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HÉPATITE C

 

L'hépatite c, infection silencieuse et bombe à retardement
autre - par JON COHEN dans mensuel n°325 daté novembre 1999 à la page 68 (4263 mots)


Quelque 170 millions de personnes dans le monde sont touchées par un virus découvert il y a seulement une dizaine d'années. Transmis surtout par le sang, le virus de l'hépatite C VHC peut provoquer au bout de vingt à trente ans une cirrhose, voire un cancer du foie. Comme le VIH, c'est un adversaire difficile pour les chercheurs qui tentent de mettre au point des traitements ou des vaccins.

Personnen'auraitpu confondre la conférence internationale sur l'hépatite C*, organisée en juin dernier par les National Institutes of Health NIH, avec un congrès sur le sida. Depuis une dizaine d'années, les réunions internationales sur le sida attirent toutes une dizaine de milliers de scientifiques ; celui consacré à l'hépatite C n'en a rassemblé que 775. Alors que les laboratoires pharmaceutiques travaillant sur des médicaments anti-VIH se bousculent dans les halls d'exposition des réunions sur le sida, pas un seul d'entre eux n'était présent pour l'hépatite. S'il y avait sur place des activistes infectés par le virus responsable le VHC, ils ne se sont pas manifestés. Enfin, un seul organe de presse était présent. Pourtant, le VHC a infecté quelque 170 millions de personnes à travers le monde - soit largement quatre fois plus que le VIH. Et il est probable que, dans les années à venir, les maladies et cancers hépatiques dus à ce virus aux Etats-Unis seront à l'origine de décès plus nombreux que le sida.

Malgré ces disparités, on ne peut qu'être frappé par les similitudes entre la recherche sur le VHC aujourd'hui et celle des années 1980 sur le VIH. Beaucoup de questions cruciales restent en suspens, qu'elles concernent la biologie du virus, le déroulement de la maladie, les lacunes des traitements disponibles toxicité, patients non répondeurs.... De même, l'espoir d'élaborer un vaccin efficace ne s'est pas concrétisé : comme le VIH, le VHC mute rapidement, faisant ainsi foisonner chez les personnes atteintes toute une gamme de virus différents. Une grande variabilité qui permet au virus d'échapper aux anticorps. Enfin, comme à l'époque des affrontements entre tests de détection du sida, les avocats des firmes proposant des systèmes de diagnostic et des traitements échangent des tirs de barrage sur les brevets relatifs au VHC voir l'encadré : « Chiron marque son territoire ».

Un virus singulier. Bien sûr, le VHC n'est pas le VIH. Ce n'est pas un rétrovirus : il ne se mêle pas aux gènes de l'hôte, et il devrait donc être plus facile à éradiquer. De fait, certains patients restent infectés pendant plusieurs semaines, puis le virus disparaît naturellement de leur sang. De plus, le VHC ne s'attaque pas au système immunitaire, il ne le détruit pas et, dans la plupart des cas, l'infection chronique reste silencieuse, autrement dit sans aucun signe clinique, pendant des dizaines d'années. Enfin, au contraire du VIH, la transmission du VHC se fait rarement par voie sexuelle : elle semble nécessiter un contact direct de sang à sang.

Le congrès des NIH s'est tenu à un moment où se jouait un tournant important dans la bataille scientifique menée contre le VHC. Un traitement plus efficace, autorisé en janvier dernier, a galvanisé tout le secteur, et on découvre des réponses au moins partielles à quelques-unes des inconnues les plus redoutables du virus. Aux Etats-Unis, les NIH vont augmenter les crédits dévolus à la recherche sur le VHC, même si les 33,6 millions de dollars prévus l'an prochain paraissent bien maigres par rapport au 1,8 milliard de dollars qui sera consacré au virus du sida. Enfin, de plus en plus de chercheurs - dont beaucoup étaient des spécialistes du VIH - rejoignent le domaine, encore jeune, du VHC.

Depuis quand connaît-on ce virus singulier ? Ce sont tout d'abord les données épidémiologiques qui ont éveillé les soupçons. Dès le milieu des années 1970, les cliniciens savaient que la transfusion sanguine pouvait provoquer chez certains receveurs une brève poussée de symptômes pseudo-grippaux auxquels faisait parfois suite, quelques années plus tard, une maladie du foie. Pour distinguer cette maladie des hépatites déjà connues, ils lui avaient donné le nom, certes lourd mais fort clair, d'hépatite non A-non B. La recherche de l'agent qui en était responsable est longtemps restée infructueuse. En 1988, grâce aux outils de la biologie moléculaire, des chercheurs de la firme américaine Chiron et des Centers for Disease Control and Prevention CDC ont fini par démasquer le virus. L'année suivante, paraissaient les articles décrivant ce nouveau virus et un moyen de le détecter dans le sang1.

L'hépatite C n'a que peu de rapports avec ses cousines A et B, en dehors du fait que ces trois maladies provoquent une inflammation du foie. Le VHC relève de la famille des Flaviridae , et parmi ses proches on trouve des virus responsables de la diarrhée bovine, de la peste porcine et de la fièvre jaune. Virus enveloppé, riche d'un unique brin d'ARN, le VHC ne comporte qu'un seul gène qui code une polyprotéine ultérieurement découpée en au moins dix protéines fonctionnelles. Il existe plus de cent souches virales, classées en six grands génotypes*, lesquels correspondent plus ou moins à différentes régions du monde.

Transmission sanguine. Où et quand la première infection humaine par le VHC s'est-elle produite ? Aucun argument solide ne permet aujourd'hui de le dire, et on ne connaît pas d'autre espèce qui serve de réservoir au virus. On sait néanmoins que la transmission se fait surtout par les transfusions de sang contaminé et par l'intermédiaire d'aiguilles souillées toxicomanes, adeptes de certaines médecines parallèles, et même victimes de certaines campagnes de santé publique voir l'encadré : « L'Egypte, victime d'une campagne de santé publique ».

Dans les pays industrialisés, la mise au point d'un test de dépistage en 1990 a pratiquement fait disparaître la transmission du virus par transfusion. L'échange d'aiguilles contaminées y est désormais le plus fréquent des modes d'infection. De ce fait, les CDC estiment que les nouveaux cas d'infection à VHC ont chuté de 230 000 par an dans les années 1980 à moins de 36 000 en 1996. Mais la plupart des personnes contaminées dans les décennies précédentes étant toujours en vie, les CDC estiment qu'environ 1,8 % de la population américaine est porteuse du virus2. A mesure que ces patients prennent de l'âge, on assistera sans doute à l'augmentation de la fréquence des atteintes hépatiques dues au VHC - déjà responsables de quelque 8 000 à 10 000 décès par an aux Etats-Unis et causes les plus fréquentes de greffe du foie.

En dehors du contact sanguin direct, la transmission du VHC est très difficile. Même la transmission de la mère au foetus est faible : parmi les enfants nés de femmes infectées, moins de 6 % sont porteurs du virus. Qu'en est-il de la possibilité, encore controversée, d'une transmission par voie sexuelle ? Miriam Alter, des CDC, a passé en revue plusieurs études faisant apparaître un lien entre l'infection à VHC et le fait d'avoir des partenaires multiples. Cela a conduit les CDC à conclure officiellement que les rapports sexuels sont responsables de 10 à 20 % des cas d'infection aux Etats-Unis. « Je pense que cette voie de transmission est très peu efficace, précise-t-elle, mais elle existe. Puisque les relations sexuelles sont fréquentes, puisque 80 % des personnes ont plus d'un partenaire dans la vie, et puisqu'un grand nombre de personnes sont porteuses d'une infection chronique, cela paraît vraisemblable. »

Plusieurs arguments plaident cependant contre la transmission par voie sexuelle. Aux Etats-Unis, comme le montre le cas du VIH, les hommes homosexuels transmettent les virus sanguins plus efficacement que les hétérosexuels ; or l'infection par le VHC n'est pas plus fréquente chez les premiers que chez les seconds. Par ailleurs, dans une étude à long terme portant sur 116 couples dits discordants où l'un seulement des partenaires était initialement infecté par le VHC, Harvey Alter et son équipe du centre clinique des NIH n'ont relevé que seize nouveaux cas d'infection. Mais chaque fois, la personne nouvellement infectée avait des antécédents de toxicomanie par voie intraveineuse ou de transfusion sanguine. « Nous n'avons donc aucune preuve d'une transmission par voie sexuelle » conclut-il. H. Alter va maintenant comparer les virus au sein des seize couples infectés pour confirmer son impression, à savoir que les partenaires ne se sont pas mutuellement contaminés.

Evolution lente. Une fois que les scientifiques ont établi un lien entre un micro-organisme et une maladie, ils peuvent commencer à décrire l'histoire naturelle de la forme typique de l'infection, c'est-à-dire déterminer comment la maladie progresse et sur combien de temps. Mais, en ce qui concerne le VHC, il ne semble pas exister de forme typique. La sévérité de la maladie varie beaucoup d'une personne à l'autre, et - à la grande déception des cliniciens et des patients - il n'existe que peu de marqueurs fiables permettant de savoir si l'évolution sera favorable ou non. Cette évolution peut être très lente : comme en témoignent plusieurs études présentées à la réunion de Bethesda, aucun symptôme grave n'est apparu chez la majorité des patients, même vingt ans après l'infection.

Cirrhose et cancer. Les données amassées depuis quelques années montrent que le système immunitaire de 15 % à 25 % des patients infectés parvient à vaincre le virus à la période initiale de l'infection et à l'éliminer du sang. Chez les 75 % à 85 % restants s'installe une infection chronique. Le VHC prend pour cibles les cellules du foie, ou hépatocytes. A mesure que les hépatocytes meurent, il se forme du tissu fibreux cicatriciel qui gêne le passage du sang dans le foie. Dans 10 % à 20 % des cas d'hépatite chronique, ce processus aboutit à une maladie grave, la cirrhose. Plus grave encore, 1 % à 5 % des patients porteurs de l'infection chronique évoluent vers une forme de cancer du foie, le carcinome hépatocellulaire.

Harvey Alter, déjà nommé, et Jay Hoofnagle, de l'Institut national américain du diabète et des maladies digestives et rénales NIDDK, ont présenté un travail portant sur 400 candidats donneurs de sang chez lesquels avait été dépistée une infection par le VHC, en général due à une transfusion ou à une injection. Bien qu'infectés depuis près d'une vingtaine d'années en moyenne, seuls 13 % de ces patients avaient une fibrose sévère et à peine 2 % une cirrhose. Ces résultats concordent avec ceux d'une étude irlandaise qui a suivi la progression de la maladie chez 376 femmes contaminées par des produits sanguins dans les années 19703. Leonard Seeff, du NIDDK, a quant à lui examiné 8 568 prélèvements de sang conservés par l'US Air Force entre 1948 et 1954, et constaté la présence d'anticorps anti-VHC dans 17 de ces échantillons ; d'après les dossiers médicaux actuels, un seul de ces sujets infectés soit 5,8 % est décédé d'une maladie hépatique.

Harvey Alter considère ces résultats comme rassurants pour la majorité des patients. « Ce qu'il faut, c'est mettre les choses en perspective, explique-t-il. L'hépatite C fait l'objet d'un battage considérable, on inquiète les gens, et nous passons beaucoup de temps à tenter de les rassurer. La vraie question, c'est de savoir quelle est la proportion de personnes chez qui l'évolution sera défavorable. »

A l'échelle individuelle, en revanche, la vraie question qui se pose pour un patient donné est de savoir si sa propre évolution va être défavorable. Actuellement, les médecins ont bien du mal à répondre. Ils n'ont, par exemple, relevé que peu de corrélations entre la quantité de virus présente dans le sang du patient la charge virale et la progression de la maladie. Et aucun des six génotypes du VHC ne paraît être plus pathogène que les autres. Qui plus est, les données présentées sur la cohorte des donneurs de sang des NIH révèlent que l'un des tests couramment utilisés pour évaluer les lésions hépatiques n'a sans doute qu'une faible valeur prédictive. Il s'agit du dosage sanguin d'une enzyme, une transaminase appelée alanine aminotransférase ALAT.

Quand ils meurent, les hépatocytes relâchent de l'ALAT. Les concentrations sanguines de cette enzyme devraient donc permettre une évaluation indirecte de l'étendue des lésions que le virus est en train de provoquer dans le foie. Dans une étude commencée en 1993, Marc Ghany, du laboratoire de Jay Hoofnagle au NIDDK, a réparti soixante personnes infectées par le VHC en trois groupes selon leurs concentrations d'ALAT : normales, légèrement élevées ou modérément élevées. Au cours des cinq ans suivants, les taux d'ALAT des différents participants sont le plus souvent restés dans la même catégorie. En revanche, les biopsies hépatiques ont montré que la fibrose avait tendance à s'aggraver, en moyenne, parmi les personnes à taux d'ALAT normal, alors qu'on observait au contraire de discrètes améliorations dans les groupes où les taux étaient légèrement ou modérément élevés. Si J. Hoofnagle fait remarquer que ces données préliminaires proviennent d'un groupe de personnes en relativement bonne santé, il considère néanmoins ces résultats comme « perturbants ». « Quand les taux d'ALAT d'un malade étaient normaux au cours du suivi, nous avons toujours considéré que son [degré de fibrose] serait proche de la normale, explique-t-il. Ce résultat va à l'encontre de tout ce que nous pensions. » Mieux connaître l'histoire naturelle des infections à VHC nécessiterait, selon les chercheurs, une importante étude de cohorte* à long terme, comme celle de quinze ans Multicenter AIDS Cohort Study, ou MACS qui a éclairci l'histoire naturelle du VIH. Leslye Johnson, directrice du département des maladies intestinales et hépatiques à l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses NIAID, note qu'un « plan stratégique » élaboré en 1997 par son institut proposait de telles études, mais que le financement n'a pas été obtenu. « C'est une affaire d'argent », constate-t-elle. En fait, le NIAID a consacré cette année quelque 7,7 millions de dollars au VHC, et L. Johnson observe que les problèmes de financement touchent aussi d'autres domaines.

Ce n'est pourtant pas l'argent que mentionnent les chercheurs qui travaillent sur l'hépatite C lorsqu'on leur demande ce dont ils ont le plus besoin. Comme l'explique Frank Chisari, immuno-hépatologiste au Scripps Research Institute de La Jolla, en Californie, « nous avons désespérément besoin d'un système de culture » . Jusqu'à présent, personne n'a réussi à faire pousser de manière fiable le VHC sur cultures cellulaires. Cette carence ralentit toutes les études essentielles, qu'elles portent sur les médicaments, les vaccins ou la compréhension du cycle de vie du virus. Rien d'étonnant, donc, à ce que le clou de la conférence des NIH ait été l'annonce d'un nouveau système de culture du VHC4.

Il a fallu cinq ans d'efforts à Ralf Bartenschlager et son équipe de l'université Gutenberg de Mayence, en Allemagne, pour le mettre au point. Mais ce n'est toujours pas le virus lui-même qui est directement cultivé. En fait, ces chercheurs ont utilisé un brin d'ADN, dit complémentaire*, qui contient l'image en miroir d'une partie de l'ARN viral. Ils ont élaboré une construction génétique - une sorte de « réplicon » codant les protéines non structurales du VHC, mais pas ses protéines centrales ou d'enveloppe -, capable de se répliquer elle-même en grandes quantités dans des cellules humaines immortalisées.

Mais comment le virus de l'hépatite C infecte-t-il les cellules ? On l'ignore encore. Et le réplicon ne peut élucider ce processus : il ne produit pas de virus entiers avec leurs protéines d'enveloppe. Selon Sergio Abrignani et son équipe de la filiale de Chiron située à Sienne, en Italie, l'une des protéines d'enveloppe du VHC se lie à un récepteur de la membrane cellulaire, appelé CD815. Mais ce groupe n'a pas démontré que le VHC utilise ce récepteur pour infecter la cellule, et de nombreux chercheurs pensent que ce n'est là qu'un aspect des choses. « Le CD81 est très intéressant, mais personne n'a prouvé qu'il soit nécessaire à la pénétration dans la cellule » explique Charles Rice, spécialiste de la biologie moléculaire du VHC à l'école de médecine de l'université Washington, à Saint Louis, dans le Missouri.

Nouvelle thérapie. Du côté des thérapies, il reste également des obstacles à surmonter. Jusqu'à l'an dernier, les personnes infectées par le VHC n'avaient pas le choix. Un seul traitement leur était proposé : trois piqûres par semaine d'interféron, messager chimique produit naturellement par le système immunitaire, et cela pendant une durée pouvant aller jusqu'à un an. Malheureusement, moins de 20 % des patients répondent à l'interféron et arrivent à éliminer le virus.

A l'automne 1998, tout le secteur a été secoué par les résultats de deux essais qui montraient qu'en associant à l'interféron un antiviral, la ribavirine, on multipliait au moins par deux les chances de succès chez les personnes qui n'avaient jamais encore été traitées, dites naïves.

La première des deux études comparaît, chez 832 personnes infectées par le VHC, les résultats de 48 semaines de traitement par l'interféron alpha-2b seul ou par l'association des deux produits6. Vingt-quatre semaines après la fin du traitement, l'ARN viral n'était plus détectable chez 43 % des patients qui avaient reçu la bithérapie, alors que cette réponse virologique persistante ne s'observait que chez 19 % de ceux traités par le seul interféron. Signe encourageant : contrairement au VIH, il ne semble pas exister dans l'organisme de réservoirs difficiles à atteindre où le VHC resterait à l'abri et à partir desquels l'infection pourrait repartir.

La deuxième étude portait sur 912 patients7. Là encore, vingt-quatre semaines après l'arrêt du traitement, l'ARN viral était indécelable chez 38 % des patients ayant pris les deux médicaments, contre 13 % seulement de ceux soumis à la monothérapie. A peine un mois après la publication de ce dernier travail, la Food and Drug Administration a autorisé l'emploi de cette association thérapeutique chez les patients naïfs.

Effets secondaires. Pour prometteurs que soient ces résultats, les médicaments coûtent cher - un an de traitement revient à 60 000 francs environ - et provoquent chez la plupart des patients de pénibles symptômes de type grippal, ce qui a conduit environ 20 % des sujets des deux essais à abandonner avant terme. « L'interféron est difficile à prendre, et la ribavirine rend les choses encore plus pénibles » constate Harvey Alter.

Autre bémol, il apparaît que l'association des deux médicaments est moins efficace contre le génotype I, souche la plus répandue aux Etats-Unis, où elle est responsable de quelque 70 % des cas. Ainsi, la deuxième étude a constaté que la réponse persistante ne s'observait que chez 28 % des patients infectés par le génotype I contre 66 % de ceux infectés par d'autres génotypes. D'autres facteurs influent également sur les chances de succès : celles-ci sont meilleures chez les femmes et les personnes de moins de 40 ans, lorsque la charge virale est faible, et en l'absence de lésions hépatiques sévères.

Ces résultats ont suscité un débat animé : faut-il traiter les patients asymptomatiques ? Pour Harvey Alter, le fort taux d'échecs et la toxicité incitent à la prudence. « Les laboratoires poussent tout le monde à traiter tout le monde, alors que c'est souvent une maladie bénigne » précise-t-il. Et il note que le traitement perturbe sérieusement la vie de la plupart des patients. « Ils se sentaient tous bien et, tout d'un coup, ils vont mal », explique-t-il, faisant ainsi écho à un refrain souvent entendu quand les patients contaminés par le VIH, mais asymptomatiques, commencent leur thérapie.

Les raisons pour lesquelles le traitement réussit chez certaines personnes et pas chez d'autres demeurent mystérieuses, notamment parce que personne ne connaît exactement le mode d'action de l'interféron et de la ribavirine. Récemment, Michael Lai et son équipe de l'université de Los Angeles ont décrit un mécanisme expliquant la plus grande résistance de certaines souches de VHC à l'interféron8. Ces chercheurs travaillent sur une enzyme, la protéine kinase PKR, qui fait avorter les virus en inhibant leur synthèse protéique. L'interféron accélère la production de la PKR par les cellules. Mais le VHC semble posséder une arme contre cette enzyme : l'une de ses protéines d'enveloppe, la protéine E2, inhibe l'activité de la PKR. Et l'analyse des séquences de E2 révèle que la version de cette protéine produite par les VHC du génotype I est particulièrement apte à se lier à la PKR et à en bloquer la fonction. « C'est une observation intéressante, qu'il faut approfondir », considère Michael Katze, de l'université du Washington, à Seattle, dont le laboratoire travaille sur une protéine non structurale du VHC, appelée NS5A, qui inhibe elle aussi la PKR. « Une protéine d'enveloppe analogue de la PKR, c'est un fait sans précédent. »

Aujourd'hui, les cliniciens cherchent à affiner les traitements et testent des versions améliorées de l'interféron et de la ribavirine. Mais, comme avec les médicaments anti-VIH, on attend des progrès plus importants de composés conçus spécifiquement pour s'attaquer à des protéines clés du VHC. Plusieurs laboratoires recherchent des inhibiteurs des enzymes que le virus utilise pour se recopier : protéase, hélicase, polymérase et réplicase.

Jusqu'à présent, la cible la plus visée est la sérine protéase, l'une des deux enzymes virales qui découpent la polyprotéine du VHC en protéines fonctionnelles. « Si tout le monde s'est d'abord intéressé à la protéase, c'est simplement à cause des succès rencontrés contre le VIH [avec les inhibiteurs de protéases] » observe Lewis Williams, directeur scientifique de Chiron. Il précise par ailleurs que, comme d'autres laboratoires, Chiron - qui s'est associé au groupe Pharmacia & Upjohn pour développer des médicaments anti-VHC - travaille également sur d'autres cibles. « Nous progressons dans plusieurs directions, et il est difficile de dire dans laquelle nous sommes le plus avancés, explique-t-il . Je suiscertain que plusieurs autres firmes travaillent sur les mêmes cibles. C'est une course. » Néanmoins, ni Chiron ni ses concurrents n'ont indiqué être assez avancés pour pouvoir fixer la date d'éventuels essais cliniques chez l'homme. Et, à en juger par la rareté des présentations dont ces travaux ont fait l'objet à la réunion, les laboratoires pharmaceutiques ne dévoilent pas leurs cartes.

Immunité cellulaire. Si les labora-toires sont au coude à coude dans la course aux médicaments anti-VHC, Chiron est pratiquement seul dans le domaine des vaccins, et cela en partie du fait de sa position en matière de brevet voir l'encadré : « Chiron marque son territoire ». La firme affronte un problème difficile. Comme dans les recherches sur les vaccins anti-VIH, il faut admettre qu'il y a peu de chances qu'une protection puisse être assurée par des anticorps dirigés contre des protéines virales qui changent rapidement. Ainsi, Chiron a observé que des chimpanzés vaccinés avec deux protéines de surface du virus, E1 et E2 produites par génie génétique, ne se débarrassaient pas de l'infection lorsqu'on leur inoculait une souche de VHC différente de celle utilisée pour fabriquer le vaccin. Reste donc à explorer la voie cellulaire du système immunitaire, où des cellules tueuses et d'autres stratégies interviennent pour débarrasser l'organisme des cellules déjà infectées.

Concurrence. L'intérêt de cette approche est confirmé par une étude sur les chimpanzés, menée par Chiron en collaboration avec Stewart Cooper, immunologiste à Stanford9. L'équipe a inoculé à un chimpanzé des anticorps anti-E1 et E2 d'origine humaine et à un autre le vaccin E1/E2 de Chiron. Le travail portait en outre sur deux autres animaux LouLou et Todd à qui on avait inoculé le VHC mais qui l'avaient éliminé spontanément, et sur deux animaux naïfs servant de témoins. Lorsqu'ils ont été exposés au VHC, les deux premiers chimpanzés et les deux témoins ont tout de suite été infectés. LouLou et Todd, en revanche, ont résisté. Les analyses ont révélé que ni l'un ni l'autre de ces deux singes n'avaient d'anticorps à la suite de leur première exposition au virus, mais qu'ils présentaient en revanche de vigoureuses réponses par cellules tueuses. Ce sont donc probablement des réponses immunitaires à médiation cellulaire qui les ont guéris de leur première infection et qui les protégeraient désormais d'infections ultérieures.

Pour déclencher une solide réponse immunitaire à médiation cellulaire, Chiron explore des stratégies vaccinales utilisant la production de protéines virales à l'intérieur des cellules de l'organisme. Dans l'une d'entre elles, le vaccin à ADN, la préparation injectée contient l'ADN complémentaire de l'ARN viral. Chiron étudie aussi la possibilité d'introduire des gènes viraux dans des virus inoffensifs, qui provoqueront une fausse infection lorsqu'ils pénétreront dans les cellules.

La concurrence sera sans doute rude. Franck Chisari, évoqué plus haut, et Chris Walker qui a récemment quitté Chiron pour l'université de l'Ohio à Columbus travaillent avec Epimmune, une société de biotechnologie de San Diego, pour mettre au point un vaccin anti-VHC utilisant l'immunité à médiation cellulaire. Par ailleurs, Fred Prince de la Banque du sang de New York travaille sur l'association entre un vaccin à ADN et un autre utilisant du matériel génétique du VHC introduit dans le virus de la variole aviaire et Robert Purcell, du NIAID, explore lui aussi la voie du vaccin à ADN.

Essais cliniques. Chris Walker, qui travaillait auparavant sur le sida, tempère les choses en observant que, même si ces travaux aboutissent à un vaccin prometteur, les essais cliniques chez l'homme seront difficiles. Aux Etats-Unis, il est probable que les essais d'efficacité ne pourraient porter que sur des toxicomanes par injection, c'est-à-dire sur des sujets dont le suivi pendant toute la durée d'un essai sera difficile. Les essais dans les pays pauvres rencontreraient les mêmes problèmes logistiques et éthiques que ceux menés aujourd'hui avec les vaccins anti-VIH. « Nous avons beaucoup à apprendre du VIH, estime Walker. Les travaux en cours dans ce secteur ouvriront la voie à ceux consacrés au VHC. »

Pour l'essentiel des populations infectées par le VHC, la mise au point de vaccins sera absolument cruciale. Même si l'hépatite C devenait une maladie curable d'ici à une dizaine d'années - à condition que la prochaine génération de médicaments à l'étude tienne ses promesses - les traitements ne pourront être mis en oeuvre que chez les malades des pays capables de les financer. Et c'est sans doute la plus amère leçon que nous donne le sida.

Par JON COHEN

 

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IMITER LES VIRUS ...

 

Paris, 27 août 2015
Imiter les virus pour livrer des médicaments au coeur des cellules

Les virus ont une aptitude à détourner le fonctionnement des cellules pour les infecter. En s'inspirant de leur mode d'action, des chercheurs du CNRS et de l'Université de Strasbourg ont conçu un « virus chimique » capable de franchir la double couche de lipides qui délimite les cellules, puis de se désagréger dans le milieu intracellulaire afin d'y libérer des molécules actives. Pour cela, ils ont utilisé deux polymères de leur conception, qui ont notamment des capacités d'auto-assemblage ou de dissociation selon les conditions. Ces travaux, fruit d'une collaboration entre chimistes, biologistes et biophysiciens, sont publiés dans l'édition du 1er septembre de la revue Angewandte Chemie International Edition.
Les progrès biotechnologiques donnent accès à un trésor de molécules ayant un potentiel thérapeutique. Beaucoup de ces molécules sont actives uniquement à l'intérieur des cellules humaines et restent inutilisables car la membrane lipidique qui délimite les cellules est une barrière qu'elles ne peuvent pas franchir. L'enjeu est donc de trouver des solutions de transfert aptes à traverser cette barrière.

En imitant la capacité des virus à pénétrer dans les cellules, des chimistes du Laboratoire de conception et application de molécules bioactives (CNRS/Université de Strasbourg) cherchent à concevoir des particules à même de libérer des macromolécules actives uniquement au sein des cellules. Pour cela, ces particules doivent obéir à plusieurs contraintes souvent contradictoires. Elles doivent être stables dans le milieu extracellulaire, capables de se lier aux cellules afin d'être internalisées mais être plus fragiles à l'intérieur des cellules pour libérer leur contenu. Avec deux polymères de leur conception, les chercheurs ont réussi à construire un "virus chimique" remplissant les conditions nécessaires pour transférer directement des protéines actives dans la cellule.

Concrètement, le premier polymère (pGi-Ni2+) sert de support aux protéines, qui s'y fixent. Le second polymère (πPEI), récemment breveté, encapsule cet ensemble grâce à ses charges positives qui se lient aux charges négatives du pGi-Ni2+. Les particules obtenues (30-40 nanomètres de diamètre) sont capables de reconnaitre la membrane entourant les cellules et de s'y lier. Cette liaison active une réponse cellulaire : la nanoparticule est enveloppée par un fragment de membrane et entre dans un compartiment intracellulaire appelé endosome. Alors qu'ils étaient stables à l'extérieur de la cellule, les assemblages sont ébranlés par l'acidité qui règne dans ce nouvel environnement. Par ailleurs, cette baisse de pH permet au polymère πPEI de faire éclater l'endosome, ce qui libère son contenu en molécules actives.

Grâce à cet assemblage, les chercheurs ont pu concentrer suffisamment de protéines actives à l'intérieur des cellules pour obtenir un effet biologique notable. Ainsi, en transférant une protéine appelée caspase 3 dans des lignées de cellules cancéreuses, ils ont réussi à induire 80 % de mort cellulaire1.

Les résultats in vitro sont encourageants, d'autant que ce "virus chimique" ne devient toxique qu'à une dose dix fois supérieure à celle utilisée dans cette étude. Par ailleurs, des résultats préliminaires chez la souris ne font pas état de surmortalité. L'élimination par l'organisme des deux polymères reste cependant une question ouverte. La prochaine étape consistera à tester ce système de manière approfondie in vivo, chez l'animal. A court terme, ce système servira d'outil de recherche pour vectoriser2 dans les cellules des protéines recombinantes et/ou chimiquement modifiées. A long terme, ce travail pourrait ouvrir le champ d'application des protéines pharmaceutiques à des cibles intracellulaires et contribuer à la mise au point de médicaments novateurs.

Ces travaux ont été rendus possibles par la collaboration de biophysiciens et de biologistes. Les compétences en cryomicroscopie électronique de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg/Inserm) et l'expertise en microscopie à force atomique du Laboratoire de biophotonique et pharmacologie (CNRS/Université de Strasbourg) ont permis de caractériser les assemblages moléculaires de manière très précise. Le laboratoire Biotechnologie et signalisation cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg) a quant à lui fourni les protéines recombinantes encapsulées dans le virus artificiel.

 

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SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE

 

Sclérose latérale amyotrophique

Dossier réalisé en collaboration avec Séverine Boillée (unité Inserm 1127 /université Pierre et Marie Curie, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Paris) - décembre 2015

La sclérose latérale amyotrophique est une maladie dégénérative grave et handicapante qui conduit au décès dans les 3 à 5 ans qui suivent le diagnostic. L'effort de recherche qui lui a été dédiée ces dernières années a permis de développer les connaissances sur la génétique et la biologie de cette maladie. Et si aucun traitement curatif n'est encore disponible, les perspectives à moyen terme sont encourageantes.

Les motoneurones sont les cellules nerveuses de la moelle épinière qui provoquent la contraction des muscles. L'image montre en fluorescence un motoneurone de rat en culture. On distingue clairement le corps cellulaire d'un diamètre de trente microns, l'axone et les fibres collatérales. © Inserm, C. Henderson
© Inserm, C. Henderson
Les motoneurones sont les cellules nerveuses de la moelle épinière qui provoquent la contraction des muscles. L'image montre en fluorescence un motoneurone de rat en culture. On distingue clairement le corps cellulaire d'un diamètre de trente microns, l'axone et les fibres collatérales.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. Elle affecte également la phonation et la déglutition.

Il s'agit d'une maladie au pronostic sombre, dont l'issue est fatale après 3 à 5 ans d'évolution en moyenne. Le plus souvent, c’est l’atteinte des muscles respiratoires qui cause le décès des patients.

La SLA est due à la mort progressive des motoneurones, les cellules nerveuses qui dirigent et contrôlent les muscles volontaires. Elle touche les deux types de motoneurones effecteurs de la motricité : ceux dits centraux, localisés dans le cerveau, et ceux dits périphériques, situés dans le tronc cérébral et la moelle épinière. Ces derniers assurent le relais entre les motoneurones centraux et les muscles.

 
La composante génétique encore mal cernée

L'origine de la SLA est complexe à déterminer : la survenue de la maladie serait multifactorielle, soumise à l'influence de la génétique et de l'environnement.

Concernant le rôle de l’environnement, aucun facteur déclenchant n'a été clairement mis en évidence. Le tabac, le sport de haut niveau, les pesticides, les métaux lourds et la cyanotoxine BMAA, présente dans certaines algues, sont suspectés. Mais, à ce jour, les données disponibles ne permettent pas de les impliquer formellement.

Dans la pratique, la SLA est familiale chez 10% des malades. Dans ce cas, l'origine génétique est probable, même si elle n'est pas toujours facile à démontrer. Pendant longtemps, une seule mutation responsable de la maladie était connue. Affectant le gène SOD1, elle a permis de donner naissance au premier modèle animal de SLA. Depuis, une vingtaine d'autres gènes impliqués ont été identifiés : C9ORF72, dont la mutation est observée dans plus de 40% des formes familiales, TARDBP, FUS/TLS... Lorsque aucune mutation causale connue n'est retrouvée, la maladie familiale découle probablement de l’altération d'un ou de plusieurs gènes pour l'heure non identifiés.

Lorsque la maladie touche des personnes sans risque génétique familial (90% des cas), elle est dite sporadique. Ces cas sont vraisemblablement liés à la mutation aléatoire (et non transmise) d'un gène causal ou d'un ou plusieurs gènes de susceptibilité (qui augmenteraient le risque de survenue de la maladie).

Une maladie progressivement invalidante


Voir la vidéo de l'association ARSLA et autres maladies du motoneurone sur la sclérose latérale amyotrophique

La SLA apparaît souvent entre 50 et 70 ans, même si elle survient en moyenne plus précocement lorsqu'elle est d'origine familiale.

Elle prend des formes différentes selon la nature de l'atteinte initiale :

Dans environ 30% des cas, elle débute au niveau du tronc cérébral. On parle d'une forme à début bulbaire dont les premières manifestations sont les difficultés à articuler ou à déglutir.
Dans les autres cas, la SLA altère d'abord les motoneurones périphériques : dans cette forme à début spinal, c'est par une faiblesse et unegêne au niveau d'un bras, d'une jambe ou d'une main que se manifeste la maladie pour la première fois.
La maladie s'intensifie progressivement : des contractures, une raideur des muscles et des articulations apparaissent localement. L'atteinte se transmet à d'autres muscles. Une fonte musculaire et des troubles de la coordination finissent par gêner la marche et la préhension des objets. Les difficultés à déglutir ou à articuler croissent. L'atteinte des muscles respiratoires intervient souvent à un stade avancé de la maladie. Elle précipite son aggravation et le risque de décès.

Une meilleure connaissance de la maladie permet aujourd'hui de repérer des formes de SLA dans lesquelles apparaissent aussi des douleurs, des manifestations de type parkinsoniens ou des troubles du comportement (démence fronto-temporale).

Des mécanismes physiopathologiques variés et encore mal compris 
Il est encore très difficile d'établir précisément les mécanismes initiant et maintenant la dégénérescence neuronale impliquée dans la SLA. Cependant, plusieurs phénomènes ont été décrits, notamment grâce à l’étude des mutations génétiques associées à la maladie et de leur impact sur le fonctionnement des cellules nerveuses. Il s’agit, entre autre, de défauts de repliement des protéines mutées qui s'agrègent avec d'autres protéines dans les cellules : ces amas peuvent bloquer des fonctions vitales pour les neurones, conduisant par exemple au dysfonctionnement des mitochondries (qui produisent l‘énergie des cellules) ou à une perturbation des fonctions de transport dans le neurone. Certaines mutations (affectant les gènes TDP43, FUS, C9ORF72) peuvent aussi entraîner un défaut dans la maturation des ARN messagers, des molécules impliquées dans la synthèse des protéines nécessaires au bon fonctionnement de la cellule. Dans les neurones porteurs de mutations du gène TDP43, c'est la production même des ARN messagers qui serait perturbée.
Autre hypothèse : celle de l'excitotoxicité du glutamate (un neurotransmetteur) sur les cellules nerveuses. Ce phénomène serait lié à une stimulation continue et anormale des neurones par une trop grande production de glutamate ou par sa mauvaise élimination. Sont également pointés du doigt le stress oxydatif et l’atteinte des cellules gliales (cellules de soutien des neurones) ou des cellules immunitaires. Les modèles animaux de la SLA ont mis en évidence un état inflammatoire chronique local dans lequel les cellules microgliales, les astrocytes et les macrophages environnants jouent un rôle délétère sur les neurones. Ces mécanismes pourraient donc constituer une cible thérapeutique potentielle. Enfin certains patients présentent un hypermétabolisme qui peut engendrer une perte de poids significative et aggraver le pronostic. Certaines études visent à comprendre la corrélation entre ces deux phénomènes. Il faut désormais comprendre comment s'articulent et/ou coexistent tous ces mécanismes entre eux.

Diagnostic par élimination

Il était une fois les motoneurones - Motoneurones et axones (rouge), noyaux des cellules (bleu) dans la moelle épinière. Image réalisée lors du concours photographique organisé pour les 50 ans de l'Inserm, catégorie 1 : L'image scientifique (comme résultat de recherche). Sélection Rhônes-Alpes. © Inserm, S. Cavagna
© Inserm, S. Cavagna
Il était une fois les motoneurones Motoneurones et axones (rouge), noyaux des cellules (bleu) dans la moelle épinière. Image réalisée lors du concours photographique organisé pour les 50 ans de l'Inserm, catégorie 1 : L'image scientifique (comme résultat de recherche). Sélection Rhônes-Alpes.

Le diagnostic de la SLA est souvent posé par élimination, après avoir écarté les pathologies de présentation proche parmi les maladies neurodégénératives et celles qui touchent les motoneurones.

Ce diagnostic repose sur des examens neurologiques et cliniques. Le neurologue en charge de cette évaluation recherche la présence de signes de neurodégénérescence au niveau musculaire, de signes d'atteinte bulbaire et de pathologies ou de symptômes associés. L’examen neurologique associé à un bilan biologique, à la réalisation d'un électromyogramme et à celle d'un IRM permettent de confirmer le diagnostic face à des symptômes persistants depuis quelques mois.

L'aggravation des symptômes reste l'un des signes permettant de différencier la SLA d'autres maladies du motoneurone, mais des examens spécifiques peuvent être prescrits au cas par cas pour le confirmer.

La SLA demande une prise en charge pluridisciplinaire

Il n'existe pas de traitement curatif de la SLA. La prise en charge de la maladie cible les symptômes : aide technique, kinésithérapie et médicaments antispastiques pour contrer les troubles moteurs, myorelaxants et antalgiques contre les douleurs, prise en charge de la dénutrition, orthophonie pour les troubles de la parole et de la déglutition, accompagnement psychologique…

Même si le pronostic de la maladie reste sévère, de réels progrès ont été réalisés ces vingt dernières années :

La ventilation non invasive (VNI), qui supplée la fonction respiratoire lorsqu'elle commence à décliner,
et la prescription de riluzole, seul médicament à avoir démontré sa capacité à ralentir l'évolution des symptômes, améliorent modestement l'espérance de vie des patients SLA.
Depuis les années 1990, les personnes atteintes de SLA bénéficient d'une prise en charge optimale, spécialisée et pluridisciplinaire à travers un réseau de centres de référence : il en existe aujourd'hui une vingtaine, répartis sur toute la France.

Dissocier les différentes formes de SLA pour mieux les traiter

Depuis quelques années, on commence à considérer la SLA comme un syndrome, et non plus comme une maladie : l'âge de survenue des premiers symptômes, la présentation bulbaire ou spinale initiale, la rapidité d'évolution, ou encore les pathologies associées peuvent en effet laisser penser que différentes maladies du motoneurone seraient regroupées sous le nom générique de SLA. Cette hétérogénéité pourrait expliquer l'échec de nombreux essais cliniques conduits autour de nouveaux traitements.

Un des objectifs des chercheurs est donc de dissocier l'ensemble des patients en groupes plus homogènes ; la découverte récente de différentes mutations génétiques pourrait aider à mieux regrouper ceux pour lesquels la cause de la maladie est la même. Les symptômes cliniques peuvent aussi aider à différencier les patients, même si leur spécificité est imparfaite. De nouvelles perspectives seront apportées par l'identification de nouveaux biomarqueurs.


A la recherche de biomarqueurs pertinents

L'identification de biomarqueurs biologiques ou radiologiques pourrait non seulement faciliter ce diagnostic, mais aussi aider à prédire l'évolutivité de la SLA et la réponse aux traitements.

Plusieurs pistes sont aujourd'hui à l'étude :

Celle des neurofilaments. Ces assemblages de protéines forment le cytosquelette des neurones et peuvent s’agréger dans les motoneurones en cas de SLA. Des premières données suggèrent une corrélation entre le taux d'une sous-partie protéique des neurofilaments retrouvé dans le sang ou le liquide céphalorachidien et l'évolution de la maladie ;
Celle de protéines et d'ARN issues de certains sous-types de lymphocytes dont la quantité augmente chez les personnes atteintes de SLA. Le suivi de leur concentration sanguine pourrait être un marqueur de la vitesse d'évolution de la maladie ;
Celle de l'imagerie fonctionnelle. En permettant d'étudier la dynamique de l'activité cérébrale, elle pourrait être utile, à terme, pour prédire la progression de la maladie. Des données expérimentales montrent que l'IRM permettrait de mesurer des paramètres d’atrophie de la moelle épinière, tandis que le PET-scan pourrait lui utiliser l’évolution de l’inflammation comme marqueur prédictif.
Ces études sont encore du domaine de la recherche et il n'existe encore aucun biomarqueur validé permettant d'envisager une utilisation en clinique.

Vers de nouvelles perspectives de traitement

Motoneurones -  Caractérisation par immunomarquage de neurones moteurs issus de cellules souches embryonnaires humaines. Les neurones sont détéctés en vert par le marqueur TuJI alors que les neurones moteurs sont révélés en rouge par l'expression du transporteur vésiculaire de l'acétylcholine. Les noyaux sont révélés en bleu au Dapi. I-Stem, Génopole d'Evry. © Inserm, C. Martinat
© Inserm, C. Martinat
Motoneurones - Caractérisation par immunomarquage de neurones moteurs issus de cellules souches embryonnaires humaines. Les neurones sont détéctés en vert par le marqueur TuJI alors que les neurones moteurs sont révélés en rouge par l'expression du transporteur vésiculaire de l'acétylcholine. Les noyaux sont révélés en bleu au Dapi. I-Stem, Génopole d'Evry.

Jusqu'à présent de nombreux candidats médicaments ont échoué à montrer leur efficacité. Mais, une nouvelle vague d'innovations a récemment été portée par l'identification de gènes responsables de la SLA et par la compréhension des cascades biologiques intervenant dans la survenue de la maladie. Ainsi, chacun des mécanismes pathogènes décrits constitue une cible thérapeutique potentielle.

Plusieurs agents thérapeutiques sont étudiés pour contrer la toxicité de la protéine mutante SOD1. Des essais cliniques de phase I ont notamment été conduits avec succès à partir d'oligonucléotides antisens qui empêchent la production de la protéine. De la même façon, des oligonucléotides antisens sont étudiés pour contrer la protéine mutante C9ORF72.

Le microenvironnement des neurones fait aussi l'objet d'études interventionnelles : une molécule expérimentale, le NP001, a fait l'objet de premières études cliniques pour contrer l'activité délétère des macrophages environnants.

Favoriser la régénérescence neuronale permettrait par ailleurs de pallier le mécanisme de mort cellulaire de la SLA. Des premières études cliniques sont en cours avec un agent anti-NOGO, ciblant la protéine NOGO, inhibitrice de la repousse des axones.

 

Thérapie cellulaire et cellules souches
La thérapie cellulaire consiste à restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe en introduisant des cellules saines dans l'organe malade. Deux options sont envisagées afin d'appliquer cette approche innovante à la problématique de la SLA : la première consiste à remplacer les cellules défaillantes de l'environnement des motoneurones afin qu'elles leurs apportent des facteurs trophiques favorables à la survie de ces derniers. Pour l'heure, les chercheurs utilisent différents types de cellules issues de la moelle osseuse ou des cellules souches issues du tissu nerveux, qui sont injectées dans la moelle épinière. Plusieurs études cliniques ont d'ores et déjà été conduites en Espagne, en Israël et aux Etats-Unis. 
A plus long terme, une seconde option pourrait consister à utiliser des cellules souches pluripotentes induites (iPSC), spécialisées en motoneurones ou en cellules de soutien avant d'être administrées. Ces cellules thérapeutiques viendraient remplacer les motoneurones défaillants ou les cellules de leur environnement. Beaucoup d’étapes restent encore à franchir pour y parvenir.
Mais quelle que soit l'option, la difficulté de mise en œuvre de la thérapie cellulaire est d'apporter les cellules de remplacement in situ. Cela nécessite une chirurgie lourde qui pourrait être limitante pour l’utilisation clinique de ces approches.

 

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DÉGÉNÉRESCENCE DE LA RÉTINE

 


ACTUALITÉ


Des cellules iPS bientôt testées chez l'homme


actualité - par Rafaële Brillaud dans mensuel n°479 daté août 2013 à la page 8 (1276 mots) | Gratuit
C'est une première mondiale qui, en ce mois de septembre 2013, débute chez des patients souffrant d'une dégénérescence de la rétine. Le 19 juillet, le ministère japonais de la Santé a autorisé un essai clinique recourant à des cellules jamais utilisées auparavant chez l'homme : des « cellules souches pluripotentes induites », ou cellules iPS. Ces cellules se distinguent par leurs propriétés et leur origine. En effet, elles peuvent donner, à volonté, tous les types de cellules du corps humain, comme le feraient des cellules souches embryonnaires. Mais contrairement à celles-ci, elles ne proviennent pas d'un embryon : on les obtient en « reprogrammant » des cellules différenciées prélevées chez un adulte.

La mise au point, en 2007, des premières cellules iPS humaines avait valu dès 2012 le prix Nobel de médecine au biologiste Shinya Yamanaka, de l'université de Kyoto. Depuis, les cellules iPS sont devenues une priorité de recherche au Japon, avec d'importants financements alloués par l'État. En cet été 2013, c'est l'ophtamologiste Masayo Takahashi, responsable de l'équipe « régénération de la rétine », de l'institut Riken, à Kobe, qui se retrouve sous les feux de la rampe.

En collaboration avec un centre hospitalier de cette ville, elle utilisera des cellules iPS pour soigner des patients souffrant de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Cette maladie, qui conduit à une perte progressive de la vision, est la principale cause de cécité des plus de 55 ans dans les pays industrialisés. L'essai japonais vise à s'assurer de l'innocuité de ce type de thérapie - ou du moins, de l'absence de risques majeurs.

Choix des patients
Au Japon, la DMLA touche plus de 700 000 personnes, pour une population d'environ 127 millions d'habitants. « En France, plus d'un million de patients sont concernés, précise Olivier Goureau, de l'Institut de la vision, à Paris. L'incidence augmente avec l'âge : la DMLA concerne 10 % d'individus au-delà de 65 ans, 25 % au-delà de 75 ans, et 60 % au-delà de 90 ans. »

Cette pathologie affecte la zone centrale de la rétine, la macula, responsable de l'acuité visuelle et indispensable pour conduire ou lire. « Avec l'âge, pour des raisons encore mal connues, la couche externe de la rétine se dégrade, détaille Olivier Goureau. Or cette couche externe, nommée épithélium pigmentaire, est nécessaire au bon fonctionnement de la macula adjacente, qui contient les cellules photosensibles. » Lorsque l'épithélium dégénère, les cellules photosensibles aussi, d'où la dégradation de la vision centrale [1].

Pour préserver la vision, l'une des approches envisagées consiste à retirer chirurgicalement l'épithélium déficient et à le remplacer par un épithélium pigmentaire intact produit in vitro. L'objectif de cette « thérapie cellulaire » est d'enrayer la dégénérescence des photorécepteurs. Dans l'essai japonais, la couche d'épithélium pigmentaire sera produite à partir de cellules iPS. Un autre essai, aux États-Unis, fait quant à lui appel à des cellules souches embryonnaires (lire « Un essai clinique avec des cellules souches embryonnaires », p. 10).

Masayo Takahashi et ses collaborateurs du Riken mèneront leur étude sur six patients de plus de 50 ans atteints de la forme la plus grave de DMLA : la forme « humide », où la prolifération incontrôlée de vaisseaux sanguins sous la rétine finit par l'endommager. Il s'agira de patients malvoyants n'ayant pas réagi aux traitements actuels visant à enrayer la prolifération des vaisseaux.

Le recrutement de ces patients a débuté dès le 1er août dernier, mais les transplantations d'épithélium pigmentaire rétinien ne seront pas effectuées avant l'été 2014. Pourquoi ce délai ? Parce que les cellules iPS seront obtenues à partir de cellules de peau prélevées chez chacun des patients. Cela présente l'avantage d'assurer une parfaite compatibilité immunologique des cellules iPS, et donc des cellules d'épithélium rétinien, avec la personne greffée. Mais cela prend du temps, car le rendement de la reprogrammation des cellules de peau en cellules iPS est assez faible. Autre étape chronophage : l'obtention, à partir des cellules iPS, de cellules épithéliales rétiniennes en quantité suffisante.

Heureusement, l'oeil humain est un petit organe, qui ne nécessite donc pas beaucoup de cellules. De plus, « celles de l'épithélium pigmentaire rétinien sont relativement faciles à obtenir à partir de cellules iPS, précise Olivier Goureau. C'est d'ailleurs l'équipe de Masayo Takahashi qui y est parvenue pour la première fois il y a deux ans ». Mais même dans ce contexte plutôt favorable, l'ensemble de ces deux étapes devrait prendre dix mois environ.

Évaluation des risques
À l'avenir, lorsqu'un grand nombre de patients seront concernés, cette approche très personnalisée devrait être remplacée par le recours à des banques de cellules abritant des lignées de cellules iPS immunologiquement compatibles avec la plus grande partie de la population. Des banques, telles celle que Shinya Yamanaka est en train de constituer à Kyoto : d'ici 2020, elle renfermera 75 lignées de cellules iPS immunologiquement compatibles avec 80 % de la population japonaise.

En attendant, des essais comme celui mené par Masayo Takahashi permettront de vérifier que ce type de thérapie ne fait pas courir de risque particulier aux patients. Car si les cellules iPS, par leur origine « adulte », affranchissent les chercheurs des contraintes éthiques afférentes aux cellules souches issues d'embryons, elles ne sont pas exemptes de défauts. « Elles demeurent des cellules manipulées », souligne Christelle Monville, de l'Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques, à Évry. Il est ainsi difficile de prévoir leur devenir une fois greffées à un organisme humain, tant qu'aucune expérience n'aura été faite.

Dès leur découverte, les cellules iPS présentaient un fort risque cancérigène lié à leur fabrication. En effet, la reprogrammation des cellules adultes s'effectuait initialement en leur injectant 4 gènes par le biais de virus. Cela entraînait l'insertion au hasard de ces gènes dans le génome des cellules, ce qui faisait courir le risque d'activer ou d'inactiver d'autres gènes de manière imprévue [2].

Évolutions techniques
« Les techniques ont heureusement beaucoup évolué, précise Christelle Monville. Par exemple, on peut utiliser de petites molécules d'ADN appelées épisomes, grâce auxquelles les gènes injectés s'expriment et reprogramment la cellule, mais sans s'insérer dans le génome. » De plus, les tissus rétiniens obtenus à partir des cellules iPS subiront toute une série de vérifications pour vérifier l'absence de mutations cancérogènes et d'infection virale.

« Néanmoins le risque zéro n'existe pas, reconnaît Christelle Monville, qui pointe trois types de risques différents. Le développement d'une tumeur est a priori écarté par les études précliniques, mais il est toujours possible qu'une cellule pluripotente résiduelle se mette à proliférer. Une cellule greffée peut aussi s'échapper et se trouver dans un autre organe, où elle va former une tumeur ou bien tout simplement ne pas avoir la bonne fonction. Le risque est cependant minime car la cellule a de fortes chances d'être éliminée si elle se retrouve dans d'autres tissus. Enfin, comme pour toute greffe, les cellules greffées peuvent ne pas survivre ou ne pas fonctionner correctement. »

Le choix de l'oeil pour ce premier essai clinique n'est pas anodin : il permet justement de pondérer tous ces risques. Cet organe est peu susceptible de développer une tumeur et il est aisément accessible si une intervention s'impose.

Néanmoins, ces essais cliniques avec cellules iPS n'arrivent-ils pas trop vite ? C'est ce qu'a longtemps pensé Christelle Monville, avant de visiter le laboratoire de Masayo Takahashi au printemps dernier. « Les effets d'annonce et l'absence de publication des études précliniques nous faisaient penser qu'il y avait précipitation. Cela nous a beaucoup rassurés de les rencontrer. L'équipe aborde vraiment les problèmes un par un, prend le temps de valider toutes les étapes pour être dans de bonnes conditions cliniques. Elle veut réussir, mais pas à tout prix. Leur démarche est la bonne. Je n'en connais pas d'autres aussi avancées et prêtes à aboutir. »

Par Rafaële Brillaud

 

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