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À la source des rayons cosmiques |
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À la source des rayons cosmiques
Antoine Letessier-Selvon dans mensuel 424
daté novembre 2008 -
On inaugure ce mois-ci l'observatoire Auger, le détecteur le plus vaste jamais conçu. Ses premières observations éclairent déjà l'une des grandes énigmes de l'astrophysique : l'origine des particules cosmiques de très haute énergie.
Ce sont les particules les plus puissantes de l'Univers : leur énergie extrême dépasse les 1020, soit des centaines de milliards de milliards, électronvolts * eV. En comparaison, les particules étudiées dans les plus grands accélérateurs, y compris celles attendues au tout nouveau LHC à Genève, sont dix millions de fois moins énergétiques. Pourtant, le mystère entourant la nature et l'origine des « rayons cosmiques de très haute énergie », c'est ainsi qu'on les nomme, constitue l'une des grandes énigmes en astrophysique. D'où viennent-ils ? Que sont-ils ? Des protons, des noyaux d'atomes lourds, des particules exotiques ? Comment atteignent-ils des énergies aussi extrêmes ? Autant de questions qui restent ouvertes.
Particules secondaires
C'est pour tenter d'y répondre que le plus vaste observatoire astronomique du monde, l'observatoire Pierre-Auger, a été déployé dans la Pampa argentine, par 35º de latitude sud et 65º de longitude ouest, au pied de la cordillère des Andes. Sa construction vient de s'achever. Au final, c'est un ensemble de 1 600 capteurs et 24 télescopes répartis sur 3 000 kilomètres carrés, soit un quart de l'Ile-de-France, que l'on inaugure ce mois-ci. Pas moins de 450 physiciens de 17 pays participent à ce défi tant scientifique que technologique.
C'est que les rayons cosmiques de très haute énergie sont très rares puisque à peine un par siècle et par kilomètre carré atteint la surface de la Terre. De plus on ne les détecte pas directement : arrivés au sommet de l'atmosphère, ils interagissent violemment avec celle-ci et produisent une cascade de milliards de particules. Et ce n'est qu'à travers cette cascade de particules secondaires qui bombardent le sol que l'on peut espérer découvrir la nature et la provenance du rayon cosmique qui l'a déclenchée, ainsi que la source de son énergie extrême.
Revenons un instant sur la découverte de ces mystérieux messagers qui traversent l'Univers. En 1912, à bord de son ballon à hydrogène et à 5 000 mètres d'altitude, l'Autrichien Victor Hess découvre qu'un flux de particules chargées venu de l'espace pénètre l'atmosphère terrestre. Ensuite, en 1938, grâce à des détecteurs installés dans les Alpes, le Français Pierre Auger enregistre l'arrivée de particules simultanément à différents endroits : c'est la première observation d'une cascade atmosphérique de particules secondaires, nées de la collision de la particule initiale avec les molécules de l'atmosphère. Il évalue à 1015 eV, l'énergie de l'événement. C'est à l'époque le rayon cosmique le plus puissant connu. Le seuil de 1020 eV est dépassé en 1962 : le premier rayon cosmique de très haute énergie est en effet détecté par les capteurs d'un réseau déployé au Nouveau Mexique [1] .
Mais plus leur énergie est élevée, plus les rayons cosmiques sont rares. Et ces nouvelles données ne dissipent guère le mystère de leur origine. De nombreuses hypothèses sont avancées, mais aucune n'est satisfaisante.
En revanche, en 1966, les rayons cosmiques font l'objet d'une prédiction théorique très intéressante. L'existence d'un fond diffus cosmologique, héritage du premier rayonnement émis par l'Univers 380 000 ans après le Big Bang, vient d'être prouvée un an plus tôt. L'Américain Kenneth Greisen d'un côté et les Russes Georgiy Zatsepin et Vadim Kuz'min, de l'autre, remarquent que les rayons cosmiques doivent forcément interagir avec les photons de ce fond diffus. Or une telle interaction devrait réduire considérablement leur énergie. Ainsi des rayons cosmiques voyageant sur des distances intergalactiques ne devraient jamais dépasser les 60 X 1018 eV. Un seuil connu aujourd'hui sous le nom de limite « GZK ». Si cette prédiction est juste, une particule qui atteint la Terre avec une énergie supérieure à 60 X 1018 eV proviendrait d'une région relativement proche, c'est-à-dire située à moins de 500 millions d'années-lumière. Quand cette prédiction a été énoncée, aucune expérience n'était capable de la tester de manière fiable, et cela jusqu'au début des années 1990. Au milieu de cette décennie, deux expériences, très différentes dans leur principe, Fly's Eye aux États-Unis et Agasa au Japon, y parvinrent enfin. Mais leurs résultats étaient contradictoires. D'un côté Fly's Eye n'avait enregistré que quelques événements au-delà de 100 X 1018 eV dont un, record, dépassant les 300 X 1018 eV, ce qui est cohérent avec la limite GZK, étant donné que les sources susceptibles d'accélérer des particules à un tel niveau dans notre voisinage sont très rares. De l'autre, selon l'expérience Agasa, le spectre des rayons cosmiques semblait se prolonger sans changement notable, y compris aux énergies les plus hautes. Cette contradiction a provoqué un intense débat.
3 000 kilomètres carrés
D'autant plus qu'un autre point de désaccord existait entre les deux expériences. Agasa observait plusieurs agrégats de deux ou trois rayons cosmiques de 40 X 1018 eV provenant de la même direction, alors que Fly's Eye ne voyait rien de tel. Mais elles s'accordaient au moins sur une chose : aucune source astrophysique au voisinage de notre galaxie n'était visible dans la direction d'arrivée des rayons. Avec seulement une grosse dizaine d'événements détectés au-delà de 100.1018 eV, les chances d'avancer sur ces questions restaient cependant très minces. Seule une forte augmentation des mesures, et donc un dispositif bien plus étendu pouvaient donner l'espoir de lever ces contradictions. Jim Cronin, Prix Nobel de physique, et Alan Watson, de l'université de Leeds, ont alors entrepris d'explorer les moyens d'y parvenir.
En 1992, au cours d'une réunion à Paris sur le campus de Jussieu, les deux chercheurs présentent leur projet, le futur observatoire Auger. Les grandes lignes y sont édifiées. L'année suivante le concept hybride, qui associe les deux techniques de détection utilisées par Fly's Eye et Agasa au sein du même capteur, est mis au point. Et, en 1995, un document de 250 pages précise les objectifs scientifiques et les choix techniques pour la construction. Il décrit un observatoire constitué de deux dispositifs expérimentaux : un réseau de 1 600 capteurs Cherenkov lire « Des cuves par milliers », ci-dessous, répartis sur un maillage de triangles de 1,5 kilomètre de côté, couvre un total de 3 000 kilomètres carrés. Ce déploiement est nécessaire pour maximiser les chances d'enregistrer les particules d'une même cascade réparties sur de très grandes surfaces et remonter ainsi jusqu'au rayon cosmique initial. Ce réseau fonctionne en permanence. Un ensemble de 24 télescopes à fluorescence lire « Lumière fluorescente » ci-contre, installés sur 4 sites du maillage triangulaire, dont les mesures sont plus précises, permet de mieux calibrer l'ensemble des mesures. De plus mesurer le même phénomène par deux instruments différents aide à mieux comprendre les éventuels biais expérimentaux. Tel est le projet sur le papier.
Restait à le mettre en oeuvre, et pour cela satisfaire des critères exigeants et parfois contradictoires : par exemple, couvrir la plus grande surface possible sans pour autant effrayer nos agences de financement ; trouver un site au ciel pur, en altitude, loin de toute pollution, et néanmoins facile d'accès et riche en infrastructures ; et bien sûr convaincre une communauté scientifique internationale aussi large que possible sur un projet très risqué [2] .
Cette même année 1995, Ken Gibbs, de l'université de Chicago, et moi-même sommes partis à la recherche du site idéal avec un cahier des charges très précis. En novembre, l'Argentine est choisie pour accueillir l'observatoire lors d'une réunion fondatrice au siège de l'Unesco à Paris. Et le document final est remis aux agences de financement fin 1996 : le prix à payer s'élève à 50 millions de dollars.
27 événements
Trois ans plus tard, en 1999, le financement en grande partie assuré, la construction commence. Et après quatre ans d'installation, de tests et de validation de nos prototypes, une centaine de cuves sont opérationnelles. L'observatoire enregistre ses premières données exploitables début 2004. Il nous a donc fallu un peu plus de dix ans pour passer de l'idée d'un détecteur grand comme un département à sa réalisation. Mais nos efforts sont vite récompensés. Dès juillet 2005, les analyses préliminaires des premières données, présentées à la Conférence internationale sur les rayons cosmiques de Pune en Inde, prouvent la pertinence de l'observatoire Auger, avec un rythme de détection trente fois plus élevé que les expériences précédentes. Et, en novembre 2007, alors que l'installation du réseau de surface n'est pas encore achevée, les données accumulées suffisent déjà à publier dans le magazine Science des résultats remarquables [3] .
L'observatoire a alors détecté 27 événements d'énergie supérieure à 60 1018 eV, c'est-à-dire dépassant la limite GZK. Ces données et les plusieurs milliers d'enregistrements de rayons cosmiques de moindre énergie, mais tout de même au-dessus de 3 X 1018 eV, ont conduit à des observations fondamentales. En premier lieu, les 27 événements ne sont pas répartis au hasard sur le ciel : pour 20 d'entre eux, il existe dans un rayon de 3 degrés autour de leur direction d'arrivée une galaxie active située à moins de 300 millions d'années-lumière de la Terre, ce qui, à l'échelle de l'Univers, correspond à notre proche banlieue. Une galaxie dite « active » possède un noyau central extrêmement brillant - on parle d'un noyau actif de galaxie. Or, ces objets sont les sources de lumière stables les plus puissantes de l'Univers et le siège de phénomènes mettant en jeu des énergies gigantesques.
Cette découverte a des conséquences. Tout d'abord, elle démontre que l'origine des rayons cosmiques les plus énergétiques, bien que proche, se situe hors de notre galaxie. Ensuite, elle conforte l'une des hypothèses avancées quant au mécanisme qui leur confère une telle énergie. Celle selon laquelle les rayons cosmiques correspondraient à des particules chargées et au repos, accélérées par les champs électriques et magnétiques colossaux entourant certains objets ou phénomènes astrophysiques comme les trous noirs avaleurs de galaxies, les jeunes étoiles à neutrons ou les collisions de galaxies. Dans ces environnements, les particules en question seraient vraisemblablement des protons ou des noyaux de fer. La plupart des rayons cosmiques de très haute énergie seraient donc issus de sources astrophysiques dites proches, probablement des galaxies actives, ou, tout au moins, des objets ayant une distribution similaire dans le ciel. Un rayon angulaire de 3 degrés sur le ciel est en effet très vaste - pour fixer les idées, le diamètre de la pleine lune mesure 0,5 degré. De nombreux objets peuvent s'y trouver, et la proximité des galaxies actives ne suffit pas à les désigner comme les sources certaines des rayons cosmiques.
EN DEUX MOTS D'où viennent les rayons cosmiques, les particules les plus énergétiques qui nous parviennent de l'Univers ? Un observatoire a été déployé depuis 1999 dans la Pampa argentine pour les détecter. À peine achevé, il a déjà enregistré 27 rayons cosmiques dont l'énergie dépasse 60 X 1018 eV. Et ces rayons ne sont pas répartis au hasard. Au voisinage de chacun d'entre se trouve une galaxie active.
Prédiction vérifiée
La mesure du flux de rayons cosmiques en fonction de l'énergie apporte aussi un nouvel éclairage. Elle montre une chute brusque au-delà de 60 X 1018 eV, qui coïncide avec la limite GZK. Ainsi, avant même l'inauguration officielle de l'observatoire, la première collection d'événements commence non seulement à lever le voile sur l'origine de ces fameuses particules, mais apporte la première observation indiscutable de la limite GZK.
Une nouvelle fenêtre sur l'Univers vient de s'ouvrir. À l'instar de la lumière en astronomie classique, les rayons cosmiques très énergétiques pourraient faire figure de nouveaux messagers pour une astronomie alternative. La construction d'un observatoire encore plus grand dans l'hémisphère Nord pour couvrir l'ensemble du ciel, et l'extension de l'observatoire Auger dans le sud pour multiplier les événements détectés devraient nous y aider dans les cinq prochaines années.
[1] J. Linsley, Phys. Rev. Lett., 10, 146, 1963.
[2] M. Boratav, « Des scientifiques dans la pampa », La Recherche, novembre 1999, p. 46.
[3] The Pierre Auger Collaboration, Science, 318, 938, 2007.
NOTES
* Un électronvolt est l'unité d'énergie. Elle équivaut à 1,6 X 10-19 joule, soit l'énergie d'un électron soumis à une différence de potentiel de 1 volt.
CAPTEURS : DES CUVES PAR MILLIERS
LES CAPTEURS CHERENKOV sont des cuves de plastique, de 1,2 mètre de haut et 3 mètres de diamètre, remplies d'eau ultrapure . Les particules de la cascade atmosphérique provoquée par les rayons cosmiques produisent au contact de l'eau un rayonnement lumineux, appelé rayonnement Cherenkov. Ce rayonnement, très faible, est détecté par un ensemble de 3 photomultiplicateurs, sorte de tube cathodique fonctionnant à l'envers, qui transforme la lumière en électricité. Le signal électrique est alors daté grâce à une horloge synchronisée sur les horloges atomiques des satellites du Global Positioning System GPS, au dix milliardième de seconde près et numérisé. Chaque seconde, des milliers de particules traversent les cuves et laissent un petit signal. Seuls les enregistrements pertinents, c'est-à-dire ceux qui comptabilisent le plus de particules, sont stockés localement. Et, pour les vingt qui semblent les plus intéressants, l'heure d'occurrence est envoyée par radio au système central, situé à plusieurs dizaines de kilomètres. Après analyse et comparaison avec les autres enregistrements effectués sur le réseau au même instant, le système central demandera éventuellement l'enregistrement complet stocké par les cuves. C'est cette centralisation qui permet de découvrir a posteriori d'éventuelles corrélations à très grandes distances sur le réseau, et donc de reconstituer les cascades de particules.
OBSERVATION : LUMIÈRE FLUORESCENTE
LES TÉLESCOPES À FLUORESCENCE sont des instruments optiques de très haute sensibilité . Ils permettraient de détecter, à plus de 40 kilomètres, une ampoule de quelques dizaines de watts traversant le ciel à la vitesse de la lumière. Lors du développement de la cascade de particules dans l'atmosphère, les atomes d'azote sont ionisés, et leur désexcitation produit une lumière de fluorescence que détectent nos télescopes. Naturellement, de tels instruments ne peuvent pas fonctionner en plein jour, ni même lorsque la Lune est visible. Alors que le réseau de surface fonctionne 24 heures sur 24 et 365 jours par an, les télescopes ne recueillent des données que 10 % du temps. Mais ils donnent un accès plus direct à l'énergie de la particule incidente et sont donc indispensables pour étalonner l'ensemble du dispositif.
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LES GALAXIES |
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Les galaxies
Stéphanie Ruphy dans mensuel 295
daté février 1997 -
Grâce au développement des grands télescopes, l'étude des galaxies est devenue l'un des domaines de recherche les plus actifs de l'astrophysique. Fascinantes par leur diversité et la complexité des phénomènes qui s'y déroulent, elles jouent un rôle essentiel dans la formation et l'évolution de l'Univers.
Qu'y a-t-il au coeur des galaxies ?
Quiconque observe le ciel par une nuit sans lune peut apercevoir une forte concentration d'étoiles dessinant sur la voûte céleste un ruban blanchâtre, que nos ancêtres ont nommé la Voie lactée . C'est la galaxie qui nous héberge, vue par la tranche, et dont le Soleil n'est qu'une étoile parmi les quelque cent milliards qui la composent.
Ce phénomène de concentration est général dans l'Univers : les étoiles sont regroupées dans des zones bien localisées de l'espace, pour former des systèmes Ñ les galaxies Ñ de structure diverse, avec des masses comprises entre 108 et 1012 masses solaires, et des tailles s'échelonnant entre quel-ques kiloparsecs* et quel-ques dizaines de kiloparsecs. Ce sont en quelque sorte les briques élémentaires de l'Univers. Les étoiles y naissent, évoluent et meurent au sein d'un milieu interstellaire plus ou moins dense selon les galaxies.
Ce milieu interstellaire est constitué principalement d'hydrogène et d'hélium gazeux, de molécules variées et de poussières. Dans notre Galaxie, les variations de densité de ces poussières expliquent la luminosité irrégulière de la Voie lactée : le rayonnement émis par les étoiles lointaines est plus ou moins absorbé selon la quantité de poussière présente sur la ligne de visée.
La plupart des galaxies sont formées de deux grandes familles d'étoiles : les étoiles bleues, jeunes et chaudes, généralement concentrées dans un disque, et les étoiles rouges, vieilles et froides, qui suivent une distribution sphéroïdale. Les astronomes ont longtemps cru que les limites de l'Univers coïncidaient avec celles de la Voie lactée. Tous les objets célestes lui appartenaient, y compris ces étranges taches pâles et floues que l'astronome français Charles Messier avait observées au XVIIIe siècle. Soucieux de ne pas confondre ces nébuleuses avec des comètes, il en dressa un catalogue précis qu'il publia en 1784, à seule fin de s'en débarrasser ! Mais, ironie du sort, c'est ce catalogue de cent neuf objets qui le rendit célèbre, et non pas ses nombreuses découvertes de comètes les astronomes continuent d'ailleurs de désigner les galaxies les plus brillantes par leur nom dans le catalogue de Messier. Il est vrai que ce catalogue d'objets étendus et ceux qui suivirent alimentèrent un des débats les plus cruciaux en astronomie : les nébuleuses appartenaient-elles à notre Galaxie, autrement dit, l'échelle de l'Univers était-elle celle de la Voie lactée ?
Question d'autant plus épineuse que bon nombre de ces nébuleuses s'avérèrent constituées d'étoiles, leur aspect flou étant seulement dû à leur éloignement. E. Kant avait donc vu juste dans son Histoirenaturelle générale et théorie du ciel : il existait bien d'autres systèmes d'étoiles semblables à notre Galaxie, qu'A. von Humboldt popularisa au XIXe siècle sous le nom d'« Univers-île ». Mais sans connaître leur distance et la taille de notre Galaxie, il était très difficile de savoir si ces « Univers-îles » étaient vraiment indépendants du nôtre. La question fut tranchée seulement en 1923 par l'Américain E. Hubble : en déterminant la distance de la galaxie d'Andromède, il montra qu'elle était située bien au-delà des limites de notre Galaxie. Il apporta ainsi la première preuve irréfutable de l'existence de galaxies extérieures à la nôtre. Actuellement, près de cent milliards de galaxies sont potentiellement observables par nos plus grands télescopes. Si les galaxies apparaissent toutes dans l'instrument d'un astronome amateur comme de simples taches floues sur le ciel, cette ressemblance est trompeuse et cache en réalité une extraordinaire diversité de formes et de structures. Diversité qui amena E. Hubble à proposer en 1925 une classification en quatre grandes familles, fondée sur des critères morphologiques. Les galaxies elliptiques sont de forme ronde ou elliptique, homogènes. Les galaxies lenticulaires sont pourvues d'une condensation centrale Ñ le bulbe Ñ et d'un disque. Les galaxies spirales sont formées elles aussi d'un bulbe et d'un disque, mais avec une grande partie des étoiles du disque accumulées le long de bras spiraux en rotation autour du centre. Notre Galaxie appartient à cette catégorie. Quant aux galaxies spirales barrées , leur centre présente une forme particulière nettement allongée. A ces quatre catégories principales s'ajoute un petit nombre de galaxies irrégulières , de structure chaotique. Ces différences morphologiques recouvrent des différences de contenu : par exemple, les galaxies elliptiques sont peuplées d'étoiles en moyenne plus vieilles que celles des galaxies spirales, et contiennent moins de gaz et de poussières. Pour E. Hubble, cette classification correspondait à une séquence évolutive. Par la suite, on pensa que le type d'une galaxie était fixé dès sa formation. Aujourd'hui, les avis sont partagés et les astronomes s'efforcent d'estimer la part de l'inné et de l'acquis. Avec d'autant plus de difficultés que la classification des galaxies s'est passablement compliquée : de nombreux objets récemment découverts galaxies naines, galaxies géantes très peu lumineuses, etc. n'entrent dans aucune des quatre classes. Une telle diversité reste encore largement incomprise : les scénarios actuels de formation et d'évolution de l'Univers ne peuvent en rendre compte d'une manière satisfaisante. C'est seulement à partir des années 1960 que les astronomes s'intéressèrent de près à la partie la plus interne d'une galaxie. Toutes les galaxies, sauf les irrégulières, possèdent au centre de leur bulbe un noyau stellaire, région extrêmement brillante de très forte concentration d'étoiles. Dans la galaxie d'Andromède par exemple, une spirale proche de notre Galaxie, le diamètre du noyau est de l'ordre de 10 parsecs, pour un diamètre total de la galaxie de 30 kiloparsecs. Au coeur même d'un noyau stellaire peuvent se dérouler des processus physiques extrêmement violents et très énergétiques : le noyau, dit « actif », rayonne alors une énorme quantité d'énergie, variable, jusqu'à mille fois plus élevée que celle émise par la galaxie entière. Bien qu'assez rares Ñ seules 3 à 4 % des galaxies en possèdent Ñ, les noyaux actifs, en particulier les plus lumineux d'entre eux, les quasars, sont l'objet de toutes les attentions : ce sont les astres les plus lointains que l'on connaisse dans l'Univers. Mais on ignore encore si ce phénomène d'intense activité est un passage obligé dans l'évolution d'une galaxie. Tout juste commence-t-on à comprendre comment les extraordinaires quantités d'énergie mises en jeu pourraient s'expliquer par la présence d'un trou noir massif alimenté par la matière avoisinante. Connaître la distance d'un objet est une des tâches les plus délicates en astronomie. Les galaxies n'échappent pas à la règle. On ne peut mesurer directement la distance que d'un très petit nombre d'entre elles. Celles suffisamment proches pour que l'on puisse y distinguer des étoiles individuelles comme les céphéides*, qui sont de bons indicateurs de distance.
Pour les galaxies plus lointaines, on utilise une corrélation empirique entre la luminosité intrinsèque de la galaxie et sa vitesse de rotation qui peut être mesurée indépendamment de sa distance. Etalonnée sur les galaxies les plus proches dont on connaît la distance grâce aux céphéides par exemple, cette relation fournit les distances des galaxies situées dans un rayon d'environ 100 millions de parsecs.
Au-delà, la fameuse loi de Hubble prend le relais. Cette loi relie la distance d'une galaxie à son décalage spectral, c'est-à-dire au déplacement systématique des raies de son spectre vers les plus grandes longueurs d'onde. Ce « décalage vers le rouge » traduit la vitesse d'éloignement Ñ ou « vitesse de récession » Ñ de la galaxie, due à l'expansion de l'Univers.
E. Hubble montra que le décalage était proportionnel à la distance : plus une galaxie est lointaine, plus elle s'éloigne de nous rapidement. L'étalonnage de la loi de Hubble sur les galaxies dont les distances sont données par un des indicateurs décrits précédemment permet de déterminer la valeur de la célèbre constante de Hubble Ho. Cette constante exprime le taux d'expansion de l'Univers et sa valeur fut l'objet de nombreuses controverses. Les dernières mesures effectuées avec le télescope spatial Hubble semblent cependant converger vers une valeur de Ho=70 km.s1.Mpc1, avec une incertitude de 10 % environ. Enfin, quand la vitesse de récession tend vers la vitesse de la lumière, les effets relativistes rendent la loi de Hubble plus compliquée qu'une simple proportionnalité. Les premiers relevés systématiques de galaxies révélèrent au début du siècle leur répartition inhomogène sur la voûte céleste. On observe par exemple dans la direction du pôle Nord galactique une concentration très marquée de galaxies, appelée amas de la Vierge. Ce qui suggéra à l'astronome K. Charlier l'idée d'une distribution hiérarchique de structures : les galaxies seraient regroupées en amas, eux-mêmes rassemblés en amas plus larges, etc. Remarquable intuition, rapidement confirmée par la découverte du Groupe local : loin d'être isolée dans l'Univers, notre Galaxie est au contraire entourée d'une trentaine de très proches voisines, toutes fortement liées entre elles par la gravitation. Ce Groupe local fait lui-même partie d'un « superamas » local de quelques dizaines de millions de parsecs d'extension et contenant des milliers de galaxies. Les galaxies sont distribuées dans des feuillets ou filaments à l'intersection desquels sont situés les superamas. Ces feuillets entourent des vides apparemment dépourvus de galaxies.
Une question essentielle en cosmologie est alors de savoir à quelle échelle l'Univers peut être considéré comme homogène. D'après les observations les plus récentes, il semblerait que les feuillets et les vides soient les plus grandes structures existantes. L'Univers serait donc parfaitement homogène à l'échelle de quelques centaines de millions de parsecs. Pas grand-chose en réalité ! Car connaître le nombre et la masse des étoiles qu'elles contiennent Ñ entre 108 et 1012 chacune Ñ ne suffit pas. C'est le fameux problème de la masse manquante de l'Univers. Si l'on mesure la vitesse de rotation des étoiles et du gaz d'une galaxie spirale en fonction du rayon, on obtient une courbe de rotation qui ne correspond pas du tout à la distribution de masse visible. Désaccord qui implique l'existence d'une grande quantité de masse répartie autour des galaxies, probablement dans des halos plus ou moins sphériques de très grande taille plus de dix fois le rayon de la galaxie. La nature de cette masse « cachée » ou « matière sombre », qui représenterait 90 %, voire 99 % de la masse totale d'une galaxie, reste encore mystérieuse I . S'agit-il d'hydrogène moléculaire très froid, de « naines brunes » objets très peu lumineux, intermédiaires entre planètes et étoiles , ou de particules exotiques prévues par les théories des particules élémentaires, mais encore indétectées ?
A une échelle plus grande, celle d'un amas ou d'un superamas de galaxies, un désaccord apparaît également entre la somme des masses individuelles des galaxies et la masse totale du groupe requise pour assurer sa cohésion gravitationnelle. Rien ne garantit cependant que la masse « manquante » à cette échelle soit de même nature que la masse cachée des galaxies. Loin d'évoluer comme des systèmes isolés, les galaxies sont au contraire soumises à divers processus d'interactions parfois très violents. Dans le groupe contenant notre Galaxie, par exemple, les distances moyennes entre galaxies sont seulement cent fois plus grandes que leur diamètre. La fréquence des interactions gravitationnelles est donc relativement élevée. Ces interactions donnent lieu à de fortes distorsions : une galaxie étant un système de gaz et d'étoiles faiblement lié par la gravitation, elle peut se déformer considérablement sous l'action de forces de marée engendrées par une galaxie proche. Le disque de notre Galaxie est ainsi gauchi par l'effet de marée provoqué par le Petit et le Grand Nuage de Magellan, deux galaxies très voisines auxquelles un pont de matière nous relie. A la fois beaucoup plus rares et spectaculaires sont les collisions frontales entre galaxies, dont le résultat pourrait être ces étranges galaxies dites annulaires en raison d'une structure très similaire à celle d'une roue. De tels processus engendrent des galaxies aux formes extrêmement variées, dites à antennes, coquilles, jets, etc. Sans parler des galaxies « cannibales » : dans le centre des amas se trouvent parfois des galaxies elliptiques très massives, souvent avec plusieurs noyaux. Leur grande taille pourrait résulter de la capture et de l'absorption de leurs plus proches voisines. Dans le modèle standard du big- bang, l'Univers est en expansion et la matière qu'il contient est en dilution constante. La distribution de matière est affectée par de petites perturbations, des condensations de masse qui croissent grâce à la force de gravité, ralentissent l'expansion dans leur environnement immédiat, l'arrêtent, puis provoquent localement l'effondrement de la matière en halos. Les premiers halos à se former sont de petites tailles, puis d'autres, plus grands, se constituent à partir des précédents, et ainsi de suite : c'est ce que les astronomes appellent la croissance hiérarchique des structures de l'Univers. Le gaz, constitué de protons, électrons et noyaux d'atomes, refroidit dans les halos les plus petits et s'accumule au centre où des étoiles pourront naître. Ainsi se forment les galaxies, parties lumineuses émergées de gigantesques « icebergs » cosmiques. Lors de la fusion des halos dans le processus de croissance hiérarchique de structures, les galaxies d'un même amas partageant un grand halo commun peuvent interagir, se déformer puis fusionner voir question précédente. Ainsi la forme et le type d'une galaxie observée aujourd'hui peuvent avoir été modifiés à plusieurs reprises par interactions et fusions avec des galaxies voisines. Mais les étoiles les plus vieilles qu'elle contient se sont sans doute formées au tout début de l'Univers, au sein de petites galaxies qui ont fusionné par la suite. Le processus de formation des galaxies et des étoiles est donc continu, et tout semble indiquer qu'il fut plus intense dans le passé. Les interactions gravitationnelles entre galaxies décrites précédemment ne sont qu'un aspect de leur évolution. L'autre aspect fondamental est lié à la transformation de leurs constituants étoiles, poussière et gaz. En observant des galaxies situées à de grandes distances, les astronomes peuvent retracer cette histoire interne. La lumière voyageant à une vitesse finie, ces galaxies sont observées telles qu'elles étaient dans le passé de l'Univers. Les télescopes actuels permettent de remonter très loin, jusqu'à des époques où l'Univers n'avait que 10 % de son âge actuel. Le taux de formation d'étoiles était alors plus élevé, les étoiles étaient en moyenne plus jeunes et le gaz contenait moins d'éléments lourds*. A partir de ces observations, les astronomes ont pu reconstituer les grandes lignes de l'histoire d'une galaxie. A l'origine, elle n'est constituée que d'une accumulation de gaz d'hydrogène et d'hélium au centre d'un halo de matière sombre. Puis les premières étoiles se forment dans les zones les plus denses, par contraction d'un nuage de gaz lorsque l'autogravité du nuage l'emporte sur sa pression thermique. Le nuage s'effondre jusqu'au déclenchement du processus de nucléosynthèse au coeur de l'étoile II . Par ce processus, les étoiles transforment une partie de leur hydrogène en hélium, puis l'hélium en carbone et en éléments plus lourds. Lorsque leur réserve d'hydrogène est épuisée, les étoiles deviennent instables, explosent, restituant au milieu interstellaire un gaz enrichi en hélium et en éléments plus lourds. Une partie de ces éléments se condensera en poussière. D'autres générations d'étoiles pourront alors naître. Notre Voie lactée s'est ainsi chimiquement enrichie au cours des derniers milliards d'années, en consommant environ 90 % de ses réserves de gaz.
NOTES
*Un PARSEC vaut 3,0857 x 1016 mètres, soit
3,26 années-lumière. Un kiloparsec vaut 1 000 parsecs.
*LES CÉPHÉIDES sont des étoiles de luminosité variable. Il existe une relation remarquable entre leur luminosité absolue et leur période. Il suffit donc de mesurer la période d'une céphéide et son éclat pour déterminer sa distance.
*En astronomie on désigne par ÉLÉMENT LOURD tout élément chimique plus lourd que le bore 7B.
SAVOIR
F. Combes, P. Boissé, A. Mazure, A. Blanchard, Galaxies et cosmologie , Interéditions/Editions CNRS, 1991.
« Les galaxies », dans Encyclopædia Universalis , 1994.
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Les galaxies
Stéphanie Ruphy dans mensuel 295
daté février 1997 -
Grâce au développement des grands télescopes, l'étude des galaxies est devenue l'un des domaines de recherche les plus actifs de l'astrophysique. Fascinantes par leur diversité et la complexité des phénomènes qui s'y déroulent, elles jouent un rôle essentiel dans la formation et l'évolution de l'Univers.
Qu'y a-t-il au coeur des galaxies ?
Quiconque observe le ciel par une nuit sans lune peut apercevoir une forte concentration d'étoiles dessinant sur la voûte céleste un ruban blanchâtre, que nos ancêtres ont nommé la Voie lactée . C'est la galaxie qui nous héberge, vue par la tranche, et dont le Soleil n'est qu'une étoile parmi les quelque cent milliards qui la composent.
Ce phénomène de concentration est général dans l'Univers : les étoiles sont regroupées dans des zones bien localisées de l'espace, pour former des systèmes Ñ les galaxies Ñ de structure diverse, avec des masses comprises entre 108 et 1012 masses solaires, et des tailles s'échelonnant entre quel-ques kiloparsecs* et quel-ques dizaines de kiloparsecs. Ce sont en quelque sorte les briques élémentaires de l'Univers. Les étoiles y naissent, évoluent et meurent au sein d'un milieu interstellaire plus ou moins dense selon les galaxies.
Ce milieu interstellaire est constitué principalement d'hydrogène et d'hélium gazeux, de molécules variées et de poussières. Dans notre Galaxie, les variations de densité de ces poussières expliquent la luminosité irrégulière de la Voie lactée : le rayonnement émis par les étoiles lointaines est plus ou moins absorbé selon la quantité de poussière présente sur la ligne de visée.
La plupart des galaxies sont formées de deux grandes familles d'étoiles : les étoiles bleues, jeunes et chaudes, généralement concentrées dans un disque, et les étoiles rouges, vieilles et froides, qui suivent une distribution sphéroïdale. Les astronomes ont longtemps cru que les limites de l'Univers coïncidaient avec celles de la Voie lactée. Tous les objets célestes lui appartenaient, y compris ces étranges taches pâles et floues que l'astronome français Charles Messier avait observées au XVIIIe siècle. Soucieux de ne pas confondre ces nébuleuses avec des comètes, il en dressa un catalogue précis qu'il publia en 1784, à seule fin de s'en débarrasser ! Mais, ironie du sort, c'est ce catalogue de cent neuf objets qui le rendit célèbre, et non pas ses nombreuses découvertes de comètes les astronomes continuent d'ailleurs de désigner les galaxies les plus brillantes par leur nom dans le catalogue de Messier. Il est vrai que ce catalogue d'objets étendus et ceux qui suivirent alimentèrent un des débats les plus cruciaux en astronomie : les nébuleuses appartenaient-elles à notre Galaxie, autrement dit, l'échelle de l'Univers était-elle celle de la Voie lactée ?
Question d'autant plus épineuse que bon nombre de ces nébuleuses s'avérèrent constituées d'étoiles, leur aspect flou étant seulement dû à leur éloignement. E. Kant avait donc vu juste dans son Histoirenaturelle générale et théorie du ciel : il existait bien d'autres systèmes d'étoiles semblables à notre Galaxie, qu'A. von Humboldt popularisa au XIXe siècle sous le nom d'« Univers-île ». Mais sans connaître leur distance et la taille de notre Galaxie, il était très difficile de savoir si ces « Univers-îles » étaient vraiment indépendants du nôtre. La question fut tranchée seulement en 1923 par l'Américain E. Hubble : en déterminant la distance de la galaxie d'Andromède, il montra qu'elle était située bien au-delà des limites de notre Galaxie. Il apporta ainsi la première preuve irréfutable de l'existence de galaxies extérieures à la nôtre. Actuellement, près de cent milliards de galaxies sont potentiellement observables par nos plus grands télescopes. Si les galaxies apparaissent toutes dans l'instrument d'un astronome amateur comme de simples taches floues sur le ciel, cette ressemblance est trompeuse et cache en réalité une extraordinaire diversité de formes et de structures. Diversité qui amena E. Hubble à proposer en 1925 une classification en quatre grandes familles, fondée sur des critères morphologiques. Les galaxies elliptiques sont de forme ronde ou elliptique, homogènes. Les galaxies lenticulaires sont pourvues d'une condensation centrale Ñ le bulbe Ñ et d'un disque. Les galaxies spirales sont formées elles aussi d'un bulbe et d'un disque, mais avec une grande partie des étoiles du disque accumulées le long de bras spiraux en rotation autour du centre. Notre Galaxie appartient à cette catégorie. Quant aux galaxies spirales barrées , leur centre présente une forme particulière nettement allongée. A ces quatre catégories principales s'ajoute un petit nombre de galaxies irrégulières , de structure chaotique. Ces différences morphologiques recouvrent des différences de contenu : par exemple, les galaxies elliptiques sont peuplées d'étoiles en moyenne plus vieilles que celles des galaxies spirales, et contiennent moins de gaz et de poussières. Pour E. Hubble, cette classification correspondait à une séquence évolutive. Par la suite, on pensa que le type d'une galaxie était fixé dès sa formation. Aujourd'hui, les avis sont partagés et les astronomes s'efforcent d'estimer la part de l'inné et de l'acquis. Avec d'autant plus de difficultés que la classification des galaxies s'est passablement compliquée : de nombreux objets récemment découverts galaxies naines, galaxies géantes très peu lumineuses, etc. n'entrent dans aucune des quatre classes. Une telle diversité reste encore largement incomprise : les scénarios actuels de formation et d'évolution de l'Univers ne peuvent en rendre compte d'une manière satisfaisante. C'est seulement à partir des années 1960 que les astronomes s'intéressèrent de près à la partie la plus interne d'une galaxie. Toutes les galaxies, sauf les irrégulières, possèdent au centre de leur bulbe un noyau stellaire, région extrêmement brillante de très forte concentration d'étoiles. Dans la galaxie d'Andromède par exemple, une spirale proche de notre Galaxie, le diamètre du noyau est de l'ordre de 10 parsecs, pour un diamètre total de la galaxie de 30 kiloparsecs. Au coeur même d'un noyau stellaire peuvent se dérouler des processus physiques extrêmement violents et très énergétiques : le noyau, dit « actif », rayonne alors une énorme quantité d'énergie, variable, jusqu'à mille fois plus élevée que celle émise par la galaxie entière. Bien qu'assez rares Ñ seules 3 à 4 % des galaxies en possèdent Ñ, les noyaux actifs, en particulier les plus lumineux d'entre eux, les quasars, sont l'objet de toutes les attentions : ce sont les astres les plus lointains que l'on connaisse dans l'Univers. Mais on ignore encore si ce phénomène d'intense activité est un passage obligé dans l'évolution d'une galaxie. Tout juste commence-t-on à comprendre comment les extraordinaires quantités d'énergie mises en jeu pourraient s'expliquer par la présence d'un trou noir massif alimenté par la matière avoisinante. Connaître la distance d'un objet est une des tâches les plus délicates en astronomie. Les galaxies n'échappent pas à la règle. On ne peut mesurer directement la distance que d'un très petit nombre d'entre elles. Celles suffisamment proches pour que l'on puisse y distinguer des étoiles individuelles comme les céphéides*, qui sont de bons indicateurs de distance.
Pour les galaxies plus lointaines, on utilise une corrélation empirique entre la luminosité intrinsèque de la galaxie et sa vitesse de rotation qui peut être mesurée indépendamment de sa distance. Etalonnée sur les galaxies les plus proches dont on connaît la distance grâce aux céphéides par exemple, cette relation fournit les distances des galaxies situées dans un rayon d'environ 100 millions de parsecs.
Au-delà, la fameuse loi de Hubble prend le relais. Cette loi relie la distance d'une galaxie à son décalage spectral, c'est-à-dire au déplacement systématique des raies de son spectre vers les plus grandes longueurs d'onde. Ce « décalage vers le rouge » traduit la vitesse d'éloignement Ñ ou « vitesse de récession » Ñ de la galaxie, due à l'expansion de l'Univers.
E. Hubble montra que le décalage était proportionnel à la distance : plus une galaxie est lointaine, plus elle s'éloigne de nous rapidement. L'étalonnage de la loi de Hubble sur les galaxies dont les distances sont données par un des indicateurs décrits précédemment permet de déterminer la valeur de la célèbre constante de Hubble Ho. Cette constante exprime le taux d'expansion de l'Univers et sa valeur fut l'objet de nombreuses controverses. Les dernières mesures effectuées avec le télescope spatial Hubble semblent cependant converger vers une valeur de Ho=70 km.s1.Mpc1, avec une incertitude de 10 % environ. Enfin, quand la vitesse de récession tend vers la vitesse de la lumière, les effets relativistes rendent la loi de Hubble plus compliquée qu'une simple proportionnalité. Les premiers relevés systématiques de galaxies révélèrent au début du siècle leur répartition inhomogène sur la voûte céleste. On observe par exemple dans la direction du pôle Nord galactique une concentration très marquée de galaxies, appelée amas de la Vierge. Ce qui suggéra à l'astronome K. Charlier l'idée d'une distribution hiérarchique de structures : les galaxies seraient regroupées en amas, eux-mêmes rassemblés en amas plus larges, etc. Remarquable intuition, rapidement confirmée par la découverte du Groupe local : loin d'être isolée dans l'Univers, notre Galaxie est au contraire entourée d'une trentaine de très proches voisines, toutes fortement liées entre elles par la gravitation. Ce Groupe local fait lui-même partie d'un « superamas » local de quelques dizaines de millions de parsecs d'extension et contenant des milliers de galaxies. Les galaxies sont distribuées dans des feuillets ou filaments à l'intersection desquels sont situés les superamas. Ces feuillets entourent des vides apparemment dépourvus de galaxies.
Une question essentielle en cosmologie est alors de savoir à quelle échelle l'Univers peut être considéré comme homogène. D'après les observations les plus récentes, il semblerait que les feuillets et les vides soient les plus grandes structures existantes. L'Univers serait donc parfaitement homogène à l'échelle de quelques centaines de millions de parsecs. Pas grand-chose en réalité ! Car connaître le nombre et la masse des étoiles qu'elles contiennent Ñ entre 108 et 1012 chacune Ñ ne suffit pas. C'est le fameux problème de la masse manquante de l'Univers. Si l'on mesure la vitesse de rotation des étoiles et du gaz d'une galaxie spirale en fonction du rayon, on obtient une courbe de rotation qui ne correspond pas du tout à la distribution de masse visible. Désaccord qui implique l'existence d'une grande quantité de masse répartie autour des galaxies, probablement dans des halos plus ou moins sphériques de très grande taille plus de dix fois le rayon de la galaxie. La nature de cette masse « cachée » ou « matière sombre », qui représenterait 90 %, voire 99 % de la masse totale d'une galaxie, reste encore mystérieuse I . S'agit-il d'hydrogène moléculaire très froid, de « naines brunes » objets très peu lumineux, intermédiaires entre planètes et étoiles , ou de particules exotiques prévues par les théories des particules élémentaires, mais encore indétectées ?
A une échelle plus grande, celle d'un amas ou d'un superamas de galaxies, un désaccord apparaît également entre la somme des masses individuelles des galaxies et la masse totale du groupe requise pour assurer sa cohésion gravitationnelle. Rien ne garantit cependant que la masse « manquante » à cette échelle soit de même nature que la masse cachée des galaxies. Loin d'évoluer comme des systèmes isolés, les galaxies sont au contraire soumises à divers processus d'interactions parfois très violents. Dans le groupe contenant notre Galaxie, par exemple, les distances moyennes entre galaxies sont seulement cent fois plus grandes que leur diamètre. La fréquence des interactions gravitationnelles est donc relativement élevée. Ces interactions donnent lieu à de fortes distorsions : une galaxie étant un système de gaz et d'étoiles faiblement lié par la gravitation, elle peut se déformer considérablement sous l'action de forces de marée engendrées par une galaxie proche. Le disque de notre Galaxie est ainsi gauchi par l'effet de marée provoqué par le Petit et le Grand Nuage de Magellan, deux galaxies très voisines auxquelles un pont de matière nous relie. A la fois beaucoup plus rares et spectaculaires sont les collisions frontales entre galaxies, dont le résultat pourrait être ces étranges galaxies dites annulaires en raison d'une structure très similaire à celle d'une roue. De tels processus engendrent des galaxies aux formes extrêmement variées, dites à antennes, coquilles, jets, etc. Sans parler des galaxies « cannibales » : dans le centre des amas se trouvent parfois des galaxies elliptiques très massives, souvent avec plusieurs noyaux. Leur grande taille pourrait résulter de la capture et de l'absorption de leurs plus proches voisines. Dans le modèle standard du big- bang, l'Univers est en expansion et la matière qu'il contient est en dilution constante. La distribution de matière est affectée par de petites perturbations, des condensations de masse qui croissent grâce à la force de gravité, ralentissent l'expansion dans leur environnement immédiat, l'arrêtent, puis provoquent localement l'effondrement de la matière en halos. Les premiers halos à se former sont de petites tailles, puis d'autres, plus grands, se constituent à partir des précédents, et ainsi de suite : c'est ce que les astronomes appellent la croissance hiérarchique des structures de l'Univers. Le gaz, constitué de protons, électrons et noyaux d'atomes, refroidit dans les halos les plus petits et s'accumule au centre où des étoiles pourront naître. Ainsi se forment les galaxies, parties lumineuses émergées de gigantesques « icebergs » cosmiques. Lors de la fusion des halos dans le processus de croissance hiérarchique de structures, les galaxies d'un même amas partageant un grand halo commun peuvent interagir, se déformer puis fusionner voir question précédente. Ainsi la forme et le type d'une galaxie observée aujourd'hui peuvent avoir été modifiés à plusieurs reprises par interactions et fusions avec des galaxies voisines. Mais les étoiles les plus vieilles qu'elle contient se sont sans doute formées au tout début de l'Univers, au sein de petites galaxies qui ont fusionné par la suite. Le processus de formation des galaxies et des étoiles est donc continu, et tout semble indiquer qu'il fut plus intense dans le passé. Les interactions gravitationnelles entre galaxies décrites précédemment ne sont qu'un aspect de leur évolution. L'autre aspect fondamental est lié à la transformation de leurs constituants étoiles, poussière et gaz. En observant des galaxies situées à de grandes distances, les astronomes peuvent retracer cette histoire interne. La lumière voyageant à une vitesse finie, ces galaxies sont observées telles qu'elles étaient dans le passé de l'Univers. Les télescopes actuels permettent de remonter très loin, jusqu'à des époques où l'Univers n'avait que 10 % de son âge actuel. Le taux de formation d'étoiles était alors plus élevé, les étoiles étaient en moyenne plus jeunes et le gaz contenait moins d'éléments lourds*. A partir de ces observations, les astronomes ont pu reconstituer les grandes lignes de l'histoire d'une galaxie. A l'origine, elle n'est constituée que d'une accumulation de gaz d'hydrogène et d'hélium au centre d'un halo de matière sombre. Puis les premières étoiles se forment dans les zones les plus denses, par contraction d'un nuage de gaz lorsque l'autogravité du nuage l'emporte sur sa pression thermique. Le nuage s'effondre jusqu'au déclenchement du processus de nucléosynthèse au coeur de l'étoile II . Par ce processus, les étoiles transforment une partie de leur hydrogène en hélium, puis l'hélium en carbone et en éléments plus lourds. Lorsque leur réserve d'hydrogène est épuisée, les étoiles deviennent instables, explosent, restituant au milieu interstellaire un gaz enrichi en hélium et en éléments plus lourds. Une partie de ces éléments se condensera en poussière. D'autres générations d'étoiles pourront alors naître. Notre Voie lactée s'est ainsi chimiquement enrichie au cours des derniers milliards d'années, en consommant environ 90 % de ses réserves de gaz.
NOTES
*Un PARSEC vaut 3,0857 x 1016 mètres, soit
3,26 années-lumière. Un kiloparsec vaut 1 000 parsecs.
*LES CÉPHÉIDES sont des étoiles de luminosité variable. Il existe une relation remarquable entre leur luminosité absolue et leur période. Il suffit donc de mesurer la période d'une céphéide et son éclat pour déterminer sa distance.
*En astronomie on désigne par ÉLÉMENT LOURD tout élément chimique plus lourd que le bore 7B.
SAVOIR
F. Combes, P. Boissé, A. Mazure, A. Blanchard, Galaxies et cosmologie , Interéditions/Editions CNRS, 1991.
« Les galaxies », dans Encyclopædia Universalis , 1994.
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LE SOLEIL |
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Soleil
Le Soleil est l'une des quelque 100 milliards d'étoiles de la Galaxie. Il présente la double caractéristique d'être une étoile extrêmement proche (Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche du Système solaire, est 270 000 fois plus lointaine) et du type le plus courant. Son étude constitue de ce fait un moyen d'information permettant d'accéder aux processus fondamentaux d'évolution des étoiles et de vérifier certaines hypothèses et méthodologies utilisées en astrophysique stellaire. L'essentiel de ce que l'on sait du Soleil vient de l'étude de son rayonnement ; toutefois, depuis les années 1970, l'héliosismologie (ou sismologie solaire), qui étudie les modes d'oscillation du Soleil, favorise la connaissance de sa structure interne. Par ailleurs, les observations spatiales viennent désormais utilement compléter celles faites au sol, en autorisant l'étude du Soleil dans des domaines du spectre correspondant à des rayonnements arrêtés par l'atmosphère terrestre : rayonnements γ, X et ultraviolet.
Historique des principales découvertes sur le Soleil
Lorsqu'il découvre, en 1611, la rotation du Soleil en se fondant sur le mouvement des taches solaires, Galilée inaugure les études modernes du Soleil. La première estimation correcte de la taille de celui-ci et de sa distance par rapport à la Terre fut effectuée en France, par l'Académie des sciences, en 1684, grâce aux données obtenues par triangulation à partir de la mesure de la distance de Mars. En effet, cette mesure, faite en 1672 lorsque la planète s'approcha au maximum de la Terre, permit de connaître par une simple application de la troisième loi de Kepler la distance Terre Soleil. La découverte des raies sombres du spectre solaire par Joseph von Fraunhofer, en 1814, et son interprétation physique par Gustav Robert Kirchhoff, en 1859, inaugurèrent l'ère de l'astrophysique solaire, au cours de laquelle l'étude effective de l'état physique et de la composition chimique de la matière solaire devint possible.
Le champ magnétique intense des taches solaires fut découvert par George Ellery Hale en 1908. Le rôle des réactions nucléaires dans la production de l'énergie solaire fut démontré par Jean Perrin en 1919 et ces réactions furent explicitées par Hans Bethe en 1939. Les connaissances sur le Soleil évoluent et ne restent pas figées : le vent solaire ne fut découvert qu'en 1962, et ce n'est que sept ans plus tard que sa source fut identifiée avec les trous coronaux.
Le Soleil, une étoile naine
Le Soleil, comparé aux plus grandes étoiles connues, dont les diamètres sont 1 000 fois supérieurs au sien et dont les masses peuvent atteindre près d'une centaine de fois sa masse, est une étoile tout à fait moyenne, mais c'est un astre de taille respectable par rapport aux minuscules étoiles rouges. Il est donc répertorié dans la classe des étoiles naines. Son spectre, sa température de surface et sa couleur amènent à le classer plus précisément comme une naine G2 V, suivant la classification en usage (G désignant le type spectral, et V la classe de luminosité). La décomposition spectrale de son rayonnement a son maximum à environ 500 nm de longueur d'onde, ce qui lui vaut sa couleur jaune caractéristique.
La structure du Soleil
De son cœur jusqu'à sa couronne et à son vent solaire – qui s'étend jusqu'à la Terre et au-delà – qui s'étend jusqu'à la Terre, et au-delà, sa couleur amènent à le classer plus précis.
Le cœur du Soleil
Le poids des couches extérieures du Soleil comprime le gaz de la région centrale, le cœur, pour lui donner une densité qui est environ 160 fois celle de l'eau. La température atteinte est d'environ 15 millions de degrés. Partout à l'intérieur du Soleil, des atomes entrent constamment en collision avec assez d'énergie pour ioniser le gaz, qu'on appelle alors un plasma.
La zone radiative du Soleil
Dans le premier tiers du Soleil, les collisions entre particules sont si violentes qu'elles provoquent des réactions nucléaires, qui libèrent une énergie colossale et donnent au Soleil son éclat habituel. Cette série de réactions provoque la fusion thermonucléaire de l'hydrogène et sa transformation en hélium, suivant plusieurs séquences, dont la principale, qui fournit plus de 90 % de l'énergie totale, est appelée « chaîne proton proton », car elle met en œuvre quatre noyaux d'hydrogène, ou protons (le noyau d'hydrogène étant composé d'un seul proton), pour former un noyau d'hélium. Cette réaction proton proton peut alimenter le Soleil en énergie pendant environ 10 milliards d'années (l'âge du Soleil étant estimé à environ 5 milliards d'années, il lui reste donc encore un temps équivalent à vivre). Les rayons gamma émis par les réactions nucléaires voyagent vers l'extérieur et sont sans cesse absorbés et réémis : c'est la zone radiative. Un photon parcourt en moyenne 1 cm avant d'être capturé ; les absorptions et émissions successives diminuent l'énergie des photons, qui passent à l'état de rayons X, puis ultraviolets, avant de devenir visibles au niveau de la photosphère.
La zone convective du Soleil
Vers 0,8 rayon solaire, comme le poids des couches de gaz extérieures diminue, la densité et la température requises pour maintenir cette couche en équilibre hydrostatique diminuent également rapidement. À une distance du centre du Soleil égale à 0,6 rayon solaire, la température est d'environ 1 million de degrés ; aussi, l'hydrogène et l'hélium ne sont plus complètement ionisés, et les atomes neutres absorbent donc les radiations qui proviennent des zones incandescentes du cœur. Dans cette région, le chauffage et l'expansion des gaz qui s'ensuit permet à ces derniers de se déplacer vers le haut à cause de leur densité plus faible, et la chaleur atteint les couches supérieures. Ainsi, le transport de l'énergie s'effectue par un vaste brassage de matière qui monte, se refroidit, puis redescend : c'est la convection, qui constitue un moyen puissant pour évacuer la chaleur vers l'extérieur.
Le plasma solaire de la zone de convection est à peu près aussi bon conducteur qu'un fil de cuivre à température ambiante. Aussi, lorsqu'un volume important d'une matière de ce type traverse un champ magnétique, comme ici dans le Soleil, il induit un courant électrique considérable, qui déforme le champ primitif au point de l'entraîner dans son mouvement. L'influence mutuelle des champs magnétiques et des plasmas en mouvement est connue sous le terme de magnétohydrodynamique (MHD). La MHD permet d'étudier comment la rotation différentielle modifie les lignes de champ magnétique polaires, les déforme et les amène parallèlement à l'équateur au cours du cycle d'activité du Soleil.
La convection continue à être efficace jusqu'à ce que soient atteintes les couches où la densité est si faible que l'énergie rayonnée par les gaz ascendants peut s'échapper directement dans l'espace. Cette couche est la surface visible du Soleil, la photosphère.
La photosphère
L'observation de la photosphère montre un grand nombre de cellules convectives, les granules, dont la taille est d'environ 1 millier de kilomètres. Ces granules « vivent » environ un quart d'heure ; elles sont formées par des gaz ascendants chauds, entourés par des gaz descendants plus froids, se déplaçant à environ 1 km/s.
Il semble que les mouvements convectifs des gaz solaires, en plus du transport de chaleur, aient des effets importants sur la rotation du Soleil, sur son magnétisme et sur la structure des couches situées au-dessus de la photosphère. La convection contribuerait à expliquer le fait que les gaz de la photosphère ne tournent pas de façon rigide : si la période de rotation est d'environ 25 jours à l'équateur, elle s'élève déjà à 1 mois à la latitude de 60°.
Aux abords de la photosphère, la densité du gaz diminue rapidement en altitude, d'un facteur 10 tous les 1 000 km environ. Cette diminution rapide explique le bord net du Soleil, même quand on le voit dans des télescopes, car la couche dans laquelle le gaz perd son opacité et devient transparent n'a que quelques centaines de kilomètres d'épaisseur (ce qui représente moins d'une seconde d'arc quand on l'observe depuis la Terre). Ainsi, la photosphère n'est pas une surface, mais une couche solaire d'environ 300 km d'épaisseur.
La chromosphère
Au-dessus de la photosphère, la température descend jusqu'à un minimum d'environ 4 500 K ; puis, assez curieusement, elle commence à remonter. Pendant quelques secondes, au début et à la fin d'une éclipse totale de Soleil, on peut observer un mince anneau de quelques milliers de kilomètres d'épaisseur autour du disque solaire ; cet anneau brille d'un éclat rosé intense, d'où son nom de chromosphère, c'est-à-dire « sphère de couleur ». Lorsqu'on l'examine au télescope avec un spectrographe à haute résolution, on peut voir que la plupart des émissions chromosphériques proviennent de jets très fins de gaz dirigés vers l'extérieur, les spicules, d'une température d'environ 15 000 K et d'une densité d'environ 1011 particules par centimètre cube. Un spicule a une durée de vie de 5 à 10 minutes ; sa hauteur est en général de 5 000 à 10 000 km, et son épaisseur environ dix fois plus faible. Les gaz se déplacent vers l'extérieur à des vitesses d'environ 25 km/s. Les spicules semblent se situer à la périphérie des cellules de supergranulation, semblables aux granules, mais qui s'étendent sur des diamètres de l'ordre de 30 000 km.
Couronne solaire
Au cours d'une éclipse totale, ou à l'aide d'un coronographe, on peut observer l'atmosphère du Soleil, qui s'étend à une distance de plusieurs rayons solaires au-delà de la photosphère et émet une faible lueur, la couronne solaire, 1 million de fois moins brillante que le disque, dans sa partie la plus lumineuse. Cependant, malgré les températures observées dans la chromosphère, la densité de matière décroît si rapidement qu'aucune couronne ne devrait être visible même à proximité de la surface. L'explication de ce phénomène a été trouvée en 1940 lorsqu'on a pu prouver que dans le spectre du rayonnement de la couronne certaines raies non identifiées étaient causées par des corps fortement ionisés, comme le fer ionisé 13 fois, ce qui implique une température de l'ordre du million de degrés. Comme un gaz chaud a moins tendance à être comprimé par les couches supérieures qu'un gaz froid, la température élevée qui règne dans la couronne permet d'expliquer pourquoi cette dernière est si étendue.
Le mécanisme qui porte la couronne à une température aussi élevée est mal connu, et cette question est au centre de nombreuses recherches, notamment à partir de satellites artificiels. Ainsi, le gaz coronal à proximité du Soleil est visible à l'œil nu pendant les éclipses, car il diffuse la lumière photosphérique à partir des électrons du plasma de la couronne. En effet, ce plasma très chaud émet ses propres rayonnements, ultraviolet et X, lorsque des électrons, se déplaçant rapidement, entrent en collision avec des ions d'éléments plus lourds. Le chauffage de la couronne n'est donc pas une simple question de flux de chaleur en provenance de la photosphère plus froide, par conduction, convection ou radiation, car un tel flux irait à l'encontre de la seconde loi de la thermodynamique. Plus vraisemblablement, ce sont des ondes acoustiques ou d'autres formes d'ondes générées par les mouvements gazeux de la photosphère qui transportent l'énergie dans le milieu coronal et la dissipent en la transformant en chaleur, pour équilibrer les pertes subies par la couronne. Une autre explication peut être la dissipation de courants électriques dans le plasma coronal, très conducteur, de la même façon que l'effet Joule élève la température dans un matériau résistant.
Le vent solaire
La température et la pression des gaz de la couronne sont trop élevées pour que leur effet soit compensé par la gravité solaire. Des particules peuvent ainsi s'échapper dans l'espace, et participer à la formation du vent solaire. Celui-ci est constitué d'électrons (90 %), de neutrons, de quelques noyaux d'hélium et de traces d'éléments plus lourds. En 1983, quand la sonde américaine Pioneer 10 quittait le Système solaire connu, elle détectait encore la présence du vent solaire. Au niveau de l'orbite de la Terre, la vitesse d'expansion du vent solaire est de 300 à 700 km/s, avec une densité de 1 à 10 particules par centimètre cube ; ainsi, la perte de masse du Soleil, due au vent solaire, n'est que de 10−13 masses solaires par an. Néanmoins, le vent solaire a des effets observables sur les couches supérieures de l'atmosphère terrestre, notamment lors des aurores polaires.
Les anneaux de poussières
Le Soleil est entouré d'anneaux, ou de disques, de poussières interplanétaires. L'un de ces anneaux, situé dans le plan de l'orbite de Jupiter, est connu depuis longtemps : il est à l'origine de la « lumière zodiacale ».
En 1983, un autre anneau fut découvert dans la ceinture d'astéroïdes, entre Mars et Jupiter, par IRAS (Infrared Astronomy Satellite, ou satellite artificiel d'observation astronomique dans l'infrarouge). Une équipe d'astronomes japonais et indonésiens découvrit, également en 1983, un troisième anneau à seulement deux diamètres solaires de notre astre.
L'activité solaire
Le Soleil entretient un champ magnétique intense qui influence les structures physiques de la photosphère, de la chromosphère et de la couronne de manière complexe et variable selon les époques : c'est ce qu'on appelle l'activité solaire.
Taches solaires et facules
Les champs magnétiques émergent dans les couches visibles sous l'aspect de boucles toroïdales de flux magnétique. Leur effet le plus évident sur la photosphère est la formation des taches solaires sombres et des facules brillantes, qui caractérisent à ce niveau une région active. Lorsqu'ils sont intenses, ils perturbent la convection, et amoindrissent donc l'efficacité du processus dominant de transport de chaleur jusqu'à la photosphère, d'où la température « basse » et la relative obscurité des taches solaires.
Une région active se développe horizontalement lorsque le « tube magnétique » émerge de la photosphère, en forme de boucle, passant d'une taille de moins de 5 000 km jusqu'à plus de 100 000 km en une dizaine de jours. C'est au cours de cette période de croissance rapide que la probabilité pour que se produise une éruption solaire spectaculaire est la plus forte.
Éruption solaire
Une forte éruption est caractérisée par un rapide accroissement de la brillance, d'un facteur 5 à 10, en quelques minutes, sur une surface considérable de la région active, comme on peut l'observer dans la raie Hα de l'hydrogène émise par la chromosphère. Seules les éruptions très importantes peuvent être décelées en lumière blanche, à cause de la brillance de la photosphère. Les effets les plus violents et les plus spectaculaires de l'éruption ont lieu cependant dans la couronne. Là, les boucles magnétiques qui surmontent les taches et les facules peuvent accroître leur brillance dans les rayonnements X et ultraviolet d'un facteur 100 ou plus. Les particules chargées sont accélérées jusqu'aux vitesses relativistes, et une puissante émission sur des longueurs d'ondes centimétriques est généralement constatée.
Certaines éruptions produisent aussi de fortes explosions radio sur des longueurs d'ondes métriques, et d'importants volumes de plasma sont souvent projetés dans l'espace à des vitesses qui dépassent la vitesse d'échappement – qui est de l'ordre de 600 km/s – udu champ de gravité solaire au niveau de la photosphère. L'événement cataclysmique s'affaiblit lentement, en quelques heures, après avoir libéré une énergie allant jusqu'à 10215 J. Ce mécanisme a été récemment interprété comme un « court-circuit » géant entre des tubes de force du champ magnétique. Les taches solaires durent en général quelques semaines, les grandes, plus durables, pouvant survivre 2 ou 3 mois. Les facules continuent à signaler une région active pendant un peu plus longtemps. Finalement, il semble que les mouvements de convection désordonnés près de la photosphère démantèlent la boucle de flux magnétique et la dispersent en plus petits éléments sur toute la surface de cette dernière.
Loin des régions actives, des champs d'intensités comparables (de 0,1 à 0,2 tesla) sont mesurés, mais ils se restreignent à un réseau polygonal qui coïncide avec les bords des cellules de supergranulation dont il a été fait mention précédemment.
Boucles
Au-dessus de la photosphère, les champs magnétiques d'une région active peuvent être détectés par leur effet sur la répartition des températures et des densités dans la chromosphère et dans la couronne. Là encore, des structures proéminentes en forme de boucles, observées dans les rayonnements X et ultraviolets, montrent comment les lignes de champ s'étendent jusqu'à 100 000 km et davantage au-dessus d'une tache, et reviennent ensuite vers la photosphère, généralement dans le même centre d'activité.
Protubérances solaires
Dans d'autres régions de la couronne, d'immenses feuillets de plasma condensé relativement froid (10 000 K, contre 1 à 3 millions dans la couronne), appelés protubérances, sont soutenus par les tubes de champ magnétique jusqu'à des hauteurs qui peuvent dépasser 200 000 km.
Trous coronaux
Dans certaines grandes zones, appelées trous coronaux, l'émission de la couronne est nettement plus faible, ce qui montre une baisse de la densité du plasma, dont la température est de 1 million de degrés au moins. Les observations radioastronomiques indiquent que dans ces régions les lignes de champ magnétiques s'étendent radialement vers l'extérieur et ne forment plus des structures closes, comme dans les boucles et les protubérances. Une partie de la couronne peut alors s'écouler dans l'espace interplanétaire, c'est le vent solaire. Ces trous sont plus fréquents aux pôles solaires, où les lignes magnétiques sont plus facilement ouvertes, mais peuvent descendre parfois jusqu'à l'équateur.
Les cycles d'activité solaire
L'activité solaire présente un cycle d'une période d'environ 22 ans. La propriété la plus facilement observable de ce cycle est la variation, tous les onze ans environ, du nombre de taches solaires. Le cycle de 22 ans semble avoir été assez régulier au cours du xixe s. et même au-delà, mais les témoignages historiques indiquent qu'entre 1640 et 1710 – ce qu'on appelle le minimum de Maunder – aundern appelle le minimum de Maundergnages
Les irrégularités, à long terme, de l'activité solaire peuvent avoir des retombées tangibles sur la Terre, car les flux de particules solaires chargées et le rayonnement ultraviolet sont directement liés au niveau d'activité manifesté par les régions actives, les éruptions et les trous coronaux. Des variations dans ces émissions peuvent affecter, on le sait, les couches supérieures de l'atmosphère et avoir des répercussions importantes sur le climat.
Les relations Soleil-Terre
Le Soleil émet en permanence dans l'espace un flux de particules chargées, le vent solaire. Celui-ci a pour effet de déformer la magnétosphère terrestre, qui est comprimée du côté du Soleil et étirée dans la direction opposée. Mais ce régime peut être brutalement perturbé en période d'activité solaire, quand le Soleil émet des bouffées de plasma plus énergétique : l'arrivée massive de ces particules dans l'environnement terrestre provoque alors la formation d'aurores polaires et d'orages magnétiques.
Par ailleurs, on sait que la Terre est soumise à des variations d'ensoleillement liées à sa rotation sur elle-même (alternance des jours et des nuits) et à sa translation autour du Soleil (cycle des saisons). Sur des intervalles de temps plus longs, on a pu établir que les variations de l'excentricité de son orbite et de l'inclinaison de son axe de rotation avaient également des répercussions climatiques (théorie de Milanković). Il est légitime de se demander si le Soleil lui-même et son rayonnement n'ont pas des fluctuations suffisantes pour avoir un impact sur le climat de la Terre. Les observations spatiales ont mis en évidence de légères fluctuations (0,2 %) de la constante solaire, c'est-à-dire du flux d'énergie solaire reçu au sommet de l'atmosphère, perpendiculairement par unité de temps et de surface, en fonction du cycle de l'activité solaire. Mais on n'a pu encore clairement établir de lien entre ces variations et celles de la température sur la Terre.
L'évolution du Soleil
Depuis 4,6 milliards d'années, le Soleil est alimenté en énergie par la fusion d'hydrogène en hélium. Dans 3,5 milliards d'années, il aura brûlé la quasi-totalité de l'hydrogène de son noyau. La production d'énergie nucléaire cessant, la matière se contractera, ce qui provoquera une augmentation interne de la température et de la pression. Les couches extérieures se dilateront et la température de la photosphère baissera : le Soleil deviendra une géante rouge. Son rayon pourra alors atteindre la moitié de la distance de la Terre au Soleil mais notre planète se sera alors éloignée à 250 millions de km de son étoile. En effet, le Soleil ayant perdu près de 40% de sa masse par suite de l'échappement du vent solaire, la Terre sera alors soumise à une plus faible attraction. Cet éloignement relatif ne compensera pas l'énorme accroissement de luminosité du Soleil. Dans le cœur de l'étoile, lorsque la température atteindra 100 millions de degrés, la fusion de l'hélium, produisant du carbone et de l'oxygène, se déclenchera et se propagera vers l'extérieur.
Quelques milliards d'années plus tard, l'hélium sera épuisé à son tour et, la production d'énergie nucléaire cessant, le Soleil se contractera à nouveau. Les réactions nucléaires reprendront alors dans deux zones : en surface, transformation de l'hydrogène en hélium, et à l'intérieur, de l'hélium en carbone et oxygène. Sous la pression intense du rayonnement, de la matière sera éjectée. Le rayon du Soleil se réduira à une dizaine de milliers de kilomètres. Dans le même temps, sa température de surface passera à une centaine de milliers de kelvins. Le Soleil finira ainsi son existence sous les traits d'une naine blanche dont le rayonnement faiblira peu à peu. Quant à la matière éjectée, elle se dispersera dans le milieu interstellaire où elle donnera naissance, ultérieurement, à de nouvelles étoiles.
RELIGION
Le culte du Soleil, assez répandu dans diverses sociétés anciennes, a eu un succès tout particulier en Égypte pharaonique, en tant que puissance fécondante. Rê représentait l'astre solaire, et Aton le disque solaire. Dans la ville sainte d'Héliopolis s'étaient élaborés mythes et systèmes théologiques et, dès la IVe dynastie, certains pharaons se sont qualifiés de fils de Rê. Aménophis IV organisa un nouveau culte solaire avec le syncrétisme Amon-Rê.
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