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PARKINSON

 


NEURONES À VOLONTÉ
Parkinson : l'efficacité des greffes thérapeutiques ?


neurones à volonté - par Philippe Damier et Philippe Brachet dans mensuel n°329 daté mars 2000 à la page 38 (2529 mots) | Gratuit
Alors que l'utilisation de cellules souches modifiées génétiquement en est encore au stade préclinique et que les greffes de neurones embryonnaires ont montré leur efficacité mais restent difficilement applicables, des techniques alternatives existent. Pourtant, retarder le développement de la maladie reste un objectif hors d'atteinte.

Caractérisées par la détérioration lente et irréversible de groupes particuliers de cellules nerveuses, puis leur mort, les maladies neurodégénératives sont rapidement invalidantes. Aucun traitement ne parvient aujourd'hui à enrayer leur développement, et leur incidence croissante en fait un des enjeux majeurs de la santé publique dans les pays occidentaux. Les deux plus fréquentes d'entre elles sont la maladie d'Alzheimer et la maladie de ParkinsonI. Dans la première, les cellules nerveuses détruites sont plus particulièrement impliquées dans les capacités mnésiques et langagières. La seconde, sur laquelle nous concentrerons notre attention, est associée à la perte de cellules essentielles au contrôle de la motricité. A défaut d'un traitement capable de stopper ou au moins de ralentir le processus dégénératif, les progrès réalisés ces dernières années ont permis la mise au point de traitements correctifs.

C'est sans doute la relative simplicité des lésions nerveuses impliquées dans la maladie de Parkinson qui explique les succès eux aussi relatifs que l'on peut observer dans son traitement. En effet, la maladie est causée par la destruction quasi exclusive d'un groupe de 500 000 neurones seulement sur plusieurs milliards que compte le cerveau. Confiné dans une petite structure appelée substance noire, le corps de ces neurones a pour particularité de produire un neurotransmetteur : la dopamine. La molécule est acheminée au travers du prolongement des cellules les axones vers leurs cibles, essentiellement les neurones d'un noyau de taille supérieure, le striatum voir schéma p. 40. La mort des neurones de la substance noire amène donc un déficit en dopamine dans le striatum. Celui-ci, à son tour, est responsable des troubles moteurs observés chez les malades : tremblement caractéristique au repos, difficultés à initier les gestes ou ralentissement dans l'exécution des mouvements, rigidité1.

Le rôle du déficit en dopamine dans la symptomatologie parkinsonienne fut découvert au début des années 1960 par O. Hornickiewicz et W. Birkmayer à l'université de Vienne. Dès 1967, G. Cotzias eut l'idée, non pas d'administrer directement de la dopamine, car elle ne pénètre pas dans le cerveau, mais son précurseur immédiat : la L-dopa. Celle-ci peut entrer dans le système nerveux central et y être transformée en dopamine. L'effet thérapeutique fut spectaculaire. Des patients grabataires devinrent à nouveau capables de se mouvoir presque normalement2. Cette formidable épopée thérapeutique a été illustrée, en 1992, par le film L'Eveil avec Robert De Niro. Néanmoins, les modalités de libération de la dopamine sont probablement très différentes des conditions physiologiques, et en particulier, indépendantes de l'activité motrice du patient. Après quelques années de traitement, les symptômes réapparaissent en dépit d'une augmentation des doses prescrites, et surtout un phénomène encore mystérieux se développe souvent, la survenue de mouvements involontaires. Dans les périodes où les symptômes parkinsoniens sont corrigés par le traitement, se greffent à la motricité du patient des mouvements anormaux touchant les membres, le tronc, le visage - des sortes de tics sévères - qui peuvent être tout aussi gênants que l'état parkinsonien. Le patient oscille donc entre des états où sa motricité est réduite état parkinsonien et des états où elle est perturbée par des mouvements anormaux involontaires, sans pratiquement plus connaître d'état avec une motricité normale3. Ces difficultés expliquent que les médecins aient recherché de nouvelles voies de traitement.

Une thérapeutique a priori séduisante serait de réimplanter dans le cerveau les cellules détruites par le processus dégénératif. C'est l'objectif des greffes neuronales. Il est néanmoins difficilement envisageable de greffer des cellules fabriquant de la dopamine directement dans la substance noire où elles sont normalement situées. En effet, cette région est d'un accès chirurgical délicat. Surtout, il serait indispensable que les cellules greffées soient capables de former des prolongements neuronaux jusqu'à leur tissu cible. Cette migration des prolongements neuronaux, qui a lieu au cours de la vie embryonnaire, est complexe. Chez l'adulte, nous ne disposons aujourd'hui d'aucun moyen de l'obtenir de façon satisfaisante. C'est la raison pour laquelle les cellules fabriquant de la dopamine sont greffées directement au niveau de leur cible, le striatumII.

Dans une première étape, l'idée a été de greffer au patient des cellules lui appartenant et produisant également de la dopamine, celles issues de sa glande médullosurrénale au-dessus des reins. Cette autogreffe avait le double avantage de ne poser aucun problème de rejet et de profiter de l'équipement enzymatique déjà présent dans les cellules de cette glande pour fabriquer la dopamine. La faible efficacité thérapeutique et surtout la survenue d'un grand nombre de complications chirurgicales conduisirent rapidement à l'abandon de cette technique. Un patient atteint de maladie de Parkinson supportait en effet difficilement une double intervention chirurgicale, abdominale pour prélever du tissu de la glande surrénale, cérébrale pour la mise en place de la greffe.

Où trouver d'autres cellules productrices de dopamine ? Dans une deuxième étape, le choix du greffon s'est orienté vers les cellules nerveuses embryonnaires4. En prélevant chez un embryon des cellules situées dans la partie haute du tronc cérébral à un stade précis de son développement six à neuf semaines de grossesse, il est possible d'obtenir des cellules capables de fabriquer le neurotransmetteur recherché. Ces cellules sont issues du matériel tissulaire d'interruptions volontaires de grossesse, la patiente ayant donné son accord pour une utilisation scientifique de l'embryon. Les fragments tissulaires ainsi obtenus sont implantés en différents endroits entre quatre et six du striatum du malade.

L'implantation de la greffe fait appel à la neurochirurgie stéréotaxique. Cette technique permet d'atteindre une structure à l'intérieur du cerveau au travers d'un trou de trépan de seulement quelques millimètres de diamètre, donc sans avoir à ouvrir la boîte crânienne. Un système de repérage externe cadre de stéréotaxie est rendu solidaire du crâne du patient : le premier est vissé au second. Les repères anatomiques intra-cérébraux et les éléments du système de repérage externe sont ensuite visualisés conjointement par imagerie cérébrale imagerie par résonance nucléaire par exemple. La localisation d'un grand nombre de structures, en particulier le striatum, peut être déterminée à partir d'atlas anatomiques et des repères anatomiques intracérébraux visualisés. Cette localisation peut alors être définie par rapport aux repères du cadre de stéréotaxie. Il est ainsi possible d'atteindre le striatum avec une canule et d'y implanter le tissu à greffer, avec une précision de l'ordre du millimètre. L'intervention peut concerner un seul ou les deux hémisphères cérébraux. Un traitement immunosuppresseur est généralement donné pendant quelques semaines pour éviter le rejet du greffon.

Les premiers patients ont été opérés il y a huit ans cinq ans seulement dans le cas des interventions bilatérales. A ce jour plus de trois cents malades ont bénéficié du traitement dans le monde dont dix en France, à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil. Avec le recul, on peut dire aujourd'hui qu'il est bien démontré que les greffes améliorent significativement la situation clinique des patients, en particulier lorsque l'implantation est bilatérale. Cette amélioration persiste voire progresse à distance de l'intervention, en particulier avec une réduction progressive des doses de médicaments antiparkinsoniens dont les patients ont besoin pour corriger les troubles résiduels. Des techniques d'imagerie cérébrale comme la tomographie à émission de positons TEP ont permis de confirmer l'augmentation des capacités de stockage de L-dopa dans le striatum des patients greffés, confortant l'idée que les cellules nerveuses greffées étaient viables et fonctionnelles5. Enfin, chez deux patients greffés, décédés dix-huit mois après l'opération pour des raisons indépendantes de celle-ci, l'analyse post-mortem a montré que les cellules greffées s'étaient parfaitement intégrées au tissu cible et restaient capables de produire de la dopamine6. Quant au risque opératoire, représenté principalement par des accidents hémorragiques ou des infections, il est relativement faible inférieur à 3 % mais il faut y ajouter les risques liés à l'utilisation d'un traitement immunosuppresseur7.

Cependant, de nombreux problèmes demeurent. Il est encore très difficile de contrôler précisément le nombre de cellules fabriquant de la dopamine apportées au cerveau du patient. L'intégration de ces cellules au tissu hôte reste faible et mal contrôlée, en particulier le type de connexions que ces cellules effectuent avec les cellules nerveuses du striatum. Une amélioration de ces deux facteurs est envisageable, mais la principale difficulté est d'un autre ordre. Il faut entre deux et sept embryons prélevés dans des conditions précises pour greffer d'un seul côté un patient atteint de maladie de Parkinson. Les problèmes éthiques liés à l'utilisation de tissus embryonnaires humains rendent difficilement concevables des interventions de ce type à grande échelle.

Des méthodes alternatives sont donc à l'étude. La première est la greffe de cellules nerveuses d'origine animale, et en particulier d'origine porcine. Les quantités de tissu disponibles deviennent alors illimitées. Se posent néanmoins des problèmes de risque infectieux virus latents chez le porc devenant pathogènes une fois présents dans le cerveau humain et surtout celui du rejet de la greffeIII. Le premier essai thérapeutique, tenté aux Etats-Unis a donné des résultats décevants. Cette absence d'efficacité thérapeutique s'explique probablement par la destruction d'une grande partie du greffon par des manifestations de rejet immunitaire. Des recherches sont en cours pour améliorer cet aspect. Il pourrait en particulier être possible de transformer génétiquement les animaux donneurs pour rendre leur tissu plus tolérable sur le plan immunologique chez un être humain.

Une autre possibilité consiste en l'utilisation de lignées cellulaires cultivées in vitro et fabriquant de la dopamine, comme des cellules issues de tumeurs de glandes surrénales de telles cellules se multiplient indéfiniment : elles sont « immortelles ». Implanter de telles cellules risquerait d'entraîner le développement d'une tumeur cérébrale, et son application directe en thérapeutique humaine est donc exclue. Pour pallier ce risque, il a été proposé d'enfermer les cellules dans des capsules perméables exclusivement aux petites molécules, dont les neurotransmetteurs. Un tel système constitue une véritable « mini-pompe » biologique capable d'administrer la dopamine directement à l'intérieur du cerveau. Les résultats de l'application de cette technique dans le cas de la maladie de Parkinson ne sont pas encore connus.

Plus prometteuses sont en fait les thérapies visant à transformer par génie génétique des cellules pour les rendre capables de fabriquer de la dopamine. La première option est l'utilisation de certaines cellules non neuronales du patient, comme les fibroblastes présents dans la plupart des tissus de l'organisme, chez lesquels est introduit le gène de l'enzyme permettant la synthèse de la dopamine. La seconde option repose sur l'utilisation de précurseurs de neurones, les cellules souches neuronales. Il semble possible de les transformer en cellules dopaminergiques via une combinaison complexe de facteurs de croissance. Les cellules souches peuvent être obtenues dans du tissu embryonnaire mais aussi dans certaines régions du cerveau adulte voir l'article d'Alfonso Represa , p. 35. Il devient possible de les cultiver en laboratoire pour en obtenir un nombre important8. Ces résultats laissent penser que d' importants stocks de cellules souches humaines, capables de se différencier vers un type neuronal adulte fonctionnel une cellule fabriquant de la dopamine par exemple seront un jour disponibles pour des greffes. Mais ces techniques en sont encore au stade de l'expérimentation préclinique. Une des grandes incertitudes est liée au devenir à long terme de telles cellules dans le système nerveux, à leur capacité de survie. Une dernière option de thérapie génique consiste à injecter dans le cerveau des virus dans lesquels le gène de l'enzyme de synthèse de la dopamine a été introduit. Ces virus peuvent alors infecter des cellules nerveuses, leur apporter le nouveau gène et les rendre ainsi capables de fabriquer de la dopamine. Là aussi la survie prolongée des cellules nerveuses infectées reste problématique. Surtout il existe un risque que ces virus se transforment en des agents pathogènes pour le système nerveux.

Par ailleurs, ces quinze dernières années ont vu d'importants progrès dans la connaissance du fonctionnement de l'ensemble des structures cérébrales impliquées dans la maladie appelées noyaux gris centraux. En particulier, il est désormais démontré que l'absence de dopamine striatale, dans la maladie de Parkinson, entraîne une hyperactivité neuronale dans des noyaux cérébraux dépendants du striatum, comme le noyau subthalamique ou le globus pallidus interne9. L'idée a ainsi germé de corriger les dysfonctionnements neuronaux provoqués par le déficit en dopamine en agissant directement au niveau de leurs conséquences. C'est à une équipe française, dirigée par les professeurs Alim-Louis Benabid et Pierre Pollak, à Grenoble, que l'on doit la mise en évidence, depuis 1994, de l'intérêt de la stimulation électrique de ces noyaux hyperactifs pour le traitement de la maladie. La technique consiste en l'implantation, par neurochirurgie stéréotaxique, d'électrodes dans les noyaux hyperactifs le plus souvent une électrode dans chacun des deux noyaux subthalamiques. Ces électrodes sont ensuite reliées par un câble sous-cutané à un générateur d'impulsions électriques implanté sous la clavicule. Le générateur semblable à un pacemaker délivre un courant électrique à haute fréquence aux noyaux cibles, corrigeant ainsi leur dysfonctionnement et améliorant de façon spectaculaire l'état clinique des patients. Le mécanisme exact de l'effet de la stimulation à haute fréquence est encore inconnu, mais tout se passe comme si cette activité électrique imposée au noyau l'inactivait. L'amélioration est telle que les patients peuvent réduire de plus de 50 % leur traitement médicamenteux, certains patients pouvant même totalement s'en passer. Le bénéfice obtenu est souvent exceptionnel, avec des patients passant d'un état grabataire à un état compatible avec une reprise d'activité professionnelle ou sociale normale10. De plus, cette technique possède l'avantage d'une totale réversibilité qui rend plus sûre son utilisation. Si la stimulation entraîne des effets indésirables majeurs, il est ainsi possible d'arrêter le générateur mais au prix de la réapparition de la totalité des signes cliniques du patient. En fait, la possibilité de régler très précisément les différents paramètres de stimulation fréquence, voltage, forme du signal électrique par télémétrie permet d'obtenir une efficacité maximale sur les signes parkinsoniens sans générer d'effets indésirables. Les résultats thérapeutiques sont immédiats et nettement supérieurs à ceux apportés par les greffes de cellules nerveuses embryonnaires. Ces résultats se maintiennent avec le temps, le recul depuis la première intervention étant de cinq ans. Comme dans le cas de la chirurgie des greffes, le risque opératoire est faible. La principale limite actuelle de cette technique est son coût, de l'ordre de 100 000 francs de matériel par patient.

Dans le cadre plus général des maladies neurodégénératives, la technique de la stimulation électrique, malgré la puissance du bénéfice thérapeutique obtenue, n'est utilisable que dans un petit nombre d'affections dans lesquelles les lésions neuronales entraînent des dysfonctionnements localisés. Outre la maladie de Parkinson, cela ne concerne que certains tremblements ou des rigidités musculaires diffuses dystonies généralisées. Les véritables avancées proviendront donc surtout de l'identification de la cause de ces maladies ou au moins des mécanismes à l'origine de la destruction des neurones. Seules celles-ci permettront d'envisager des traitements réellement curatifs. Sans connaître la cause exacte, une action sur le processus dégénératif est néanmoins envisageable. On a vu qu'il était possible de transformer des cellules souches pour leur faire produire de la dopamine avant de les greffer. De même, on devrait pouvoir apporter au cerveau atteint d'une maladie dégénérative des facteurs arrêtant ou ralentissant le processus de destruction cellulaire les facteurs neurotrophiques. Malgré des travaux expérimentaux encourageants, les résultats des premières études cliniques restent encore modestes.

Par Philippe Damier et Philippe Brachet

 

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L'IMAGERIE EN PSYCHIATRIE

 


VOIR DANS LE CERVEAU
L'imagerie en psychiatrie : faits et fantasmes


voir dans le cerveau - par Jonathan D. Brodie dans mensuel n°289 daté juillet 1996 à la page 114 (2058 mots) | Gratuit
Pour le psychiatre, les nouveaux outils de l'imagerie cérébrale représentent une promesse considérable. Mais l'interprétation des résultats est encore embryonnaire. La littérature scientifique est pleine d'articles aux conclusions douteuses ou difficiles à évaluer. En l'état actuel de l'art, une image ne permet ni de fournir un diagnostic, ni de suivre l'évolution d'un syndrome. Cela viendra.

Après plus de vingt ans d'application de l'imagerie cérébrale fonctionnelle à l'étude des états psychiatriques1, le moment est peut-être venu de faire une pause pour nous demander où nous en sommes et ce que nous avons accompli.

Les études pionnières en tomographie par émission de positons TEP qui, à partir de 1979, ont analysé la consommation de glucose dans le cerveau, ont suscité l'espoir que les techniques d'imagerie permettraient de visualiser les démences comme la maladie d'Alzheimer, la schizophrénie et la dépression2-4. Cet espoir ne s'est pas pleinement réalisé. Il s'est reporté vers de nouvelles techniques telles que l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle IRMf. En réalité, malgré les nombreuses études d'imagerie publiées dans les principales revues de psychiatrie, plusieurs problèmes cliniques de base, à commencer par l'exploitation des images à des fins diagnostiques, ont à peine été abordés. Pourquoi ? D'abord peut-être en raison du caractère circulaire de la méthode consistant à utiliser des outils comportementaux pour définir les populations soumises à expérimentation biologique. Mais peut-être aussi en raison d'une incapacité à intégrer les résultats de l'imagerie dans le processus de construction théorique. De ce fait, nombre de résultats séduisants en apparence mais en réalité isolés ont débouché davantage sur des conjectures spéculatives que sur une procédure d'élaboration d'hypothèses pourvues de sens et testables suivies de leur validation à l'aide d'échantillons indépendants. Il est encore plus rare de voir des groupes indépendants tenter de confirmer une observation.

Il est primordial pour le praticien d'apprécier le type d'information que l'imagerie cérébrale peut lui fournir. Il faut avoir présent à l'esprit que chacune des méthodes employées reflète en fin de compte une propriété physique du cerveau, qu'elle transforme en signal électrique. Ces techniques diffèrent énormément en sensibilité, en résolution temporelle et spatiale, en spécificité et en fidélité par rapport au processus biologique étudié. Avec des techniques comme la TEP ou la TEMP tomographie par émission monophotonique, voir page 36 , qui ont recours aux traceurs radioactifs, on détecte seulement des événements radioactifs, dont on fait le décompte, qui se produisent dans le cerveau en un temps donné. Un modèle théorique, non une caméra, donne une signification physiologique à ces décomptes.

L'imagerie fonctionnelle en TEP et en TEMP est fondée sur une technologie complexe qu'il est aisé de mal utiliser et difficile à expliquer avec concision. De nombreuses étapes sont requises : acquisition des données, modélisation de la cinétique du traceur et enfin traitement, reconstruction et analyse des images. Dans beaucoup d'études il existe plus de variables que de sujets. Il s'ensuit une responsabilité inhabituelle des scientifiques chargés d'évaluer les articles soumis. Ils l'assument inégalement. S'ils sont hypercritiques, les nouvelles idées, les résultats novateurs et les données issues de recherches préliminaires bien conçues mais imparfaitement réalisées ne verront jamais le jour. A l'inverse, un lecteur même sophistiqué peut ne pas repérer les faiblesses scientifiques et statistiques et se sentir forcé d'accepter le résumé et les conclusions de l'auteur parce que les données de base sont enterrées ou absentes et, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, n'apparaissent pas dans les figures et les tableaux.

Il faut aussi garder en tête que l'analyse des données de l'imagerie implique l'utilisation de techniques statistiques qui ont un effet simplificateur, parfois à l'extrême - tout en produisant des images à fort pouvoir de suggestion. Imaginons une carte de notre planète fondée arbitrairement sur les seuls éléments topographiques dépassant 6 000 m d'altitude : nous verrions un petit nombre de sommets se détacher sur un fond vide. Bien qu'il serait exact de dire que l'apparition de ces sommets n'est pas seulement due au hasard, la contribution à la « gestalt » des structures situées sous la barre des 6 000 m n'est pas visible. En nous efforçant d'identifier certains traits, nous devons garder à l'esprit l'information que nous choisissons d'ignorer. Les images peuvent non seulement déformer la qualité des données sous-jacentes, mais donner l'impression, sous prétexte qu'elles sont faciles à comprendre pour le lecteur, qu'une distinction ou un élément d'identification est un fait. Il est difficile d'échapper à ce problème.

L'approche expérimentale la plus courante en imagerie fonctionnelle consiste à corréler les données obtenues après l'exécution d'une tâche, ou l'administration d'un produit pharmacologique, avec un état de référence clinique ou normal. Si l'objet de l'état de référence est de désigner le plus grand dénominateur commun, l'état dit « de repos », où le sujet est placé pendant quelques minutes sans rien faire dans la machine, semble adéquat. Les méthodes fondées sur l'analyse de la consommation de glucose sont en effet quasi insensibles aux variations de la pensée5. Mais d'autres font valoir que la possibilité de distinguer entre des groupes de sujets est accrue si l'état de référence inclut une épreuve permettant d'identifier une possible déficience caractéristique d'un syndrome clinique donné6. D'un point de vue clinique, l'état de repos s'apparente à l'apparition de patients dormant dans leur lit : les ressemblances entre sujets psychiatriques et non psychiatriques l'emportent sur les dissemblances. A l'inverse, une série d'entretiens d'épreuve aux fins de diagnostic ne peut manquer d'accroître les différences entre les deux groupes.

Il faut enfin se rappeler que les belles images et les représentations statistiques d'activations cérébrales locales reflètent une pléthore d'hypothèses complexes et de manipulations mathématiques de séries de données. Trop souvent ces hypothèses et manipulations ne sont pas appliquées uniformément d'une étude à l'autre. Il est alors extrêmement difficile pour le plus intelligent des lecteurs, s'il n'est pas spécialiste, de repérer les points susceptibles de compromettre les conclusions tirées par les auteurs.

La littérature est pleine d'études qui diffèrent par les types de caméras et de traceurs employés, par le montage expérimental, par l'état des patients yeux ouverts ou fermés, oreilles bouchées ou non, effectuant une tâche ou non, sous divers psychotropes ou sans médication, par leur histoire individuelle premier épisode, patients ayant été sous traitement à une époque plus ou moins éloignée, patients recevant plusieurs types de médicaments - parfois dans le même groupe étudié, études qui diffèrent encore par la diversité des concepts descriptifs, par le traitement statistique et par les stratégies d'analyse d'images. Bien que ces variations n'invalident pas les résultats, elles rendent difficile la comparaison d'études différentes et la recherche d'observations de portée générale.

Deux questions parmi d'autres auxquelles les cliniciens souhaiteraient avoir une réponse : un diagnostic sûr peut-il être fait d'un état psychiatrique sur la seule base d'une image fonctionnelle ? Et une fois un syndrome diagnostiqué, des images répétées peuvent-elles être utilisées pour suivre la progression du syndrome avec ou sans traitement ? Peu de cliniciens apprécieraient d'utiliser une image de TEP comme l'élément déterminant pour traiter un désordre psychiatrique majeur. Mais il est clair que même dans le cas des désordres de la personnalité, comme les troubles obsessionnels, l'imagerie fonctionnelle peut être utile pour surveiller l'évolution de la maladie7.

Dans le cas de la maladie d'Alzheimer8 et de la maladie de Parkinson, dont les substrats neuronaux sont actuellement mieux définis que ceux des psychoses et des désordres de la personnalité, l'imagerie fonctionnelle peut être un puissant instrument de renseignement9. Pour les schizophrénies, l'analyse par imagerie fonctionnelle des substrats neuronaux a donné des résultats divers : anomalies de l'hippocampe chez de vrais jumeaux dont l'un était schizophrène10, désordres de la latéralité fonctionnelle11 et de la frontalité relations entre les lobes frontaux et le reste du cerveau12,13, et même modifications de l'organisation métabolique de base dans l'ensemble du cerveau14,15.

L'imagerie fonctionnelle a aussi tenté de définir les caractéristiques biochimiques de divers désordres psychiatriques. Beaucoup d'études ont ainsi essayé de tester l'hypothèse d'une anomalie des voies dopaminergiques dans la schizophrénie16-18I. Un article récent tente de faire de même pour les voies sérotoninergiques dans la dépression19II. Il illustre certaines des questions qui se posent. Bien que les données montrent des différences significatives entre la réponse métabolique de sujets normaux et de sujets déprimés à l'administration de fenfluramine, une amphétamine qui stimule la libération de la sérotonine, l'utilité clinique du résultat n'est pas claire. L'absence de réponse métabolique statistiquement significative dans un groupe de patients déprimés est compatible avec l'un des modèles de la maladie dépressive, mais il faudra attendre d'autres études pour voir si le résultat est reproductible, généralisable et pourvu d'une valeur prédictive. Il faut espérer que ces études seront réalisées de manière à permettre une comparaison directe entre les divers résultats.

Actuellement la plupart des études d'imagerie se répartissent entre plusieurs grandes catégories. L'une des plus spectaculaires est la cartographie du cerveau humain. L'entreprise confirme la complexité et la plasticité du cerveau quand il est confronté à des tâches psychologiques. Cela nous a donné bon nombre d'images suggestives, qui confirment l'existence d'une base neurale du comportement humain et nous autorisent, nous les psychiatres, à affirmer notre appartenance au courant principal de la médecine moderne. Nous avons la promesse d'accéder à l'infrastructure biologique des conduites, des pensées et des affects, dont nous soupçonnions l'existence mais sans avoir la technologie adéquate pour le vérifier. Bien que pour le clinicien l'importance de cet effort ne soit pas encore évidente, l'élégance, la complexité et la valeur scientifique de certaines de ces études valent d'être appréciées pour elles-mêmes20,21.

Sans doute d'un plus grand impact immédiat pour le praticien sera l'énergie déployée pour fournir une base rationnelle au choix et au dosage des médicaments psychotropes et à l'analyse de leurs effets prévisibles. Plusieurs travaux de TEP ont abordé cette question, par exemple en mesurant les temps de présence et d'élimination de neuroleptiques dans le cerveau de patients22,23, en étudiant la relation entre la concentration dans le sang de l'halopéridol un antipsychotique et la saturation des récepteurs cérébraux de la dopamine24,25, et en démontrant que la fixation spécifique d'un psychotrope dans le cerveau est nécessaire à l'obtention d'un effet mais ne permet pas d'en prédire l'occurrence18,26.

Dans une série d'études pionnières en TEP réalisées en 1988, L. Farde et ses collaborateurs ont démontré qu'au cours du traitement aigu de la décompensation psychotique la rupture de l'équilibre mental dans les psychoses tous les neuroleptiques typiques occupent 60 à 80 % des récepteurs D2 disponibles de la dopamine25. Résultat confirmé par une étude récente grâce à la méthode TEMP27. A noter cependant que l'on mesure ainsi la saturation des récepteurs, non directement l'efficacité. Même s'il existe une corrélation entre les deux. On sait depuis quelques années que les patients qui ne répondent pas aux psychotropes connaissent un fort taux de blocage des récepteurs cibles18,26.

Mon message final est simple. Alors que les techniques d'imagerie moderne offrent un extraordinaire ensemble d'outils pour examiner les relations cerveau-comportement, il nous faut admettre un succès inégal quant aux questions qui intéressent le psychiatre. Il est cependant clair que nous améliorons rapidement notre compréhension des bases biologiques de la psychopathologie et des bases neurochimiques d'un traitement efficace. C'est une évolution aussi remarquable que récente d'être en mesure de discuter d'une relation entre l'occupation de récepteurs cérébraux par un médicament et une réponse thérapeutique, et aussi d'une relation entre le métabolisme cérébral in vivo , l'action pharmacologique et des syndromes psychiatriques.

A mesure que nous nous approchons des applications cliniques, il faut rappeler que les limitations propres à une recherche portant sur des humains restreignent la généralisation des conclusions. Même le choix d'une chose aussi simple qu'un état de référence peut circonscrire les résultats d'une étude et les comparaisons possibles entre une étude et une autre. Nous ne devrions pas nous sentir embarrassés pour répondre : « Et alors ? » lorsque nous sommes confrontés à la constatation qu'un résultat isolé « statistiquement significatif », dépourvu de confirmation indépendante ou de cadre théorique, peut avoir une forte corrélation clinique mais être en réalité dépourvu de sens.

De tels résultats problématiques se rencontrent couramment dans le domaine de l'imagerie, ne serait-ce que parce que la possibilité de faire des corrélations excède notre compétence à garantir leur signification. La faculté des humains d'affecter une remarquable diversité d'interprétations à une image unique est une vieille tradition en neuropsychologie et en psychiatrie. C'est cette même faculté qui donne à l'esprit humain cet étonnant pouvoir de synthèse qui lui permet de s'étudier lui-même, et peut-être un jour de se comprendre lui-même.

Par Jonathan D. Brodie

 

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BACTÉRIES ET MALADIE DE CROHN

 

 

 

 

 

 

Une bactérie pourrait soulager la maladie de Crohn
Publié le 23-10-2008 à 10h41

Des chercheurs français ont découvert une bactérie clé qui pourrait aboutir à l’élaboration de nouveaux traitements pour les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.


La maladie de Crohn est une affection chronique du tube digestif se localisant préférentiellement au niveau de l’iléon (la partie finale de l’intestin grêle) et du colon. Elle se manifeste par des poussées suivies de phases de rémission et se caractérise par des douleurs abdominales, un amaigrissement, une diarrhée et de la fièvre. Dans les cas les plus graves, le traitement chirurgical, qui consiste en l’ablation d’une partie de l’intestin, est parfois nécessaire
 
En France, plus de 50 000 personnes en souffrent et ce chiffre augmente régulièrement. La cause de la maladie est encore inconnue mais le mécanisme inflammatoire semble auto-immun : c’est le propre système immunitaire du sujet qui détruit la paroi intestinale.

Les médecins suspectent depuis quelque temps les bactéries intestinales (le microbiote) de jouer un rôle dans l’activation des phénomènes inflammatoires. C’est ce que confirme la découverte réalisée par des chercheurs de l’Inserm, de l’Inra et des hôpitaux de paris.
 
Ils ont identifié une bactérie faecalibacterium prausnitzii appartenant au groupe bactérien Clostridium leptum habitant normalement l’intestin des personnes saines mais absente, ou présente en très faible quantité, chez les malades. De plus, chez les patients pour lesquels une intervention chirurgicale s'est avérée nécessaire, le risque de récidive précoce était d'autant plus important que leur taux de prausnitzii au niveau de l'intestin était bas.
 
Cette bactérie possède, in vitro, d’étonnantes propriétés anti-inflammatoires qui semblent associées à des molécules qu’elle secrète. Dans un article à paraître dans les PNAS, les chercheurs décrivent une réduction des symptômes de la maladie, chez des souris modèles, suite à l’administration de prausnitzii ou des molécules (pas encore décryptées) secrétées.
 
C’est la première fois qu'une bactérie aux telles propriétés et naturellement présente dans l'organisme, est identifiée, à partir de l'analyse de patients atteints de la maladie de Crohn. Cette découverte clé pourrait aboutir à un traitement différent des maladies inflammatoires de l’intestin. La bactérie pourrait en effet être administrée sous forme de probiotiques, ces compléments composés de microorganismes vivants ajoutés à certains produits alimentaires comme les yaourts.
 
 
J.I.
Sciences et Avenir.com
22/10/2008

 

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IMMUNOLOGIE

 

Les promesses de l’immunologie

09.07.2015, par Louise Mussat
Système immunitaire Réponse du système immunitaire face à une infection : ce macrophage engloutit des bactéries qui attaquent l’organisme.
 Dr. D PHILLIPS/VISUALS UNLIMITED/CORBIS

Auteur d’un récent ouvrage sur l’immunologie, Philippe Kourilsky, professeur émérite au Collège de France et ancien directeur de l’Institut Pasteur, évoque les succès, les échecs et les espoirs de cette discipline dont il est l’un des grands spécialistes mondiaux.
L’immunologie existe au moins depuis le XIXe siècle. Pourtant, dans votre livre Le Jeu du hasard et de la complexité, vous parlez de la « nouvelle science de l’immunologie ». Pourquoi ?
Philippe Kourilsky1 : J’y souligne que la biologie n’est pas que la science de la vie. C’est aussi la science de la survie. Il ne suffit pas de naître et de vivre. Il faut survivre face aux innombrables hasards qui peuvent nous détruire. Pour moi, il faut élargir l’immunologie à l’ensemble des défenses naturelles de l’homme. Il ne s’agit plus seulement d’étudier celles qui combattent les agents pathogènes (virus, bactéries, champignons…), mais également celles qui s’attaquent incessamment aux « ennemis de l’intérieur », à savoir, aux innombrables erreurs commises par nos cellules au sein de l’organisme. Les plus communes, mais ce ne sont pas les seules, se produisent dans les cellules lors de la réplication de leur ADN. Ces mutations peuvent conduire au développement de cancers.

La plupart du temps, cette surveillance fonctionne plutôt bien…
P. K. : Notre organisme est une machine particulièrement robuste et performante en effet. Il est très probable que nous développions régulièrement (tous les mois, peut-être ?) des mini-cancers et toutes sortes d’infections bégnines. Nous ne nous en rendons pas compte parce que notre système immunitaire parvient la plupart du temps à s’en débarrasser, grâce à toutes sortes de contrôles de qualité qui corrigent les défaillances. Ainsi, on n’observe la tumeur cancéreuse que lorsque le système a échoué. C’est un peu comme dans l’aviation : on remarque les failles de l’ingénierie lorsqu’il y a un crash, mais on a tendance à oublier à quel point les systèmes de contrôles des avions sont efficaces. L’avion est le plus sûr des moyens de transport.

Système immunitaire Réponse du système immunitaire face à la bactérie provocant la tuberculose : les globules blancs (ici en rouge) entourent les bactéries.
 Dr. V. BRINKMANN/VISUALS UNLIMITED/CORBIS

Alors pourquoi le système échoue-t-il de temps en temps, face à ces « ennemis de l’intérieur », notamment dans les cancers ?
P. K. : Parce que le système peut être débordé, ou contourné, et qu’il peut lui-même commettre des erreurs. Il faut en général une bonne demi-douzaine de mutations pour qu’une cellule parvienne à échapper à tout contrôle et se multiplie de façon anarchique. Une mini-tumeur se développe alors. L’organisme peut parvenir à s’en débarrasser. Mais si, par hasard encore une fois, de nouvelles mutations se produisent au sein de cette tumeur, cela facilite son échappement. Dans un jeu du chat et de la souris, elle va chercher à déjouer le système immunitaire, à produire des cellules plus agressives et à leurrer son environnement afin de grandir d’avantage. Si le cancer reste si difficile à soigner, c’est aussi parce qu’il ne s’agit pas d’une seule et même maladie. Parler « du » cancer est un abus de langage. Il y a quasiment autant de cancers que de types cellulaires. Pour chacun, il faut donc apporter une réponse spécifique. Cela implique de bien connaître le cancer auquel on a affaire. Ce qui est très loin d’être aisé…

Si le cancer reste si
difficile à soigner,
c’est aussi parce
qu’il ne s’agit pas
d’une seule et
même maladie.
La chimiothérapie et les rayons ne sont pas très spécifiques…
P. K. : C’est pour cela que l’on développe d’autres techniques. L’immunothérapie, par exemple, vise à stimuler les défenses immunitaires du patient. Cela consiste à lui administrer des anticorps spécifiques, dirigés contre telle ou telle catégorie de tumeur. On peut aussi procéder en prélevant, dans les tumeurs cancéreuses, des lymphocytes T porteurs du récepteur adéquat et capables d’éliminer les cellules cancéreuses. On fait ensuite proliférer ces cellules tueuses par milliards in vitro, dans des environnements hyperstériles. Cette technique est parfois couronnée de succès, mais elle est compliquée et très coûteuse. Une nouvelle approche est en train d’émerger, qui permet de faire proliférer les bonnes cellules tueuses au sein même du corps humain. Les travaux sont en cours.

On compte désormais plusieurs cas de rémission totale de cancers grâce à l’immunothérapie…
P. K. : Attention, ne donnons pas de faux espoirs aux gens. Cela fait depuis quinze à vingt que l’on parvient à guérir les souris du cancer avec ce type d’approche. Mais il est très compliqué de remporter le même succès chez l’homme, dont le corps est plus volumineux et plus complexe. Certes, des équipes (notamment celle de Carl June, à l’université de Pennsylvanie), ont récemment obtenu une proportion impressionnante de rémissions complètes dans le cadre d’essais cliniques portant sur assez petit nombre de patients atteints de certains cancers. Mais nous n’en sommes encore qu’à la phase expérimentale. Cette précaution prise, je dois avouer que cela fait des années que je n’ai pas vu de résultats aussi prometteurs…

Immunothérapie Échantillon de sang prélevé dans le cadre d’une immunothérapie pour traiter le cancer.

Les avancées pour contrer certains agents infectieux, les ennemis de l’extérieur, sont moins spectaculaires. Pourquoi n’est-on toujours pas parvenu par exemple à élaborer un vaccin contre le VIH ?
P. K. : Les vaccins que l’on a mis au point jusqu’à maintenant étaient peut-être les plus faciles. Désormais, on s’attaque aux plus coriaces. Ceux contre les virus ou les parasites qui ont la faculté de muter très rapidement et pour lesquels il faut sans cesse adapter la réponse, comme le paludisme, la grippe (pour laquelle on ne sait pas encore proposer de vaccin universel) et le VIH… Ce dernier cumule deux casse-tête : non seulement il est en constante mutation, mais en plus il a la particularité de s’attaquer au système immunitaire. La vérité, c’est qu’avec le VIH une partie de la communauté scientifique est retournée au tableau noir afin de reprendre les fondamentaux du virus, car aucun des prototypes de vaccins préventifs n’a jusqu’à ce jour abouti. La perspective de vacciner massivement les populations, notamment en Afrique, est donc très lointaine. C’est pour cette raison qu’une autre partie de la communauté préfère se consacrer à la confection d’un vaccin non pas préventif, mais thérapeutique, qui complète, allège ou remplace le traitement par les médicaments antirétroviraux.

Vous parlez de l’immunologie comme d’une science fascinante. Pouvez-vous me dire ce qui vous surprend le plus dans le système immunitaire ?
P. K. : Beaucoup de mécanismes et de phénomènes liés à l’immunité et aux défenses naturelles me sidèrent. Ils proviennent de « découvertes évolutives » majeures. Par exemple, la faculté qu’ont nos lymphocytes B, ceux qui ont pour fonction de produire des anticorps, à combiner aléatoirement des morceaux de gènes pour dépasser la limite des 25 000 gènes que compte notre génome afin de produire des centaines de millions d’anticorps différents. L’organisme parvient ainsi à se doter d’une « couverture » anti-infectieuse quasi complète, puisqu’il est ainsi capable de répondre à l’immense variété des antigènes, qui évoluent sans cesse. Bien entendu, chaque catégorie de cellule B productrice d’un anticorps particulier n’est présente qu’en petit nombre dans l’organisme. Ce nombre est insuffisant pour pouvoir neutraliser les éléments pathogènes. Ce qui se passe, c’est que, lorsque l’anticorps reconnaît l’antigène, les lymphocytes porteurs de cet anticorps spécifique prolifèrent. Prodigieux ! Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), pour la découverte duquel le professeur Jean Dausset a reçu le prix Nobel de médecine, est également tout aussi fascinant.

Beaucoup de
mécanismes et de
phénomènes liés à
l’immunité et aux
défenses naturelles
me sidèrent.
De quoi s’agit-il ?
P. K. : Les cellules du CMH ont pour fonction de présenter un morceau d’antigène (le plus souvent un bout de protéine, un peptide) que les cellules T vont, ou non, reconnaître grâce à leur récepteur. Mais, pour reconnaître les corps étrangers – virus, bactéries, etc. – rassemblés sous le terme de « non soi », et les attaquer, l’organisme doit d’abord apprendre à reconnaître ses propres constituants, pour les épargner. On dit que le système immunitaire doit apprendre à tolérer le soi. Cet apprentissage se fait notamment pendant la vie fœtale, par sélection : parmi les lymphocytes T, une bonne partie de ceux dont les récepteurs sont capables de se lier avec des molécules provenant de l’organisme lui-même sont éliminés. Ce qui permet d’écarter des cellules susceptibles de déclencher une réaction auto immune.

Mais ce système n’est pas infaillible…
P. K. : En effet, notamment parce que les agents infectieux ne cessent de développer des stratégies pour tromper le système immunitaire. Tel virus peut par exemple mimer telle protéine de l’organisme, de sorte que ce dernier ne se met pas en ordre de bataille, il ne se défend pas, car il n’a pas reconnu l’ennemi, il n’a pas reconnu le « non-soi ». Mais, quand il le reconnaît, les conséquences peuvent également être dramatiques. Certains virus peuvent en effet provoquer des désordres auto-immuns. Dans un premier temps, l’organisme s’attaque à un agent infectieux qui ressemble au soi. Ainsi dupé, il va ensuite prendre le soi pour du non-soi et ainsi déclencher une réponse auto-immune, c’est-à-dire s’attaquer à lui-même. C’est ainsi qu’apparaissent les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, le diabète, etc.

Une question plus personnelle pour terminer : pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers l’immunologie ?
P. K. : Je dois vous dire la vérité : c’est grâce à mon frère François. Au moment où j’ai commencé la recherche, en génie génétique, il était immunologiste avant de devenir directeur général du CNRS. Il m’a conseillé d’isoler par clonage et d’étudier les gènes du système HLA. De fil en aiguille, je suis ainsi devenu immunologiste… Je tiens à souligner que, même si j’ai fini par quitter le CNRS pour devenir professeur au Collège de France, je suis très reconnaissant envers l’organisme, qui m’a soutenu durant de très nombreuses années.

 

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