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L'IDENTITÉ GÉNÉTIQUE

 

 

 

 

 

 

 

L'IDENTITÉ GÉNÉTIQUE

Conférence du 4 janvier 2000 par Antoine Danchin. Deux lois fondamentales régissent la génétique. La première est la conservation de la mémoire. Elle est permise par la structure de la molécule d'ADN, support de l'information génétique. Celle-ci est constituée de deux brins en vis-à-vis utilisant la complémentarité des bases deux à deux. Il est donc possible de recopier l'information en séparant les deux brins pour leur associer à chacun un nouveau brin complémentaire. Cette réplication est indépendante de la signification de l'information recopiée. La seconde loi correspond à l'existence d'un code génétique. Il s'agit d'une règle de correspondant entre deux niveaux, les acides nucléiques et les protéines. Les mécanismes de copie de l'information génétique font des erreurs qui créent des formes non identiques sur lesquelles la sélection exerce un tri passif. Il n'y a pas survie du plus apte mais simplement élimination du moins apte. Le concept de fonction est central. Toute fonction est issue d'une évolution et contrainte par une structure. La genèse des fonctions a lieu de façon opportuniste à partir de moyens préexistants.
L'évolution va donc créer de nouvelles fonctions en capturant des structures déjà utilisées pour d'autres fonctions. Le but de tout organisme est d'occuper le plus de place possible. La première solution consiste à se dupliquer. Comme des variants apparaissent il faut ensuite cohabiter avec l'autre. La première réaction est de chercher à l'éliminer. Des sondes, des capteurs ont ainsi été créés pour déterminer si l'autre est identique ou différent de soi-même. Des relais sont ensuite activés jusqu'à la fabrication et la libération dans l'environnement d'une substance ou antibiotique qui puisse tuer l'autre. D'autres interactions entre les organismes peuvent être la coopération, le parasitisme ou la création d'organismes multicellulaires. L'ordre des gènes sur les chromosomes n'est pas innocent. Ainsi, il existe pour les gènes du développement une correspondance entre l'ordre des gènes et la disposition des parties du corps de l'animal qu'ils induisent. L'ordre tête, thorax, abdomen puis queue est ainsi respecté.

Texte de la 4ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 4 janvier 2000 par Antoine Danchin
Lidentité génétique
Il y a 3000 ans en Grèce, les gens interrogeaient loracle de Delphes, la Pythie, sur leur avenir. Elle leur répondait par des questions énigmatiques. Lune delles était la suivante : Jai une barque faite de planches et les planches susent une à une. Au bout dun certain temps, toutes les planches ont été changées. Est-ce la même barque ? Clairement, le propriétaire répond oui, avec raison : quelque chose, ce qui fait que la barque flotte, sest conservé, bien que la matière de la barque ne soit pas conservée. Puisque toutes les planches ont été changées et que la nature même du bois peut avoir été différente, il y a dans la barque plus que sa simple matière.
Pourquoi choisir cette image, cette question pour parler de la vie ? Il est essentiel de concevoir le vivant et la biologie comme une science des relations entre objets plus quune science des objets. Il sagit de découvrir la forme de ces relations : connaître simplement les objets, disséquer lanimal, ne suffit pas si lon na pas compris les relations entre les objets.
Un ensemble de relations entre objets, cest une propriété abstraite, comme le plan de la barque est abstrait par rapport aux planches qui la composent. Pour comprendre la biologie, il faudra donc un effort dabstraction et considérer d'abord un certain nombre de processus et de lois.
Les processus qui font que les organismes vivent sont au nombre de quatre. Le premier est le métabolisme. Il ny a pas dorganismes vivants dans lesquels il ny ait transformation dobjets en dautres objets, essentiellement des petites molécules ou de plus grosses molécules, transformées les unes dans les autres. Bien quil existe un état quon puisse appeler la dormance, entre la vie et la mort - cest létat de la graine ou létat de la spore du champignon ou de la bactérie - on ne pourra définir lorganisme comme vivant quau moment où son métabolisme se sera réveillé, où l'on aura vu ces changements dobjets les uns dans les autres. Cest la nature même du métabolisme de créer des relations et de les manipuler.
La deuxième caractéristique des organismes vivants est la compartimentation. Lélément de base de la vie, la cellule, est faite dun intérieur et dun extérieur. La vie a deux stratégies dorganisation de la compartimentation : ou bien on a des cellules uniques avec une enveloppe plus ou moins compliquée, qui doivent vivre dans un environnement extrêmement varié auquel elles doivent rapidement sadapter ce qui correspond à la plupart des microbes que nous connaissons. La deuxième stratégie, cest au contraire de multiplier les membranes et les peaux, jusquà nos vêtements, pour isoler autant que possible le milieu intérieur du milieu extérieur.

A ces deux stratégies de compartimentation sont associées des stratégies de mise en mémoire de quelque chose qui va se transmettre de génération en génération et qui va exprimer la règle de construction des organismes vivants: le génome. Le support physique du génome est formé dune famille de molécules constituées de motifs chimiques de base simples : seulement quatre types différents, enchaînés à la suite comme les lettres de lalphabet sont enchaînées pour construire les phrases d'un livre.
On peut décrire une partie majeure de ce qui fait la vie des organismes par un processus de mémoire qui est la transmission dun premier texte, celui du génome d'une part, et d'autre part la traduction de ce texte en un autre, destiné à mettre en Suvre concrètement le contenu du premier. Le fait davoir le texte du génome, puis ensuite un second texte, ouvre des possibilités extraordinaires à la vie. Ce premier texte est fait dune classe de molécules, les acides nucléiques d'où le nom de l'acronyme ADN, pour "Acide DésoxyriboNucléique", formé de quatre motifs de base enchaînés les uns à la suite des autres. Mais ce texte est un texte de recettes, qui ne suffit pas, seul, à faire fonctionner un organisme vivant. Il faut mettre en Suvre la recette. Un deuxième type dobjets dans les organismes vivants, les protéines, correspond aussi à l'enchaînement déléments de base, mais, cette fois-ci, ces éléments sont au nombre de vingt : les acides aminés. Il existe une correspondance entre cette mémoire, les acides nucléiques, et ces objets, les protéines, qui servent à la construction architecturale des cellules, à la manipulation de toutes les règles de contrôle ou aux règles du métabolisme.
Ces quatre processus (métabolisme, compartimentation, mémoire et manipulation) doivent obligatoirement fonctionner ensemble pour construire un organisme vivant. Si l'on choisit ces éléments comme nécessaires à la définition de la vie, les virus, par exemple, ne sont pas des organismes vivants : ils ont la propriété de mémoire, de compartimentation, quils acquièrent de la cellule-hôte, mais ils sont incapables de métabolisme et de manipulation. Les virus sont donc des parasites de mémoire purs. La même image de parasites purs de la mémoire est apparue en science des calculateurs électroniques où l'on a des morceaux de programmes qui se promènent dans les ordinateurs et peuvent avoir comme propriété de se répandre en se multipliant eux-mêmes, si possible à lidentique, et en se propageant. Une nouvelle idée apparaît ici, liée à cette idée de mémoire, celle de programme.
A ces quatre processus sajoutent deux lois. Une première loi permet de conserver la mémoire. Cette mémoire est sous forme de son support matériel, double ; elle est faite de deux éléments complémentaires, comme le sont le positif et le négatif photographique, l'un contre lautre, qui permettent, lorsquon les sépare, de reconstituer entièrement l'un à partir de lautre. Wilkins, Watson et Crick ont découvert en 1953 la structure de lacide désoxyribonucléique, une double hélice formé de deux brins complémentaires, ce qui a permis de comprendre comment on pouvait conserver à lidentique un enchaînement de motifs chimiques au cours des générations. On a ici une règle de complémentarité, la première loi de la génétique, qui permet de spécifier entièrement un morceau de texte par lautre texte et cela de façon symétrique.

Cette première loi explique la transmission de l'hérédité au cours des générations, mais la deuxième, beaucoup plus importante et plus abstraite, explique les propriétés innovantes des organismes vivants. Il faut en effet passer de la mémoire à la manipulation, des acides nucléiques aux protéines. Il y a là un processus de traduction. Un premier texte, écrit dans un alphabet à quatre lettres, avec une langue dun certain type fondée sur une chimie spéciale, passe à des morceaux de texte écrits dans un alphabet à vingt lettres, fondée sur une chimie totalement différente. La règle de passage de lun à lautre sappelle le code génétique. Il faut ici une mise en garde. Les journaux affirment souvent : On va déchiffrer le code génétique de tel ou tel organisme. Mais il s'agit là d'une erreur. Le code génétique, cest la même chose que le code quutilisent les enfants pour leurs messages secrets, une règle pour transposer un texte en un autre texte. Il ne s'agit pas du programme de construction des organismes, du programme génétique. Ce code génétique est universel, identique des bactéries à lhomme, ce qui fait qu'on peut prendre des morceaux de mémoire, de programme venant de lhomme, par exemple, et le mettre dans une bactérie et faire produire des protéines humaines par des bactéries. Ce code, cette règle de correspondance entre un niveau et un autre, cest ce que les services secrets appellent le chiffre ou cipher en anglais.

La transposition dun niveau à lautre par un code est originale : lorsquon peut transposer un texte dune langue dans une autre, et lautre étant à la tête dobjets manipulateurs, ces objets peuvent évidemment manipuler le texte de départ. Cela crée une boucle particulière qui permet, par le texte lui-même, de spécifier ce quil reproduira. Le texte peut faire appel à soi-même pour pouvoir engendrer sa descendance. Il peut aussi, comme le font les programmes dordinateur, spécifier tel ou tel type de manipulation dans des environnements variés. Ce fait davoir deux niveaux qui se correspondent à travers un code a une conséquence originale : un système de ce genre peut être parfaitement déterminé, déterministe, et cependant parfaitement imprévisible. Cest surprenant parce que nous avons encore limage des horloges du XVIIIe siècle où lon peut, connaissant létat initial du système, savoir où sera laiguille dans un certain temps, si on connaît la mécanique. Or, les organismes vivants sont ces systèmes matériels qui, en face dun avenir imprévisible, sont construits pour construire de limprévu. Cest fondamental, et cela se manifeste sans avoir besoin de renoncer au déterminisme : on na pas besoin dimaginer pour que se produise de l'imprévu, que le système ait une grande sensibilité à des conditions initiales ou des chose de ce genre. En fait, lidée même davoir une mémoire, l'aptitude à la manipulation et un code entre les deux permet ce genre de propriétés remarquables.
Une première fonction biologique est celle quon appelle la réplication, elle applique la loi de complémentarité : à chacune des quatre lettres du premier texte correspondent quatre lettres du deuxième texte. Cest une règle qui recopie un texte, sans se soucier du contenu sémantique, du sens de ce qui est recopié : on peut fabriquer nimporte quel morceau dADN, ajouter de lADN artificiel, il sera recopié tel quel.

La deuxième fonction, qui correspond au code génétique, se déroule en deux étapes : un premier recopiage dun texte écrit avec un alphabet à quatre lettres dans un autre alphabet à quatre lettres légèrement différent, puis passage à lalphabet à vingt lettres des protéines. Là se fait le changement qui permet, à partir du texte du programme, de fabriquer des objets manipulateurs qui vont manipuler le programme lui-même.
Dans ce type de situation, avec cet ensemble de règles, donc quatre processus et deux lois, dont la loi du code génétique, comment les organismes vivants vont-ils vivre, exister, évoluer ? Il existe en biologie un concept central lié à lidée de relation entre objets, cest le concept de fonction, que vous trouvez peu ou pas en chimie ou en physique. Lorsquon parle dun objet biologique, on sinterroge immédiatement sur sa fonction. Cet objet existe, va réaliser une action, dirigée dans une certaine orientation avec lapparence dun but, dune finalité. Tous les organismes vivants et les objets du vivant sont placés dans un contexte dans lequel, au sein de procédés particuliers de leur expression, de leurs actions, il y a une orientation vers une apparence de but.
On pourrait penser quil y a une vision extérieure à la vie qui lui impose une orientation et un but particulier; et que les organismes vivants sont des systèmes matériels dirigés par lextérieur vers une certaine finalité. Cela a été dit par un grand nombre de pensées religieuses, par exemple, avec une logique interne tout à fait compréhensible. Mais ce nest pas nécessaire ; en réalité, la façon dont les organismes vivants procèdent pour se créer des buts et capturer les objets qui vont permettre davoir les fonctions satisfaisant à ces buts est particulière. Elle a été résumée par François Jacob sous le nom de bricolage . Cest une aptitude à lopportunisme, à faire feu de tout bois, qui fait que les organismes vivants évoluent systématiquement en découvrant, à partir de ce dont ils disposent (puisquils ne peuvent pas créer quelque chose dont ils ne disposent pas), des fonctions nouvelles. Ce qui est particulier dans la vie, cest dêtre capable, à partir de nimporte quoi, de créer des fonctions nouvelles.
Une métaphore permet dillustrer les découvertes récentes et fascinantes sur les fonctions des organismes vivants. Cest lété. Je suis assis à mon bureau. Mon bureau est couvert de papiers. La fenêtre est ouverte derrière moi et je lis un livre. Tout dun coup, le vent se lève. Si les papiers senvolent et se mélangent, ce serait une catastrophe pour moi. Donc, je prends le livre et je le pose sur les papiers. Ce livre vient de découvrir une nouvelle fonction, différente de celle quil avait quand jétais en train de le lire : il est, parce quil est un parallélépipède lourd, un presse-papier. De la même manière, les structures des objets biologiques sont capturées au cours du temps, de façon systématique. Ce qui veut dire dailleurs que, si je découvre le livre et que je dis : Ceci est un livre , je peux me tromper parce que, dans ce contexte particulier, ce nest pas un livre mais un presse-papier. On parle en ce moment des programmes de séquençage de génomes, par exemple, où l'on vous dit quon va avoir des morceaux de texte génomique, dont on va identifier la fonction : Ceci correspond à telle séquence , et l'on dira la fonction. Il s'agit là d'une erreur, liée à lillusion que connaître une collection d'objets suffit à comprendre la biologie.

En fait, les organismes vivants évoluent de la façon suivante. Ce sont des systèmes matériels qui, parce que nous sommes à la température de surface de la Terre, sont soumis aux contraintes thermiques : à cause de ces contraintes, aucun procédé physico-chimique ne peut donner une reproduction strictement identique de ce quil était. Il y a donc des variations au cours de la réplication. Lorsque les organismes vivants produisent de nouveaux organismes vivants qui leur ressemblent, ces nouveaux organismes ne sont pas strictement identiques à lorganisme de départ. Ils sont par ailleurs soumis à des environnements qui, eux, vont choisir, parmi ces variants, certains dentre eux. Cest la sélection, mais cette sélection est un tri passif et non un mécanisme actif. Ce nest pas la sélection du plus apte, comme le disait Spencer, parce quil ny a pas de plus apte. Personne ne sait qui pourrait être le plus apte. Cest dans telle circonstance, à tel moment particulier, que tel organisme a pu survivre, et cest cette survie qui lui a permis dêtre sélectionné. Cest un tri passif, une simple élimination du totalement inapte.
La capacité damplification est le deuxième point fondamental chez les organismes vivants. Si vous faites une expérience de chimie ou même de physique nucléaire et que vous faites des dégâts quelque part, les dégâts sarrêtent et diffusent au cours du temps en diminuant sans cesse. Si vous faites la même chose avec des organismes vivants, ces organismes sont susceptibles de samplifier, de se multiplier, et le cas échéant daugmenter fortement les problèmes quils ont posés. C'est ce qui explique l'inquiétude spontanée du public vis à vis des organismes génétiquement modifiés. Mais il y aurait là matière à développement : le naturel est toujours beaucoup plus dangereux que lartificiel, car il est pré-adapté. Les événements liés au sang contaminé le montrent : le sang est pré-adapté à lhomme et, par conséquent, potentiellement extrêmement dangereux.

Revenons à la genèse des fonctions. Létude de la transparence du cristallin de lSil permet de comprendre comment se créent des fonctions. Le cristallin permet cela vient difficile à partir de 50 ans daccommoder et davoir une image sur la rétine de notre environnement. Cela suppose un ensemble cellulaire, le cristallin, fait de couches cellules, empilées un peu comme des pelures d'oignon, qui s'accumulent au cours de la vie. Cest la raison pour laquelle le cristallin devient de plus en plus gros et de plus en plus difficile à contracter quand on vieillit. Ces cellules ont la particularité dêtre transparentes. Lorsquon a commencé à étudier les protéines, donc ces objets manipulateurs évoqués un peu plus tôt, à lintérieur du cristallin, on sest aperçu que certaines dentre elles sont très concentrées et donc relativement faciles à purifier, à identifier. On les a appelées cristallines et on a étudié leurs propriétés physico-chimiques. On sest aperçu quelles ont la transition vitreuse : elles sont suffisamment désordonnées pour ne pas privilégier une direction particulière de la lumière. Elles se comportent exactement comme le verre.

Puis sont venus des programmes de séquençage. On a commencé par séquencer des gènes individuellement avant de séquencer les collections de gènes que représente le génome. On a commencé à regarder une de ces cristallines et on sest aperçu quon la connaissait déjà, quelle ressemblait, à sy méprendre, à quelque chose qui navait rien à voir, une enzyme, par exemple, une lactate déshydrogénase, qui a une activité métabolique particulière. On l'a mise en présence du substrat du métabolisme en question et on sest aperçu que cest une enzyme, mais qui marche dans lSil non pas avec cette fonction denzyme, mais avec la fonction : Je suis transparente quand je suis concentrée. On a aussi découvert autour de ces cristallines dautres protéines, les chaperons moléculaires . Ce sont des protéines qui jouent le rôle déchafaudage, qui permettent de remettre en forme des objets qui se sont défaits, qui ont perdu leur forme. Ils ont été appelés chaperons parce quils accompagnaient comme les chaperons les protéines quon purifiait, on les trouvait toujours associés à ces protéines. Ces chaperons moléculaires ont cette particularité de permettre la remise en forme des protéines dénaturées, ce qui a un intérêt considérable pour lSil. Au cours de lâge, nous risquons tous dêtre atteints de cataracte. LSil perd sa transparence car les cristallines, au cours du temps, se dénaturent et les chaperons moléculaires ne fonctionnent pas toujours assez bien pour les renaturer. Mais si on y réfléchit, pendant la durée dune vie humaine, un objet soumis au rayonnement que nous avons dans les yeux reçoit des quantités énormes de rayons ultraviolets qui dénaturent en permanence les protéines du cristallin : sans ces chaperons, la cataracte apparaîtrait beaucoup plus tôt. On sest aperçu quil y avait beaucoup dautres éléments que ces protéines et ces chaperons moléculaires. Or, dans un tout autre domaine, des chercheurs ont découvert que, lorsque des cellules sont soumises à un choc thermique, ce qui est fréquent, la plupart des protéines réagissent mal. Un ensemble particulier de protéines sert de remède à cette situation difficile. Au cours de lévolution, les cristallins se sont inventés une première fonction, en capturant la fonction dun ensemble de protéines, les protéines de résistance aux chocs (au choc thermique ou au choc acide, dans un très grand nombre de cas). Cet ensemble contient un certain nombre de protéines, qui sont justement les protéines quon trouve dans le cristallin, et évidemment ces chaperons moléculaires. Dans une cellule de peau, par exemple, vous avez ces protéines. Si vous vous brûlez, elles vont être mises en jeu, parce quon a un système de contrôle qui va décider immédiatement : il faut faire la synthèse de ces protéines, puis larrêter. Dans le cristallin, la perte du système de contrôle la rendu ce quon appelle constitutif, cest-à-dire quil marche en permanence. Cest donc la perte du système de contrôle qui a en permanence rempli la cellule dun certain jeu de protéines. En général, cela na pas dintérêt. Il se trouve que, pour un cristallin, cest-à-dire un organe situé au dessus d'un ensemble de cellules sensibles comme la rétine, cela a un intérêt. On voit comment au cours de lévolution, on a sélectionné, capturé cest exactement lhistoire du livre presse-papier ce type de fonction. Mais la transparence peut avoir dautres fonctions. Un petit poisson dans leau est mangé, en général par un prédateur. Si, par chance, un certain nombre daccidents génétiques ont fait que certaines de ses cellules, dans un ensemble collectif suffisant, ont exprimé en permanence cet ensemble de protéines, tout dun coup il devient transparent, sauf son squelette. On a là le même type de capture d'une fonction préexistante, mais pour une fonction tout à fait différente, le déguisement.
Un dernier exemple permet de reconsidérer limage mécaniste que nous avons de la vie en général et de lhomme en particulier.

Beaucoup de gens sinquiètent avec raison de lusage quon peut faire du programme de séquençage du génome humain. En particulier, il est évident quidentifier les caractéristiques génétiques permet de dresser une carte dun certain nombre de propriétés générales des individus et permet den faire une classification. On peut domestiquer lhomme comme on domestique les animaux. On peut sinquiéter, mais heureusement, d'une certaine manière, cest une absurdité. Lidée de connaître un génome et de prédire le destin des individus supposerait quil y ait une correspondance mécanique entre la nature du génome et la nature de lindividu. Or, le mécanisme qui fait que les fonctions capturent des structures est imprévisible, par construction. La situation particulière durgence dans laquelle va être placé un individu, qui fera que la descendance de cet individu aura survécu parce quelle aura trouvé telle solution, est imprévisible. La sélection des nouvelles fonctions, cest-à-dire à la fois leur création et leur sélection, est complètement impossible à prévoir.

Lidée même deugénisme na pas de sens. On peut avoir lidée de faire des gens extrêmement agressifs : on fait des chiens extrêmement agressifs, des grands, des petits, des poilus, aucune problème. Mais décider de ce qui fait lhumanité de lhomme, de ce qui fait, en particulier, ses capacités créatrices ou de ce quil serait un homme meilleur, un homme idéal, est une absurdité parce que cest, par construction, impossible. Un exemple permet dillustrer cette absurdité.
Lorsque la vie est apparue, il y a 3 milliards 800 millions dannées à peu près, la Terre était vaste et peu occupée par des organismes vivants. Les premiers organismes ont eu énormément de place pour se multiplier. Ils navaient pas à prendre en compte les autres. Le but des organismes vivants est le même que le but de tout système physique : occuper le plus possible despace et détat, occuper tout, avec les moyens dont ils disposent. Un moyen rapide, cest de faire un autre soi-même, de se multiplier. Mais cela ne dure quun temps, car tout dun coup, il faut commencer à prendre en compte lautre. La manière brutale et habituelle, efficace au premier degré, cest de sen débarrasser, le manger et prendre sa place. La première fonction à créer est une sonde, un capteur qui vous dit : Cet autre me ressemble ou ne me ressemble pas. Deuxième fonction : il va falloir utiliser ce capteur pour tuer lautre. Le capteur doit avoir des relais, qui doivent contrôler la synthèse d'un certain nombre de produits toxiques qui vont être ensuite libérés dans lenvironnement de façon à détruire lautre, qui va ensuite être mangé. Ce sont des antibiotiques, inventés ainsi par les bactéries extrêmement tôt. Il y en a dailleurs une grande variété. Cependant la bactérie qui produit les antibiotiques a des petits problèmes, puisquil ne faut pas quelle se tue elle-même. Il faut quelle crée un système dimmunité contre ses propres missiles. Cest un système qui existe, extrêmement répandu dans la nature. Voilà un premier ensemble de fonctions : capteurs, cascade de régulations, sécrétions, immunité. Ensuite, petit à petit, dans la prise en compte de lautre, il y a la coopération, le parasitisme, des relations déquilibre face aux prédateurs, toute une variété de possibilités ; mais il y en a une qui a été inventée plus tard, probablement il y a un milliard dannées, qui est de se mettre ensemble, cest-à-dire faire des organismes multicellulaires. Là se créent de nouvelles fonctions. Créer un organisme multicellulaire amène des contraintes particulières dans lenvironnement, quil faut gérer. Il faut éventuellement une tête, une queue, il y a des problèmes de symétrie, toute une série de problèmes nouveaux à régler pour lesquels il faut inventer des fonctions.

Ainsi petit à petit se sont créés des organismes de plus en plus compliqués, jusqu'aux insectes ou à lhomme. Dans le cas des insectes, par exemple, on sest interrogé récemment sur la façon dont les insectes résistent aux microbes. Ont-ils un mécanisme de défense ? On a injecté des microbes dans les insectes ; quand on injecte un champignon à la mouche drosophile, il se crée une cascade du type juste décrit : un capteur reconnaît le champignon, crée son antibiotique, quon a appelé, de façon appropriée, la drosomycine. On a par ailleurs, au cours des analyses de gènes et de génome, la possibilité de reconnaître les gènes assez facilement : aussi, lorsquon a un produit, lorsquon a une cascade dévénements de ce genre, on peut repérer les gènes correspondants et savoir quels ils sont, où ils se trouvent dans les chromosomes et repérer lensemble de la mécanique correspondante. Or, on sest aperçu quon connaissait déjà cette cascade particulière de résistance. Elle avait été découverte ailleurs, dans un contexte différent, avec une fonction différente. Il sagit dune cascade qui est éveillée transitoirement au cours de la différenciation de lembryon de la larve de la mouche pour en déterminer laxe dorso-ventral, cest-à-dire la position du dos par rapport à la position du ventre. Cette cascade, ce très ancestral mécanisme de fabrication dantibiotiques, a été capturé par les organismes multicellulaires pour déterminer la forme lindividu ! Extrapolons : nous avons des systèmes immunitaires ; si nous survivons aujourdhui, ce nest pas à cause de notre intelligence mais simplement parce que nos ancêtres ont résisté à la peste, au choléra et à la variole. Nous avons un grand ensemble de systèmes immunitaires fonctionnels. On peut alors imaginer que le fait aujourdhui dêtre mis en face dune nouvelle maladie décide de la forme de nos descendants futurs ! C'est typiquement cela qui interdit toute idée possible de pensée eugénique.
Quelques éléments encore nous montreront comment se construisent les organismes vivants. Lordre des gènes dans les chromosomes, le génome, nest pas un hasard, mais est directement lié à larchitecture de la cellule, cest-à-dire quil y a un lien entre la forme du programme et la forme de la cellule. Cela est connu depuis un certain temps chez les organismes multicellulaires. Chez les insectes, on saperçoit que les gènes qui contrôlent les différents éléments du corps sont ordonnés exactement dans le même ordre, de la tête à la queue. Si on prend, par exemple, un de ces gènes et quon le déplace à un autre endroit, on va déplacer les organes correspondants. On peut faire des mouches dans lesquelles on met une patte à la place dune antenne, simplement en déplaçant un de ces gènes. Il y a donc un programme fait de façon modulaire, qui dit séquentiellement comment se font les choses. Si vous comparez les insectes ou nous-mêmes, et les crustacés, vous verrez que le nerf central dans le dos passe sur le ventre et inversement. Chez nous, on a juste une colonne vertébrale dans le dos et tout reste dans le ventre. On sest aperçu que cétait effectivement le même plan chez les crustacés, mais quil y avait deux gènes qui étaient inversés, ce qui inverse le plan dos-ventre chez un animal comme le homard, par rapport à la mouche ... ou à l'homme.
La dernière découverte, qui fait de la mouche lun des modèles de lhomme, est que, chez certains animaux, en particulier chez les mammifères, le plan est le même que celui de la mouche drosophile, exactement dans le même ordre, mais simplement la construction de lhomme est réglée par un quatuor : au lieu dêtre une seule partition quon jouerait une seule fois, on a quatre partitions côte à côte, simultanées, qui déterminent nos segments, car nous sommes segmentés. Il suffit de regarder ses vertèbres et ses côtes pour sen rendre compte. Nous sommes segmentés, mais cela se voit moins parce que, comme dans un quatuor, la partition se déploie : nous avons ainsi des vertèbres qui deviennent tout à fait déformées, qui vont faire une tête, par exemple. On retrouve, malgré tout, à nouveau cette idée dun plan et dune organisation générale.

En résumé, on peut considérer que les organismes vivants sont construits à partir dun programme, que ce programme est très lié à larchitecture générale des organismes, mais il ne faut jamais oublier que ce programme a la particularité, par construction, même en restant strictement déterministe, de créer systématiquement de limprévu.

 

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BACTÉRIES

 

 

 

 

 

 

 

bactérie
(latin scientifique bacterium, du grec baktêrion, petit bâton)

Consulter aussi dans le dictionnaire : bactérie
Cet article fait partie du dossier consacré à la biodiversité.
Être unicellulaire, à structure très simple, dépourvu de noyau et d’organites, au matériel génétique diffus, généralement sans chlorophylle, et se reproduisant par scissiparité.

Les bactéries figurent parmi les plus anciens êtres vivants sur Terre. Elles sont constituées d'une cellule unique dépourvue de noyau : on parle de cellule procaryote (cela les distingue de tous les autres êtres vivants, les eucaryotes). Cette cellule sans noyau est entourée par une membrane doublée d’une paroi plus ou moins épaisse ; à l’intérieur de la cellule flotte le matériel génétique, composé d'une seule molécule d'ADN refermée sur elle-même en cercle. Les bactéries mesurent généralement entre 0,1 et 50 micromètres. Elles peuvent être de forme incurvée ou allongée (bacilles), sphérique (cocci), spiralée (spirilles).

Habitat
On trouve des bactéries dans tous les milieux, y compris ceux où règnent des conditions extrêmes, telles les sources chaudes (plus de 100 °C). Elles sont nombreuses dans les sols, où elles jouent un rôle essentiel de recyclage des débris végétaux et animaux, et dans les eaux douces. Beaucoup vivent aussi en symbiose avec des organismes hôtes (plantes, champignons, animaux), comme par exemple Escherichia coli dans l'intestin humain, mais d'autres sont des parasites qui provoquent des maladies.
Nutrition
Certaines bactéries captent l'énergie lumineuse (bactéries phototrophes), d'autres (les bactéries chimiotrophes) celle contenue dans des substances minérales ou des molécules organiques issues d'êtres vivants. Certaines trouvent leur nourriture directement dans le gaz carbonique de l'air ; d’autres utilisent l'azote gazeux atmosphérique, exploitent les déchets azotés, tirent l'azote de l'ammoniaque ou des nitrates du sol. Grâce à leurs modes de nutrition variés, les bactéries jouent dans la nature un rôle capital en assurant un brassage continuel de la matière entre le sol, l'atmosphère et les autres êtres vivants.
Reproduction
Les bactéries se reproduisent par simple division en deux de leur cellule (scissiparité). Elles peuvent également échanger du matériel génétique (conjugaison) pour brasser leurs gènes.
Relation avec les êtres humains
Certaines bactéries constituent des agents infectieux redoutables pour les êtres humains. De nombreuses parades sont aujourd’hui mises en place pour les contrer : vaccination, stérilisation de produits alimentaires ou de matériel, antibiotiques… etc. Mais ce sont également de précieuses alliées : au-delà du rôle primordial qu’elles jouent dans le métabolisme de nombreux êtres vivants, elles forment aujourd'hui l’un des principaux matériels de base de la recherche en génétique et sont indispensables dans de nombreux domaines industriels.

1. PARTOUT PRÉSENTES
Les bactéries constituent, par leur importance dans la biomasse, leur multiplication rapide et leur action biochimique, un groupe d'une importance capitale pour l'équilibre du monde vivant. En effet, dans un gramme de sol ou un millilitre d’eau douce, les bactéries se comptent par millions ; sur 1 cm2 de peau, elles sont entre 1 000 et 10 000 (au total, les cellules bactériennes sur et dans notre corps sont plus nombreuses que les cellules qui le constituent !).
Les bactéries, au centre du débat sur l'origine de la vie (→  évolution), accompagnent l'aventure de la Terre depuis près de 4 milliards d'années  : une bactérie fossile a été découverte dans une roche africaine datant de 3,5 milliards d'années ; des traces fossiles d'activité de cyanobactéries vieilles de 3,8 milliards d'années ont été trouvées dans la baie de Shark, à l'ouest de l'Australie ; d'autres, datant de la même époque, ont été prélevées dans des roches de la région d'Isua, au sud-ouest du Groenland.

Partout présentes (dans les sols, les eaux douces, saumâtres ou salées, l'air, les plantes, les animaux...), les bactéries jouent un rôle capital dans la transformation des éléments constitutifs de la matière vivante.

2. STRUCTURE DES BACTÉRIES

Les bactéries sont des organismes microscopiques unicellulaires qui représentent la plus simple et peut-être la première forme de vie cellulaire ; elles possèdent (et sont différentes en cela des virus) l'ensemble des mécanismes nécessaires à leur propre reproduction. Ce sont des cellules dites procaryotes. Elles se distinguent des cellules eucaryotes en ce qu’elles ne contiennent pas de noyau entouré d'une membrane séparant le matériel génétique du cytoplasme ; elles ne renferment pas non plus d'organites spécialisés comme les mitochondries et les chloroplastes.
Comme les cellules végétales, les bactéries possèdent une paroi entourant leur membrane. La structure de cette paroi permet de différencier les bactéries Gram positif (à paroi épaisse) des bactéries Gram négatif (à paroi fine).
Certaines bactéries sont mobiles, grâce à des cils et/ou des flagelles ; les autres, non ciliées, sont immobiles.

3. FORME

Les bactéries peuvent être isolées, ou rester groupées avec les individus résultant de leur scission. Elles se répartissent en trois grands ensembles de formes :
– sphériques : ce sont les coques ou cocci (coccus au singulier), qui peuvent former des chaînes, comme les streptocoques, ou bien s’agglutiner en « grappes de raisin », comme les staphylocoques ;
– incurvées : ce sont les vibrions, comme le vibrion du choléra par exemple ;
– spiralées : ce sont les spirilles ou spirochètes, à l'origine de spirochétoses (comme Treponema pallidum, agent de la syphilis, ou les bactéries du genre Leptospira).
D'autres bactéries, les mycoplasmes, sont dépourvues de parois rigides, et par conséquent n'ont pas de forme déterminée.
Ensemencées sur certains milieux, les bactéries s'y développent en colonies dont l'aspect (forme, couleur, taille) est différent selon les espèces (surface de la colonie lisse ou rugueuse, à bords réguliers ou dentelés, etc.).

4. TAILLE ET HABITAT
Mille milliards de bactéries de taille moyenne pèsent environ 1 g. La plupart des bactéries mesurent de 0,1 à 4 μm de large et de 0,2 à 50 μm de long. Une espèce, Thiomargarita namibiensis, la plus grande bactérie connue, est, avec 0,75 mm, visible à l’œil nu.
Certaines bactéries (par exemple Clostidium et Bacillus) ont des formes de résistance appelées spores (ou endospores, car elles se forment à l'intérieur du cytoplasme des bactéries), qui leur permettent de survivre à la dessiccation et pendant un certain temps à des températures élevées : elles ne meurent, ainsi, qu'après plusieurs heures à 100 °C (mais sont détruites à partir de 10 à 15 minutes à 120 °C). Elles résistent également aux désinfectants et aux rayonnements ultraviolets, mais sont détruites par les rayonnements ionisants. Il s'agit de la forme de vie la plus résistante que l'on connaisse. On en a même retrouvé dans des momies égyptiennes.
Quelques milliers d’espèces de bactéries ont pu être identifiées à ce jour dans les milieux les plus divers. Bien que dans les milieux extrêmes vivent surtout des archées, dites aussi archéobactéries (procaryotes d’origine très ancienne ressemblant à des bactéries, mais aux caractéristiques physico-chimiques très différentes), on y a également découvert quelques « vraies » bactéries. C’est le cas par exemple d’Acidothermus cellulolyticus, qui apprécie les températures supérieures à 70 °C et les milieux acides (pH autour de 5).

5. MÉTABOLISME
Certaines bactéries ont besoin d'oxygène pour vivre, elles sont dites aérobies strictes (ou obligatoires) [Bacillus, Pseudomonas…] ; d'autres ne peuvent pas survivre en milieu oxygéné, elles sont dites anaérobies strictes (ou obligatoires). Celles qui vivent en présence d’oxygène mais peuvent le cas échéant survivre sans sont dites aérobies-anaérobies facultatives. Inversement, celles qui vivent en l'absence d’oxygène mais tolèrent sa présence sont dites anaérobies-aérobies facultatives.

De nombreuses bactéries photosynthétiques (c'est-à-dire qui pratiquent la photosynthèse) sont anaérobies. Certaines puisent leur énergie grâce, par exemple, à la fermentation lactique, dans la décomposition par les enzymes de molécules organiques. D'autres bactéries fonctionnent par chimiosynthèse (synthèse de molécules chimiques). Contrairement aux bactéries photosynthétiques, les bactéries dites lithotrophes ont recours à des composés inorganiques (soufre, azote) afin d'obtenir l'énergie qui leur est nécessaire. Les sulfobactéries, qui vivent dans un milieu pauvre en oxygène, produisent du soufre, et non de l'oxygène comme les plantes vertes. Dans tous les cas, l'énergie produite est stockée sous la forme de molécules organiques.

6. REPRODUCTION

La plupart des bactéries se reproduisent de manière asexuée par scissiparité : une cellule se divise en deux cellules filles. Chez de nombreuses espèces, lorsque les conditions sont favorables, la division peut avoir lieu toutes les 20 min. Si tous les descendants survivent, la cellule initiale a donc produit au moins 500 000 nouvelles cellules au bout de 6 h ! Un tel rythme explique les capacités de prolifération des bactéries (pathogènes ou non) lorsque les conditions s'y prêtent ; il explique aussi la raison de leur utilisation dans l'industrie.

Certaines bactéries, telle Escherichia coli, pratiquent des échanges de matériel génétique : c’est le phénomène de la conjugaison, qui se rapproche d’une reproduction sexuée dans le sens qu’il permet un brassage des gènes. Une cellule dite « mâle » ou « donneuse » introduit son matériel génétique dans une cellule dite « femelle » ou « receveuse », par l'intermédiaire d'un tube de conjugaison (ce tube est à distinguer du cil ou flagelle, organe locomoteur de la bactérie). Comme dans la reproduction sexuée, les « chromosomes » bactériens (en fait des molécules d’ADN circulaires), supports du matériel héréditaire, se recombinent entre eux. Le plus souvent, un fragment entier de « chromosome » du donneur est incorporé dans le « chromosome » receveur.
Grâce à ces recombinaisons, la conjugaison augmente le polymorphisme (éventail de caractéristiques héréditaires d'une espèce bactérienne), accroissant ainsi les chances de survie des espèces qui la pratiquent.

7. RÔLE ÉCOLOGIQUE

Malgré la mauvaise image attachée aux bactéries, qui les associe à la maladie, il est important de souligner le rôle bénéfique de ces micro-organismes. En effet, la plupart des bactéries sont inoffensives pour les hommes, et nombre d'entre elles contribuent de façon essentielle à la survie des animaux et des végétaux. Seul un petit nombre de bactéries est pathogène, le plus grand nombre n'attaquant que la matière organique morte. Si les bactéries ne décomposaient pas les déchets animaux, les plantes ou les animaux morts, ces matériaux s'accumuleraient indéfiniment. Elles jouent ainsi un rôle majeur dans les cycles de la matière, et contribuent à fertiliser les sols en décomposant le terreau, constitué de terre et de matières végétales mortes.

Les bactéries contribuent aussi à enrichir le sol d'autres façons. Il existe par exemple des bactéries fixatrices d'azote, qui prélèvent ce gaz dans l'atmosphère et le transforment en nitrates utiles aux plantes vertes pour leur croissance. Les légumineuses présentent ainsi de petits nodules situés naturellement à la racine, qui contiennent des bactéries de type Rhizobium, véritables « engrais verts » fixant l'azote atmosphérique. Chez les cyanobactéries, un grand nombre fixe également l'azote de l'atmosphère.

8. CRITÈRES DE CLASSIFICATION DES BACTÉRIES
Les progrès de la biologie au xxe s. ont établi que les bactéries, comme certains autres organismes, n'appartiennent ni au règne animal ni au règne végétal. Classées jusque dans les années 1960 dans le règne végétal, selon le système traditionnel à deux règnes (animal et végétal), les bactéries étaient jusque-là considérées comme la forme la plus élémentaire des champignons (qui ont depuis, eux aussi, été élevés au rang de règne à part entière). On leur attribuait alors le nom de schizomycètes, ou « champignons scissipares ».
Les bactéries ont ensuite été classées dans le règne des procaryotes (êtres unicellulaires sans membrane nucléaire), divisé en deux grands ensembles : les archéobactéries (bactéries « archaïques », présentent sur Terre depuis les balbutiements de la vie) et les eubactéries (« vraies bactéries »). Mais l’on a découvert qu'elles présentent des caractéristiques physico-chimiques bien différentes les unes des autres. En réalité, la différence qui sépare les archéobactéries des bactéries est aussi importante que celle qui sépare eucaryotes et procaryotes : les premières sont désormais rangées dans un règne à part entière, et appelées archées. Le terme d’eubactéries est également abandonné. On considère donc aujourd’hui que les procaryotes rassemblent deux règnes distincts : les archées et les bactéries.
Les critères pour classer les bactéries sont si nombreux qu'il existe plusieurs classifications. On peut les ranger en fonction de leur aptitude à sporuler (bactéries sporulées ou asporulées), de leur réaction à la coloration de Gram (bactéries Gram positif et Gram négatif), de leurs conditions de vie (bactéries aérobies et anaérobies) ou encore des réactions chimiques qu'elles provoquent dans leur milieu (sulfobactéries, ferrobactéries).

LA STRUCTURE DE LA PAROI BACTÉRIENNE
GRAM NÉGATIF ET GRAM POSITIF

       


La coloration de Gram, méthode mise au point en 1884 par le naturaliste danois Hans Christian Joachim Gram (1853–1938), constitue la technique la plus fréquemment utilisée pour identifier les bactéries, en les divisant en deux groupes : Gram positif et Gram négatif.
L'utilisation de préparations colorées permet d'obtenir d'obtenir des couleurs différentes (violet, rose) selon les bactéries. Cela est dû à la structure des parois cellulaires : le type Gram positif a une paroi cellulaire d'aspect uniforme, alors que celle des Gram négatif est beaucoup plus mince et d'aspect laminé. En médecine, les traitements sont adaptés selon les résultats obtenus : les bactéries Gram positif sont plus sensibles à la pénicilline, alors que les bactéries Gram négatif sont davantage atteintes par les antibiotiques de type streptomycine.

PECTOCELLULOSE OU PEPTIDOGLYCANE
Comme les cellules végétales, les cellules bactériennes sont entourées d'une paroi rigide, mais sa composition est différente. En effet, les premières possèdent une paroi renforcée par de la cellulose (paroi pectocellulosique), tandis que celle des secondes se compose principalement de muréine ou peptidoglycane, macromolécule n'existant que chez les procaryotes. Cette importante différence est à la base de l'activité sélective de certains médicaments, comme la pénicilline. Celle-ci, sans danger pour les plantes et les animaux, est toxique pour les bactéries, car elle empêche le peptidoglycane de se former et compromet ainsi le processus de reproduction.

9. LES BACTÉRIES PATHOGÈNES
Dans les pays en voie de développement, au moins 25 % des enfants meurent d'infections bactériennes (les diarrhées dues à des bactéries, en particulier, tuent 20 % des enfants de 0 à 4 ans). Cette mortalité infantile, qui était celle des États-Unis il y a un siècle, est aujourd'hui inférieure à 5 % dans les pays industrialisés grâce à l'amélioration du système sanitaire, de l'hygiène (au sens large, en incluant la vaccination et l’alimentation).
Pour l'ensemble de la population (adultes compris) à l'échelle mondiale, quelques maladies bactériennes causent encore des ravages. Ainsi, si la quasi-disparition de la fièvre typhoïde (causée par Salmonella typhi) représente un succès de la médecine préventive dans les pays riches, cette maladie frappe encore environ 17 millions de personnes chaque année dans le monde (estimation de l'OMS) – principalement en Asie, en Afrique et en Amérique latine –, et tue plus de 200 000 personnes par an.

9.1. JALONS HISTORIQUES
LA DÉCOUVERTE DES AGENTS INFECTIEUX
Devant la propagation de certaines maladies, on postule dès l'Antiquité l'existence d'agents infectieux transmissibles et invisibles à l'œil nu. Dans son livre sur les maladies contagieuses, publié en 1546, le médecin italien Jérôme Fracastor impute la transmission des maladies à des germes vivants qu'il nomme seminaria contagionis. Sa théorie sur les germes est exacte, mais ne peut être vérifiée qu'un siècle plus tard, après l'invention du microscope, qui rend possible la visualisation des agents mis en cause.

Les bactéries sont observées pour la première fois au xviie s. par un naturaliste hollandais, Antonie Van Leeuwenhoek. Celui-ci fabrique en effet des appareils à lentille unique dont le coefficient de grossissement est suffisant pour qu'il puisse découvrir l’existence de micro-organismes dans de la salive et dans de l’eau. Considéré comme le père de la bactériologie, il garde toutefois secrètes ses méthodes de fabrication et d'utilisation des ancêtres du microscope, ce qui empêche pendant longtemps d’autres naturalistes de concurrencer ses découvertes.
Mais l'on continue toutefois à faire des hypothèses à propos des voies de contamination (par contact direct ou par l'intermédiaire de l'air), ce qui va poser les premières bases de l'épidémiologie et conduire à la réfutation des thèses de la génération spontanée.

Le premier essai notable de classification des bactéries se fait au début des années 1800. Et, en 1829, le naturaliste Christian Gottfried Ehrenberg crée le terme bacterium, inspiré du mot grec baktêrion, qui signifie « petit bâton » – en référence à la forme de certaines bactéries (les bacilles).

SEMMELWEIS, INITIATEUR DE L'ASEPSIE
Vers 1845, Ignác Fülöp Semmelweis, obstétricien hongrois établi à Vienne, souhaite convaincre ses collègues incrédules qu'il est possible d'éviter la fièvre puerpérale qui provoque chaque année des ravages parmi les accouchées. Cette maladie est due à la propagation de streptocoques par les étudiants en médecine qui, quittant la salle de dissection, vont assister leurs patientes lors de l'accouchement sans s'être au préalable lavé les mains.
En obligeant ses étudiants à se désinfecter les mains à l'hypochlorite (solution de chlore plus connue sous le nom d'eau de Javel) avant chaque accouchement, Semmelweis réussit à réduire considérablement l'ampleur de l'infection et le nombre des décès dans le service hospitalier qui lui est affecté. Il est cependant discrédité par ses collègues qui ne voient pas l'importance que revêt cet acte simple.
RECONNAISSANCE DU RÔLE PATHOGÈNE DES BACTÉRIES

       


Il faut attendre 1876 pour que le rôle pathogène de certaines bactéries soit mis en évidence par le bactériologiste allemand Robert Koch lors de ses recherches sur le charbon (maladie pouvant évoluer vers la septicémie). Koch, dont la découverte est confirmée plus tard par la physicien et chimiste Louis Pasteur, met au point des techniques encore utilisées aujourd'hui pour la culture des bactéries et établit des règles permettant de prouver qu'une bactérie particulière, pathogène, est à l'origine d'une infection donnée.
Ces règles, qui portent le nom de postulats de Koch, peuvent être résumées de la façon suivante : la bactérie doit être présente dans le tissu infecté de chaque patient ; elle doit être isolée en culture pure sur un support artificiel ; l'inoculation de cette culture à des animaux de laboratoire doit causer la même maladie ; les organismes doivent être retrouvés dans les tissus animaux infectés.
Environ dix ans avant que Koch ne parvienne à isoler le bacille du charbon, le chirurgien anglais Joseph Lister a pratiquement réussi à éliminer l'infection des plaies en trempant les pansements dans de l'acide phénique. C'est le début des techniques modernes d'asepsie chirurgicale et le glas des infections postopératoires.

DE LA BACTÉRIE PATHOGÈNE AU VACCIN
Après Koch, des chercheurs en médecine poursuivent ses recherches et identifient de nouvelles bactéries pathogènes. C'est le cas de Pasteur, qui, après des études sur les fermentations, s'intéresse aux maladies de la vigne et du ver à soie, puis à celles des animaux et de l'homme. En 1877, il publie un mémoire sur la fièvre charbonneuse des moutons dans lequel il décrit le mode de propagation et qu'il propose d'endiguer par la vaccination. Puis il s'intéresse à la rage (maladie transmise par un virus aux animaux et aux hommes).
Les vaccins, fabriqués à partir de micro-organismes infectieux (virus, bactéries) spécialement traités, sont inoculés aux hommes et aux animaux afin de les immuniser contre une maladie infectieuse donnée. L'étude des mécanismes de défense corporels face à l'introduction de bactéries donne plus tard naissance à l'immunologie. Celle-ci est donc inséparable de la bactériologie, même si elle constitue une branche séparée de la médecine.
On sait désormais que les bactéries se propagent par l'intermédiaire de l'air, des insectes, de l'eau, de la nourriture, ainsi que par le contact direct avec les hommes, les animaux et les objets contaminés.

9.2. LUTTE CONTRE LES BACTÉRIES PATHOGÈNES
Divers moyens sont mis en œuvre pour détruire les bactéries qui sont dangereuses pour l’homme.
LES TRAITEMENTS PAR LA CHALEUR
La plupart des bactéries meurent à la chaleur. C’est le principe de la pasteurisation, procédé mis au point par Pasteur pour décontaminer le vin, de la stérilisation par la chaleur et de la thermisation.

La pasteurisation
La pasteurisation est utilisée pour éliminer les bactéries pathogènes de divers aliments et boissons, comme le lait, la bière, les jus de fruits, la crème, certains œufs de poisson, les compotes, etc. Elle ne supprime pas la totalité des germes. C’est un traitement doux à la chaleur, entre 65 °C (pasteurisation basse température) et 85 °C (pasteurisation haute température) environ. Le lait, par exemple, est traité en « pasteurisation éclair » : le liquide est chauffé à 72 °C pendant 15 secondes environ, puis très rapidement refroidi. Il doit être ensuite conservé au froid (le lait pasteurisé est un « lait frais », vendu au rayon frais), pendant une durée relativement courte.

La stérilisation par la chaleur
Au-dessus d’une température de 100 °C, toutes les bactéries qui ne sont pas sous une forme de résistance (bactéries non sporulées) meurent. Les bactéries sporulées, elles, disparaissent à partir de 115 °C. On dit que le produit traité est stérilisé. Dans le domaine de l’alimentation, c’est le principe appliqué pour réaliser les conserves, qui sont chauffées entre 115 et 140 °C (procédé d’appertisation, mis au point par Nicolas Appert à la fin du xviiie s.). On l’utilise aussi pour le lait, les jus de fruits, les nectars... : c’est le traitement UHT (ultra-haute température), au cours duquel les aliments sont portés à 135-140 °C pendant 2 à 10 secondes puis immédiatement conditionnés. Ce procédé permet de conserver les aliments pendant plusieurs mois à température ambiante (tant que le conditionnement n’est pas ouvert).
Dans le domaine médical, on utilise la chaleur pour stériliser les instruments chirurgicaux : passage dans un autoclave (pour une stérilisation à la vapeur) après désinfection et nettoyage.
Les bactéries sans spores ne résistent pas à l'eau bouillante. Ainsi, l’eau contaminée peut être stérilisée en la faisant bouillir. L’eau bouillante elle-même permet de stériliser des objets (bocaux pour les confitures, biberons, etc.). Les stérilisateurs (à bocaux ou à biberons) utilisent la vapeur – comme les autoclaves des hôpitaux et des laboratoires.

La thermisation
La thermisation est un traitement du lait qui a été mis au point pour éliminer les bactéries pathogènes, tout en altérant moins le goût et les qualités nutritives que la pasteurisation. Il consiste en un chauffage léger du lait selon plusieurs modalités : 45 °C pendant 30 minutes, 63 °C pendant 16 secondes ou 72 °C pendant 1 seconde. Comme le lait pasteurisé, le lait thermisé est un lait frais qui ne se conserve que peu de temps (15 jours).

LA MICROFILTRATION
La microfiltration est un procédé qui permet d’éliminer les bactéries des liquides (le lait essentiellement) en les retenant dans des membranes (comme les laits pasteurisé et thermisé, c’est un lait frais).

LES DÉSINFECTANTS ET ANTISEPTIQUES
Diverses substances permettent de tuer les bactéries (ainsi que les autres micro-organismes) ou d’inhiber leur croissance : on appelle antiseptiques ceux que l’on utilise sur des tissus vivants (la peau, les muqueuses, les plaies), désinfectants ceux que l’on emploie sur les surfaces, les objets, les instruments.
Parmi les molécules à visée antiseptique et désinfectante les plus courantes, citons le phénol (acide phénique), le chlore (l'eau potable est traitée par cette substance afin que soit éliminée la grande majorité des agents pathogènes) et les dérivés chlorés (eau de Javel, solution Dakin), les dérivés iodés (Bétadine), les péroxydes (eau oxygénée), l’éosine, les composés organomercuriels (Mercurochrome), ainsi que l'alcool (50°, 70°, 90°, solutions hydro-alcooliques).

LES ANTIBIOTIQUES

Les antibiotiques permettent de lutter contre les maladies infectieuses dues à des bactéries (ils n’ont en revanche aucun effet sur celles dues à des virus, des champignons ou des parasites). Les antibiotiques naturels sont notamment produits par des moisissures (comme Penicillium, qui fabrique la pénicilline) et par des bactéries (dans les populations naturelles de bactéries, certaines sont bactéricides, ce qui leur permet d’éliminer la « concurrence » sur un milieu donné).
Les molécules antibiotiques sont de deux types : les bactéricides, qui tuent les bactéries, et les bactériostatiques, qui bloquent leur multiplication. Pour rechercher l'antibiotique spécifique d'une souche bactérienne trouvée chez un malade, un antibiogramme est réalisé dans un laboratoire d'analyses biomédicales.

10. LES BACTÉRIES ET LA BIOLOGIE MODERNE

Jusque dans les années 1950, la bactériologie est une branche de la médecine qui se consacre uniquement à l'étude des bactéries pathogènes. Lorsqu'elle devient une branche de la microbiologie, discipline qui s'intéresse à tous les micro-organismes, les bactéries sont étudiées sous d’autres aspects (leur écologie par exemple). Elles sont aussi devenues des matériaux d'étude de la génétique moléculaire (sur la structure et les fonctions de l'ADN) et des mécanismes élémentaires communs à toutes les cellules (comme certains métabolismes, les modes de régulation cellulaire et la synthèse des protéines). Ces études ont mis en évidence de nombreuses ressemblances entre les bactéries et les cellules d'organismes supérieurs, notamment le mode de fabrication des enzymes et les voies métaboliques.
En tant que matériel d'étude, les bactéries présentent de nombreux avantages par rapport à d'autres cellules : elles possèdent une structure relativement simple, font partie d'une population cellulaire homogène (toutes les cellules descendant d’un même ascendant sont identiques – ce sont des clones), se développent extrêmement vite, et des milliards de cellules peuvent être cultivées et sélectionnées facilement afin de créer des hybridations ou des mutations. Les mutations obtenues ont permis d'identifier le rôle de divers gènes et protéines, et de déterminer les causes de la résistance bactérienne aux antibiotiques.

MODIFICATION  DU  GÉNOME  BACTÉRIEN

Outre les phénomènes de conjugaison (transfert d'ADN d'une cellule « mâle » dans une cellule « femelle »), de transformation (les bactéries sont capables de « capter » de l'ADN présent dans leur environnement) et de mutation, les bactéries peuvent voir leur information génétique modifiée par transduction. Lors de l'infection d'une bactérie par un virus bactériophage, l'ADN de ce dernier entre dans la cellule hôte. Le bactériophage se multiplie, puis la cellule bactérienne éclate et libère les nouveaux virus. Parmi ces derniers, certains ont incorporé un fragment d'ADN de la bactérie : en se fixant sur d'autres bactéries et en y injectant à leur tour leur ADN – contenant le fragment bactérien –, ils permettent la transduction des gènes d'une bactérie à une autre. Enfin, certains bactériophages « défectueux » n'entraînent pas la destruction de la cellule hôte (lysogénie) : de nouvelles bactéries peuvent être infectées sans être détruites, mais le transfert de gènes a bien eu lieu.

10.2. UTILISATION DES PLASMIDES BACTÉRIENS

De nombreuses bactéries contiennent des plasmides, minuscules morceaux d'ADN extra-chromosomique qui portent généralement des gènes bactériens. Le plasmide peut, dans certains cas, s'intégrer au « chromosome » bactérien. Certains plasmides portent des gènes codants pour quelques caractères de la bactérie donneuse, d'autres sont responsables de la synthèse de toxines, de la fabrication d'enzymes augmentant le métabolisme cellulaire, ou confèrent une résistance accrue à des antibiotiques et à des agents nuisibles : la cause de cette résistance, observée pour la première fois chez Escherichia coli, est souvent due à la consommation abusive d'antibiotiques.

Les plasmides, très utilisés par les biologistes moléculaires, servent de transporteurs de gène. Les techniques de génie génétique consistent à les isoler, à les ouvrir pour y insérer un gène, puis à les refermer. On obtient ainsi un ADN hybride dit recombiné. Le plasmide recombiné est placé dans une bactérie hôte, qu'il « infecte » à la manière d'un virus. Les gènes insérés se comportent de la même façon que le matériel génétique naturel de la cellule (réplication, transcription). On programme ainsi une bactérie pour fabriquer une protéine utile.

11. LES BACTÉRIES DANS L'INDUSTRIE
Sur le plan industriel, les bactéries jouent un rôle essentiel dans la fabrication du fromage, du yaourt et du babeurre (bactéries lactiques), du vinaigre (bactéries acétiques), de la choucroute, etc. Elles servent à la préparation d'antibiotiques (comme les streptomycines extraites de bactéries du sol), au tannage du cuir et des peaux, au séchage du tabac... Elles sont également employées dans les usines de traitement des effluents, afin de neutraliser les déchets organiques.

En l'absence de bactéries symbiotiques dans leur tube digestif, les bovins, les ovins et les caprins ne pourraient digérer les fibres dures de cellulose végétale. Cependant, les aliments dont le traitement industriel est mal adapté à la conservation sont susceptibles de renfermer des bactéries pathogènes (staphylocoques, streptocoques et salmonelles…) qui produisent des toxines et peuvent provoquer de graves maladies.

Clostridium botulinum, qui se développe au sein d'aliments fumés ou mis en boîte dans de mauvaises conditions, entraîne la formation d'une toxine qui est à l'origine du botulisme (paralysie musculaire), maladie grave, souvent mortelle.

 

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Modifications des ARNt : les petites infidélités au code génétique

 

 

 

 

 

 

 

Modifications des ARNt : les petites infidélités au code génétique

jeudi 8 mars 2018

Les ARN de transfert (ARNt) sont des adaptateurs entre l'ARN messager et les protéines. Des chercheurs de l'Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC) viennent de montrer que les modifications chimiques portées par les ARNt n'ont pas systématiquement pour fonction d'améliorer la fidélité de la traduction mais peuvent, au contraire, lui permettre d'être moins fidèle. Cette étude a été publiée le 5 mars 2018 dans la revue Proc Natl Acad Sci U S A.

Il est essentiel pour toute cellule d'assurer l'expression fidèle du message génétique stocké dans ses chromosomes. Ceci s'effectue en deux étapes, la transcription et la traduction. Cette dernière étape correspond à la lecture des ARNm, portant les codons, par les ribosomes. Ce processus fait intervenir de nombreux acteurs dont des ARN de transferts (ARNt) qui sont des adaptateurs entre l'ARNm (grâce à leurs anticodons complémentaires des codons de l’ARNm) et la protéine en cours de synthèse sur le ribosome.
L'appareil traductionnel doit faire face à deux contraintes qui semblent opposées : décoder fidèlement le code génétique mais également maintenir une flexibilité permettant l'évolution du code génétique et le décodage de codons synonymes, spécifiant le même acide aminé avec des anticodons différents. Ces ARNt sont chimiquement modifiés à de nombreuses positions ce qui modifie leurs propriétés de décodage. Ces modifications chimiques jouent donc un rôle essentiel dans l'expression génique. Il a d'ailleurs été montré que l'absence de certaines de ces modifications était associée à différentes maladies génétiques telles que le diabète de type 2 ou des malformations cardiaques (syndrome de Noonan), mais aussi à des cancers colorectaux, du sein ou de la peau.
Si on veut étudier les propriétés d'un ARNt n’établissant que 2 liaisons codon/anticodon sur les 3 possibles avec un codon (ARNt dit "proche cognat"), il faut s’affranchir de la présence de l'ARNt réellement adapté à ce codon (ARNt "cognat" qui fait 3 appariements avec le codon). Les chercheurs ont contourné ce problème en étudiant la translecture des codons stop.

Dans la grande majorité des cas, un codon stop (UAA, UAG ou UGA) provoque l'arrêt de la traduction mais il arrive tout de même qu'un ARNt puisse reconnaitre un codon non-sens, permettant au ribosome de continuer la traduction dans la même phase. En étudiant cette situation dans laquelle la compétition entre ARNt "cognat" et proche "cognat" n'existe pas, les chercheurs ont réussi à analyser le rôle de ces modifications dans l'incorporation des ARNt proches cognat. Leur travail a révélé un rôle important de ces modifications dans la stabilisation des interactions entre l'ARNt et l'ARNm. De manière très intéressante ces modifications n'ont pas systématiquement pour fonction d'améliorer la fidélité de la traduction puisque dans certains cas cette stabilisation a comme conséquence de permettre à l'ARNt de reconnaître le mauvais codon et donc d'augmenter le taux d'erreur.
Mieux comprendre le rôle de ces modifications dans la fidélité du décodage est une étape importante en biologie synthétique, puisque l'incorporation d'ARNt au niveau de codon stop est fréquemment utilisée pour insérer des acides aminés non naturels dans les protéines afin d'en modifier les propriétés biochimiques. C'est aussi une étape indispensable pour le développement des approches de médecine personnalisée par suppression traductionnelle des mutations non-sens, dans des gènes tels que le gène suppresseur de tumeur p53, le gène DMD dans la myopathie de Duchenne, ou le gène CFTR dans la mucoviscidose.

Références :
*         Deciphering the reading of the genetic code by near-cognate tRNA. 
Blanchet S, Cornu D, Hatin I, Grosjean H, Bertin P, Namy O.
Proc Natl Acad Sci U S A. 2018 Mar 5. pii: 201715578. doi: 10.1073/pnas.1715578115. [Epub ahead of print]
*
Contacts :
*         Olivier Namy Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC)
CNRS UMR9198, CEA, Université Paris-Sud
Bâtiment 400
91405 Orsay Cedex
+(33) 169155051

 

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Un mécanisme inédit d’extension de la recombinaison homologue chez les bactéries

 

 

 

 

 

 

 

Un mécanisme inédit d’extension de la recombinaison homologue chez les bactéries

22 juin 2017    RÉSULTATS SCIENTIFIQUES

Les étapes précoces de la recombinaison homologue (RH) consistent en l’invasion d’un seul brin d’ADN "donneur" dans un duplex complémentaire "receveur", générant une synapse à trois brins d’ADN communément appelée "D-loop". Les équipes de Patrice Polard au Laboratoire de microbiologie et de génétique microbiennes, et Rémi Fronzes à l’Institut européen de chimie et de biologie, dévoilent un mécanisme inédit d’extension de l’incorporation d’ADN au niveau de la D-loop de RH. Cette étude a été publiée le 31 mai 2017 dans la revue Nature Communications.

Les recombinases RecA/Rad51 sont des effecteurs centraux des étapes d’échanges de brins d’ADN de multiples voies de recombinaison homologue (RH) essentielles pour la la stabilité et l’évolution des génomes chez tous les organismes. Elles catalysent la RH sous la forme de polymères assemblés et désassemblés de manière ordonnée sur les brins d’ADN échangés, un processus régi par la fixation et l’hydrolyse d’ATP à l'interface de chaque monomère du filament. La RH débute par la polymérisation de la recombinase sur un brin d’ADN, générant un nucléofilament actif pour son appariement à une séquence d’ADN double-brin (ADNdb) homologue. Il en résulte un intermédiaire à 3 brins d’ADN, communément appelé "D-loop".
 
Les voies de RH se distinguent entre elles par des effecteurs secondaires, qui contrôlent ou assistent l’action de la recombinase. Singulièrement, plusieurs de ces effecteurs présentent une homologie significative de séquence avec les protéines RecA/Rad51 au niveau du site de liaison à l’ATP. Leur rôle, peu compris jusqu’à présent sur le plan du mécanisme, est déterminant pour la physiologie cellulaire. En effet, des mutations dans les 5 protéines humaines de ce type entrainent  une forte susceptibilité à développer des cancers.
 
L’appareil de RH bactérien possède une seule protéine de ce type. Il s’agit de la protéine fortement conservée au plan évolutif RadA (aussi appelée Sms dans certaines espèces), identifiée et caractérisée génétiquement il y a une trentaine d’années chez Escherichia coli pour son rôle d’assistance à RecA dans la réparation de dommages à l’ADN du génome. Son étude biochimique a récemment montré qu’elle agit en soutien à RecA pour promouvoir l’incorporation d’ADN simple-brin (ADNsb) au niveau de la D-loop. L’homologie entre RadA et RecA a suggéré que RadA mimerait et/ou assisterait le mécanisme de migration de branche d’ADN de RecA, qui catalyse au niveau de la D-loop l’incorporation de l’ADNsb envahissant, de manière biaisée vers son extrémité 3’.
 
Les chercheurs ont conduit une étude de la structure et de la fonction de la protéine RadA de la bactérie pathogène de l’homme Streptococcus pneumoniae. Cette étude intégrée a révélé sa structure atomique. De manière inattendue, son domaine central apparenté à RecA a montré sa très forte paralogie avec le domaine de liaison et d’hydrolyse de l’ATP des hélicases réplicatives bactériennes de la famille DnaB. A cette découverte s’ajoute l’organisation de RadA en anneau hexamérique, un trait commun aux protéines DnaB. Ceci a guidé l’étude biochimique de RadA, qui a révélé qu’elle était une hélicase active se déplaçant comme DnaB le long de l’ADNsb de 5’ vers 3’. Une autre avancée de cette caractérisation fonctionnelle de RadA du pneumocoque a résulté de son étude in vivo visant à comprendre son rôle dans la transformation génétique, un processus de transfert latéral d’ADN conduisant à son intégration au génome par RH. L’inactivation de RadA conduit à une réduction de l’efficacité de transformation de 100 fois. A l’aide de tests de transformation particuliers, les chercheurs ont montré que le rôle de RadA est de promouvoir l’intégration d’ADNsb dans le génome sur de longues distances, dans la direction 3’ de cet ADNsb recombiné, mais aussi dans la direction 5’, à l’opposé de l’action de migration de branche catalysée par RecA. L’interaction de RadA avec RecA, également révélée dans cette étude, est nécessaire à cette action de RadA.
 
Cette étude aboutit à un modèle de mécanisme totalement inédit d’assistance de la RH médiée par une hélicase de type DnaB. Ce modèle, réconciliant les études biochimiques et génétiques, propose qu’un hexamère de RadA serait chargé par RecA sur chaque brin de l’ADNdb receveur et prolongerait symétriquement l’incorporation d’ADNsb donneur aux bornes de la D-loop construite par RecA. RadA émerge comme un effecteur d’extension de l’appareil de recombinaison homologue bactérien, une activité optimisant la plasticité du génome lors de la transformation génétique.
 

Figure : La protéine RadA, une nouvelle hélicase de type DnaB impliquée dans l’extension de la recombinaison homologue chez les bactéries.

© Rémi Fronzes
 
 
 
En savoir plus
*         Bacterial RadA is a DnaB-type helicase interacting with RecA to promote bidirectional D-loop extension. 
Marie L, Rapisarda C, Morales V, Bergé M, Perry T, Soulet AL, Gruget C, Remaut H, Fronzes R, Polard P.
Nat Commun. 2017 May 31;8:15638. doi: 10.1038/ncomms15638

 

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