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AMNIOCENTÈSE

 

 

 

 

 

 

 

 

L'amniocentèse sera-t-elle remplacée par une prise de sang ?


Anne Debroise dans mensuel 475
daté mai 2013 -
L'amniocentèse sera-t-elle bientôt obsolète ? Cette technique de prélèvement du liquide amniotique est aujourd'hui proposée aux femmes enceintes, quand on suspecte certains problèmes chez le foetus. Le plus souvent, elle vise à réaliser un caryotype de ce dernier, c'est-à-dire un examen du nombre de chromosomes. Le prélèvement de liquide amniotique ou, technique alternative, une ponction dans le placenta, permet en effet de récupérer les cellules foetales qui s'y trouvent, et de compter les chromosomes qu'elles renferment.

On peut ainsi diagnostiquer à coup sûr une trisomie (la plus fréquente, la trisomie 21, découle de la présence d'un troisième exemplaire du chromosome 21), ainsi que d'autres anomalies chromosomiques. En 2010, en France, 55 568 femmes (sur environ 800 000 grossesses) ont demandé à effectuer un caryotype. Ce dernier a révélé une anomalie dans 4 803 cas, dont 1 934 trisomies 21.

Prélèvement risqué
Mais le prélèvement, en tant que tel, n'est pas anodin : il provoque une fausse couche dans 0,5 % à 1 % des cas. Il est donc responsable, chaque année, de plusieurs centaines de fausses couches. Qui plus est, ces dernières concernent le plus souvent des foetus indemnes de l'anomalie recherchée, d'où des recherches actives afin de développer des méthodes de diagnostic prénatal non invasives, permettant de se passer d'amniocentèse.

L'objectif est-il en passe d'être atteint ? Peut-être, au moins pour les trisomies. En octobre 2011, une société américaine, Sequenom, a commencé à commercialiser un nouveau type de test sur le marché américain. Appelé MaterniT21Plus, celui-ci permet de dépister une trisomie de façon semble-t-il très fiable, à partir d'une simple prise de sang maternel ! Dans la foulée, trois autres sociétés, Verinata, Ariosa et Natera, ont commercialisé le leur - déclenchant une féroce bataille de brevets. En Europe, la société allemande Lifecodexx a obtenu une licence de Sequenom pour proposer un test appelé PrenaTest®. Il est disponible dans plusieurs pays d'Europe, dont l'Allemagne et la Suisse. Et en France ? Les autorités de santé attendent les résultats de deux essais cliniques pour émettre leur avis. En attendant, voici les principaux éléments du dossier.

L'idée d'analyser le sang de la mère pour détecter une anomalie chez le foetus n'est pas nouvelle. Elle remonte à 1969. Cette année-là, l'équipe de Janina Walknowska, de l'université de Californie, aux États-Unis, identifie des chromosomes Y dans le sang de 19 femmes enceintes de garçons [1]. Or, les chromosomes Y ne sont normalement présents que chez les hommes. Des études complémentaires montrent que ceux-là proviennent de cellules foetales circulant dans le sang maternel. Plusieurs laboratoires entreprennent alors de tirer parti de ces cellules pour dépister l'existence de maladies génétiques chez le foetus.

Néanmoins, la tâche se révèle plus difficile que prévu. En effet, les cellules foetales « circulantes » sont très rares : une par millilitre de sang maternel. Par conséquent, on n'est jamais sûr d'en récupérer lors de la prise de sang. De plus, certaines persistent dans le sang maternel, si bien que les cellules du premier enfant sont toujours présentes lors d'une grossesse ultérieure. Aussi, trente ans plus tard, n'y a-t-il presque plus de laboratoires explorant cette piste (lire encadré « Les cellules foetales, un autre test ? »).

L'ADN foetal libre
Il faut dire qu'entre-temps, une autre piste s'est dessinée : en 1997, Dennis Lo, aujourd'hui à l'université chinoise de Hong Kong, a annoncé avoir détecté de l'ADN foetal libre dans le sang maternel [2]. Cet ADN provient très probablement des cellules qui se détachent du placenta et migrent dans le sang maternel, dès le début de la grossesse. Il est libéré et fractionné lorsque les cellules meurent : ainsi l'intégralité du génome foetal est-elle présente dans le sang maternel, sous forme de tout petits fragments, de même que l'ADN maternel, libéré lors de la dégradation des globules blancs et d'autres cellules sanguines.

« À la huitième semaine de grossesse, selon les femmes, de 5 % à 10 % de l'ADN libre présent dans le sang maternel est d'origine foetale, explique Alexandra Benachi, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart. Sa concentration augmente de quelques pour-cent au fil de la grossesse, puis il disparaît quelques heures après l'accouchement. »

Par rapport aux cellules foetales circulantes, l'ADN foetal libre présente donc l'avantage de ne pas persister d'une grossesse à l'autre. En revanche, le fait qu'il soit fragmenté et mélangé à celui de la mère, auquel il ressemble beaucoup, complique l'analyse. C'est pourquoi, dans un premier temps, les biologistes se sont contentés de rechercher des séquences ne pouvant de toute façon pas appartenir au génome maternel. En particulier, des fragments de chromosome Y. En quelques années, cette approche a permis la mise au point de tests de détermination du sexe, utilisés dans les familles à risque de transmission de maladies liées aux chromosomes sexuels.

Séquençage à haut débit
Cependant, plusieurs laboratoires ont très vite cherché à mettre au point un protocole de détection de la trisomie 21. Une tâche autrement plus ambitieuse que détecter le chromosome Y ! Car dans le cas d'une trisomie, il ne s'agit pas simplement de montrer qu'un chromosome donné est présent, mais de montrer qu'il est présent en plus grande quantité que la normale : 3 exemplaires, au lieu de 2.

En 2008, deux équipes y sont parvenues : celle de Dennis Lo et celle de Stephen Quake, de l'université Stanford, aux États-Unis [3]. À peu de chose près, elles ont procédé de la même façon. D'abord, elles ont recouru à la technique de séquençage massif à haut débit de l'ADN, qui permet de séquencer en parallèle des millions de fragments. Puis elles ont déterminé à quel chromosome chacun de ces fragments appartenait. Enfin, elles ont mis au point un algorithme permettant d'estimer, à partir de ces données, les proportions de chacun des chromosomes.

Cette approche s'est révélée suffisamment sensible pour que le profil d'analyse d'un foetus trisomique diffère significativement de celui d'un foetus non trisomique. Les deux chercheurs ont déposé un brevet : Dennis Lo, le premier - il en a cédé la licence exclusive à la société Sequenom, dont il est conseiller scientifique ; Stephen Quake, en second - c'est la société Verinata qui en détient l'exclusivité.

En 2011, Sequenom a, la première, publié les résultats d'une étude de validation clinique de grande ampleur au cours de laquelle 4 385 femmes enceintes ont subi à la fois un test sanguin et une amniocentèse, les unes à la fin du premier trimestre de leur grossesse, les autres au début du second trimestre [4]. Résultat : le test sanguin a détecté une trisomie 21 dans 209 cas sur 212, soit un taux de réussite excellent, de 98,6 %.

Léger bémol, le taux de faux positif est de 0,2 %, soit 2 foetus sur 1 000 détectés comme ayant une trisomie 21, alors qu'ils n'en ont pas - ce qui ne se produit pas avec l'amniocentèse. Et le test a échoué initialement à donner un résultat dans 5,3 % des cas. Quant à l'analyse des chromosomes après amniocentèse, elle échoue seulement dans 0,5 % des cas, quand on ne parvient pas à cultiver les cellules prélevées.

C'est en partie parce qu'elles veulent vérifier ces chiffres que les autorités françaises n'ont pas encore autorisé ce test. Elles attendent le résultat de deux études. L'une, menée par Jean-Marc Costa, du laboratoire Cerba, et Alexandra Benachi, a déjà commencé. Elle concernera à terme environ 1 000 femmes, suivies dans vingt-huit centres hospitaliers en France. Ses conclusions sont attendues pour fin 2013.

L'autre sera pilotée par Yves Ville, chef du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Necker, à Paris (et conseiller scientifique de Sequenom depuis décembre 2009). Après une étude préliminaire menée auprès de 225 femmes, dont les résultats sont en cours d'analyse, il en lancera une autre incluant 2 500 à 3 000 femmes. « Notre objectif n'est pas seulement de confirmer la fiabilité du test développé par les laboratoires américains, mais aussi d'évaluer sa faisabilité dans le contexte français », explique-t-il. Elle devrait débuter fin 2013.

Conditions d'utilisation
Comme les études américaines, toutes deux compareront test sanguin et amniocentèse chez des femmes considérées comme à risque pour la trisomie 21. Cela, sur la base des nouvelles modalités de dépistage de cette trisomie mises en oeuvre en France depuis juin 2009. Un premier examen est proposé à toutes les femmes enceintes, au cours du premier trimestre de la grossesse. Il s'agit d'une échographie visant à mesurer l'épaisseur de la nuque, associée au dosage de certaines molécules présentes dans le plasma sanguin de la mère. Les résultats de ces examens, combinés à l'âge de la mère, permettent d'estimer le risque d'anomalie chromosomique du foetus. Lorsqu'il est supérieur à 1/250, l'équipe médicale propose une amniocentèse ou une biopsie du trophoblaste, seule capable de fournir un diagnostic.

Si la fiabilité technique du test sanguin est démontrée, la Haute Autorité de santé devra proposer un protocole pour l'insérer dans le dispositif existant. « Valider les performances de ces tests est une chose, détaille Olivier Scemama, du service évaluation économique et santé publique de cet organisme. Mais nous devons aussi déterminer à qui le prescrire et quand l'utiliser, et s'il faut l'ajouter aux tests existants, ou en remplacement de ces derniers. »

Par exemple, pour l'Agence de la biomédecine et le Collège national des gynécologues-obstétriciens français, il ne faudrait surtout pas qu'une éventuelle adoption du test sanguin amène les femmes à penser que l'échographie du premier trimestre, l'une des étapes de dépistage de la trisomie 2, est inutile. En effet, cette échographie sert aussi à détecter d'éventuelles malformations majeures.

La question de savoir à qui prescrire ce test est, elle aussi, essentielle. À l'heure actuelle, les amniocentèses ne sont proposées qu'aux femmes considérées comme à risque à l'issue du dépistage. Mais maintenant que l'on dispose d'un test sans danger, pourquoi ne pas en faire bénéficier systématiquement toutes les femmes ? Quand bien même les tests de validation ont été menés uniquement chez des groupes à risque.

A priori compréhensible, ce choix pourrait toutefois avoir des conséquences inverses de celles escomptées. En effet, « il est possible que les 5 % de femmes chez lesquelles le test ne sera pas interprétable réclament une amniocentèse, concède Valérie Seror, économiste de la santé à l'Inserm. Face au doute dans lequel le test sanguin les aura plongées, elles préféreront courir le risque d'une amniocentèse, car cet examen, lui, leur fournira une certitude ». Si tel était le cas, l'introduction du test sanguin aboutirait à davantage d'amniocentèses qu'aujourd'hui, et donc à davantage de fausses couches ! Sachant qu'un tel test a vocation à être remboursé par la Sécurité sociale, cela aurait aussi des conséquences négatives en termes de coût économique : dans les pays où le test sanguin est proposé, son prix est d'environ 1 300 euros, alors que le coût d'une amniocentèse varie, lui, de 1 000 à 1 500 euros.

Si les autorités de santé attendent les résultats des études cliniques avant de se prononcer, il faudra attendre environ deux ans. Pour Valérie Seror, cette attente est justifiée : « Les résultats des études cliniques doivent primer pour décider dans quels cas ce test sera pris en charge », estime-t-elle. Le Collège national des gynécologues-obstétriciens français, lui, s'en alarme. À ses yeux, ce délai risque de favoriser « un usage non régulé du diagnostic prénatal non invasif, à partir de tests disponibles sur Internet ou en connexion avec des laboratoires situés à l'étranger ». Une pratique qui n'a rien d'illégal, et que les médecins français constatent déjà.
L'ESSENTIEL
LE SANG d'une femme enceinte contient l'ADN du foetus, sous forme de courts fragments.

EN ANALYSANT ces fragments, on peut diagnostiquer la trisomie 21.

UN TEST commercialisé dans plusieurs pays européens est aujourd'hui évalué en France.
LES CELLULES FOETALES, UN AUTRE TEST ?
Selon l'équipe de Patrizia Paterlini-Bréchot, de l'hôpital Necker, à Paris, certaines cellules foetales circulant dans le sang maternel, issues du placenta, seraient finalement utilisables comme outil de diagnostic [1]. « Nous avons réussi à les isoler, indique l'hématologiste spécialiste du dépistage prénatal. Elles sont présentes en quantité faible mais suffisante dès la troisième semaine de grossesse. » L'ADN de ces cellules est ensuite amplifié puis séquencé. Fin 2012, l'équipe a annoncé avoir évalué son test chez 63 femmes enceintes devant subir une biopsie du trophoblaste, les unes pour rechercher la mutation responsable de l'amyotrophie de spinale, les autres pour rechercher la mutation responsable de la mucoviscidose. Avec succès : le test a fourni les mêmes résultats que la biopsie. [1]H. Mouawia et al., Reprod. BioMed. Online, 25, 508, 2012.
L'ADN FOETAL ENTIÈREMENT SÉQUENCÉ
En juin et juillet 2012, deux équipes américaines ont indépendamment réussi à séquencer le génome entier d'un foetus à partir d'une simple prise de sang maternel. Une prouesse technique ! Car si le sang maternel renferme l'intégralité du génome foetal, sous forme de courts fragments, il renferme aussi l'intégralité du génome maternel, tout aussi fragmenté, et qui lui ressemble beaucoup. La première équipe a réussi à identifier la provenance de chaque fragment en les comparant au génome de la mère et à celui du père, intégralement séquencés au préalable [1]. La seconde équipe, elle, y est parvenue en séquençant uniquement le génome maternel [2].

[1] J.O. Kitzman et al., Sci. Transl. Med., 4, 137ra76, 2012.

[2] H.C. Fan et al., Nature, 487, 320, 2012.

 

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Le singulier cerveau des dyslexiques

 

 

 

 

 

 

Le singulier cerveau des dyslexiques
Michel Habib, Fabrice Robichon et Jean-François Démonet dans mensuel 289
daté juillet-août 1996 -


Voilà plus de dix ans que les neurologues se penchent sur le cerveau des dyslexiques. L’imagerie cérébrale a permis de confirmer les particularités anatomiques découvertes chez certains d’entre eux : défaut d’asymétrie des hémisphères cérébraux, taille anormalement grande de la masse de substance blanche qui relie les deux hémisphères. L’imagerie fonctionnelle, en visualisant ce cerveau singulier au travail, aide à comprendre pourquoi il peine à la lecture.
Quelle que soit leur appartenance géographique ou ethnique, 8 à 10 % des enfants d’âge scolaire souffrent de dyslexie. Ils éprouvent des difficultés à apprendre à lire et à écrire qui ne sont dues ni à un retard mental, ni à un trouble psychiatrique ou neurologique, ni à une carence socio-éducative majeure. Ils inversent et confondent les lettres ou les syllabes d’un mot, mais le langage oral peut aussi être plus ou moins perturbé, du simple retard chez l’enfant aux troubles de l’expression chez l’adulte. Dans la grande majorité des cas, la rééducation orthophonique permet à l’enfant d’accomplir sa scolarité, souvent au prix d’efforts considérables. Et les problèmes d’orthographe persistent fréquemment à l’âge adulte.

Depuis quelques années, ce trouble, dont l’origine génétique est fortement suspectée, a pu être relié à une anomalie de la maturation du cerveau. L’imagerie permet aujourd’hui d’en visualiser les conséquences sur l’anatomie cérébrale et d’en discuter les mécanismes. Il devient aussi possible de voir comment ce cerveau singulier, parfois capable de performances hors du commun, traite l’information et se réorganise sous l’effet de la rééducation.

Entre 1979 et 1985, Albert M. Galaburda et ses collaborateurs du Beth Israel Hospital de Boston ont été les premiers à examiner au microscope le cerveau de huit personnes décédées, tous anciens dyslexiques1. Ils ont alors découvert de multiples petites malformations, dont les plus flagrantes sont des « ectopies ». Une ectopie est une véritable verrue à la surface du cerveau, un amas de plusieurs milliers de neurones en position aberrante sur le cortex. Le cerveau des dyslexiques examinés présentait des dizaines de ces amas, témoins d’un défaut survenu au cours de la maturation du cerveau. Ils traduisent en effet une migration anormale des neurones dans la couche la plus superficielle du cortex, normalement très pauvre en cellules. L’anomalie s’est sûrement mise en place chez le foetus, à la fin du deuxième trimestre de la grossesse, lorsque les futurs neurones traversent l’épaisseur du cerveau pour atteindre leur position définitive.

Ces amas de neurones ne sont pas distribués au hasard sur la surface du cerveau : ils sont nettement plus nombreux dans l’hémisphère gauche. De plus, ils prédominent autour d’un des replis du cerveau la scissure de Sylvius, justement dans ce que les neurologues dénomment l’« aire du langage » car chez l’adulte sa lésion entraîne des troubles du langage aphasie.

Il est surprenant que ces malformations microscopiques soient distribuées dans toute la zone du langage. D’abord, on aurait pu s’attendre à ce qu’elles prédominent dans la partie postérieure de l’aire du langage, puisque chez l’adulte, ce sont les lésions de cette zone qui provoquent des troubles spécifiques de la lecture. Ensuite, on peut s’étonner que des malformations dans une vaste zone dévolue au langage en général ne perturbent pratiquement que le langage écrit.

Une explication possible est que le mauvais développement des régions de l’hémisphère gauche affecterait peu la compréhension et l’articulation du langage. Il compromettrait une caractéristique sans doute très élémentaire du traitement des sons qui serait, elle, indispensable à l’apprentissage du langage écrit. Il y a plus de vingt ans, Paula Tallal, de l’université Rutgers à Newark New Jersey, a démontré une caractéristique frappante du fonctionnement cérébral du dyslexique. Souvent celui-ci a particulièrement du mal à distinguer deux sons présentés de manière rapprochée : alors qu’un enfant est généralement capable de discriminer deux sons distants de moins de 20 millisecondes ms, la majorité des dyslexiques ne peuvent le faire que si l’intervalle mesure plus de 300 ms2. Une telle anomalie peut modifier considérablement la perception auditive des dyslexiques, qui seraient alors véritablement « sourds » à certains sons du langage. Par exemple au passage consonne/voyelle dans des syllabes comme /pa/ ou /ba/, dont la différence, du point de vue des caractéristiques acoustiques, se joue à une vingtaine de millisecondes près. On comprend dès lors que l’apprentissage de la lecture, qui consiste fondamentalement à associer un son à une lettre et vice versa , puisse être compromis. Ceci reste cependant à confirmer, d’autant que ce trouble de la discrimination des sons est absent chez environ un tiers des enfants dyslexiques dans ces cas, l’élément déterminant pourrait être d’ordre visuel plutôt qu’auditif.

Selon une autre hypothèse plus ancienne, la dyslexie est la conséquence d’un défaut de latéralisation du langage qui prédomine dans l’hémisphère gauche chez les droitiers ; chez les gauchers et les ambidextres, cette latéralisation est moins prononcée, voire inversée. Déjà, des cliniciens du début du siècle avaient remarqué que les enfants dyslexiques sont souvent ambidextres, mal latéralisés, écrivent parfois en miroir et font des erreurs d’inversions droite/gauche lorsqu’ils lisent ou écrivent. A la fin des années 1960, Norman Geschwind et Walter Levitsky ont suggéré le rôle déterminant de l’asymétrie d’une région du cortex dévolue au traitement des informations auditives et située dans le lobe temporal, le planum temporale . Ils ont mesuré la taille de cette aire sur cent cerveaux de cadavres et démontré qu’elle est nettement plus grande du côté gauche chez environ les deux tiers des individus ; chez le tiers restant, planums droit et gauche sont dans la majorité à peu près de la même taille3. Le groupe de Galaburda a réalisé la même mesure sur les cerveaux de dyslexiques et trouvé un aspect symétrique du planum sur la totalité des huit cerveaux examinés. Nécessairement, ce type de constatation réalisée post mortem repose sur un nombre limité de cerveaux. Cependant, elle pourrait s’avérer un précieux indice pour répondre à de nombreuses questions sur le cerveau du dyslexique. Pouvait-on la vérifier à plus large échelle et chez des personnes vivantes, grâce à l’imagerie ?

Parmi les outils disponibles, la meilleure méthode pour visualiser la morphologie du cortex cérébral est l’imagerie par résonance magnétique IRM. Dès la généralisation de cette technique, vers la fin des années 1980, diverses équipes ont tenté de répliquer sur de plus larges populations les données de Galaburda sur le planum temporale . Elles se sont alors heurtées à de nouvelles difficultés inhérentes à la méthode. Par exemple, il n’est pas aisé de repérer avec précision les limites du planum . Et comme les groupes de chercheurs ont utilisé des méthodes de mesure différentes, les résultats ne sont pas nécessairement comparables.

Une des premières études a été celle de George Hynd et ses collaborateurs, à l’université de Géorgie. Le but principal était de savoir si l’anomalie d’asymétrie est spécifique de la dyslexie, ou si elle se retrouve dans d’autres troubles. Pour ce faire, ils ont mesuré la taille du planum temporale chez dix enfants dyslexiques et l’ont comparée aux mesures chez dix enfants souffrant de « syndrome d’hyperactivité », une affection qui se caractérise par un trouble du développement des aptitudes liées à l’attention : défaut de concentration, distractivité importante, impossibilité à rester en place et impulsivité. Alors que 70 % des hyperactifs présentaient l’asymétrie habituelle en faveur de l’hémisphère gauche, celle-ci était absente chez 90 % des dyslexiques. Ce résultat suggérait que le planum temporale joue un rôle particulier dans le trouble du dyslexique4. L’équipe norvégienne de Jan Peter Larsen a obtenu des résultats similaires. Sur dix-neuf dyslexiques et dix-sept témoins, elle a retrouvé un aspect symétrique du planum chez 70 % des dyslexiques et 30 % seulement des témoins5. En outre, ces chercheurs sont allés plus loin, en essayant de mettre en relation les singularités anatomiques du cerveau dyslexique avec ses caractéristiques fonctionnelles. Ils n’ont observé de symétrie du planum que chez les dyslexiques ayant d’importantes difficultés à convertir des graphèmes, unités du langage écrit, en phonèmes, unités du langage oral par exemple le mot « chapeau » comporte sept graphèmes, c-h-a-p-e-a-u, transformés en quatre phonèmes, /º/ /a/, /p/, /o/. Ainsi, la prédominance du planum gauche semble liée à l’aptitude des sujets à traiter les sons du langage.

Lors d’une étude plus récente6, Christina Leonard, de l’université de Floride, n’a pas retrouvé cette différence entre neuf dyslexiques et douze témoins soigneusement sélectionnés. En revanche, elle conclut à l’existence d’un défaut d’asymétrie dans une autre partie de la zone du langage, située cette fois dans le lobe pariétal, le cortex pariétal inférieur. Cette région est placée juste au-dessus du planumtemporale : les anomalies constatées dans les études précédentes étaient peut-être des artefacts liés à une précision insuffisante des repérages anatomiques en IRM.

De fait, la région pariétale, qui est aussi plus développée à gauche chez la majorité des personnes7, est connue pour abriter certains aspects, en particulier phonologiques, du traitement du langage. Chez l’adulte, sa lésion à la suite d’un accident vasculaire cérébral provoque des troubles de l’ordonnancement des sons du langage et des syllabes. De même, en anatomie fonctionnelle, cette région s’active lorsque le sujet doit stocker quelques secondes une information auditive mémoire « de travail ». Or les dyslexiques sont justement en grande difficulté lorsqu’ils doivent dans le même temps traiter un son du langage et le maintenir quelques secondes en mémoire épreuves de « conscience phonologique ». Par exemple, un enfant dyslexique, et même un adulte ayant apparemment complètement récupéré d’une dyslexie de l’enfance, seront mis en défaut lorsqu’on leur demande de segmenter un mot en ses constituants sonores, ou encore de décider si deux mots entendus riment ou non. L’une de ces épreuves illustre parfaitement la nature du trouble. Le sujet doit trouver l’« intrus » parmi quatre mots qui lui sont prononcés exemple : « blé » ; « blanc » ; « bras» ; « bleu ». Pour réaliser une telle épreuve, il faut à la fois segmenter chaque mot en sons, en particulier séparer les consonnes doubles, étape la plus délicate pour un dyslexique, et garder le résultat en mémoire auditive pendant quelques secondes. On pouvait donc supposer que, plutôt que le lobe temporal, c’est le lobe pariétal qui est impliqué dans ce traitement complexe permettant de « jouer » avec les sons du langage.

Existe-t-il une relation entre le défaut d’asymétrie du lobe pariétal et le trouble de la « conscience phonologique » que présentent si souvent les dyslexiques ? Pour le savoir, nous avons proposé le même type d’épreuves à seize jeunes adultes anciens dyslexiques et à autant de sujets témoins. Tous ont subi un examen du cerveau par IRM pour mesurer l’asymétrie à la fois du planum temporale et de la région pariétale inférieure voir figure ci-dessous.

Plusieurs études ont associé la dyslexie à une mauvaise latéralisation des aires du langage, qui d’habitude prédominent dans l’hémisphère gauche. Ici, l’une de ces aires, la région pariétale inférieure, est visualisée en IRM chez un ancien dyslexique en bleu dans les deux hémisphères. Chez un sujet normal, elle est nettement plus grande à gauche. Ici, elle est presque symétrique. Nombre d’adultes ayant été dyslexiques pendant l’enfance présentent cette particularité. Clichés auteurs

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Plusieurs études ont associé la dyslexie à une mauvaise latéralisation des aires du langage, qui d’habitude prédominent dans l’hémisphère gauche. Ici, l’une de ces aires, la région pariétale inférieure, est visualisée en IRM chez un ancien dyslexique en bleu. Chez un sujet normal, elle est nettement plus grande dans l’hémisphère gauche. Ici, elle est presque symétrique. Nombre d’adultes ayant été dyslexiques pendant l’enfance présentent cette particularité. Cliché auteurs" alt="Plusieurs études ont associé la dyslexie à une mauvaise latéralisation des aires du langage, qui d’habitude prédominent dans l’hémisphère gauche. Ici, l’une de ces aires, la région pariétale inférieure, est visualisée en IRM chez un ancien dyslexique en bleu. Chez un sujet normal, elle est nettement plus grande dans l’hémisphère gauche. Ici, elle est presque symétrique. Nombre d’adultes ayant été dyslexiques pendant l’enfance présentent cette particularité.

Les dyslexiques, qui ont pourtant atteint, grâce à une rééducation adéquate, un niveau de lecture quasiment normal, réalisent une performance très inférieure à celle des témoins en moyenne 40 % d’erreurs contre moins de 5 % chez les non-dyslexiques. Surtout, les difficultés qu’ils éprouvent sont proportionnelles au degré de symétrie de l’aire pariétale inférieure. Elles s’avèrent en revanche indépendantes du degré de symétrie du planum temporale . Ainsi, l’imagerie anatomique montre que la particularité du cerveau du dyslexique doit bien se trouver au niveau pariétal, et non au niveau temporal comme cela était suspecté jusqu’alors. Mieux, cette particularité paraît étroitement liée à l’intensité du trouble du dyslexique, auquel elle doit nécessairement contribuer.

Quelle peut être la nature de ce lien ? On suppose que l’asymétrie est indispensable à l’installation et à la spécialisation des circuits de l’hémisphère gauche essentiels à l’apprentissage de la lecture. Chez le dyslexique, une asymétrie insuffisante de la région pariétale inférieure pourrait expliquer en partie que ces circuits hémisphériques gauches ne puissent assumer pleinement leur rôle. Mais cette explication ne peut être que partielle, puisque bon nombre de sujets sans cette asymétrie 30 à 35 % des témoins ne sont pas pour autant dyslexiques. Une autre théorie, proche et complémentaire, fait intervenir dans la dyslexie un trouble du transfert d’informations entre les deux hémisphères. Les psychologues du développement ont en effet retrouvé chez les dyslexiques les signes d’une mauvaise maturation des relations interhémisphériques. Ils présentent souvent des symptômes très similaires à ceux d’adultes dont les connexions entre hémisphères ont été coupées : défaut de coordination des deux mains, mauvaise identification des stimuli tactiles sur la main gauche, « extinction » de l’oreille gauche lorsqu’on leur présente simultanément un mot dans chaque oreille. Dans tous les cas, ces symptômes s’expliquent par le fait que l’information parvenue à un hémisphère ne peut atteindre l’hémisphère opposé.

Autre singularité anatomique relevée chez des dyslexiques : le corps calleux, cette volumineuse masse de fibres qui relient les deux hémisphères, visible ici en IRM flèche. A gauche, le cerveau d’un ancien dyslexique ; à droite, celui d’un témoin. Chez le dyslexique, le corps calleux est plus gros et de forme différente. L’origine d’une telle singularité pourrait remonter aux premières semaines après la naissance, lorsque le corps calleux prend sa forme définitive. Mais elle pourrait aussi traduire les effets de la rééducation. Clichés auteurs

Le transfert des informations entre les deux hémisphères du cerveau se fait grâce à une structure cérébrale, le corps calleux. C’est une masse de substance blanche faite de millions de fibres nerveuses, issues des neurones d’un hémisphère et aboutissant dans la zone symétrique de l’hémisphère opposé. Le corps calleux apparaît de façon évidente sur une coupe médiane du cerveau en IRM voir figure ci-dessus, ce qui permet d’analyser sa forme et de mesurer sa taille avec précision.

Bien que ce type d’analyse soit facile, peu de travaux ont examiné le corps calleux des dyslexiques. En outre, les quelques études réalisées ont donné des résultats contradictoires. C’est sans doute, en grande partie, parce que l’apparence du corps calleux change avec l’âge et le sexe. Sa taille croît progressivement pendant l’enfance, jusqu’à l’âge de 16 ans environ. De sorte que toute étude chez des enfants d’âges différents s’expose à un biais méthodologique évident. De plus, les hommes en particulier les gauchers ont un corps calleux proportionnellement plus étendu que celui des femmes8,9. Les dyslexiques que nous avons étudiés sont tous des jeunes hommes âgés de 18 à 24 ans. La mesure de leur corps calleux a montré qu’il est plus gros que chez les témoins, et que sa forme même est différente.

Le cerveau des dyslexiques présente ainsi deux traits d’anatomie singuliers : un défaut d’asymétrie des lobes temporaux et pariétaux, et un corps calleux anormalement gros, ce qui indique qu’un plus grand nombre de fibres nerveuses relient les deux hémisphères.

Quelle est l’origine de ces particularités ? Sont-elles liées à un défaut du développement du cerveau ? Galaburda10 a montré que chez les dyslexiques la symétrie du planum temporale est due à un développement excessif du côté droit et non pas à un planum gauche trop petit. Les raisons n’en sont pas encore élucidées. Mais il est possible que des phénomènes de mort de neurones, qui ont normalement lieu lors de la maturation du cerveau au troisième semestre de la grossesse, ne puissent pour une raison encore inconnue s’opérer pleinement chez le dyslexique. Chez la majorité des individus, une plus grande quantité de neurones seraient perdus à droite qu’à gauche ; pas chez le dyslexique, ce qui aboutirait à un cerveau anormalement symétrique11.

Si deux régions analogues des hémisphères droit et gauche comportent globalement plus de neurones, on peut concevoir que les fibres qui en sont issues doivent être plus nombreuses. Ce qui pourrait expliquer la plus grande taille du corps calleux chez les dyslexiques. Toutefois, le corps calleux n’acquiert sa forme définitive que plus tard, au cours de la petite enfance. Giorgio Innocenti et son équipe de l’université de Lausanne12 ont montré en particulier que l’amincissement de sa partie arrière l’isthme apparaît huit à dix semaines après la naissance. Au cours de cette période, des millions de fibres du corps calleux sont alors éliminées.

Les singularités anatomiques du cerveau dyslexique pourraient donc avoir une origine très précoce, remontant à la vie foetale pour les ectopies et les asymétries des hémisphères, et aux tout premières semaines de vie dans le cas du corps calleux. De façon intéressante, l’anomalie correspondrait à chaque fois à un défaut de phénomènes régressifs au cours de la maturation cérébrale, avec pour résultat un excès de neurones et de connexions.

Jusqu’à présent, l’idée dominante était que ces anomalies sont fixées très tôt après la naissance. Mais depuis peu, on envisage le rôle possible de l’apprentissage sur l’anatomie macroscopique du cerveau. C’est ce qu’indiquent les travaux de l’équipe de Helmuth Steinmetz, à Düsseldorf, sur une population très particulière et riche d’enseignements, les musiciens professionnels. Ces chercheurs ont étudié trente témoins et trente musiciens ayant bénéficié d’un apprentissage intensif durant l’enfance. Chez les musiciens, la partie antérieure du corps calleux est significativement plus volumineuse voir figure ci-dessous13.

Apprendre à jouer un instrument de musique pendant l’enfance semble modifier la forme du corps calleux. Celui d’un musicien professionnel, à gauche, est comparé à celui d’un témoin, à droite. L’hypertrophie de la partie antérieure chez le musicien serait liée à une plus grande quantité de fibres reliant les aires motrices droite et gauche. Par analogie, on peut supposer que la rééducation active d’un enfant dyslexique modifie l’état des connexions entre hémisphères. Schlaug et al., Düsseldorf

Qui plus est, l’asymétrie du planum en faveur de l’hémisphère gauche serait plus marquée chez ceux qui jouissent de l’oreille absolue14. La morphologie du cerveau peut donc encore se sculpter longtemps après la naissance, sous l’effet de l’apprentissage voir l’article de Thomas Elbert et Brigitte Rockstroh dans ce numéro. Par analogie, les caractéristiques anatomiques du cerveau du dyslexique pourraient refléter non seulement des particularités du développement prénatal, mais aussi l’influence de la rééducation intensive.

Aujourd’hui, la possibilité d’explorer le cerveau au travail, grâce aux méthodes d’imagerie fonctionnelle, permet d’aller plus loin que la simple anatomie. Comment le cerveau « singulier » du dyslexique traite-t-il les messages qui lui parviennent ? A quel niveau de traitement se situent les déficits entravant l’apprentissage normal de la lecture ?

Les troubles du dyslexique erreurs de transcription des graphèmes en phonèmes ne sont pas seulement dus à un déficit de traitement des sons du langage. Ils sont aussi, au moins en partie, liés à un défaut de la perception visuelle. La lecture des mots a d’abord été étudiée par la méthode des potentiels évoqués. Si on enregistre l’activité électrique du cerveau d’une personne en train de lire le dernier mot d’une phrase, une onde négative apparaît 400 millisecondes après la présentation du mot onde dite N400. Cette onde est d’autant plus ample que le mot a un sens incongru par rapport au début de la phrase par exemple : « L a mère tient son enfant dans ses narines » . Si le dernier mot est plausible « la mère tient son enfant dans ses bras » , l’onde est très faible ou disparaît. On admet ainsi que l’onde N400 reflète l’effort conscient produit pour tenter d’intégrer un mot dans le sens général d’une phrase. Helen Neville, de l’université de Californie à San Diego, a montré que les personnes dyslexiques présentent, sur les phrases « incon-grues », des ondes N400 plus amples que celles des témoins.

Qui plus est, les ondes N400 apparaissent chez les dyslexiques même pour les phrases plausibles15. Ainsi, un dyslexique semble se comporter devant tous les mots comme un lecteur normal devant un mot incongru. Ses troubles de lecture pourraient donc résulter, au moins en partie, de l’incapacité à intégrer un mot dans le sens de la phrase.

Mais on pense que ce déficit n’est que la conséquence d’un trouble plus élémentaire, touchant des étapes très précoces du traitement des mots écrits. En effet, un dyslexique obtient des performances plus faibles que la moyenne s’il doit analyser les caractéristiques visuelles élémentaires de certains objets. Une spécialiste américaine de ce domaine, Margaret Livingstone, a par exemple présenté à des témoins et à des dyslexiques un damier noir et blanc dont on inverse rapidement les cases et dont on fait varier le contraste. Dans le même temps, l’activité électrique du cortex est mesurée par la méthode des potentiels évoqués. Résultat : quel que soit le contraste du damier, les témoins présentent des ondes précoces 50 millisecondes après la présentation du stimulus. En revanche, chez les dyslexiques, ces ondes n’apparaissent que pour les forts contrastes16. La perception de ce type d’objet dépend de voies visuelles distinctes de celles chargées de la vision d’objets colorés ou plus contrastés. Et c’est justement ce système « à faible contraste » qui intervient lorsqu’un mot est présenté très brièvement.

Qu’en est-il lors de la perception visuelle de mots ? Chez les personnes témoins, la lecture d’un mot suscite des ondes précoces entre 30 et 100 millisecondes, qui reflètent ses caractéristiques visuelles forme générale du mot, hauteur des lettres, etc.. Avec Mireille Besson, du laboratoire de neurosciences cognitives, à Marseille, nous avons montré que chez les dyslexiques ces ondes sont altérées. Elles diminuent d’amplitude, voire disparaissent, en corrélation avec la difficulté du dyslexique à lire des non-mots des alignements de lettres ou de syllabes dépourvus de sens17.

Les méthodes de potentiels évoquées restent toutefois très imprécises quant à la topographie des zones cérébrales impliquées. D’où l’intérêt de se tourner vers l’imagerie fonctionnelle avec la caméra à positons ou TEP pour tenter de comprendre quelles régions du cerveau fonctionnent différemment chez un dyslexique. La méthode a d’abord été utilisée pour étudier le traitement sonore des mots.

Les premiers travaux, à la fin des années 1980, n’obtenaient qu’une résolution spatiale faible, de l’ordre d’un centimètre cube. Ils semblaient montrer qu’à la lecture de mots, certaines régions de l’hémisphère droit normalement silencieuses s’activent chez les dyslexiques18. En utilisant la méthode plus précise à l’oxygène 15, Judith Rumsey, du NIH à Bethesda, a étayé ces résultats. Dans son expérience, les sujets - dyslexiques ou non - doivent déterminer si deux mots entendus riment19. Cette tâche est plus difficile pour les dyslexiques. Judith Rumsey s’est concentrée en imagerie sur des « régions d’intérêt », situées dans les lobes temporal et pariétal de l’hémisphère gauche. Ces régions sont, à l’échelle macroscopique, d’anatomie normale chez le dyslexique. Mais leur activité est plus faible que chez les témoins. Certaines zones du cerveau du dyslexique ne semblent donc pas pouvoir entrer en action lorsqu’il doit effectuer un traitement pourtant simple du contenu sonore de deux mots. Cependant, cette étude avait l’inconvénient de ne visualiser qu’une petite partie des hémisphères cérébraux.

Aujourd’hui, l’imagerie permet de réaliser de véritables cartes fonctionnelles de l’ensemble du cerveau. Cette année, Eraldo Paulesu et ses collaborateurs, à Milan et à Londres, ont ainsi pu visualiser pour la première fois un cerveau entier de dyslexique « en action20 ». Ils ont proposé à cinq anciens dyslexiques deux tâches phonologiques, l’une de jugement de rimes, l’autre de mémoire à court terme retenir une série de lettres. Chez les non-dyslexiques, ces deux tâches activent la totalité de l’aire du langage cortex pariétal inférieur, aire de Broca et aire de Wernicke, cette dernière incluant le planum temporale . A l’inverse, les dyslexiques n’en utilisent qu’une partie : la tâche de jugement de rimes n’active que l’aire de Broca, celle de mémoire à court terme n’active que l’aire de Wernicke. Paulesu et ses collègues ont proposé que ces deux aires du langage sont déconnectées chez les dyslexiques, et ne peuvent être activées simultanément.

L’activité cérébrale est ici visualisée en TEP pendant la lecture passive d’un mot. En haut, une personne témoin, en bas, deux dyslexiques. Chez le témoin, la vision du mot active une vaste zone de l’hémisphère gauche, qui correspond aux aires du langage. L’hémisphère droit reste presque silencieux. En revanche, chez les deux dyslexiques, les aires du langage restent silencieuses et l’activation est très forte dans l’hémisphère droit. Notons que les zones actives ne sont pas strictement superposables chez les deux dyslexiques. On suppose qu’un mauvais établissement des connexions entre les aires du langage empêche, chez les dyslexiques, le traitement automatique des aspects linguistiques des mots. Clichés auteurs

Avec Richard Frackowiak, à Londres, nous nous sommes récemment penchés sur le traitement des mots écrits. Nous avons placé douze volontaires six dyslexiques et six témoins dans deux situations distinctes. Dans l’une, le sujet doit lire passivement des mots voir figure ci-dessus. Dans l’autre, il écoute un mot et doit juger de son orthographe voir figure ci-dessous. Dans les deux cas, le dyslexique n’active qu’incomplètement, par rapport au témoin, la zone du langage gauche. En outre, alors que le lecteur normal témoin active de manière presque exclusive son hémisphère gauche, chez le dyslexique, les deux tâches provoquent une activation anormalement importante de l’hémisphère droit. Le fonctionnement du cerveau des dyslexiques présente donc deux caractéristiques singulières. D’une part, une moindre activation des régions normalement impliquées dans les tâches de traitement sonore ou visuel des mots. D’autre part, une activation anormale d’autres régions, en particulier dans l’hémisphère droit, ce qui peut être rapproché du défaut d’asymétrie souvent observé. Il faut cependant nuancer ces conclusions au vu de l’importance des variations entre individus, maintenant révélées par l’étude séparée en imagerie de chaque sujet. Les premiers travaux d’imagerie fonctionnelle masquaient ces différences, car les images étaient réalisées par moyennage de plusieurs sujets afin d’obtenir un contraste suffisant.

L’activité cérébrale d’un dyslexique et d’un témoin est ici comparée pendant une épreuve où ils doivent, à partir d’un mot entendu, décider de son orthographe. Chez les deux sujets, le cortex auditif est actif dans les deux hémisphères. Mais l’activation est nettement plus importante à gauche chez le témoin, à droite chez le dyslexique. De plus, une grande partie des aires du langage zones pariétale et frontale inférieures gauches ne sont que peu ou pas activées chez le dyslexique. Même lorsqu’un effort cognitif lui est demandé, le dyslexique semble donc incapable de mettre convenablement en jeu la totalité des aires du langage. Clichés auteur

Les anomalies d’activation observées chez le dyslexique témoignent probablement du défaut de mise en place, au cours du développement, des connexions qui, entre hémisphères et au sein de chaque hémisphère, relient les zones impliquées dans un même aspect du traitement du langage. Visualiser le cerveau du dyslexique au travail trahit déjà, même si les données sont préliminaires, une mauvaise connexion des différentes aires du langage. La mise en activité, lorsque l’enfant apprend à lire, de circuits improprement connectés, pourrait jouer un rôle déterminant dans la stabilisation de ces connexions aberrantes. Et, par là même, dans la pérennisation des difficultés d’apprentissage. Une rééducation précoce des aptitudes de l’enfant à la segmentation du langage est actuellement proposée, avant même le début de l’apprentissage de la lecture. Les capacités d’un enfant de 5 ans à segmenter le langage oral permettent en effet de prédire de façon excellente ces futures aptitudes en lecture. On conçoit que plus l’entraînement est précoce, plus grandes sont les chances de récupérer un niveau d’efficacité suffisant, ou du moins de limiter les conséquences de l’anomalie de la morphologie du cerveau.

Récemment, la neuropsychologue Paula Tallal, en collaboration avec Michael Merzenich, de l’université de Californie à San Francisco, a d’ailleurs montré qu’une rééducation intensive centrée sur la discrimination temporelle des sons du langage déficiente chez au moins une partie des dyslexiques peut améliorer de façon durable non seulement les performances auditives des enfants, mais aussi leur compréhension du langage21.

Il faudra patienter encore quelques années avant de penser à intégrer l’imagerie dans la prise en charge des dyslexiques

La découverte d’une possible influence de l’apprentissage précoce sur la morphologie même du cerveau laisse entrevoir le rôle considérable que pourrait jouer, dans le futur, l’imagerie cérébrale dans la prise en charge de la dyslexie. On peut imaginer qu’elle permettra d’analyser avec précision la morphologie du cerveau d’un enfant, pour choisir par exemple la méthode de rééducation en fonction du degré d’asymétrie des aires du langage. Eventuellement, on pourrait évaluer les effets de cette rééducation sur les caractéristiques anatomiques et fonctionnelles mesurées. A cet égard, l’introduction récente de l’IRM fonctionnelle sera d’un intérêt tout particulier, en raison de sa parfaite innocuité qui permet des examens répétés contrairement à la TEP, qui demande l’injection d’un produit radioactif. L’application de ces méthodes à la pratique clinique devra encore attendre quelques années de validation expérimentale.

Michel Habib, Fabrice Robichon et Jean-François Démonet 1996


Michel Habib est neurologue au CHU de Marseille
Fabrice Robichon est neurobiologiste au CHU de Marseille
Jean François Demonet est neurologue au CHU de Toulouse



1 A.M. Galaburda et al., Ann. Neurol., 18, 222 , 1985.

2 P. Tallal et M. Piercy, Nature, 241 , 468, 1973.

3 N. Geschwind et W. Levitsky, Science, 161, 186, 1968.

4 G.W. Hynd et al., Arch. Neurol, 47 , 919, 1990.

5 J.P. Larsen et al., Brain Lang., 39 , 289, 1990.

6 C.M. Leonard et al., Arch. Neurol., 50 , 461, 1993.

7 M. Habib et al., Brain and Language, 48 , 238, 1995.

8 S.P. Witelson, Science, 229 , 665, 1985.

9 M. Habib et al., Brain and Cognition, 16 , 41, 1991.

10 A.M. Galaburda et al., Neuropsychologia, 25 , 853, 1987.

11 A.M. Galaburda et al.,. Revue de neuropsychologie, 1 , 157, 1991.

12 S. Clarke et al., J. Compar Neurol., 280 , 213, 1989.

13 G. Schlaug et al., Neuropsychologia, 33 , 1047, 1995.

14 G. Schlaug et al., Science, 267 , 699, 1995.

15 H.J. Neville et al., J. Cogn. Neurosci., 5 , 235, 1993.

16 M.S. Livingstone et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 88 , 7647, 1991.

17 F. Robichon et al., Revue de Neuropsychologie, 4 , 259, 1994.

18 K. Gross-Glenn et al. J. Clin. Exp. Neuropsychol., 13 , 531, 1991.

19 J.M. Rumsey et al., Arch. Neurol., 49 , 527, 1992.

20 E. Paulesu et al., Brain, 119 , 143, 1996.

21 P. Tallal et al., Science, 271 , 81, 1996.
SAVOIR
P. Rakic, « Corticogenesis in human and nonhuman primate » in M.S. Gazzaniga ed. The Cognitive Neurosciences , Cambridge Mass, The MIT Press, 1995.

M. Habib et F. Robichon, « La lecture : un modèle en neurologie cognitive », Médecine/Science, 1996.

M. Habib et A. M. Galaburda, « Fondements neuroanatomiques et neurobiologiques du langage », in X. Séron et M. Jeannerod eds, Neuropsychologie humaine, Liège, Pierre Mardaga, 1994.

J.-F. Démonet, « Studies of language processes using positron emission tomography », in F. Boller et J. Grafman eds, Handbook of Neuropsychology, vol. 10 , Amsterdam, Elsevier, 1995.

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Le diabète de type 2 programmé avant la naissance

 

Le diabète de type 2 programmé avant la naissance
Marine Cygler dans mensuel 463


L'alimentation d'une femme avant et pendant sa grossesse a-t-elle des conséquences sur le risque pour sa descendance de développer une maladie à l'âge adulte? Les indices s'accumulent.
Le diabète de type 2 est aujourd'hui un important problème de santé publique. Près de 300 millions de personnes en seraient atteintes dans le monde. Cette maladie se manifeste le plus souvent après 45 ans par un taux trop élevé de glucose dans le sang, dû à une résistance des cellules à l'action de l'insuline, hormone pancréatique qui régule l'utilisation du sucre.

Pour l'équipe de François Fuks, de l'université libre de Bruxelles, il n'y a plus de doute : des modifications épigénétiques dans les cellules du pancréas qui produisent l'insuline sont associées à la maladie. En comparant, avec des collègues belges, italiens et allemands, les chromosomes de cinq personnes diabétiques et de onze non diabétiques européennes, ils viennent en effet de montrer qu'il existe des différences marquées entre les diabétiques et les autres dans la présence de groupements chimiques méthyles (voir « Les marqueurs de l'épigénétique », p. 44) sur les séquences d'ADN de ces cellules [1].

Ils ont ensuite vérifié que, en culture, des cellules pancréatiques de personnes non diabétiques soumises à des concentrations élevées de glucose ne se transformaient pas en cellules de diabétiques. Cela laisse supposer que les modifications épigénétiques sont, au moins en partie, à l'origine du diabète, et non pas une conséquence de celui-ci. En outre, ces modifications ne sont pas présentes dans les cellules sanguines des diabétiques. Se seraient-elles mises en place très tôt dans la vie des diabétiques, lors de la différenciation des types de cellules au cours du développement embryonnaire de ces futurs malades ? On tiendrait là alors une base biochimique aux données accumulées depuis une vingtaine d'années par des épidémiologistes.

Plusieurs études montrent en effet que, à côté de la mauvaise alimentation, de la sédentarité et de gènes de susceptibilité transmis par les parents, l'environnement de la vie foetale, et notamment l'alimentation maternelle pendant la grossesse, voire avant celle-ci, jouent un rôle dans l'apparition du diabète de type 2 à l'âge adulte. Les modifications épigénétiques, concernant par exemple les méthylations, expliqueraient que les effets de l'environnement soient fixés durablement dans l'organisme. Si durablement même que ces modifications semblent transmises à travers les générations.

Poids de naissance
Les premières observations liant les conditions de gestation et le déclenchement d'un diabète de type 2 à l'âge adulte ont été réalisées dans les années 1980 par David Barker, de l'université de Southampton, au Royaume-Uni. Il s'est fondé pour cela sur des données médicales collectées systématiquement dans le comté anglais de Hertfordshire, entre 1911 et 1948. Notamment, le poids de naissance de tous les enfants avait été enregistré, ainsi que leur poids à un an.

Avec ses collègues, ils ont recherché les hommes nés dans ce comté entre 1920 et 1930, et qui y vivaient toujours. Puis ils ont soumis 370 d'entre eux, d'une moyenne d'âge de 65 ans et qui n'avaient pas de diabète connu, à des analyses sanguines afin de mesurer leur tolérance au glucose. Résultat : les individus régulaient d'autant plus difficilement la concentration de glucose dans leur sang que leur poids de naissance (et leur poids à un an) était faible [fig.1] [2]. Ceux qui avaient eu les plus petits poids de naissance avaient trois fois plus de risques que les plus gros d'être résistants à l'insuline. David Barker a ensuite confirmé cette tendance sur une population finlandaise de personnes nées entre 1925 et 1933.

En France, à la lecture de ces résultats, des pédiatres de l'hôpital Robert-Debré, à Paris, et de l'Inserm ont décidé de mener une étude sur des populations plus jeunes. Ils ont pour cela eu recours aux données collectées dans la « cohorte de Hagueneau » : à l'instigation d'Émile Papiernik, de l'Inserm, des données médicales très complètes avaient été recueillies sur les conditions de grossesse et sur l'état de santé de plus de 27 000 enfants nés dans la ville alsacienne d'Hagueneau entre 1971 et 1985.

À partir de 1994, les chercheurs ont sélectionné dans cette cohorte 734 enfants nés à terme avec un petit poids, et 886 enfants constituant le groupe « témoin » de comparaison. Ils ont ensuite, pendant près de deux ans, recherché où habitaient ces enfants. Puis ils leur ont proposé de se rendre à une visite médicale à l'hôpital d'Haguenau.

Ces jeunes adultes, d'une moyenne d'âge de 22 ans, étaient tous en bonne santé. En particulier, aucun ne souffrait de diabète de type 2. Toutefois, ceux qui avaient un petit poids de naissance présentaient deux fois plus souvent des troubles de la glycémie que le groupe témoin. Certains présentaient même déjà des signes d'insulinorésistance, une des caractéristiques du diabète de type 2.

Huit ans après, en 2009, les mêmes groupes ont été invités à passer un second examen médical. Ceux nés avec un petit poids n'étaient toujours pas particulièrement malades, mais les signes d'insulinorésistance au sein de ce groupe s'étaient accentués par rapport au groupe témoin. La proportion de personnes en surpoids ou obèses était également plus importante.

« On voit bien, avec ce type d'étude, qu'au cours de la vie foetale, il s'est passé quelque chose qui se poursuit au cours des années, et qui a un effet sur le devenir des individus », explique Marie-Aline Charles, épidémiologiste à l'Inserm. Elle indique aussi que d'autres études mettent en évidence un lien entre une suralimentation maternelle ou un diabète maternel pendant la gestation et la survenue de diabète chez l'enfant à l'âge adulte. « Aujourd'hui, ce ne sont plus les famines qui prévalent mais bien l'abondance. On considère qu'un quart des femmes en âge de procréer sont en surpoids ou obèses », souligne Claudine Junien, de l'INRA.

Marie-Aline Charles va, elle, explorer plus avant le rôle de l'obésité paternelle sur l'état de santé des enfants, au cours de l'étude Elfe, dont le recrutement vient de s'achever. Car si le rôle de l'alimentation maternelle commence à être bien documenté, on commence aussi depuis peu à s'intéresser aux pères. Quelques études ont en effet montré qu'ils auraient, eux aussi, une responsabilité dans le phénomène de programmation foetale du diabète.

L'une d'elles a été menée en 2005 par Lars Olov Bygren de l'université d'Umea, en Suède. Il s'est s'intéressé à Överkalix, village isolé du nord du pays, dans lequel les registres paroissiaux, parfaitement tenus, consignent les périodes de bonnes et de mauvaises récoltes. Avec Marcus Pembrey, de l'Institut de la santé de l'enfant de Londres, ils ont étudié plusieurs centaines d'hommes sur trois générations, dont la première était née à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Ils ont ainsi découvert que l'alimentation des grands-pères avait des retentissements sur la santé de leurs petits-enfants [3].Les petits-fils d'hommes ayant vécu des périodes de très bonnes récoltes ou au contraire de famines pendant leur prépuberté présentent quatre fois plus de risques que la population générale de mourir d'un diabète, alors même qu'ils n'ont pas eux-mêmes vécu de telles périodes de pénurie ou d'abondance.

Cohorte de la faim
Comment expliquer cette observation qui vient en parfait écho de ce que l'on connaît chez les mères ? « Il semblerait que les aliments consommés par le futur père soient à l'origine de modifications au niveau des spermatozoïdes », commente Marie-Aline Charles. La prépuberté est en effet la période de la vie à laquelle commence la spermatogenèse.

Cette étude ne se contente pas d'éveiller les soupçons sur l'impact de l'alimentation paternelle. Elle laisse aussi penser que les éventuelles transformations épigénétiques liées à l'alimentation des parents seraient transmissibles sur plusieurs générations.

C'est également ce que semble indiquer l'étude de la « cohorte de la faim », aux Pays-Bas. À l'hiver 1944, le régime nazi impose une restriction alimentaire à la population d'Amsterdam : rien n'entre dans la ville, et les habitants y meurent de faim. Les filles nées de mères affamées pendant cette période sont étudiées depuis 1994 par Tessa Roseboom, aujourd'hui au Centre médical académique d'Amsterdam. Comme on pouvait s'y attendre au vu des résultats précédents, les femmes exposées à la famine durant la gestation ont plus de risques que la population générale de développer un diabète de type 2. Mais c'est également vrai pour leurs filles qui, elles, n'ont pas connu la famine.

En outre, Tessa Roseboom et ses collègues ont récemment commencé à rechercher des marques épigénétiques dans cette « cohorte de la faim ». Leurs premières analyses sur trois générations de femmes montrent que celles qui souffrent de diabète de type 2 présentent des modifications épigénétiques sur leurs chromosomes. Et que ces marques se conservent au fil des générations. Ces biologistes seront sans nul doute très intéressés par les résultats sur les cellules du pancréas obtenus par François Fuks et ses collègues.
L'ESSENTIEL
- PLUSIEURS ÉTUDES épidémiologiques montrent que la malnutrition de la mère pendant la grossesse augmente le risque que l'enfant développe un diabète de type 2 à l'âge adulte.

- CETTE AUGMENTATION du risque dépendrait aussi de l'alimentation du père avant la conception.

- ELLE SERAIT TRANSMISSIBLE à travers les générations, fixée par des modifications épigénétiques des chromosomes.
L'IMPACT ÉPIGÉNÉTIQUE DE LA SOUS-NUTRITION MATERNELLE
Des souris sous-nutries pendant la gestation et la lactation donnent naissance à des petits dont le métabolisme est perturbé, à cause de modifications épigénétiques. C'est le constat dressé en septembre 2011 par l'équipe de Pierre Fafournoux, de l'INRA de Clermont-Ferrand [1]. « Nous avons étudié des mâles adultes nés de femelles carencées en protéines pendant la période périnatale, explique le biologiste. Nous avons constaté qu'ils pèsent moins lourd et ont moins de tissu adipeux que ceux nés de mères nourries normalement. Alors qu'en proportion de leur poids, ils mangent davantage ! » Cela montre que leur balance énergétique, autrement dit la quantité d'énergie extraite de la nourriture absorbée, est modifiée. Les biologistes se sont alors intéressés à la leptine, l'une des principales hormones impliquées dans la régulation de la balance métabolique. Résultat : la quantité de leptine circulant dans le sang est moindre chez les animaux nés de mères sous-nutries. Toutefois, après un repas, ils en produisent davantage que les animaux nés de mères nourries normalement. Cela signifie que la dynamique d'expression du gène codant la leptine est modifiée. Pourquoi ? Parce que le promoteur du gène, autrement dit la région qui régule son expression, porte des marques épigénétiques différentes chez les petits de mères sous-nutries : il est moins méthylé que chez ceux nés de mères nourries normalement. « Nous avons donc fait le lien entre un régime maternel, le phénotype de la progéniture et une marque épigénétique », conclut Pierre Fafournoux.

[1] C. Jousse et al., FASEB J., 25, 3271, 2011.


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