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Maladies auto-immunes

 

 

 

 

 

 

 

Maladies auto-immunes

Sous titre
La rupture de la tolérance au soi

Les maladies auto-immunes résultent d'un dysfonctionnement du système immunitaire conduisant ce dernier à s’attaquer aux constituants normaux de l’organisme. C’est par exemple le cas dans le diabète de type 1, la sclérose en plaques ou encore la polyarthrite rhumatoïde. Face à ces maladies complexes, les chercheurs développent de nouvelles stratégies thérapeutiques, visant à contrôler le système immunitaire sans pour autant qu’il risque de baisser la garde vis-à-vis des agents pathogènes.
       

Dossier réalisé en collaboration avec Olivier Boyer et Sophie Candon, unité 1234 Inserm/Université de Rouen Normandie, Physiopathologie, auto-immunité, maladies neuromusculaires et thérapie régénératrices, et Laboratoire d'immunologie et biothérapies, CHU de Rouen Normandie.

Comprendre les maladies auto-immunes
Alors qu’il est censé nous protéger contre les agents pathogènes (virus, bactéries…), notre système immunitaire peut parfois se déréguler. Il peut alors :
*         devenir trop sensible à certains constituants exogènes, et déclencher des allergies
ou bien
*         réagir contre des constituants du soi, et favoriser l’émergence de maladies auto-immunes
Les maladies auto-immunes forment un ensemble dans lequel on retrouve des maladies aussi différentes que le diabète de type 1, la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde ou la maladie de Crohn. Elles correspondent toutes à des maladies chroniques déclenchées par la perte de tolérance immunologique de l’organisme face à ses propres constituants. Des effecteurs de l’immunité — anticorps
anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
ou cellules — engendrent alors des lésions cellulaires ou tissulaires responsables de symptômes plus ou moins sévères. Selon la nature de ces effecteurs, les lésions touchent un organe particulier (foie, pancréas, neurones...) ou différents tissus au sein de l’organisme.
 
"C'est quoi une maladie auto-immune ?", avec Jenny Valladeau

Quand la tolérance du soi est rompue
Un certain degré d'autoréactivité du système immunitaire existe naturellement. Il permet aux lymphocytes B producteurs d’anticorps et aux lymphocytes T — cytotoxiques
cytotoxiques
Qui a un effet toxique sur les cellules.
ou producteurs de molécules favorisant l’inflammation (cytokines
cytokines
Substance synthétisée par certaines cellules du système immunitaire, agissant sur d'autres cellules immunitaires pour en réguler l'activité.
) — de cibler nos cellules et leurs composants (ADN, protéines, noyaux cellulaires…). Mais au cours du développement, l’organisme développe une tolérance immunitaire vis-à-vis des constituants du soi. Ainsi, deux mécanismes de contrôle vont progressivement éduquer nos défenses et éviter qu’elles ne s’attaquent à nos tissus :
*         un mécanisme central qui permet d’éliminer les lymphocytes T fortement autoréactifs au niveau du thymus, et les lymphocytes B autoréactifs dans la moelle osseuse
*         un mécanisme périphérique qui, parallèlement, permet le contrôle des lymphocytes autoréactifs qui auraient échappé au mécanisme central
Plusieurs types de médiateurs assurent l’élimination ou le contrôle des effecteurs autoréactifs, comme les cytokines anti-inflammatoires ou les lymphocytes T régulateurs. Cependant, si ces processus sont imparfaits ou absents, l’autoréactivité est entretenue et conduit à l’apparition de la maladie auto-immune.
Les cellules dendritiques
cellules dendritiques
Cellules présentatrices d’antigènes responsables du déclenchement d’une réponse immune adaptative.
et les macrophages
macrophages
Cellule du système immunitaire chargée d’absorber et de digérer les corps étrangers
jouent également un rôle important dans le phénomène.  Ces cellules assurent la présentation d’antigènes aux cellules de l’immunité, mais elles peuvent parfois enclencher une rupture de tolérance du soi en présentant des autoantigènes.

Une dynamique préoccupante
On estime aujourd’hui que 5 à 8% de la population mondiale est touchée par une maladie auto-immune. Si quelques-unes d’entre elles sont aussi fréquentes chez les hommes et les femmes (comme le diabète de type 1), 80% des cas concernent des femmes.
L’âge de survenue de ces maladies est très variable. Pour un certain nombre d’entre elles, l’âge auquel survient la maladie a cependant diminué au cours des dernières décennies : pour exemple, si le diabète de type 1 était une maladie de l’adolescent ou du jeune adulte, il n’est désormais pas rare de le diagnostiquer dès les premières années de vie. Par ailleurs, le nombre de maladies auto-immunes n’a cessé de croître depuis les années 1970 : on en recense actuellement environ 80.
Ces différentes dynamiques laissent penser qu’il existe une évolution de l’exposition à certains facteurs de risque. Reste à les identifier.


Les facteurs favorisant la rupture du soi
Dans leur grande majorité, les maladies auto-immunes sont multifactorielles : cela rend difficile — pour ne pas dire impossible — d’en déterminer l’origine exacte. A quelques exceptions près, on estime qu’elle repose sur l’association de facteurs génétiques, endogènes, exogènes et/ou environnementaux :
Facteurs génétiques
La majorité des maladies auto-immunes est considérée comme dépendante d’une susceptibilité génétique, c’est-à-dire que leur développement est favorisé par une ou plusieurs particularités génétiques (ou polymorphismes). Parmi celles incriminées figurent d’abord des formes particulières des gènes HLA
HLA
Les protéines HLA, situées à la surface des cellules, permettent au système immunitaire de distinguer les cellules de l’organisme des cellules étrangères.
, un ensemble de gènes qui codent pour des protéines permettant justement à l’organisme de reconnaître le soi du non-soi. Ces polymorphismes
polymorphismes
Le fait qu’une espèce présente des individus aux caractéristiques différentes au sein d’une même population/ Propriétés des gènes qui se présentent sous plusieurs formes, appelées allèles.
sont retrouvés parmi une part plus ou moins importante de patients atteints de spondylarthrite ankylosante (HLA-B27), polyarthrite rhumatoïde (HLA-DR4), diabète de type 1 (HLA-DR3/DR4) ou maladie cœliaque (HLA-DQ2)…
Des variations de la séquence de gènes non-HLA, peuvent également être impliquées. À mesure que la recherche progresse, leur nombre ne cesse de croître : ces variations affectent des gènes codant pour des médiateurs de la signalisation intracellulaire, pour les voies de costimulation, ou pour des facteurs de transcription
transcription
Étape de l'expression génétique au cours de laquelle un ARN est produit à partir d’ADN.
. Ainsi, des polymorphismes du gène PTPN22 ont été identifiés comme étant des facteurs de risque de polyarthrite rhumatoïde, de diabète de type 1 ou de lupus érythémateux disséminé (LED) ; ceux du gène IRF5 (impliqué dans la fonctionnalité des cytokines) ont été identifiés dans le LED, la polyarthrite rhumatoïde ou les sclérodermies systémiques ; ceux concernant le gène CD40 favoriserait la survenue de maladie de Basedow ou de polyarthrite rhumatoïde... Toutefois, ces variations génétiques ont un « poids » beaucoup moins important que les polymorphismes des gènes HLA dans le risque de survenue d’une maladie auto-immune.
Quelques très rares maladies auto-immunes ont une origine monogénique : dans ce cas, la mutation d’un seul gène est responsable de la pathologie, qui adopte alors le plus souvent une forme sévère. Ainsi, la mutation du gène AIRE, qui intervient normalement dans le contrôle central de l’auto-immunité au niveau du thymus, peut engendrer un syndrome polyendocrinien auto-immun. De la même façon, les mutations du gène FOXP3 réduisent le taux de cellules T régulatrices et favorisent l’apparition d’une entéropathie auto-immune de type 1 (syndrome IPEX). Les syndromes prolifératifs auto-immuns sont quant à eux liés à une anomalie de l’apoptose, engendrée par la mutation du gène FAS et, parfois du gène FASL.

Expression de AIRE (en vert) dans le thymus humain. La protéine AIRE (pour AutoImmune REgulator) joue un rôle clé dans l'éducation des lymphocytes. Or l'analyse moléculaire et cellulaire thymique a révélé qu'à partir de l'adolescence, les jeunes filles et les femmes ont moins d'AIRE que les hommes. Il en va de même chez les souris. A partir de la puberté, le taux élevé d'œstrogène chez les femmes inhibe l'expression d'AIRE dans le thymus, augmentant la susceptibilité aux maladies auto-immunes.

Facteurs endogènes
L’influence des hormones féminines sur les mécanismes de contrôle de l’auto-immunité pourrait expliquer pourquoi les femmes sont plus souvent affectées par ces maladies : le rôle des estrogènes et de la prolactine, sécrétée pour favoriser la lactation, a été confirmé par des travaux conduits dans différents modèles animaux.
D’autres facteurs, tels que l’inflammation chronique ou la libération d’autoantigènes séquestrés (c’est-à-dire non présentés au système immunitaire en condition normale), peuvent aussi avoir une influence sur le risque de développer une maladie auto-immune.
Enfin, les études expérimentales ou les données épidémiologiques décrivent clairement une association entre le microbiote intestinal, qui se situe à l’interface entre le système immunitaire et l’environnement, et la survenue d’une maladie auto-immune : la dysbiose, qui correspond à une modification qualitative et quantitative des différentes espèces colonisant notre système digestif par rapport aux conditions normales, est plus fréquente chez les malades que chez les personnes exemptes de maladies auto-immunes. La nature précise de cette dysbiose pourrait être différente, voire spécifique, selon la maladie considérée. Cependant, pour l’heure, il est difficile de savoir avec précision si la dysbiose est une cause ou une conséquence de la maladie. Le niveau de preuve actuel varie selon les pathologies : le rôle du microbiote est probable dans la maladie de Crohn, mais demande à être mieux décrit dans d’autres maladies auto-immunes (sclérose en plaques, lupus érythémateux disséminé, psoriasis…). Par ailleurs, les mécanismes à l’œuvre, expliquant comment les bactéries intestinales influencent l’immunité, restent à élucider.
 
Théorie de l’hygiène ou théorie du mimétisme ?
Notre susceptibilité à développer des maladies auto-immunes découlerait en partie de l’évolution récente des interactions entre immunité et exposition aux microorganismes viraux ou bactériens. Pour expliquer ce phénomène, deux théories non exclusives sont avancées :
La première correspond à la théorie hygiéniste qui suggère que la diminution de l’exposition naturelle aux agents infectieux (hygiène, alimentation…) et le recours croissant aux antibiotiques réduisent les capacités d’apprentissage et d’adaptation de l’immunité.
La seconde, dite du mimétisme moléculaire, repose sur l’idée que les antigènes présentés par les pathogènes peuvent présenter des similitudes structurelles avec les antigènes du soi, favorisant les réactions croisées lors d’un épisode infectieux : cela permettrait l’initiation puis le maintien d’une réaction immunitaire chronique.
 

Facteurs exogènes et environnementaux
L’exposition à certains composants ou certains pathogènes semble associée au risque de maladies auto-immunes, sans qu’un lien de causalité soit parfaitement établi. Ainsi, l’épidémiologie décrit une fréquence supérieure des infections préalables par les virus Epstein-Barr ou le cytomégalovirus chez les personnes atteintes. Le tabagisme, actif ou ancien, est aussi surreprésenté parmi les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, de sclérose en plaques, de dysthyroïdie auto-immune… Certains polluants environnementaux, les ultraviolets, le stress ou la nutrition sont aussi suspectés, mais leur rôle reste à démontrer.
Récemment il a été démontré qu’une famille de médicaments anticancéreux modulant l’immunité constitue un facteur de risque potentiel d’auto-immunité : les inhibiteurs des points de contrôle immunitaires (atézolizumab, ipilimumab, nivolumab, pembrolizumab). Ces molécules ont été développées pour intensifier les défenses de l’organisme contre les cellules tumorales, mais les personnes qui ont été soignées par ces médicaments développent plus fréquemment des maladies auto-immunes (diabète, vitiligo, thyroïdite...). Il est maintenant nécessaire de déterminer s’ils déclenchent le processus d’auto-immunité ou s’ils ne font que favoriser son développement chez des sujets initialement prédisposés.

De l’auto-immunité aux symptômes...
Les deux familles d’effecteurs impliqués dans l’auto-immunité – anticorps et lymphocytes T – engendrent des lésions tissulaires qui leurs sont spécifiques.
Les autoanticorps
Les autoanticorps sont souvent les effecteurs dont l’impact lésionnel est prépondérant. En effet, ils favorisent la mort de la cellule cible (ex : anémies hémolytiques) et forment des complexes dits immuns avec l’antigène, provoquant des lésions vasculaires ou rénales (ex : néphropathie
néphropathie
Maladie du rein.
glomérulaire, lupus érythémateux disséminé). En se fixant sur des structures membranaires extracellulaires (récepteurs, antigènes…), ces anticorps peuvent aussi perturber le mécanisme biologique normal auquel ces cellules participent habituellement (ex : dysthyroïdie). Ces effecteurs peuvent, dans certains cas, être transmis de la mère à l’enfant par voie placentaire (ex : anticorps ciblant l’acétylcholine dans la myasthénie).
Les lymphocytes T autoréactifs
Les lymphocytes T autoréactifs jouent également un rôle significatif, en favorisant la lyse
lyse
Destruction de la membrane d’une cellule par un agent chimique, physique ou biologique, entraînant sa mort.
des cellules cibles, directement par cytotoxicité, ou indirectement par la production de cytokines. Pour exemple, ces cellules sont principalement responsables de la destruction des cellules bêta des îlots de Langerhans dans le diabète de type 1, ou de la destruction des gaines de myéline
myéline
Substance protectrice qui entoure les fibres nerveuses.
dans la sclérose en plaques.
Les médiateurs de l’inflammation
Enfin, la composante inflammatoire, quasi-systématique en cas de maladie auto-immune, joue un rôle important : souvent asymptomatique au début de la maladie, elle a tendance à se chroniciser et devenir cliniquement significative (rougeur, gonflement, douleur…). Petit à petit, l’inflammation favorise des modifications locales de l’organisation cellulaire et tissulaire (granulome inflammatoire, destruction et réparation tissulaires, fibrose…) qui peuvent devenir difficiles à normaliser. Cette inflammation est notamment médiée par les cytokines, qui sont des petites molécules circulantes de différente nature (TNF alpha, interleukines…).
 
...et des symptômes au diagnostic
Le diagnostic d’une maladie auto-immune repose sur des éléments cliniques et biologiques, parfois complétés de données génétiques et d’imagerie.
Des symptômes ou signes cliniques font généralement suspecter un diagnostic particulier et incitent le médecin à réaliser ou prescrire des examens. Beaucoup de maladies auto-immunes se manifestent par des phases de poussées, durant lesquelles les symptômes s’intensifient, entrecoupées par des périodes de rémission. Mais d’autres sont associées à des symptômes constants, pouvant évoluer avec le temps. Outre l’examen clinique, une imagerie médicale peut être nécessaire pour observer les lésions des organes touchés.
Si la piste semble solide, des examens biologiques spécifiques sont prescrits : ils permettent de rechercher des biomarqueurs
biomarqueurs
Paramètre physiologique ou biologique mesurable, qui permet par exemple de diagnostiquer ou de suivre l’évolution d’une maladie.
propres à l’auto-immunité, comme des complexes immuns circulants, des autoanticorps spécifiques (anticorps anti-insuline, anti-ADN, APL, ANCA, CCP, facteur rhumatoïde... selon la pathologie) . La recherche de biomarqueurs propres à l’inflammation est également conduite, notamment en évaluant la vitesse de sédimentation, le taux de protéine-C réactive (CRP) ou la présence de fractions du complément.
Lorsqu’un gène de susceptibilité est connu comme étant fortement corrélé au risque de développer la maladie suspectée, un test génétique complète le diagnostic. Le gène HLA B27 est par exemple recherché dans le cadre du diagnostic de spondyloarthrite.
 
Des traitements de plus en plus spécifiques

Chaque maladie auto-immune répond à une prise en charge spécifique. Des traitements permettent de contrôler les symptômes de la maladie : antalgiques contre la douleur, anti-inflammatoires contre la gêne fonctionnelle articulaire, médicaments substitutifs permettant de normaliser les troubles endocriniens (insuline dans le diabète, thyroxine dans l’hypothyroïdie…), etc…
Des médicaments permettant de contrôler ou d’inhiber l’auto-immunité offrent aussi un moyen de limiter les symptômes et la progression des lésions tissulaires. Ils doivent généralement être pris de façon chronique car ils ne permettent pas de guérir la maladie. De plus, ils ne sont pas spécifiques des cellules effectrices de l’auto-immunité et interfèrent avec certaines fonctions générales du système immunitaire. Historiquement, les médicaments immunosuppresseurs (corticoïdes, cyclophosphamide, méthotrexate, azathioprine, ciclosporine…) sont utilisés car ils interagissent sur des effecteurs centraux du système immunitaire et permettent de limiter son activité de façon globale. Ils sont souvent associés à un risque d’infection accru et nécessitent en conséquence un suivi régulier. Depuis une petite vingtaine d’années, grâce aux progrès des biotechnologies, des biothérapies sont développées : elles offrent une meilleure maîtrise des symptômes et des risques de lésions. Contrairement aux immunosuppresseurs, ce sont des molécules qui ciblent spécifiquement un des acteurs clés impliqués dans le processus pathologique concerné. Une biothérapie est généralement spécifique d’une maladie auto-immune, ou de plusieurs lorsqu’elles partagent des effecteurs communs. Ils sont généralement utilisés lorsque la maladie est sévère ou qu’elle ne répond pas, ou insuffisamment, aux immunosuppresseurs.
Les anti-TNF
anti-TNF
Médicament qui bloque l'action du TNF, une protéine responsable de l'inflammation des tissus.
alpha font partie des premières biothérapies développées dans le traitement des maladies auto-immunes. Ils inhibent les mécanismes inflammatoires que le TNF alpha ou son récepteur déclenche habituellement. Plusieurs sont aujourd’hui commercialisés (infliximab, adalimumab, certolizumab pegol, étanercept...) dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn ou les spondyloarthrites… D’autres molécules ont été développés depuis, ciblant l’IL-1 (canakinumab, anakinra), l’IL-6 (tocilizumab), l’IL-12/IL-23 (ustékinumab), la fraction C5 du complément (éculizumab) ou les récepteurs à la sphingosine 1-phosphate (fingolimod)… Certains ont une efficacité élevée et permettent de contrôler totalement les symptômes de la maladie.  
Ces traitements sont pris de façon chronique. Cependant, des essais cliniques conduits dans la maladie de Crohn ou la polyarthrite rhumatoïde suggèrent que des patients ayant bénéficié d’une rémission durable des symptômes durant plusieurs années pourraient arrêter le traitement sans réactivation de la maladie. Des études complémentaires sont évidemment nécessaires pour confirmer ces premiers résultats et évaluer si cette rémission est durable.
De façon plus spécifique, d’autres traitements sont parfois envisagés dans quelques pathologies très spécifiques : la plasmaphérèse permet ainsi l’élimination des auto-anticorps par filtration du sang qui est ensuite réinjecté au patient. Cette stratégie est utilisée dans le traitement de la myasthénie ou du syndrome de Guillain-Barré. Des immunoglobulines
immunoglobulines
Protéine du système immunitaire/Anticorps.
intraveineuses (IgIV), constituées à partir d’immunoglobulines issues de dons du sang, sont aussi utilisées pour neutraliser ou moduler les anticorps pathogènes ou pour réguler la production d’autoanticorps dans le purpura thrombocytémique idiopathique
idiopathique
Qui existe par soi-même, indépendamment d’une autre maladie.
(PTI), le syndrome de Guillain-Barré ou la maladie de Kawasaki.

Les enjeux de la recherche

Identifier les facteurs de risque émergents
L’augmentation de la fréquence des maladies auto-immunes dans les pays occidentaux au cours des dernières décennies laissent penser que l’exposition ou l’influence de certains facteurs de risque a évolué.
Les études dédiées au microbiote sont particulièrement nombreuses car l’influence des microorganismes qui colonisent notre système digestif semble déterminante.
Les facteurs génétiques continuent à être explorés : facteurs monogéniques rares, gènes de susceptibilité… La prépondérance féminine liée à l’auto-immunité pourrait ainsi reposer sur une origine génétique. Des gènes favorisant l’auto-immunité portés par le chromosome X pourraient échapper à des mécanismes d’inactivation qui en contrôle normalement l’expression, ce qui expliquerait la prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
supérieure des maladies auto-immunes chez les femmes. C’est notamment le cas pour le gène TLR7, qui semble être un facteur de risque de lupus érythémateux systémique (LED) et probablement d’autres pathologies auto-immunes.
Outre les mutations génétiques, des variations épigénétiques — qui modifient de manière pérenne la façon dont nos gènes s’expriment — font aussi l’objet de recherches. Ces variations seraient engendrées par l’influence de facteurs environnementaux, de l’hygiène de vie ou de l’exposition à certains traitements.
 
Identifier de nouveaux médiateurs pour développer de nouveaux traitements
L’objectif ultime de la recherche clinique est de pouvoir supprimer spécifiquement le mécanisme d’origine d’une maladie auto-immune, sans modifier le fonctionnement normal du reste du système immunitaire. Il reste difficile à atteindre car les cascades biologiques normales et pathologiques présentent souvent des effecteurs communs. Pour autant, la recherche progresse en ce sens grâce aux progrès importants réalisés en recherche fondamentale, préalable indispensable au développement des thérapies ciblées.
Les chercheurs sont aidés par la disponibilité de modèles animaux mimant les pathologies auto-immunes humaines. L’analyse « en cellule unique » offre également de nouvelles perspectives pour mieux appréhender la diversité de certains types cellulaires impliqués dans l’auto-immunité : en caractérisant les interactions cellulaires au niveau d’une seule cellule, elle permet de distinguer les spécificités et caractéristiques de chaque cellule d’intérêt, plutôt que de moyenner les comportements cellulaires comme le font les méthodes d’études conventionnelles (en pool cellulaire).
Grâce à ces efforts de recherche, les traitements ciblés se multiplient, notamment dans le traitement des maladies inflammatoires rhumatismales ou gastro-intestinales. Elles bénéficient désormais aussi à des pathologies réputées plus difficiles à traiter comme la sclérose en plaques (fingolimod, natalizumab).
Limiter les risques de complications, notamment infectieuses, sous traitement modulant l’immunité reste une gageure. Le natalizumab indiqué dans la sclérose en plaques en est une bonne illustration : ce médicament cible un récepteur (intégrine
intégrine
Protéine transmembranaire capable de transmettre un signal de l’extérieur vers l’intérieur d’une cellule.
VLA-4) permettant aux lymphocytes T autoréactifs de passer la barrière hémato-encéphalique
barrière hémato-encéphalique
Barrière physiologique entre la circulation sanguine et le système nerveux central.
pour détruire la gaine de myéline indispensable au bon fonctionnement des neurones. Il accroît parallèlement le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), une complication très rare mais sévère, liée à la réactivation du virus JC préalablement présent, à l’état dormant, dans le système nerveux. D’autres approches, visant à favoriser préférentiellement l’action des lymphocytes T régulateurs pourraient, en conséquence être plus efficace. Des expérimentations utilisant des injections d’interleukine-2 (IL-2, voir plus loin) sont en cours d’évaluation.

Vers un traitement par thérapie cellulaire ?
Les cellules souches mésenchymateuses (multipotent mesenchymal stromal cells) ont la capacité de se multiplier indéfiniment et de pouvoir se différencier en de nombreux type de cellules. Ces cellules souches sont faciles à prélever, à cultiver et à différencier dans le type de cellule souhaité (en adaptant leur milieu de culture) in vitro. De plus, elles ne sont pas ou peu reconnues par les cellules immunitaires effectrices. La greffe autogénique et allogénique est donc plus facilement envisageable à partir de ces cellules qu’à partir de cellules souches hématopoïétiques.
Les cellules souches mésenchymateuses permettraient de régénérer un tissu pathologique comme, par exemple, le tissu articulaire abîmé par les mécanismes auto-immuns et inflammatoires locaux. Elles permettraient également de favoriser un phénomène d’immunomodulation, grâce à l'activité immunorégulatrice qui leur est propre. Ainsi, elles font l’objet de nombreux travaux de recherche dans les pathologies inflammatoires rhumatismales et gastro-intestinales. Le programme européen ADIPOA teste actuellement leur apport dans l'arthrose par injection de cellules issues du tissu adipeux
tissu adipeux
Tissu contenant les adipocytes, cellules spécialisées dans le stockage de la graisse.
.
L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) reste néanmoins une option intéressante pour certaines pathologies. Des études cliniques, notamment conduites en France, ont par exemple permis de les greffer avec succès chez des sujets souffrant de sclérodermie, après prélèvement initial, chimiothérapie forte dose et radiothérapie corporelle, puis réinjection des CSH.

De nouveaux effecteurs du contrôle immunitaire
L’identification des effecteurs de l’auto-immunité permet de disposer de biomarqueurs favorisant à la fois le diagnostic, le développement de nouveaux traitements et le suivi de l’efficacité thérapeutique.
Les autoanticorps peuvent revêtir un rôle crucial dans ce cadre, chacun d’entre eux pouvant offrir une aide diagnostique spécifique d’un phénotype
phénotype
Ensemble des caractères observables d’un organisme.
de maladie. Ainsi, chacun des phénotypes constituant la famille des dermatomyosites semble associé à un type d’autoanticorps particulier. Chacun d’eux pourrait aussi constituer la cible d’un nouveau traitement. Mais la recherche est plus dense concernant les autres médiateurs de l’immunité ou de l’auto-immunité.
Ainsi, dans la grande famille des interleukines, molécules médiatrices des fonctions immunitaires, l’interleukine-2 (IL-2) suscite un nouvel espoir dans la lutte contre les maladies auto-immunes. Connue pour jouer un rôle déterminant dans la réponse aux infections et aux processus tumoraux, l’IL-2 intervient aussi sur la différenciation des lymphocytes T régulateurs et celle des lymphocytes T mémoire. Ces derniers, comme leur nom l’indique, assurent la mémoire de nos défenses en cas de nouvelle exposition à un antigène déjà rencontré. Ainsi, l’IL-2 aurait un rôle actif sur la tolérance immunitaire face aux auto-antigènes. La compréhension de ses fonctions a permis de développer de nouvelles approches thérapeutiques pour combattre les maladies auto-immunes : l’intérêt de l’IL-2 fait l’objet d’études cliniques dans le traitement de la sclérose en plaques, du diabète de type 1, de la sclérodermie ou du syndrome de Sjögren.

Îlot pancréatique infiltré par des Treg (en rose). Les lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+Foxp3+ jouent un rôle majeur dans le contrôle du diabète de type 1, en inhibant les cellules capables de détruire les cellules pancréatiques productrices d’insuline. Chez des souris récemment diabétiques, l’administration de faibles doses d’IL-2 entraîne une rémission de la maladie après seulement 5 jours de traitement chez 60 % des animaux. Un essai clinique devrait être organisé pour étudier le potentiel thérapeutique de cette cytokine dans le diabète humain.

Parallèlement, si les lymphocytes T jouent un rôle prépondérant dans l’auto-immunité, il semble de plus en plus évident que les lymphocytes B jouent un rôle déterminant sur la régulation d’autres effecteurs : celle des lymphocytes T, via la production d’IL-10, et celle des cellules dendritiques qui présentent les antigènes. Les lymphocytes B suscitent donc un regain d’intérêt, parallèlement aux molécules qui les influencent directement, comme BAFF (B cell activating factor), une cytokine qui joue un rôle important pour leur survie.

Enfin, si la plupart des traitements ciblés existant cherchent à contrôler les cascades réactionnelles impliquées dans des interactions entre cellules, d’autres commencent à être développés pour contrer les voies de signalisation intracellulaires activées dans les lymphocytes effecteurs de l’auto-immunité. Parmi elles, la voie de signalisation JAK/STAT est particulièrement intéressante. Elle est étudiée dans la polyarthrite rhumatoïde car elle contrôle la régulation de gènes codant pour des cytokines pro-inflammatoires. Deux inhibiteurs de JAK2 (tofacitinib et baricitinib) font notamment l’objet d’études cliniques actuellement. Ils pourraient constituer les premières molécules ciblant les processus intracellulaires liés à l’auto-immunité, avant d’autres voies pour lesquelles les travaux sont moins avancés (MAP kinases
kinases
Enzyme capable de transférer un groupement phosphate d'une molécule à une autre pour réguler son activité.
, PI3 kinases).
 

Consortium européen PRECISADS : vers une nouvelle classification
Les maladies auto-immunes systémiques (Systemic Autoimmune DiseaseS ou SADS) forment un ensemble de maladies chroniques aux manifestations cliniques diverses. Une même maladie peut aussi se manifester par des symptômes plus ou moins spécifiques, offrant une certaine hétérogénéité à chacune de ces entités.
Pour les scientifiques, cette hétérogénéité s’explique par la classification actuelle, portant essentiellement sur des critères cliniques : selon eux, il est probable que des techniques innovantes de type « omiques » (génomique
génomique
Étude conduite à l’échelle du génome, portant sur le  fonctionnement de l’organisme, d’un organe, d’une pathologie...
, transcriptomique
transcriptomique
Étude des ARN produits lors de l’étape de transcription du génome, permettant de quantifier l’expression des gènes.

, épigénomique, métabolomique, protéomique) puissent apporter une nouvelle classification, reposant sur des anomalies et mécanismes physiopathologiques biologiques communs, pour, in fine, aboutir à de nouveaux traitements, plus spécifiques.
En ce sens, un consortium de recherche, PRECISADS, a été lancé entre 9 pays européens dont la France (avec CHRU de Brest / unité Inserm 1227). Avec le recrutement de près de 3 000 patients, ce projet européen vise notamment à identifier des signatures moléculaires spécifiques qui permettront de mieux classifier, puis traiter les patients. PRECISESADS devrait permettre d’apporter un nouvel éclairage sur l’étiologie des maladies auto-immunes.

 

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Infarctus du myocarde

 

 

 

 

 

 

 

Infarctus du myocarde

Sous titre
Quand le cœur est privé d’oxygène

Communément appelé "crise cardiaque", l’infarctus du myocarde correspond à la destruction partielle du muscle cardiaque, due à l’obstruction d’une artère qui alimente le cœur en sang, et donc en oxygène. Cette situation d’extrême urgence nécessite d’appeler le Samu (15) pour une hospitalisation immédiate. Grâce aux avancées thérapeutiques et à l’amélioration de la prise en charge, la mortalité qui lui est associée a déjà significativement diminué. Et grâce aux travaux de recherche actuellement en cours, d’autres progrès sont à venir.
       
Dossier réalisé en collaboration avec Philippe Gabriel Steg, responsable de l'équipe Maladie athérothrombotique cœur et cerveau, Laboratoire de recherche vasculaire translationnelle (unité Inserm 1148), chef du département de Cardiologie à l’hôpital Bichat, Paris

Comprendre l’infarctus du myocarde
L’infarctus du myocarde est déclenché par l’obstruction d’une artère qui alimente le cœur en sang, et donc en oxygène (artère coronaire
artère coronaire
Artère qui irrigue le muscle cardiaque.
). Privées d’oxygène, les cellules musculaires du cœur meurent rapidement sur une zone plus ou moins étendue. Cela entraîne des problèmes de contraction du muscle cardiaque (le myocarde), se manifestant par des troubles du rythme, une insuffisance cardiaque, voire l’arrêt du cœur.

Quand l’artère se bouche…
Avec l’âge et sous l’influence de divers facteurs de risque, des plaques appelées athéromes, constituées notamment de cholestérol, se forment le long de la paroi des artères. Lorsqu’une de ces plaques se rompt, un caillot sanguin se forme et part dans la circulation. Il peut aller bloquer une artère à différents endroits de l’organisme (cœur, cerveau, membre…), ce qui réduit brutalement le débit sanguin voire l’interrompt totalement. C’est ce que l’on nomme l’ischémie. Si ce phénomène se prolonge, l’hypoxie (manque d’oxygène) induite entraîne la mort des cellules concernées.
Pour en savoir plus, consultez notre dossier Athérosclérose

Environ 12 000 décès par an en France
On compte en moyenne 80 000 infarctus du myocarde par an en France. Environ 10% des victimes décèdent dans l’heure qui suit et le taux de mortalité à un an est de 15%. Grâce aux progrès thérapeutiques, à la vitesse d’intervention du Samu (à condition de l’appeler rapidement) et à la disponibilité accrue d’unités de cardiologie interventionnelle opérationnelles 7j/7 et 24h/24, le taux de mortalité à 30 jours a cependant chuté de 10,2% en 1995 à 2,1% en 2015.

Plusieurs facteurs de risque modifiables
Certains facteurs de risque d’athérome, et donc notamment d’infarctus du myocarde, peuvent être modifiés :
*         le tabagisme
*         l'hypercholestérolémie
*         le diabète
*         l’obésité
*         l’hypertension
*         le stress
*         la sédentarité
Certaines prédispositions génétiques, l’âge (supérieur à 55 ans) et le sexe (masculin) sont d'autres facteurs de risque, évidemment non modifiables.
Les femmes ont quatre fois moins de risque de faire un infarctus que les hommes, avant la ménopause. Mais la proportion de femmes jeunes qui en sont victimes a toutefois tendance à s’accroître, notamment en raison de l'augmentation du tabagisme et de l’obésité dans cette population. Après la ménopause, les risques sont équivalents pour les deux sexes.


Des signes typiques
Compte tenu de l’urgence médicale que constitue un infarctus du myocarde, il est nécessaire de connaître les signes d’alerte : il s’agit d’une douleur aiguë et persistante dans la poitrine, qui irradie le bras gauche, le dos et la mâchoire. Peuvent également survenir un malaise, des nausées, des vertiges.
Un infarctus du myocarde peut être très douloureux, mais pas forcément. Certains sont même silencieux : près d’un quart des infarctus du myocarde ne s’accompagnent pas des signes typiques. Il arrive d’ailleurs qu’un infarctus soit dépisté a posteriori, en raison de la survenue d’une complication.

Face à une situation claire ou ambiguë, il faut immédiatement composer le 15 pour alerter le Samu. Un électrocardiogramme effectué sur place par les équipes de premier secours peut permettre de confirmer le diagnostic d’infarctus.

L’angioplastie, très efficace si très rapide
La seule solution face à un infarctus est de déboucher l’artère le plus rapidement possible après le début des symptômes. Cette "reperfusion" rapide diminue la mortalité et les complications associées à l’infarctus du myocarde. Etant donné l’urgence de la situation, le Samu doit acheminer le patient dans une unité de cardiologie interventionnelle dans les plus brefs délais.
Lorsque le délai prévisible entre le début des symptômes et la prise en charge dans un service spécialisé est inférieur à 90 minutes, ce qui est la plupart du temps le cas en France, le patient bénéficiera directement d'une angioplastie. Cette intervention consiste à dilater les parois de l’artère obstruée à l’aide d’un ballonnet gonflable, afin restaurer la circulation sanguine. Le ballonnet est introduit directement dans l’artère grâce à un cathéter. Elle est suivie de la pose d’un stent : un petit dispositif tubulaire en mailles métalliques placé dans l’artère afin de la maintenir dilatée.
Si le délai de mise en œuvre de l’angioplastie risque de dépasser 90 minutes, le patient peut se voir immédiatement administrer un agent thrombolytique, capable de dissoudre le caillot sanguin obstruant l’artère coronaire. Ce médicament, très efficace, peut toutefois entraîner des hémorragies cérébrales dans environ 1% des cas.


Un traitement médicamenteux complémentaire est également administré pour limiter le risque de complications. En urgence, ce traitement repose le plus souvent sur des combinaisons de médicaments anticoagulants injectables (héparines
héparines
Substance aux propriétés anticoagulantes puissantes.
ou produits similaires) et d’antiagrégants plaquettaires (association de deux antiagrégants plaquettaires oraux avec de l'aspirine et un antiplaquettaire dirigé contre la voie de l’adénosine diphosphate comme le clopidogrel, le ticagrelor ou le prasugrel).

Éviter récidive et complications
Les conséquences d’un infarctus du myocarde sont plus ou moins importantes selon l’étendue de la zone asphyxiée et selon la rapidité de la reperfusion ("débouchage" de l'artère).
L’infarctus modifie les dimensions, l’épaisseur et la géométrie du ventricule gauche (la cavité du cœur depuis laquelle est éjecté le sang partant dans tout le corps). Le risque de mortalité à long terme est associé à l’ampleur de ce "remodelage". L'infarctus peut aussi être source de complications mécaniques, devenues rares à l’ère de l’angioplastie coronaire, mais qui restent très graves : communication interventriculaire, rupture de la paroi libre du cœur, insuffisance mitrale aigue.
L’infarctus peut en outre entraîner une insuffisance cardiaque, et de troubles du rythme cardiaque qui font courir un risque de mort subite.
Enfin, l’infarctus peut se compliquer d’un accident vasculaire cérébral.
Afin d’évaluer ces risques, plusieurs examens peuvent être nécessaires pendant ou au décours de l’hospitalisation : des électrocardiogrammes pour détecter des troubles du rythme, une échographie Doppler pour visualiser le cœur et la circulation, une coronarographie pour observer les artères coronaires, une scintigraphie cardiaque pour évaluer l'irrigation et le fonctionnement du myocarde, une épreuve d’effort pour vérifier les capacités cardiaques du patient.

Voir l’athérome
Une nouvelle technique d’imagerie, la tomographie
tomographie
Technique d’imagerie cérébrale permettant de reconstituer le volume en coupes d’un objet, tel que le cerveau.
par cohérence optique, permet de "voir" les plaques d’athérome à très haute résolution. Elle peut être utilisée avant ou après une angioplastie chez une victime d’infarctus. Elle est aussi utilisée pour suivre l’évolution d’une plaque chez un patient atteint d’athérosclérose coronaire et permet donc de prendre des mesures pour prévenir sa rupture.
Une association de médicaments nommée "BASIC" est prescrite pour réduire les risques de récidive et de complication. Les initiales BASIC correspondent à :
*         Bêtabloquants, pour réduire la pression artérielle et la fréquence cardiaque si  nécessaire
*         Association d’Antiagrégants plaquettaires, notamment l’aspirine, pour empêcher la formation d’un nouveau caillot
*         Statines, pour réduire le taux de cholestérol
*         Inhibiteurs de l’enzyme de conversion, pour lutter contre l’hypertension artérielle et prévenir le remodelage et la dilatation du ventricule gauche
*         Contrôle des facteurs de risque (arrêt du tabac, perte de poids si nécessaire, activité physique et réadaptation physique…)

La vie après un infarctus du myocarde
Après sa sortie de l’hôpital, le patient doit souvent suivre une réadaptation cardiovasculaire, afin de favoriser la récupération des capacités du muscle cardiaque, mais également de permettre l’optimisation des traitements et du contrôle des facteurs de risque. Le bénéfice est physique mais également psychologique. Elle contribue à faciliter la reprise d’une activité professionnelle.
L’année un infarctus qui suit est ponctuée de rendez-vous réguliers chez le médecin généraliste et chez le cardiologue. Par la suite, si tout va bien, les rendez-vous s’espacent. Toutefois, le traitement BASIC doit généralement être poursuivi au long cours. Et le patient doit apprendre à contrôler au mieux ses facteurs de risque modifiables (tabagisme, poids, activité physique …).

Si des troubles du rythme cardiaque persistent malgré un traitement adapté, il peut devenir nécessaire de mettre en place un défibrillateur cardiaque implantable ou un pacemaker sous anesthésie locale. Par ailleurs, si plusieurs artères coronaires sont rétrécies ou bouchées, une angioplastie coronaire complémentaire ou un pontage sur les autres artères peuvent être indiqués. Enfin, en cas d’insuffisance cardiaque grave, la prise en charge peut parfois aller jusqu'à une transplantation cardiaque.

Les enjeux de la recherche

Prévenir l’infarctus
Les stratégies visant à empêcher la formation des caillots sanguins (stratégies antithrombotiques), déjà testées de longue date, n’ont pas dit leur dernier mot : plusieurs groupes continuent à explorer cette voie, notamment ceux de Victor Aboyans (unité Inserm 1094, Limoges), Gilles Montalescot (unité Inserm 1166, Paris) et Philippe-Gabriel Steg (unité Inserm 1148, Paris). Des essais cliniques évaluant divers médicaments ou combinaisons de molécules sont en cours pour améliorer encore les protocoles.
Il en va de même pour les médicaments hypolipidémiants, destinés à abaisser le taux de lipides dans le sang et donc à limiter la formation de plaque d’athérome. L'équipe de Catherine Boileau (unité Inserm 1148, Paris) a identifié une nouvelle cible thérapeutique (PCSK9) dans certaines formes d’hypercholestérolémie familiale : plusieurs essais cliniques évaluent actuellement des inhibiteurs de cette protéine dans l'objectif d'abaisser de façon drastique et prolongée le taux circulant de cholestérol. Deux d’entre eux, dont un coordonné à l'hôpital Bichat par l'équipe de Philippe Gabriel Steg, ont déjà donné des résultats positifs.

Par ailleurs, l’hypothèse du rôle de l’inflammation a été confirmée par un essai clinique montrant l'efficacité d'un traitement anti-inflammatoire - le canakinumab, un anticorps
anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
monoclonal inhibiteur de l’interleukine 1 beta (IL-1β) – dans la prévention de la récidive et des complications cardiovasculaires chez des patients traités pour une athérosclérose. La complexité et le coût de ce produit incitent toutefois à chercher d’autres moyens pour lutter contre l’inflammation vasculaire. Ainsi, des équipes (notamment celle de François Roubilleau au CHU de Montpellier/unité Inserm 1046 et celle de Denis Angoulvant à l'université de Tours) mènent des essais cliniques avec d’autres molécules, telles que la colchicine.


Prédire l’infarctus
On ne sait pas encore pourquoi les plaques d’athérome se rompent. Connaître les causes du phénomène permettrait de mieux prévoir le risque d’infarctus du myocarde (ou autres accidents vasculaires), et peut-être d’empêcher leur survenue. Les chercheurs essaient d’identifier des biomarqueurs indicateurs de ce risque. Ces travaux, toujours en cours, n’ont pour l’instant pas donné de résultat applicable.
Limiter les dégâts de l’infarctus
L’infarctus et ses suites provoquent des phénomènes inflammatoires délétères : ainsi, certains lymphocytes attaquent les tissus concernés. L’équipe de Ziad Mallat (dans l'unité Inserm 970 à Paris et à l'université de Cambridge) teste l'utilisation d'anticorps monoclonaux dirigés contre les lymphocytes B pour tenter de limiter ces dégâts. Un essai clinique est en cours.
… ou de la reperfusion
La reperfusion brutale de l’artère provoque un apport soudain d’oxygène qui augmente la nécrose
nécrose
Mort incontrôlée d’une cellule, entraînant la mort des cellules voisines.
du muscle cardiaque. Paradoxalement, cette intervention qui sauve la vie du patient serait responsable d’une part non négligeable des dégâts sur le muscle. On a montré chez l’animal, depuis une trentaine d’années, que boucher l’artère par brefs à-coups avant un brusque afflux de sang permet de limiter la nécrose. Il s’agit en quelque sorte de "conditionner" le cœur pour le rendre plus résistant. Ce préconditionnement n’a pas de sens en clinique mais est apparu plus récemment (en 2003) que ce phénomène agit même après l’ischémie ayant provoqué l’infarctus. Un tel conditionnement pourrait se pratiquer au moment de l’angioplastie. L'équipe de Michel Ovize (unité Inserm 1060, Lyon) étudie cette approche.

Régénérer le cœur
La cardiologie est un domaine pionnier en thérapie cellulaire. En injectant, le plus tôt possible après un infarctus, des cellules destinées à remplacer les cellules musculaires détruites, des chercheurs tentent de régénérer les zones lésées du muscle cardiaque et, ainsi, d’améliorer sa fonction. Cette voie fait l’objet de nombreux travaux, par exemple dans l'équipe de Patricia Lemarchand (unité Inserm 1087, Nantes), celle de Philippe Ménasché (unité Inserm 970, Paris) et celle de Jérôme Roncalli (CHU de Toulouse), avec des stratégies différentes. Elles sont toujours en cours de développement.

 

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Alcoolisation fœtale : Un organe inattendu entre en scène

 

 

 

 

 

 

 

Alcoolisation fœtale : Un organe inattendu entre en scène

SCIENCE 11.02.2019

Une équipe rouennaise a montré que le placenta constituait un formidable témoin des troubles du neurodéveloppement chez les enfants exposés à l’alcool durant la grossesse. Il recèle un nouveau biomarqueur

biomarqueur
Paramètre physiologique ou biologique mesurable, qui permet par exemple de diagnostiquer ou de suivre l’évolution d’une maladie.
qui permet de repérer des anomalies de l’angiogenèse cérébrale.

Si l’on sait depuis les années 1960 que la consommation d’alcool chez les femmes enceintes peut provoquer des malformations du fœtus, la recherche clinique n’a pas encore permis de déterminer avec précision dans quelles conditions ces troubles pouvaient survenir.
Plusieurs facteurs sont débattus : stade de la gestation, fréquence et quantité d’alcool absorbé, tendance au binge drinking. Mais les effets de l’exposition seront très variables en fonction des individus. Cette incertitude incite hélas les familles à relativiser les risques encourus, même dans les populations sensibilisées. En outre, le slogan "zéro alcool" est parfois perçu comme une injonction exagérée, culpabilisante voire infantilisante.
"Pourtant, il n’existe pas d’effet de seuil pour l’exposition à l’alcool. Il est toxique tout au long du développement, précise Bruno Gonzalez, directeur de recherche Inserm*. Selon les périodes concernées, cette toxicité s’exprimera différemment : c’est ce que l’on appelle la fenêtre de vulnérabilité. Mais ce n’est pas parce que l’on en prend peu qu’il n’y aura pas d’effets." À la tête de l’équipe NeoVasc à Rouen, le chercheur en neurosciences étudie la formation des lésions cérébrales chez les nouveau-nés.

Au-delà du syndrome
La prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
des troubles causés par l’alcoolisation fœtale est élevée (19,8 cas pour 1 000 en Europe selon une méta-étude menée par des chercheurs de l’université de Toronto), et sans doute sous-estimée du fait des difficultés diagnostiques. Seule la forme la plus sévère, le syndrome d’alcoolisation fœtale, est couramment diagnostiquée pendant la grossesse car elle induit des déformations du crâne et du visage observables précocement par échographie. Toutefois, de nombreux enfants victimes de l’alcoolisation maternelle ne seront repérés que vers l’âge de 5-6 ans, à l’école, lorsqu’ils montreront des troubles de l’apprentissage et du comportement (hyperactivité, retards dans l’acquisition du langage, impulsivité...).
Dans ces cas-là, on perd plusieurs années de prise en charge, à une période où le cerveau est très plastique et pourrait récupérer une partie des fonctions lésées. "Sans prise en charge précoce, une part importante des enfants se trouvera en situation d’échec scolaire", regrette Bruno Gonzalez. Cependant, il n’est pas concevable de suivre tous les jeunes pour lesquels il y a eu suspicion d’exposition afin d’intervenir dès les premiers symptômes. Les travaux de l’équipe rouennaise se proposent d’apporter une réponse à ce problème par le développement d’une nouvelle génération de biomarqueurs de l’alcoolisation. "Jusqu’ici, on ne disposait que de biomarqueurs d’exposition, c’est-à-dire d’outils qui permettent de déterminer si l’enfant a été exposé à l’alcool grâce à la détection de composés témoignant de son métabolisme ou de sa toxicité, dans le foie notamment, ajoute le chercheur. Il nous fallait un biomarqueur qui puisse nous informer sur la qualité du neurodéveloppement, ce qui n’existait pas."
En étroite interaction avec le service de pédiatrie du CHU de Rouen dirigé par Stéphane Marret, son équipe a réussi à identifier un biomarqueur dans le placenta qui indique des anomalies de l’angiogenèse cérébrales cérébrale, c’est-à-dire de la formation des vaisseaux qui vont irriguer le système nerveux. "C’est un processus concomitant avec la neurogenèse du point de vue temporel et anatomique. Les vaisseaux ont un rôle de pourvoyeur d’énergie mais également de guide dans la migration de certaines populations de cellules nerveuses", explique Bruno Gonzalez. "En bref, il faut une vascularisation cérébrale correcte pour obtenir un neurodéveloppement correct." À partir d’un certain stade du développement, les chercheurs ont observé que l’angiogenèse avait été altérée chez tous les enfants exposés à l’alcool in utero : les vaisseaux étaient bien présents, mais de manière désorganisée. De même, les cellules nerveuses qui utilisent ces vaisseaux comme guide présentaient des anomalies. Restait à comprendre les mécanismes moléculaires et cellulaires qui préludent à ces altérations.
L’équipe a examiné les familles de molécules qui entrent en jeu dans le contrôle de l’angiogenèse, comme le facteur de croissance
facteur de croissance
Molécule qui favorise ou inhibe la multiplication des cellules.
de l’endothélium vasculaire (VEGF). L’alcool perturbe les récepteurs du VEGF dans le cerveau – notamment le VEGFR1. Or, il est l’unique récepteur d’un autre membre de la famille, le PLGF, ou facteur de croissance placentaire. Ce dernier est très difficilement détectable dans le cerveau, alors qu’il est présent en quantité dans le placenta : et s’il était sécrété dans le circulation sanguine du foetus, jouant un rôle dans l’angiogenèse cérébrale ? L’équipe a ainsi formulé l’hypothèse de l’existence d’une connexion placenta-cerveau qui serait effectivement perturbée par l’alcool. "Chez l’animal, nous sommes allés encore plus loin, nous avons pu démontrer la fonction de ce lien", précise le chercheur.

Placenta et cerveau, même combat
L’examen de placentas alcoolisés et non alcoolisés chez l’Homme et la souris a révélé qu’il y avait bien une relation entre les désordres vasculaires du placenta et ceux du cerveau. Le dosage du PLGF pouvait donc devenir l’indicateur d’une atteinte cérébrale de l’enfant, mais pas seulement : des études sur l’animal ont montré que réprimer ou amplifier l’expression du PLGF permettait de mimer les atteintes provoquées par l’alcool, ou de les corriger. "En plus de disposer d’un biomarqueur, nous avons un outil qui permet d’avoir une action sur les organes, ce qui est complètement nouveau, se réjouit Bruno Gonzalez. Nous avons donc déposé un brevet thérapeutique en complément d’un premier brevet biomarqueur. À présent, dans le cadre d’un troisième brevet, neurologique, nous nous demandons quel est l’impact de l’alcool et du PLGF placentaire sur la maturation et le positionnement de certaines populations de cellules nerveuses. Nous tenterons également de tester si la modulation du PLGF placentaire permet d’agir sur les troubles du comportement induits par l’alcoolisation in utero." Le placenta se révèle encore une fois un organe particulièrement intéressant car, détruit à la naissance, il permet des prélèvements faciles et non invasifs. On peut donc imaginer que cette nouvelle génération de biomarqueurs conviendrait à des stratégies de dépistage néonatal systématique. Reste qu’il faudra poursuivre les politiques de santé publique qui visent à diminuer la prévalence de la consommation d’alcool chez les femmes enceintes.
 
Un article à retrouver dans le prochain numéro du magazine de l'Inserm
 
Note :
*unité 1245 Inserm/Université de Rouen, Génomique
Génomique
Étude conduite à l’échelle du génome, portant sur le  fonctionnement de l’organisme, d’un organe, d’une pathologie...
et médecine personnalisée du cancer et des troubles neurologiques, équipe NeoVasc
Sources :
S. Lange et al. JAMA Pediatrics, 2017 ; doi : 10.1001/jamapediatrics.2017.1919 k
Bulletin of the World Health Organization, 2017 ; 95 : 320-321
S. Jégou et al. Annals of Neurology, 2012 ; doi : 10.1002/ana.23699
M. Lecuyer et al. Acta Neuropathologica Communications, 2017 ; doi : 10.1186/s40478-017-0444-6

 

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Immunothérapie des cancers

 

 

 

 

 

 

 

Immunothérapie des cancers

Sous titre
Agir sur le système immunitaire pour lutter contre la maladie

Alors que les connaissances fondamentales sur l'immunologie des tumeurs ont récemment explosées, une nouvelle approche thérapeutique du cancer prend son essor : l'immunothérapie. Au lieu de s'attaquer directement aux cellules tumorales, l'idée est d'aider le système immunitaire à les reconnaître et les détruire.
Plusieurs stratégies sont d'ores et déjà utilisées dans le traitement de différents cancers, et les recherches en cours devraient permettre d'améliorer et étendre encore les possibilités. Un problème crucial reste toutefois à résoudre : celui de l'identification des patients chez lesquels ces traitements donnent de bons résultats. Sur ce sujet, de nombreuses pistes sont à l'étude, notamment à l'Inserm.
               
Dossier réalisé en collaboration avec Eric Vivier, équipe Cellules innées lymphoïdes, Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (unité 1104 Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université), PU-PH Aix Marseille Université/Assistance publique des hôpitaux de Marseille, directeur scientifique d’Innate-Pharma.

Comprendre l'immunothérapie des cancers
L’immunothérapie est une approche thérapeutique qui agit sur le système immunitaire d’un patient pour lutter contre sa maladie. Dans le cas du cancer, elle ne s’attaque pas directement à la tumeur, mais stimule les cellules immunitaires impliquées dans sa reconnaissance et sa destruction.
L’immunothérapie a connu un boom en cancérologie au cours de ces dix dernières années, en raison de l’explosion des connaissances fondamentales sur l’immunologie du cancer. En effet, cette maladie n’est plus considérée du seul point de vue de la tumeur, mais comme une maladie de l’environnement tumoral et du système immunitaire. C’est en manipulant ces derniers que les cellules tumorales prolifèrent hors de tout contrôle. Et c’est en comprenant comment elles y parviennent que les chercheurs peuvent aujourd’hui proposer de nouvelles solutions thérapeutiques.

Les cellules cancéreuses brouillent les signaux du système immunitaire
Les cellules cancéreuses provenant de l’organisme, certains scientifiques ont longtemps considéré qu’elles devaient échapper à la surveillance du système immunitaire. Des travaux parus dans les années 60 montrent qu’il n’en est rien !
Les cellules cancéreuses présentent de profonds remaniements génétiques qui leur permettent d’acquérir leurs propriétés malignes. Ainsi, elles se mettent à exprimer à leur surface des molécules spécifiques - des antigènes
antigènes
Molécule capable de déclencher une réponse immunitaire.
tumoraux - qui les distinguent des cellules saines et sont capables d’induire des réactions immunitaires. Néanmoins, au fur et à mesure que la maladie progresse, les cellules cancéreuses poursuivent leur transformation et s’adaptent à leur environnement pour l’exploiter à leur avantage et poursuivre leur multiplication. Ainsi, certains antigènes tumoraux immunogènes
immunogènes
Qui induit une réaction immunitaire.
cessent d’être exprimés : ce phénomène permet aux cellules tumorales d’échapper à la surveillance du système immunitaire. Ces cellules se mettent en outre à produire de nouvelles protéines qui inactivent les défenses de l'organisme. Ainsi, le microenvironnement tumoral est généralement immunosuppresseur : il peut empêcher l’arrivée sur place des lymphocytes T, ou leur action. Plusieurs mécanismes de ce type ont été récemment décrits.
L’immunothérapie des cancers a pour but de "réveiller" le système immunitaire et de l’éduquer pour qu'il élimine les cellules cancéreuses. Cette approche se fonde sur l'utilisation de différents outils : vaccination, anticorps
anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
monoclonaux, immunomodulateurs
immunomodulateurs
Médicament qui stimule ou freine le système immunitaire.
...

Les mécanismes clés de la réponse immunitaire antitumorale
Les mécanismes immunitaires mis en jeu dans la réponse antitumorale sont nombreux et complexes. L’un d'eux est fondamental : les cellules dendritiques
cellules dendritiques
Cellules présentatrices d’antigènes responsables du déclenchement d’une réponse immune adaptative.
reconnaissent les antigènes tumoraux et les présentent aux lymphocytes T dans les ganglions lymphatiques afin de les activer. Ces lymphocytes parviennent ensuite dans le microenvironnement tumoral et éliminent spécifiquement les cellules cancéreuses, porteuses de ces antigènes. Cette réponse, dite "adaptative", est assortie d'une réponse "mémoire" qui permet d’améliorer la réactivité du système immunitaire en cas de nouvelle rencontre avec l’antigène tumoral. Mais la réponse antitumorale mobilise bien d’autres types cellulaires : cellules présentatrices d’antigènes, lymphocytes B, cellules Natural killer ou encore molécules d’inflammation comme les cytokines
cytokines
Substance synthétisée par certaines cellules du système immunitaire, agissant sur d'autres cellules immunitaires pour en réguler l'activité.
.
Les différentes approches d’immunothérapie
Stimuler la réponse immunitaire globale
Des molécules solubles participent au fonctionnement du système immunitaire, en particulier les cytokines (famille de molécules comprenant notamment les interleukines
interleukines
Protéine du système immunitaire, servant de messagers entre les cellules qui le composent.
et les interférons). Synthétisées par certaines cellules en réponse à un signal, elles agissent à distance sur d'autres cellules pour en réguler l'activité et la fonction. Augmenter le nombre ou l’action de ces molécules est une stratégie utilisée pour renforcer la réponse immunitaire. Deux types de cytokines sont déjà utilisées dans ce but :
*         les interleukines 2 (IL-2), dans le cancer du rein avancé
*         l’interféron alpha 2b, certaines leucémies et myélomes, ainsi que dans des mélanomes
Les interleukines 2 présentent toutefois une toxicité importante, avec des syndromes inflammatoires sévères. Mais un laboratoire développe actuellement des IL-2 légèrement modifiées ("pégylées"), afin de réduire leurs effets indésirables sans altérer leur efficacité. Ces dernières sont très prometteuses avec plusieurs essais cliniques en cours dans plusieurs cancers.
Un autre moyen de stimuler la réponse immunitaire globale est l’utilisation de vaccins, notamment celle du BCG (vaccin antituberculeux). Son administration à des patients atteints de cancer de la vessie est associée à une réponse antitumorale prolongée sans que le mécanisme soit clairement identifié à ce jour. Il possède d'ailleurs une indication contre ce cancer en tant qu’agent thérapeutique.
Bloquer des signaux tumoraux spécifiques
Bloquer des protéines spécifiques à la surface des cellules cancéreuses ou dans leur microenvironnement permet de freiner les interactions entre les deux et, ainsi, la croissance tumorale. Plusieurs types d’anticorps monoclonaux peuvent être utilisés dans ce but, sous réserve que le patient présente bien la protéine ciblée au sein de sa tumeur.
Développés et utilisés depuis plus de vingt ans, ces anticorps monoclonaux se fixent sur des récepteurs spécifiques sur les cellules tumorales ou du micro-environnement, et inhibent leur activité. Le premier d’entre eux fut le rituximab indiqué dans certains lymphomes
lymphomes
Cancer du système lymphatique qui se développe aux dépens de lymphocytes.
. Cet anticorps monoclonal est dirigé́ contre la protéine CD20 exprimée par les lymphocytes B. Il produit un effet toxique sur ces cellules. Le trastuzumab est un autre anticorps, dirigé contre la protéine HER2 exprimée à la surface de des cellules de certains cancers du sein (environ 15%). Il bloque l’action de ce récepteur membranaire et inhibe la croissance tumorale. Le bevacizumab cible quant à lui la protéine VEGF et inhibe son action. Il s’agit d’un facteur de croissance
facteur de croissance
Molécule qui favorise ou inhibe la multiplication des cellules.
vasculaire, impliqué dans des cancers du poumon, du sein ou encore du côlon. Il en existe bien d’autres encore.
Plus récemment, des anticorps bispécifiques sont apparus. Ils reconnaissent deux molécules différentes à la fois et peuvent donc rapprocher deux types cellulaires, notamment une cellule cancéreuse et un lymphocyte T capable de la détruire. C’est par exemple le cas du blinatumomab indiqué dans le traitement des leucémies aiguës lymphoblastiques.
Certains anticorps monoclonaux sont appelés immunomodulateurs : ils lèvent les mécanismes d’inhibition du système immunitaire induits par la tumeur. Ainsi, l’ipilimumab bloque l’interaction moléculaire CTL4A/B7 entre les cellules dendritiques et les lymphocytes T qui bloque la réponse immunitaire. D’autres anticorps, dont le pembrolizumab ou encore le nivolumab, bloquent l’interaction PDL1/PD1 entre les cellules tumorales et les lymphocytes T qui rend les premières invisibles aux yeux des seconds. Ces mécanismes sont communs à plusieurs cancers et ces traitements récents ont des indications dans déjà sept types de cancers : poumon, rein, vessie, tête et cou, mélanome
mélanome
Tumeur maligne de la peau.
, maladie de Hodgkin et maladie de Merkel. Ils sont actuellement évalués dans de nombreux autres cancers. Injectés par voie sanguine, ces médicaments sont ont une action systémique sur les tumeurs primaires et les métastases. Mais en activant ainsi la réponse immunitaire, ces traitements ne sont pas dénués d’effets indésirables : ils sont en particulier associés à des réactions auto-immunes contre des cellules saines de l’organisme. En outre, le pourcentage de patients répondants est assez faible, de 20% à 40% selon les cancers. Mais des réponses remarquables et prolongées sont parfois observées chez des personnes atteintes de cancers avancés métastatiques.
Armer le système immunitaire contre la tumeur
*         La thérapie cellulaire et les cellules CAR-T
Une stratégie consiste à modifier génétiquement des cellules immunitaires du malade pour les armer contre la tumeur. Elle combine thérapie génique et thérapie cellulaire. Concrètement, des lymphocytes T sont prélevés dans le sang du patient et modifiés in vitro pour conduire à l'expression de récepteurs spécifiques à leur surface, qui reconnaissent un antigène tumoral. Une fois modifiées, ces cellules appelées CAR-T (pour Chimeric Antigen Receptor-T Cells), sont multipliées en laboratoire et réinjectées en grande quantité dans l'organisme du patient où elles partent détruire les cellules cancéreuses. Cette stratégie a connu un essor en 2017, avec la mise sur le marché de deux médicaments. L’un est indiqué dans les leucémies de l’enfant et du jeune adulte (avec 70% de réponses environ) et l’autre dans des lymphomes chez l’adulte.  Malheureusement, les résultats des essais sur les tumeurs solides sont assez décevants. Par ailleurs, la difficulté́ de fabriquer ces agents de façon sûre et efficace pour des dizaines de milliers de patients n’est pas résolue.
A lire aussi sur les cellules CAR-T
*         Les vaccins thérapeutiques
Le but de la vaccination thérapeutique est de stimuler et de diriger le système immunitaire spécifiquement contre les cellules cancéreuses, en lui présentant un antigène tumoral capables de déclencher une réaction immunitaire efficace. Ces vaccins anticancers sont personnalisés et adaptés à la tumeur du patient, selon son profil moléculaire. Plusieurs d’entre eux sont à l’essai, mais un seul est aujourd’hui commercialisé : le Sipuleucel-T, contre le cancer de la prostate. Pour cette approche, il est nécessaire de prélever des cellules dendritiques du patient à partir d’un échantillon sanguin. In vitro, elles sont mises en présence d’un antigène tumoral retrouvé dans 95% des cancers de la prostate (la phosphatase acide prostatique). Réinjectées dans l'organisme du patient, elles présentent cet antigène aux lymphocytes T pour déclencher une réponse cytotoxique
cytotoxique
Qui a un effet toxique sur les cellules.
contre les cellules cancéreuses. L’opération doit être renouvelée à trois reprises, à deux semaines d’intervalle.
Cette approche nécessite que le système immunitaire ne soit pas "verrouillé" par la tumeur. Si c’est le cas, une association avec un immunomodulateur doit être envisagée pour lever cette inhibition.
La vaccination anti-cancer présente un atout majeur : elle permet de déclencher une réponse immunitaire "mémoire" qui devrait théoriquement protéger le patient contre une rechute.

L’immunothérapie concerne bien d’autres domaines thérapeutiques
L’immunité est impliquée dans le contrôle de nombreuses maladies et l’immunothérapie est déjà utilisée dans plusieurs domaines :
*         Les maladies infectieuses bien sûr, avec les vaccins préventifs qui consistent à éduquer le système immunitaire pour qu'il soit en mesure de reconnaitre et d'éliminer un agent infectieux avant qu'une infection réelle se déclare. Cette vaccination met en jeu les lymphocytes mémoires, qui protègent durablement les personnes vaccinées. En outre, des premiers essais impliquant des immunomodulateurs ont produit des résultats encourageants contre le VIH. Des récepteurs inhibiteurs PD-1 ont en effet été décrits à la surface des lymphocytes T chez les malades du sida, et la levée de cette inhibition par des anticorps anti-PD-1 améliore la réponse antivirale.
*         Les maladies inflammatoires allergiques ou auto-immunes, correspondant respectivement à la perte de contrôle de la réaction immunitaire en cas d’exposition à un allergène ou à des cellules du soi. Les allergies se traitent déjà par immunothérapie (désensibilisation), en habituant le système immunitaire à tolérer un allergène par administration progressive de ce dernier. Le traitement des maladies auto-immunes fait également appel à une modulation du système immunitaire, grâce à des immunosuppresseurs ou des anticorps monoclonaux (anti-TNF alpha, anti-IL-1, anti-IL-6, anti-IL-12/IL-23...).
*         Les maladies neurodégénératives, et notamment la maladie d’Alzheimer. Plusieurs essais ont récemment fait appel à des anticorps monoclonaux ou à la vaccination thérapeutique pour favoriser l’élimination du peptidepeptideEnchaînement d’acides aminés. L’assemblage de plusieurs peptides forme une protéine.

bêta amyloïde, malheureusement sans succès. Mais ses travaux suggèrent un rôle de l’inflammation et de l’immunité dans l’apparition de cette maladie. Cibler le système immunitaire deviendra probablement une nouvelle stratégie pour lutter contre elle.



Les enjeux de la recherche
Mieux comprendre la réponse immunitaire antitumorale
Beaucoup de travail reste à effectuer pour continuer à décrire l’immunité anticancer. Des équipes travaillent par exemple sur les lymphocytes T CD4. Cette population de lymphocytes n’a pas d’action directe sur les cellules cancéreuses, mais elle libère des molécules messagères de coopération cellulaire, favorisant la destruction des cellules cancéreuses.
A lire aussi sur ce sujet : Lionel Apetoh : Nous faisons le pari d’une nouvelle voie d’immunothérapie anticancéreuse
D’autres travaillent sur les chimiokines. Ces molécules attirent les cellules immunitaires vers les tissus inflammatoires et les tumeurs, mais elles peuvent être dégradées par des enzymes qui limitent ainsi l’afflux des lymphocytes T. Par exemple, la chimiokine CXCL10 est dégradée par l’enzyme dipeptidylpeptidase 4 (DPP4) en cas de cancer. Des travaux précliniques montrent que la prise orale d’un inhibiteur de DPP4 ralentit le développement de plusieurs types de cancers chez la souris. Et l’association de cet inhibiteur avec un immunomodulateur accroit encore cet effet.
Enfin, plus de 300 récepteurs inhibiteurs ou activateurs du système immunitaire ont été identifiés à la surface des cellules immunitaires, modifiant l'activité de celles-ci en réponse à différents signaux. L’objectif est de comprendre toutes les étapes de ces cascades biologiques pour développer de nouveaux médicaments d’immunothérapie.

De nouveaux immunomodulateurs à l’essai
D’autres immunomodulateurs sont à l’étude, dont le monalizumab qui cible le NKG2A. Ce récepteur inhibiteur est présent à la fois à la surface des cellules NK et des lymphocytes T. En bloquant ce seul point de contrôle, le monalizumab restaure simultanément l’action des deux types cellulaires. Ce médicament est en cours d’évaluation en association au cetuximab, une thérapie ciblée contre le cancer de la tête et du cou.
Prédire la réponse aux immunomodulateurs
Seulement 20% à 40% des patients répondent aux immunomodulateurs. Plusieurs projets sont en cours pour tenter de comprendre pourquoi et pour identifier des facteurs prédictifs de la réponse à ces traitements. Les premiers résultats montrent que des tumeurs génétiquement instables avec un fort taux de mutations, ou encore les tumeurs fortement infiltrées en lymphocytes T sont plus vulnérables à l’immunothérapie.
L’intelligence artificielle est également mise à contribution, notamment à l’Inserm, pour découvrir des signatures biologiques de la réponse à ces traitements en combinant les données génétiques, biologiques et d’imagerie de la tumeur.
D’autres travaux portent sur la flore intestinale, largement impliquée dans l’immunité de chacun. Sa composition est associée à la réponse aux immunomodulateurs et des chercheurs Inserm travaillent sur un test prédictif de réponse à l’ipilimumab en fonction de la composition de la flore intestinale. Ce travail permet en outre d’envisager une modulation de la flore, pour restaurer l’effet antitumoral de l’immunothérapie chez les non répondeurs.

Identifier les patients répondeurs, une nécessité économique
Identifier les patients qui répondent aux traitements d’immunothérapie est une nécessité absolue. Il en va de l’efficacité de la prise en charge et de l’éthique, en évitant des pertes de chances pour le patient et des effets indésirables inutiles. Mais c’est également une nécessité économique. En effet, les nouveaux traitements sont vendus à des prix très élevés. Un traitement complet par Sipuleucel-T coûte environ 89 000 euros. Le coût d'un traitement par cellules CAR-T varie de 328 000 dollars à 420 000 dollars par patient. Avec les immunomodulateurs, on est autour de 75 000 euros par an et par malade. Ces coûts posent évidemment des problèmes d’accès et de prise en charge par les assurances, en particulier parce qu’ils ne sont efficaces que chez une fraction des patients et qu'ils n’apportent pas toujours un bénéfice majeur.

Des cellules CAR-T standardisées
Développer un traitement individualisé par des cellules CAR-T pour chaque patient est un processus long et complexe. Des chercheurs expérimentent le transfert de lymphocytes provenant de donneurs sains, et non du patient lui-même, portant des antigènes tumoraux fréquemment rencontrés. Ces cellules "standardisées" pourraient être produites à l’avance et seraient disponibles à tout moment. Un premier essai clinique, débuté en 2016, teste actuellement cette stratégie chez des enfants atteints de leucémie aiguë lymphoblastique à précurseurs B (LAL-B).

De nouveaux vaccins thérapeutiques attendus
Plusieurs vaccins thérapeutiques sont en cours d’essais cliniques. Une équipe Inserm a par exemple développer un vaccin thérapeutique anticancer universel (UCPVax pour Universal Cancer Peptide) : l'approche consiste à injecter dans le sang des patients des fragments de télomèrase, une protéine fortement exprimée par les cellules cancéreuses. Ces fragments de protéine déclenchent une réaction immunitaire qui stimule spécifiquement les lymphocytes T CD4, chefs d’orchestres de la réponse antitumorale. Ce vaccin est testé en association avec un anticorps anti-PD1 dans le cancer du poumon non à petites cellules au stade métastatique (essai de phase II).
A terme, les cliniciens envisagent de combiner les immunothérapies entre elles et avec d'autres traitements (chimiothérapie, thérapie ciblée ou encore radiothérapie). En 2018, une association chimiothérapie/anticorps anti-PD-1 a par exemple obtenu une autorisation de lise sur le marché dans le traitement du cancer du rein avancé.

 

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