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LIGNÉE HUMAINE

 

Paris, 27 janvier 2011


Lignée humaine : le métissage entre Homo sapiens et espèces plus archaïques n'est pas la seule explication aux données génétiques
Y a-t-il eu métissage entre Homo Sapiens et les populations d'Homo archaïques qu'il a remplacées en Europe (l'homme de Néanderthal) et en Asie (Homo Erectus, l'homme de Denisova) ? Pas forcément, répondent deux bio-informaticiens, l'un du CNRS (1) et l'autre de l'Université d'Uppsala (Suède). Leurs simulations numériques montrent que d'autres événements démographiques pourraient rendre compte de la diversité génétique de notre espèce. Ce travail est publié dans la revue Molecular Biology and Evolution du mois de février 2011.
Depuis que l'on sait séquencer l'ADN, généticiens et bio-informaticiens s'intéressent de plus en plus aux origines de l'homme. Ils ont montré que l'« Eve mitochondriale » (la femme qui portait le dernier ancêtre commun des mitochondries (2) présentes dans la population actuelle) vivait il y a moins de 200 000 ans, de même que  l'« Adam Y » (l'homme qui portait le dernier ancêtre commun des chromosomes Y actuels). Ensuite, ils ont voulu déterminer les âges des derniers ancêtres communs sur le chromosome X et les chromosomes non sexuels, mais jusqu'à présent, aucun consensus n'avait été atteint sur ce sujet. Certains parlaient d'1 à 1,5 million d'années tandis que d'autres pensaient qu'ils étaient contemporains de l'Eve mitochondriale et de l'Adam Y. L'idée prévalant était que, si les âges anciens des derniers ancêtres communs sur le chromosome X et les chromosomes non sexuels était confirmé, cela impliquait un métissage d'Homo Sapiens avec des hommes plus archaïques (repoussant le dernier ancêtre commun à l'époque où les populations archaïques se sont séparées).
Deux chercheurs, l'un au laboratoire « Techniques de l'ingénierie médicale et de la complexité - Informatique, Mathématiques et applications » de Grenoble (3) et l'autre à l'Université d'Uppsala, ont analysé une base publique de données d'ADN, pour calculer les âges des ancêtres communs sur le chromosome X et sur les chromosomes non sexuels. Ils ont trouvé respectivement 1 million et 1,5 million d'années, confirmant l'ancienneté de ces ancêtres.
Dès lors, ils ont voulu savoir si cela impliquait un métissage. Ils ont réalisé des simulations numériques du devenir du patrimoine génétique des populations humaines selon les deux scénarios classiques habituellement envisagés : dans le premier, après être apparu en Afrique, Homo Sapiens aurait ensuite remplacé les espèces archaïques qui vivaient sur les autres continents. Dans le second, il se serait métissé avec ces populations (en Europe avec l'homme de Neandertal, en Asie avec Homo Erectus,  l'homme de Denisova…). Ces simulations aboutissent à un écart entre l'âge de l'Eve mitochondriale et celui de l'ancêtre commun des chromosomes non sexuels qui présente un rapport de 1 à 4. Or le rapport est en fait de 1 à 8. Ni l'un, ni l'autre des deux scénarios ne peut donc rendre compte, à eux seuls, des données de la génétique.
En revanche, deux hypothèses pourraient expliquer cet écart. Première hypothèse : avant la migration hors d'Afrique et depuis des centaines de milliers d'années, la population africaine a été morcelée en plusieurs groupes séparés par des barrières géographiques empêchant le brassage des gènes. Les ancêtres commun du chromosome X et les chromosomes non-sexuels dateraient alors d'avant l'isolement des différents groupes. Deuxième hypothèse : un « goulot d'étranglement démographique » a eu lieu il y a environ 150 000 ans, pendant l'avant-dernière glaciation. La rigueur du climat aurait alors provoqué une diminution de la taille de la population africaine. Les gènes présents sur les chromosomes non sexuels auraient franchi ce goulot d'étranglement, c'est-à-dire qu'ils auraient persisté dans la population après le goulot, contrairement aux gènes de l'ADN mitochondrial, qui eux, ne l'auraient pas passé (4).
 
En conclusion, ce travail montre que l'âge ancien des derniers ancêtres des chromosomes X et non-sexuels n'implique pas forcément un métissage de notre lignée, comme on le pensait jusqu'à présent. En effet, le scénario sans métissage peut également rendre compte, par le biais de l'une ou l'autre des hypothèses des chercheurs (fragmentation ancestrale ou goulot d'étranglement pendant l'avant-dernière glaciation) des résultats obtenus sur les âges des derniers ancêtres communs. A l'avenir, le séquençage  de génomes entiers, en particulier celui de fossiles humains, permettra de tester ces hypothèses. Plus généralement, l'arrivée massive de génomes entiers va nous offrir une occasion sans précédent de mieux appréhender la paléogéographie humaine, et de mieux comprendre comment s'est façonnée la diversité génétique de notre espèce.

 

DOCUMENT                CNRS                LIEN

 
 
 
 

CELLULE STRESSÉE

 

Paris, 20 mai 2008


À quelle vitesse réagit une cellule stressée ?


Soumise à un stress, telle la modification de son environnement, une cellule réagit plus ou moins rapidement pour assurer sa survie. Chez la levure, cela passe par une succession de réactions connues, mais dont la dynamique n'avait jamais été étudiée. C'est désormais chose faite grâce au chercheur CNRS Pascal Hersen(1) et à ses collègues américains de l'Université de Harvard(2). Après avoir mis au point un dispositif de mesures simple et innovant, les scientifiques ont confirmé l'hypothèse selon laquelle au-delà d'une certaine fréquence de stimulation, la cellule de levure ne répond plus à un stress osmotique(3). Les chercheurs sont dorénavant capables de mesurer la vitesse de réaction pour ce stress, et surtout, de modifier celle-ci en supprimant certains gènes.
Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives en ingénierie du vivant. L'idée est de construire des cellules aux fonctions biologiques novatrices et dont la dynamique est contrôlée. Ils sont publiés en ligne sur le site de la revue PNAS.
Il suffit d'un peu de sel sur une cellule pour que celle-ci rapetisse ! Ce phénomène s'explique par une différence de salinité entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule. Et, pour rétablir l'équilibre entre ces concentrations, la cellule largue de l'eau, ce qui réduit sa taille… Afin de retrouver une dimension normale, la cellule met en œuvre une série de réactions indispensables au bon fonctionnement de ses processus de régulation et d'adaptation. Chez la levure Saccharomyces cerevisiae, un système eucaryote(4) modèle, cette cascade est bien décrite. Mais sa dynamique reste méconnue. Or, une cellule se doit de réagir à la bonne vitesse pour assurer sa survie. Comprendre la dynamique de la réponse cellulaire à un stress environnemental est donc essentiel.

Pour cela, Pascal Hersen, chargé de recherche CNRS au Laboratoire "Matière et systèmes complexes" (CNRS / Université Paris 7), et ses collègues américains ont choisi d'étudier comment et à quelle vitesse la levure répond et s'adapte à un stress environnemental. Grâce à un dispositif simple permettant de suivre le comportement de cellules individuelles, ils ont créé un environnement qui introduit un déséquilibre de manière périodique. C'est ainsi qu'ils ont réussi à déterminer les propriétés dynamiques de la réponse cellulaire.

Première observation : lorsque la fréquence est trop élevée, la taille des cellules ne change pas. Le transfert d’eau à travers la membrane cellulaire n’a tout simplement pas le temps de se faire. A l’inverse, pour des fréquences plus faibles (introduction d'un déséquilibre toutes les 10 secondes), les cellules rapetissent et gonflent périodiquement en suivant fidèlement les fluctuations de ce déséquilibre. Toutefois, dans cette gamme de fréquence, la cascade de réactions n’a pas le temps d’être activée entre deux cycles. Il y a donc un découplage entre réponse mécanique et réponse biologique. Ce n'est qu'au-delà d'une période de l'ordre d'une dizaine de minutes que les réactions biologiques sont activées et se succèdent "naturellement", tout en étant couplées à la réponse mécanique de la cellule. Cette fréquence est donc caractéristique de la dynamique de réponse chez la levure, celle-ci étant incapable de suivre fidèlement les changements trop rapides de son environnement en-deçà de 10 minutes.

Enfin, en supprimant certains gènes de la levure, les chercheurs ont montré que cette cascade peut être ralentie significativement. Loin de s'arrêter en si bon chemin, ils espèrent comprendre comment l’abondance et la nature des protéines influent sur la dynamique de ces réactions, et pourraient, à terme, être capables de les accélérer ou de les ralentir. Cette maîtrise offre de nouvelles perspectives en biologie "synthétique"(5) pour concevoir des cellules aux fonctions novatrices, dont la dynamique de réponse face à un stress est contrôlée.

 

DOCUMENT                 CNRS                  LIEN

 
 
 
 

LES PLANTES CARNIVORES

 

Paris, 20 novembre 2007


Des plantes carnivores utilisent une "salive" élastique pour capturer leurs proies


Les plantes à urnes Nepenthes, dont les feuilles forment des entonnoirs, sont des plantes carnivores largement répandues dans les forêts tropicales d'Asie. Jusqu'à présent, on pensait qu'elles capturaient leurs proies grâce à un simple piège passif. Deux chercheurs du CNRS ont montré que c'est la salive gluante de ces plantes qui cause la perte finale de leurs victimes. Ce fluide contenu à l'intérieur des urnes possède les caractéristiques viscoélastiques idéales pour empêcher la fuite des proies, même lorsque il est dilué par de fortes pluies. Ce résultat est publié dans la revue PLoS ONE du 21 novembre 2007.
Les plantes carnivores se sont adaptées aux sols pauvres dans lesquels elles poussent en piégeant et digérant des insectes et autres petits arthropodes. Parmi elles, les plantes à urnes du genre Nepenthes vivent dans les forêts tropicales d'Asie. Jusqu'à présent, le mécanisme de leur piège restait mal compris : on pensait que les insectes glissaient sur la paroi interne des urnes puis étaient digérés grâce au liquide qu'elles contiennent. Laurence Gaume, du laboratoire Botanique et bioinformatique de l'architecture des plantes (CNRS/Université Monpellier2), et Yoël Forterre, de l'Institut universitaire des systèmes thermiques industriels (CNRS/Université Aix-Marseille), ont associé leur compétences en biologie des interactions plantes - insectes et en physique des fluides complexes pour montrer que le fluide digestif de Nepenthes rafflesiana joue en réalité un rôle crucial dans la capture des proies.
 
Les chercheurs ont filmé à la caméra rapide des mouches et des fourmis tentant de se débattre dans le liquide sécrété par la plante. Ils ont constaté que les mouches étaient rapidement recouvertes par le liquide et incapables de se déplacer, même lorsque le fluide était dilué à plus de 90 pour cent par de l'eau. Grâce à des mesures physiques sur le fluide, ils ont montré que ce phénomène provenait de la nature viscoélastique du fluide qui produit des filaments de fortes rétentions et ne laisse aucune chance aux insectes tombés dans l'urne. La forte viscoélasticité du fluide, même lorsqu'il est très dilué par les pluies, constitue un avantage important en zone tropicale.
 
Pour les insectes, ce fluide se comporte un peu comme du sable mouvant : plus ils se débattent, plus ils sont piégés. Sa consistance se rapproche du mucus ou de la salive qui, chez certains reptiles et amphibiens, remplit la même fonction de capture. La composition précise de ce fluide, unique dans le règne végétal, reste à déterminer : elle pourrait être à l'origine du développement de pesticides biocompatibles.

 

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PALEOBIODIVERSITÉ

 

Paris, 29 janvier 2014


Décrypter certains fossiles grâce aux terres rares


Il était jusqu'à présent très difficile de lire les fossiles « plats ». Une nouvelle approche permettant d'analyser de tels fossiles vient d'être mise au point par une équipe réunissant des chercheurs de l'unité Ipanema (CNRS / ministère de la Culture et de la Communication), du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CNRS / MNHN / UPMC) et du synchrotron SOLEIL. Cette méthode non destructrice s'appuie sur des éléments chimiques appelés terres rares : les localiser et les quantifier à l'état de traces suffit pour mieux décrypter la morphologie des fossiles. Les chercheurs ont ainsi pu décrire l'anatomie, mais aussi l'environnement à l'origine de la préservation de trois fossiles datant du Crétacé. Publiés le 29 janvier 2014 dans la revue Plos One, ces travaux devraient faciliter l'analyse des nombreux fossiles « plats », tout particulièrement ceux « à conservation exceptionnelle ».
Lors du processus de fossilisation les restes d'animaux ou de plantes sont souvent aplatis, comprimés en deux dimensions par la pression des roches, ce qui constitue parfois un réel obstacle à l'étude de ces fossiles. Autre difficulté : ces fossiles écrasés subissent des modifications physicochimiques au cours de leur fossilisation, compliquant leur lecture. Or, ces fossiles peuvent receler des informations inestimables. En particulier, quand l'anatomie y est bien conservée (on parle alors de fossiles « à conservation exceptionnelle »), des tissus « mous », tels les muscles, sont alors fossilisés. Mais localiser ces tissus reste particulièrement difficile du fait du contraste limité atteint en microscopie optique et des limites de la tomographie1, techniques aujourd'hui couramment utilisées pour étudier les fossiles.

Des chercheurs du CNRS, du MNHN et du synchrotron SOLEIL ont imaginé et mis au point une nouvelle approche non destructrice : elle repose sur la localisation de terres rares. Ces éléments chimiques (yttrium, lanthanides) sont connus pour être contenus à l'état de traces dans les fossiles, typiquement de 1 à 1000 microgrammes par gramme de matière. Or, selon le type de tissu, les quantités d'éléments traces incorporées lors de la fossilisation diffèrent. Cette fixation préférentielle permet de discriminer les parties anatomiques d'un fossile. Elle se matérialise par un contraste important des différents éléments chimiques selon les types de tissus du fossile lorsque celui-ci est caractérisé par imagerie de fluorescence X rapide sous rayonnement synchrotron2. Pour accélérer l'analyse, l'équipe a proposé une méthode rapide de différenciation des tissus, fondée sur la nature probabiliste des données mesurées.

Les scientifiques ont appliqué cette approche à trois fossiles (deux poissons et une crevette) découverts au Maroc et datant du Crétacé supérieur, il y a environ 100 millions d'années. Les contrastes ainsi mis en évidence permettent de distinguer les « tissus durs » (os ou carapaces) des « tissus mous » (muscles ou autres organes fossilisés). Ils ont notamment permis de révéler des particularités anatomiques, jusqu'ici cachées, d'un poisson fossile connu par un unique spécimen, dont l'un des os du crâne a pris la forme d'une large lame dentée.

Cette nouvelle approche permet de visualiser en détail et avec précision l'anatomie d'un fossile sans le dénaturer et sans avoir besoin de préparer finement l'échantillon au préalable. Elle est particulièrement adaptée aux fossiles aplatis étant donné que les rayons X pénètrent quelques fractions de millimètres à l'intérieur du fossile. Cette technique a également révélé certains os cachés sous une fine couche de roche, permettant ainsi leur visualisation directe. Elle a permis par exemple de visualiser certains appendices cachés d'une crevette fossile, tels que les pattes ou les antennes, qui portent des informations importantes pour étudier ses relations de parenté avec les autres crevettes. Par ailleurs, les teneurs en terres rares reflètent l'environnement dans lequel un fossile est préservé : la connectivité aux réseaux d'eau environnants, les conditions physico-chimiques locales et les propriétés des phases minérales constituant les fossiles, qui peuvent ainsi être mieux décrites.

Ces travaux devraient donc faciliter l'interprétation des fossiles « plats » très fréquents dans le registre fossile. Ils ouvrent de nouvelles perspectives pour les études paléoenvironnementales mais également pour mieux comprendre les processus de fossilisation à long terme.

 

DOCUMENT             CNRS                 LIEN

 
 
 
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