessiterait, selon les chercheurs, une importante étude de cohorte* à long terme, comme celle de quinze ans Multicenter AIDS Cohort Study, ou MACS qui a éclairci l'histoire naturelle du VIH. Leslye Johnson, directrice du département des maladies intestinales et hépatiques à l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses NIAID, note qu'un « plan stratégique » élaboré en 1997 par son institut proposait de telles études, mais que le financement n'a pas été obtenu. « C'est une affaire d'argent », constate-t-elle. En fait, le NIAID a consacré cette année quelque 7,7 millions de dollars au VHC, et L. Johnson observe que les problèmes de financement touchent aussi d'autres domaines.

Ce n'est pourtant pas l'argent que mentionnent les chercheurs qui travaillent sur l'hépatite C lorsqu'on leur demande ce dont ils ont le plus besoin. Comme l'explique Frank Chisari, immuno-hépatologiste au Scripps Research Institute de La Jolla, en Californie, « nous avons désespérément besoin d'un système de culture » . Jusqu'à présent, personne n'a réussi à faire pousser de manière fiable le VHC sur cultures cellulaires. Cette carence ralentit toutes les études essentielles, qu'elles portent sur les médicaments, les vaccins ou la compréhension du cycle de vie du virus. Rien d'étonnant, donc, à ce que le clou de la conférence des NIH ait été l'annonce d'un nouveau système de culture du VHC4.

Il a fallu cinq ans d'efforts à Ralf Bartenschlager et son équipe de l'université Gutenberg de Mayence, en Allemagne, pour le mettre au point. Mais ce n'est toujours pas le virus lui-même qui est directement cultivé. En fait, ces chercheurs ont utilisé un brin d'ADN, dit complémentaire*, qui contient l'image en miroir d'une partie de l'ARN viral. Ils ont élaboré une construction génétique - une sorte de « réplicon » codant les protéines non structurales du VHC, mais pas ses protéines centrales ou d'enveloppe -, capable de se répliquer elle-même en grandes quantités dans des cellules humaines immortalisées.

Mais comment le virus de l'hépatite C infecte-t-il les cellules ? On l'ignore encore. Et le réplicon ne peut élucider ce processus : il ne produit pas de virus entiers avec leurs protéines d'enveloppe. Selon Sergio Abrignani et son équipe de la filiale de Chiron située à Sienne, en Italie, l'une des protéines d'enveloppe du VHC se lie à un récepteur de la membrane cellulaire, appelé CD815. Mais ce groupe n'a pas démontré que le VHC utilise ce récepteur pour infecter la cellule, et de nombreux chercheurs pensent que ce n'est là qu'un aspect des choses. « Le CD81 est très intéressant, mais personne n'a prouvé qu'il soit nécessaire à la pénétration dans la cellule » explique Charles Rice, spécialiste de la biologie moléculaire du VHC à l'école de médecine de l'université Washington, à Saint Louis, dans le Missouri.

Nouvelle thérapie. Du côté des thérapies, il reste également des obstacles à surmonter. Jusqu'à l'an dernier, les personnes infectées par le VHC n'avaient pas le choix. Un seul traitement leur était proposé : trois piqûres par semaine d'interféron, messager chimique produit naturellement par le système immunitaire, et cela pendant une durée pouvant aller jusqu'à un an. Malheureusement, moins de 20 % des patients répondent à l'interféron et arrivent à éliminer le virus.

A l'automne 1998, tout le secteur a été secoué par les résultats de deux essais qui montraient qu'en associant à l'interféron un antiviral, la ribavirine, on multipliait au moins par deux les chances de succès chez les personnes qui n'avaient jamais encore été traitées, dites naïves.

La première des deux études comparaît, chez 832 personnes infectées par le VHC, les résultats de 48 semaines de traitement par l'interféron alpha-2b seul ou par l'association des deux produits6. Vingt-quatre semaines après la fin du traitement, l'ARN viral n'était plus détectable chez 43 % des patients qui avaient reçu la bithérapie, alors que cette réponse virologique persistante ne s'observait que chez 19 % de ceux traités par le seul interféron. Signe encourageant : contrairement au VIH, il ne semble pas exister dans l'organisme de réservoirs difficiles à atteindre où le VHC resterait à l'abri et à partir desquels l'infection pourrait repartir.

La deuxième étude portait sur 912 patients7. Là encore, vingt-quatre semaines après l'arrêt du traitement, l'ARN viral était indécelable chez 38 % des patients ayant pris les deux médicaments, contre 13 % seulement de ceux soumis à la monothérapie. A peine un mois après la publication de ce dernier travail, la Food and Drug Administration a autorisé l'emploi de cette association thérapeutique chez les patients naïfs.

Effets secondaires. Pour prometteurs que soient ces résultats, les médicaments coûtent cher - un an de traitement revient à 60 000 francs environ - et provoquent chez la plupart des patients de pénibles symptômes de type grippal, ce qui a conduit environ 20 % des sujets des deux essais à abandonner avant terme. « L'interféron est difficile à prendre, et la ribavirine rend les choses encore plus pénibles » constate Harvey Alter.

Autre bémol, il apparaît que l'association des deux médicaments est moins efficace contre le génotype I, souche la plus répandue aux Etats-Unis, où elle est responsable de quelque 70 % des cas. Ainsi, la deuxième étude a constaté que la réponse persistante ne s'observait que chez 28 % des patients infectés par le génotype I contre 66 % de ceux infectés par d'autres génotypes. D'autres facteurs influent également sur les chances de succès : celles-ci sont meilleures chez les femmes et les personnes de moins de 40 ans, lorsque la charge virale est faible, et en l'absence de lésions hépatiques sévères.

Ces résultats ont suscité un débat animé : faut-il traiter les patients asymptomatiques ? Pour Harvey Alter, le fort taux d'échecs et la toxicité incitent à la prudence. « Les laboratoires poussent tout le monde à traiter tout le monde, alors que c'est souvent une maladie bénigne » précise-t-il. Et il note que le traitement perturbe sérieusement la vie de la plupart des patients. « Ils se sentaient tous bien et, tout d'un coup, ils vont mal », explique-t-il, faisant ainsi écho à un refrain souvent entendu quand les patients contaminés par le VIH, mais asymptomatiques, commencent leur thérapie.

Les raisons pour lesquelles le traitement réussit chez certaines personnes et pas chez d'autres demeurent mystérieuses, notamment parce que personne ne connaît exactement le mode d'action de l'interféron et de la ribavirine. Récemment, Michael Lai et son équipe de l'université de Los Angeles ont décrit un mécanisme expliquant la plus grande résistance de certaines souches de VHC à l'interféron8. Ces chercheurs travaillent sur une enzyme, la protéine kinase PKR, qui fait avorter les virus en inhibant leur synthèse protéique. L'interféron accélère la production de la PKR par les cellules. Mais le VHC semble posséder une arme contre cette enzyme : l'une de ses protéines d'enveloppe, la protéine E2, inhibe l'activité de la PKR. Et l'analyse des séquences de E2 révèle que la version de cette protéine produite par les VHC du génotype I est particulièrement apte à se lier à la PKR et à en bloquer la fonction. « C'est une observation intéressante, qu'il faut approfondir », considère Michael Katze, de l'université du Washington, à Seattle, dont le laboratoire travaille sur une protéine non structurale du VHC, appelée NS5A, qui inhibe elle aussi la PKR. « Une protéine d'enveloppe analogue de la PKR, c'est un fait sans précédent. »

Aujourd'hui, les cliniciens cherchent à affiner les traitements et testent des versions améliorées de l'interféron et de la ribavirine. Mais, comme avec les médicaments anti-VIH, on attend des progrès plus importants de composés conçus spécifiquement pour s'attaquer à des protéines clés du VHC. Plusieurs laboratoires recherchent des inhibiteurs des enzymes que le virus utilise pour se recopier : protéase, hélicase, polymérase et réplicase.

Jusqu'à présent, la cible la plus visée est la sérine protéase, l'une des deux enzymes virales qui découpent la polyprotéine du VHC en protéines fonctionnelles. « Si tout le monde s'est d'abord intéressé à la protéase, c'est simplement à cause des succès rencontrés contre le VIH [avec les inhibiteurs de protéases] » observe Lewis Williams, directeur scientifique de Chiron. Il précise par ailleurs que, comme d'autres laboratoires, Chiron - qui s'est associé au groupe Pharmacia & Upjohn pour développer des médicaments anti-VHC - travaille également sur d'autres cibles. « Nous progressons dans plusieurs directions, et il est difficile de dire dans laquelle nous sommes le plus avancés, explique-t-il . Je suiscertain que plusieurs autres firmes travaillent sur les mêmes cibles. C'est une course. » Néanmoins, ni Chiron ni ses concurrents n'ont indiqué être assez avancés pour pouvoir fixer la date d'éventuels essais cliniques chez l'homme. Et, à en juger par la rareté des présentations dont ces travaux ont fait l'objet à la réunion, les laboratoires pharmaceutiques ne dévoilent pas leurs cartes.

Immunité cellulaire. Si les labora-toires sont au coude à coude dans la course aux médicaments anti-VHC, Chiron est pratiquement seul dans le domaine des vaccins, et cela en partie du fait de sa position en matière de brevet voir l'encadré : « Chiron marque son territoire ». La firme affronte un problème difficile. Comme dans les recherches sur les vaccins anti-VIH, il faut admettre qu'il y a peu de chances qu'une protection puisse être assurée par des anticorps dirigés contre des protéines virales qui changent rapidement. Ainsi, Chiron a observé que des chimpanzés vaccinés avec deux protéines de surface du virus, E1 et E2 produites par génie génétique, ne se débarrassaient pas de l'infection lorsqu'on leur inoculait une souche de VHC différente de celle utilisée pour fabriquer le vaccin. Reste donc à explorer la voie cellulaire du système immunitaire, où des cellules tueuses et d'autres stratégies interviennent pour débarrasser l'organisme des cellules déjà infectées.

Concurrence. L'intérêt de cette approche est confirmé par une étude sur les chimpanzés, menée par Chiron en collaboration avec Stewart Cooper, immunologiste à Stanford9. L'équipe a inoculé à un chimpanzé des anticorps anti-E1 et E2 d'origine humaine et à un autre le vaccin E1/E2 de Chiron. Le travail portait en outre sur deux autres animaux LouLou et Todd à qui on avait inoculé le VHC mais qui l'avaient éliminé spontanément, et sur deux animaux naïfs servant de témoins. Lorsqu'ils ont été exposés au VHC, les deux premiers chimpanzés et les deux témoins ont tout de suite été infectés. LouLou et Todd, en revanche, ont résisté. Les analyses ont révélé que ni l'un ni l'autre de ces deux singes n'avaient d'anticorps à la suite de leur première exposition au virus, mais qu'ils présentaient en revanche de vigoureuses réponses par cellules tueuses. Ce sont donc probablement des réponses immunitaires à médiation cellulaire qui les ont guéris de leur première infection et qui les protégeraient désormais d'infections ultérieures.

Pour déclencher une solide réponse immunitaire à médiation cellulaire, Chiron explore des stratégies vaccinales utilisant la production de protéines virales à l'intérieur des cellules de l'organisme. Dans l'une d'entre elles, le vaccin à ADN, la préparation injectée contient l'ADN complémentaire de l'ARN viral. Chiron étudie aussi la possibilité d'introduire des gènes viraux dans des virus inoffensifs, qui provoqueront une fausse infection lorsqu'ils pénétreront dans les cellules.

La concurrence sera sans doute rude. Franck Chisari, évoqué plus haut, et Chris Walker qui a récemment quitté Chiron pour l'université de l'Ohio à Columbus travaillent avec Epimmune, une société de biotechnologie de San Diego, pour mettre au point un vaccin anti-VHC utilisant l'immunité à médiation cellulaire. Par ailleurs, Fred Prince de la Banque du sang de New York travaille sur l'association entre un vaccin à ADN et un autre utilisant du matériel génétique du VHC introduit dans le virus de la variole aviaire et Robert Purcell, du NIAID, explore lui aussi la voie du vaccin à ADN.

Essais cliniques. Chris Walker, qui travaillait auparavant sur le sida, tempère les choses en observant que, même si ces travaux aboutissent à un vaccin prometteur, les essais cliniques chez l'homme seront difficiles. Aux Etats-Unis, il est probable que les essais d'efficacité ne pourraient porter que sur des toxicomanes par injection, c'est-à-dire sur des sujets dont le suivi pendant toute la durée d'un essai sera difficile. Les essais dans les pays pauvres rencontreraient les mêmes problèmes logistiques et éthiques que ceux menés aujourd'hui avec les vaccins anti-VIH. « Nous avons beaucoup à apprendre du VIH, estime Walker. Les travaux en cours dans ce secteur ouvriront la voie à ceux consacrés au VHC. »

Pour l'essentiel des populations infectées par le VHC, la mise au point de vaccins sera absolument cruciale. Même si l'hépatite C devenait une maladie curable d'ici à une dizaine d'années - à condition que la prochaine génération de médicaments à l'étude tienne ses promesses - les traitements ne pourront être mis en oeuvre que chez les malades des pays capables de les financer. Et c'est sans doute la plus amère leçon que nous donne le sida.

Par JON COHEN

 

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